L`Accroche-cœur - Compagnie Sarah Pèpe

Transcription

L`Accroche-cœur - Compagnie Sarah Pèpe
L’Accroche-cœur
(Montage à partir des textes de Bernard Friot)
Nous vous présentons ici la moitié de la pièce. Si vous êtes intéressés par cette adaptation, contactez-nous et c'est
avec plaisir que nous vous ferons parvenir la version intégrale.
PERSONNAGES :
Béatrice
Caroline
La famille Durand :
La mère
Emilie
Nadia
Claire
Louisa
Olivia
Julie
La classe :
Maîtresse 1
Maîtresse 2
3 élèves
Devant le rideau.
BEATRICE : Alors, là, je n'en reviens pas ! Je n'arrive toujours pas à le croire !
Vous ne savez pas ce qui m'arrive ? C'est simple : j'hallucine, les bras m'en tombent,
les mots me manquent, je défaille…
CAROLINE : C'est plus fort que toi, hein, faut toujours que tu en fasses des tonnes.
Faut toujours que tu crées du mystère, là où tout est limpide, clair comme de l'eau de
roche. Faut toujours que tu introduises des zones d'ombre, des espaces cachés….
BEATRICE : Ah, mais pardon : là, tu te trompes complètement. Ce qui m'arrive est
véritablement EX-CEP-TION-NEL !! Même toi, tu ne le croirais pas !
CAROLINE : Te fatigue pas : je le crois pas !
BEATRICE : Ce que tu peux être prosaïque ! Ce que tu peux manquer de poésie.
Tiens, tu sais quoi : tu me fais bailler d'ennui !
CAROLINE : Baille, baille, je t'en prie ! Occupe-toi la bouche. Pendant ce temps, tu
ne débites pas d'inepties.
BEATRICE : Va-t-en ! Tu me gâches le plaisir.
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CAROLINE : Ben, non, sois pas vache, je veux savoir maintenant. T'as tout fait pour
éveiller ma curiosité et maintenant tu me congédies sans plus de façons. C'est pas
juste !
BEATRICE : Tu permets que je reprenne un peu plus haut ? Tu m'as un peu
refroidie, là. Je me sens toute molle. Va falloir que je fasse un peu chauffer
l'enthousiasme ! Pousse-toi !
Elle se prépare.
C'est incroyable ! Alors, là, je n'en reviens pas ! Je n'arrive toujours pas à le croire !
Vous ne savez pas ce qui m'arrive ? C'est simple : j'hallucine, les bras m'en tombent,
les mots me manquent, je défaille…
CAROLINE : Je t'écoute.
BEATRICE : C'est MOI qui possède l'accroche-cœur !!!
CAROLINE : Le quoi ?
BEATRICE : L'accroche-coeur. Regarde !
CAROLINE : Ben quoi ? C'est une télécommande ! Tu as volé ça dans le salon de
tes parents et tu t'es fait ton cinéma habituel.
Tu n'as rien trouvé de mieux pour épater la galerie ?
Tu sais quoi ? Tu me déçois ! Je dirai même plus : tu me fais pitié ! Quand je pense
que j'ai failli perdre mon temps précieux…
BEATRICE : Non, mais quel manque affligeant de culture. C'est un objet magique !
T’as pas lu Harry Potter ? Tu dois être la seule à ignorer que derrière la triste réalité,
se cache un univers fantastique, rempli de sorcelleries et d’objets magiques. Et bien,
moi, j’en possède un !
CAROLINE : Un objet magique ? C'est ça, c'est ça ! Et moi, je suis Napoléon !
BEATRICE : Ma pauvre amie. Tu es consternante d'ignorance. Allez, va, je vais être
gentille une fois de plus : je ne voudrais pas te laisser mourir idiote.
Ecoute : lorsque tu orientes l’accroche-cœur vers le cœur d'un individu, et que tu
appuies sur cette jolie touche rouge, tu as immédiatement accès à ses pensées, ses
désirs, ou ses rêves du moment !
CAROLINE : Non ?
BEATRICE : Si !
CAROLINE : Oh, là ! Mais tu sais que tu commences à m'intéresser, toi !
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BEATRICE : Ah, tu vois ! Avoue-le : ça t'impressionne !
CAROLINE : Attends, attends ! Je n'ai pas encore dit que je te croyais. Moi, je suis
un peu comme Saint-Thomas : je demande à voir.
