Galileo Galilei , Giordano Bruno,Karl Marx Et Le Vatican
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Galileo Galilei , Giordano Bruno,Karl Marx Et Le Vatican
Dr Ali KILIC Paris le 23 octobre 2009 Galileo Galilei , Giordano Bruno,Karl Marx Et Le Vatican Dédié à Sevê Evîn Cicek Le Vatican réhabilite Marx, selon The Times mais qui va réhabiliter le Vatican face aux crimes qu’il a commis contre Galileo Galilei , Giordano Bruno et les autres ? c’est la question fondamentale de la philosophie du crime. L’Osservatore Romano, le quotidien officiel du Saint-Siège, affirme que "les premières critiques de Marx au capitalisme avaient mis en évidence l'aliénation sociale vécue par une grande partie de l'humanité qui était exclue tout comme elle l'est aujourd'hui d'ailleurs - des processus de décision économiques et politiques". L'auteur du Manifeste du Parti communiste, mort en 1883, s'ajoute ainsi à la longue liste des personnages historiques réhabilité après avoir été mises à l'index par l'Eglise catholique, comme Galilée, Darwin et, récemment, Oscar Wilde. Le journal, qui est publié sous l'approbation du Pape, continue en affirmant que l'oeuvre de Marx est encore aujourd'hui d'une grande importance, dans un moment où l'humanité "cherche une nouvelle harmonie" entre ses besoins et l'environnement naturel. Le quotidien observe toutefois que "rien n'a nui davantage aux intérêts du philosophe Marx que le marxisme". Malgré cela le Vatican reste , l’ennemi juré de la Science, des scientifiques qu’il a pendu comme Bruno Giordano, Michel Servet et Luculio Vanini. Le 17 février 2007 dans mon article avec la sociologue Sevê Evîn Cicek nous avons posé les questions suivantes ? -Pourquoi ont ils brûlé Giordano Bruno Michel Servet, Luculio Vanini? Pourquoi ont 1 ils brûlé, Metin et de, Nesimi Cimen et les autres intellectuels de Sevastia Qocgiri ? La question de la philosophie de résistance humaine nous a préoccupé pendant toute notre vie. Face à la résistance humaine contre l’injustice sociale, nous avons de points communs avec Giordano Bruno ; Michel Servet et Lucilino Vanini et nos amis, nos frères sans oublier les amis d’EVIN CICEK qui ont été brûlés à Sevastia par l’Etat turc, les criminels ne sont pas jugés. Au fond c’est l’Etat Turc et ses représentants qui ont commis des crimes contre l’humanité à Sevastia-Qoçgiri. C’est pourquoi nous prendrons ensemble cette tragédie de l’existence humaine de Prometheus jusqu’à nos jours. Il y a 409 ans le 17-02-1600 Giordano Bruno, est brûlé à Rome. Pour nous les écrivains du Kurdistan, Dersim-Qoçgiri, la condamnation à mort de Giordano Bruno, inacceptable et inimaginable ,elle représente un problème humain et philosophique. J’avais déposé les roses rouges devant le buste du grand savant Giordano Bruno à Rome qu’ il était supplicié sur le bûcher installé sur le Campo Dei Fiori .J’ai commencé à pleurer . Je ne pouvais expliquer le sens de l’amertume, du lien profonde entre Giordano Bruno, Michel Servet, Lucilino Vanini et les nôtres, nos martyrs de Qoçgiri de Dersime, et de ceux et de celles sont brûlés à Sévastia avec la bénédiction de l’Etat colonialiste turc qui interdit encore en 2009 Charles Darwin Il bruma sans cesse sur Rome de Caesar, de Brutus, de Memnius, de Cato, de Virgilius, et de Titus Lucretius Carus, je pleurais non seulement pour Giordano Bruno, pour les partisans de Spartacus crucifiés sur la via Appia, pour Lucilio Vanini, pour Michel Vernet mais aussi pour ceux ou celles qui ont été brûlés á Sevastia Qocgiri dans l’Hôtel de Madimak, le 2 juillet 1993 mon ami le grand philosophe, peintre Metin Altiok et parmi amis chanteurs populaires, Nesimi Çîmen, continuateur de la voie Ehl i Heq , Doctrine Raa Gewre, de Hallac î Mansur et Şems î Tebrizî. C’est pourquoi dans un premier temps je veux parler de mes amis, du philosophe poète Metin Altiok et de, et du chanteur populaire Nesimî Cimen , combien de fois je l’ai invité chez à Constantinople,à Kadirga, et puis de Michet Servet et de