BEATRICE : Pas de problème. Mais d'abord, installons le décor.
Rideau !!!
La scène est divisée en deux : côté école, côté maison (salle à manger).
BEATRICE : Tiens, voici les deux lieux principaux dans la vie d'un enfant : l'école
et la maison. Si tu le veux bien nous voyagerons de l'un à l'autre, au gré de nos
envies. Par où veux-tu commencer ?
CAROLINE : La classe.
Dans la classe.
L'INSTITUTRICE : Silence…chhhhhhttttttttttt !!! Silence !!!!!!!!!!
SILENCE !
Prenez vos cahiers ! Stylos ! Exercice 6, page 23 !
Taisez-vous ! Travaillez ! Silence ! Chhhhhhhhhhttttttttttt ! SILENCE !
BEATRICE : Regarde ces deux élèves ! J’appuie ?
CAROLINE : Tu parles !
ELEVE 1 : Ce serait bien si les boucles d’oreilles en forme de serpents de
la maîtresse se transformaient vraiment en serpents. Des serpents vivants qui lui
mordraient le cou ou se glisseraient dans son corsage. Mais ce serait bien qu’elle ne
meure pas tout de suite, qu’elle se mette d’abord à hurler, à arracher ses vêtements
comme si elle brûlait vive. Peut-être qu’après elle oublierait les exercices ...
ELEVE 2 : C'est la quarante-septième fois qu'elle hurle aujourd'hui !
J'ose à peine respirer ! Je vais étouffer ! Si elle continue, elle va me transpercer la
tête, je le sens, ça va éclater comme une fusée.
Moi, ce que j’aimerais, c'est lui dire :
Silence ! Chhhhhhhhtttttttttt ! SILENCE ! Laissez-nous travailler !
L'institutrice reste bouche bée.
Voilà, c'est bien. Comme ça tu ressembles à un poisson. Ouvre la bouche, ferme la
bouche. Tu serais presque belle dans un aquarium, à produire ici ou là quelques
bulles !
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En tous cas, si tu continues à te taire, je vais pouvoir finir tranquillement mon devoir
de mathématiques ! Et j'aurais peut-être même le temps de commencer mon devoir de
français !
Surtout ne pas rompre l'équilibre ! Chhhhhhhhhhtttttttttttttt !!!!!!!
L'institutrice s'effondre sur son bureau.
BEATRICE : Alors, ça te plaît ?
CAROLINE : Tu parles !
BEATRICE : Tu es pleinement convaincue, maintenant ?
CAROLINE : Ouais, ouais, j’avoue que tu m'impressionnes ! On continue ?
BEATRICE : Ecole ou maison ?
CAROLINE : Changeons un peu : maison !
BEATRICE : Comme tu voudras. Eh, bien, je te propose que nous allions chez cette
élève. Elle s'appelle Emilie Durand. Elle vit avec son père, sa mère et ses cinq soeurs,
Nadia, Olivia, Louisa, Claire et Julie qui sont plus âgées qu’elle…
CAROLINE : Qu'est-ce qu'elle fait ? On dirait qu'elle s'apprête à faire une bêtise…
EMILIE : Aujourd'hui, c'est le 14 Février, le jour de la Saint-Valentin. La fête des
amoureux, quoi ! Ma sœur Nadia et son petit ami Fabien roucoulent encore plus fort
que d'habitude.
J'ai bien envie de les écouter. Mieux, je vais prendre des notes. Qui sait, cela pourrait
me servir…Moi, aussi un jour, j'aurais l'âge de roucouler…
FABIEN : Nadia, ma colombe, ma caille, ma poulette, ma petite friandise, ma glace à
la vanille et aux raisins gonflés de rhum de la Jamaïque, ma confiture de myrtille pur
fruit, pur sucre, ma mousse à raser mentholée, ma table à repasser super-performante,
tu peux me passer mes chaussettes qui sont juste à côté de
toi ?
NADIA : Fabien, mon chou, mon canard en sucre, mon chocolat au lait, mon yaourt à
la fraise, mon camembert 45 % de matière grasse, mon dentifrice ultra-protection,
mon baladeur programmable, mon congélateur adoré deux cent vingt-cinq litres,
viens les chercher toi-même !
FABIEN : Ma violette adorée, ma croquette au bœuf pour chien, ma petite farine de
blé type 55, ma cafetière filtre programmable, ma jolie galette de Bretagne pur
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beurre, tu vois bien que je suis tout mouillé et que je vais dégueulasser la moquette,
allez, file-moi mes chaussettes, tu vas pas en crever !
NADIA : Mon petit lot de sacs-poubelle, mon grille-pain à thermostat réglable, mon
mignon ravioli à la sauce tomate, mon casque hyperfréquence sans fil, mon gros
sachet de frites précuites surgelées, compte là-dessus et bois de l'eau fraîche, je ne
suis pas ta bonne, alors dém…-toi.
BEATRICE : Regarde Emilie : elle a l'air toute chose ! J’appuie !!
EMILIE : Oh, la, la, ça a complètement dérapé ! Pas la peine de noter : le
vocabulaire de ces deux-là, je le connais par cœur.
Je suis un petit peu déçue, quand même, mais rassurée aussi.
C'est vrai quoi : finalement, parler d'amour, ce n'est pas si compliqué que ça.
Claire entre pour faire ses devoirs.
EMILIE : Tu es amoureuse, toi ?
CLAIRE : Non, mais de quoi je me mêle ? Va dans ta chambre. J’ai du travail, moi !
Elle rêve.
CAROLINE : Elle l’est ou elle ne l’est pas ?
BEATRICE : Attends : laisse-moi chatouiller la touche rouge.
CLAIRE : Les autres, ils ont des petits amis.
Moi, j’ai Paul. Je le connais depuis la maternelle, mais avant c’était comme s’il
n’existait pas. Maintenant, c’est tout le contraire. Je pense à lui sans arrêt. Même la
nuit, quand je dors. Paul, c’est mon grand ennemi.
Je le déteste. Je le trouve moche, archilaid, affreux à faire peur, avec ses cheveux
bruns et ses grands yeux hyper-bleus, comme le produit qu’on verse dans les waters.
Tous les jours, je lui envoie des petits mots. Mais pas des mots doux.
Des mots durs : « grosse soupière, reste dans ton buffet ! « Ou bien : « sale limace,
arrête de baver sur mes salades. « Il me répond sur du papier à lettres vert épinard,
parfumé à l’eau de Javel et décoré de têtes de mort.
Quand on est en rang, je me mets derrière lui pour lui faire des croche-pieds dans
l’escalier. Lui, il me pince les mollets en tournant trois fois. Ca fait mal.
C’est la première fois que je déteste comme ça. Je le détesterai toute ma vie, j’en suis
sûre. Même dans dix ans, même quand je serai grande ! Mais lui, est-ce qu’il pensera
encore à moi ? Jeudi dernier, à la récré, il s’est bagarré avec Julie. Il lui a tordu le nez
en criant, devant tout le monde :
« Je te déteste ! Je te déteste ! »
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J’étais morte de jalousie, mais j’ai fait semblant de ne rien entendre. Il aurait été trop
content. Pour me venger, je l’ai laissé tranquille quand on est rentré en classe. Je lui
ai même souri, pour lui faire croire que je ne le détestais plus. Et pendant le cours de
math, j’ai envoyé un billet à Frédéric, qui est assis à côté de lui. J’ai écrit : « Frédéric
poubelle, tu es le roi des ordures ! « J’ai fait exprès de mal viser et le billet est tombé
sur sa table. Il l’a vu, bien sûr, et il est devenu tout pâle.
A la sortie, il m’a couru après. J’ai couru aussi, mais il m’a attrapée par le bras et il
m’a enfoncé ses ongles dans la main. Je ne me suis pas défendue. Ca l’a rendu fou de
jalousie. Et il a crié :
- Dis-le moi, dis-le moi que tu me détestes !
Moi, bien sûr, j’ai hurlé plus fort que lui :
- Moi, je ne t’ai jamais détestée. Au contraire, je t’aime, je t’aime !
Il ne m’a pas répondu. Il m’a tourné le dos. J’ai bien vu qu’il pleurait. Alors je lui ai
donné un coup de pied dans les fesses.
Pour le consoler.
CAROLINE : Ah, amour, quand tu nous tiens !
BEATRICE : C’est plus de l’amour, c’est de la rage !
Oh, regarde : une nouvelle maîtresse ! Dis-donc : on dirait que le rêve de l’élève de
tout à l’heure s’est réalisé !
Dans la classe :
LA MAITRESSE : Bonjour les enfants. Je me présente : je suis mademoiselle
Durand.
BEATRICE : Regarde la tête de celle-là ! On y va !
A SUIVRE…
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