Bruno Giordano, enfin Lucilio Vanini. Dans les rues de Rome, que je connais son histoire par coeurs, j’ai traversé le Tiber en face de lieu de détention de Giordano Bruno.J’ai pensé à lui, j’ai pensé à la musique de Nesimi et la danse du fleuve Tiber à travers de Rome avec toutes mystères cachées du grandeur de Rome où Giordano Bruno est brûlé au marché des fleurs je pense à Bruno et à Taranta Babu. « L’arbre qui donne des grenades une fois par an/peut en donner mille 2 fois plus. Si grand, si beau est notre monde /et si vaste, si vaste, le bord des mers » Pourquoi ont ils brûlé Giordano Bruno? Filippo Bruno naît en janvier 1548 à Nola, bourgade proche de Naples, d'un couple de gentilshommes sans titre. La famille dispose de revenus modestes, c'est donc l'école la plus proche qui lui donne une instruction. Imprégné d'humanisme, d'auteurs classiques, d'étude de la langue et de la grammaire latine, il restera toutefois marqué par le pédantisme qui accompagne l'enseignement, et le rebute. Il part rejoindre l'université publique, à Naples, ou il découvrira la mnémotechnique, l'art de la mémoire, qui constituera rapidement l'une de ses disciplines d'excellence. Il prend aussi des cours particuliers, qui le mettent au cour des débats philosophiques entre platoniciens et aristotéliciens. Sa culture, alors essentiellement humaniste, va s'enrichir d'un apport théologique déterminant. En effet, il entre le 15 juin 1565 chez les Frères prêcheurs de San Domenico Maggiare, prestigieux couvent dominicain, d'une part pour la qualité des titres qu'il attribue, titres incontestés et réputés dans toute l'Italie, d'autre part parce qu'il est un précieux refuge en ces temps de disette et d'épidémie. Il y rencontre Giordano Crispo, maître en métaphysique, auquel il rend hommage en en adoptant le prénom. Il est alors un dominicain modèle, vivant selon la devise verba et exempla (par le verbe et par l'exemple) et ordonné prêtre en 1573. Il devient Lecteur en Théologie en juillet 1575. S'il semble continuer sa carrière de dominicain modèle (il soutient une thèse sur la pensée de Thomas d'Aquin et de Pierre Lombard), Bruno dissimule en fait une rébellion contre le carcan théologique. Au fil des années, il a su se forger une culture éclectique et peu orthodoxe, sans cesse alimentée par un appétit vorace de lecture et des capacités exceptionnelles de mémorisation. Il est tout particulièrement adepte des oeuvres d'Érasme, humaniste hérétique. Pire, il a le goût de l'hermétisme, la magie. Enfin grandit une passion prémonitoire pour la cosmologie détachée de l'approche théologique. La rupture qui couvait finit par être consommée. Dès sa première année de noviciat, il avait ôté des images saintes de sa chambre, notamment celles représentant Marie, s'attirant l'accusation de profanation du culte de Marie. Au fil des années, les heurts deviennent plus durs, tout particulièrement au sujet de la Trinité, dogme qu'il repousse. Finalement, en février 1576, il doit abandonner 3 le froc dominicain et fuir, une instruction ayant été ouverte à son encontre qui doit le déclarer hérétique. »1 Mais quel était l’acte du procès contre Giordano Bruno ? En raison de mes recherches sur le procès de Galileo Galilei, Bruno Giordano, Michel Servet ; Luculio Vanini, le 9 décembre 2003, j’ai consulté l’Archives Secrètes du Vatican. Mais le secrétaire des Archives Secrètes m’a expliqué que le Procès de Galileo Galilei est classifié. Il m’a proposé d’acheter une publication du Vatican au lieu d’entrer aux Archives Secrètes et j’ai achété le livre intitulé « I Documenti Del Processo di Galileo Galilei »2 J’ai refusé et je suis entré dans l’Archives Secrètes du Vatican ce que je constate tout d’abord, dans le dossier papier, 320x240 mm, 429 ff. (numérotation originale, en partie fausse et incompréhensible sur de nombreux folios blancs), reliure en parchemin; au dos : VARIA. Censurae. ASV, Misc., Arm. X, 205, ff. 230v-231r Dans un des volumes du fond «Miscellanea Armadi» (Arm. X, 205), peut-être composé du recueil de divers écrits du célèbre canoniste Francisco Peña, Auditeur puis Président de la Rote (mort en 1612), on trouve un texte précieux, longtemps tenu secret et finalement retrouvé dans la fond Pie IX après 15 années d’infructueuses recherches par le Préfet des Archives Vaticanes Angelo Mercati, le 15 novembre 1940: le résumé du procès contre Giordano Bruno. On doit aussi à Mercati l’édition du résumé avec une ample et solide introduction en 1942. Le ou les volumes du procès romain contre Giordano Bruno (1548-1600) étant définitivement perdus, un temps conservés aux archives du Saint Office, le présent texte, qui découle de ces originaux (les pages perdues du procès sont régulièrement citées dans les marges du résumé), devient un témoignage plus précieux encore pour la connaissance des longues tribulations de l’affaire inquisitoriale à laquelle le célèbre frère dominicain fut subordonné. Dans le résumé confluent, probablement à l’usage de l’Assesseur du Saint Office de l’époque, des extraits des oeuvres de Bruno, ses interrogatoires, quelques actes du procès vénitien qu’affronta le célèbre prédicateur en 1592, et d’autres écrits toujours recopiés sur le procès original. L’entreprise de Giordano Bruno s’acheva avec le procès romain (1593-1600) et avec la sentence reconnaissant l’hérésie, qui, devant son extrême et résolue défense, fut commuée en peine capitale, exécutée au Campo dei Fiori le 17 février 1600. Dans un des derniers constats qui précédèrent la sentence (peut1 2 Dr Ali KILIC Citta Del Vaticano, Archivivio Vaticano ; Collectea Archivi Vaticani N-21 1984 4 être en avril 1559), le dominicain fut interrogé par les juges du Saint Office sur sa conception cosmologique, qu’il avait exposée dans La cena delle ceneri, et dans De l’infinito universo et mondi. Il soutint encore ses théories et les défendit scientifiquement comme fondées et nullement contraires aux divines Ecritures (partie gauche, à partir de la première ligne : Circa motum terrae, f. 287, sic dicit: Prima generalmente dico ch’il mo<t>o et la cosa del moto della terra e della immobilità del firmamento o cielo sono da me prodotte con le sue raggioni et autorità le quali sono certe, e non pregiudicano all’autorità della divina scrittura [...]. Quanto al sole dico che niente manco nasce e tramonta, né lo vedemo nascere e tramontare, perché la terra se gira circa il proprio centro, che s’intenda nascere e tramontare [... ]). Dans ces pièces, où Giordano Bruno fut interrogé, pour les mêmes questions cruciales du rapport entre la science et la foi, à l’aube de la naissance de l’astronomie et au crépuscule de la décadente philosophie aristotélicienne, seize années plus tard sera convoqué par le cardinal Bellarmino, qui là contestait à Bruno ses thèses hérétiques, Galileo Galilei, sujet lui aussi à un procès inquisitorial qui, par chance, ne se conclura que par une seule abjure. Documents d’Archives de Sevê Evîn Cicek Puis dans le dossier de l’Archives Secrètes du Vatican de carton vert, avec un dos en parchemin. ASV, Misc., Arm. X, 204, ff. 84r, 207r j’ai constaté qu’avant moi « Malgré les longues et vastes recherches effectuées par plus d’un chercheur pour «découvrir», ou plutôt retrouver les actes du procès d’inquisition de Galilée, nous ne possédons pour le moment de ces écrits originels qu’un malheureux reste, extrait des volumineux «dossiers» inquisitoriaux de Galilée, 5 de l’époque du procès (1633) ou juste après. Cet «extrait» est resté pendant des siècles dans les archives de la Congrégation de l’Index (qui reçut ces papiers du Saint-Office), il émigra ensuite à Paris pendant le triste séquestre des archives vaticanes déposé en 1810 par Napoléon, passa dans les mains du duc de Blacas et fu enfin envoyé par la veuve de ce dernier aux Archives Secrètes Vaticanes en 1843. Le dossier, désigné longtemps par erreur comme le «procès de Galileo Galilei», est en réalité un ensemble d’écritures réunies par la Congrégation de l’Index après la condamnation de Galilée dans le but de réaliser, sur la base des Documents d’Archives de Sevê Evîn Cicek dépositions et des confessions du procès, la prohibition de ses livres et de l’enseignement de sa doctrine (on trouve à l’intérieur de nombreuses lettres 6 d’évêques ou de représentants pontificaux qui attestent de la présence des ces interdictions) Aucune de ces écritures n’est extraite des dossiers perdus (il semble que l’on doive plutôt parler de volumes) du procès de Galilée, dont on ne conserve aujourd’hui que le foliotage (un de ces volumes avaient au moins 560 folios, soit 1120 pages) Dans le document (a), on peut observer une des minutes ou d’un interrogatoire original de Galileo Galilei devant l’Inquisition (ff. 78r-87r). Il s’agit plus particulièrement de la partie finale de la déposition de Galilée prise le 12 avril 1633, signée par lui selon la règle (ligne 8: Io Galileo Galilei ho deposto come di sopra), et du début du constat suivant (ligne 9: Die sabbathi 30 aprilis 1633. Constitutus personaliter Romae in aula congregationum, coram et assistente quibus supra, in meique <etc.> Galileus de Galileis de quo supra [...]). Documents d’Archives de Sevê Evîn Cicek 7 Après la condamnation des thèses scientifiques soutenues par Galilée, on fit abjurer le Pisan, comme on le sait, dans la Chiesa della Minerva le 22 juin 1633. Les mois suivants, Galilée obtint d’Urbain VIII de purger sa peine de prison dans sa villa d’Arcetri (1er décembre 1633). De là, le 17 décembre 1633, il envoya une lettre autographe à son «protecteur», le cardinal Francesco Barberini, grâce à qui il avait obtenu cette faveur (b). (a) Dossier papier, 435x293 mm, 515 ff., relié d’un parchemin; au dos, entre les nervures, éléments des armes d’Innocent XII et en haut : Pauli III brevium minutae anni MDXXXV mens. jul. aug. sept. ASV, Arm. XL, 52, f. 31r Documents d’Archives de Sevê Evîn Cicek 8 Comme le document ci-dessus a mis en évidence Père Nicolo Lorini a transmis, les manuscrits de Galilée , nous voulons présenter l’interprétation officielle du Vatican concernant « I Documenti del Processo di Galileo Galilei » La publication des actes du procès intenté au XVIIe siècle contre Galilée présente un intérêt particulier pour les spécialistes, les chercheurs et tout le public passionné d’histoire. Nous proposons une nouvelle édition des documents judiciaires actuellement existants, édition réalisée avec rigueur philologique et d’après les originaux. La recherche s’est également étendue à plusieurs archives susceptibles de conserver des documents concernant le procès. Les éditeurs des textes présentés dans cet ouvrage ont réexaminé les matériaux disponibles, édits et inédits, et collationné les anciennes éditions, notamment celle d’Antonio Favaro, publiée au début de notre siècle. La recherche, orientée en différentes directions, surtout dans les archives de l’ancienne Inquisition Romaine, a permis de retrouver quelques inédits concernant le procès mais aussi toute la < question Galilée ». Le volume se compose d’une introduction qui explique l’origine et la formation du dossier conservé en grande partie à l’Archivio Segreto Vaticano. On raconte ensuite l’histoire tourmentée des documents à l’époque du déplacement forcé à Paris des archives de la Cour Pontifical sous Napoléon Ter. Un répertoire des éditions des papiers du procès publiées du XlXe siècle jusqu’à nos jours complète le travail. La composition, les vicissitudes et la dispersion des archives de l’Inquisition Romaine sont illustrées à l’aide des témoignages inédits, dans le but d’illustrer un sujet très étudié par les historiens contemporains et qui garde une importance bien plus grande que celle qui lui avait été accordée auparavant par l’autorité ecclésiastique, les historiens catholiques et l’opinion publique elle-même. L’ensemble des documents a été présenté de façon accessible au lecteur moderne, tout en gardant une fidélité totale envers les éxigences d’une édition critique scrupuleusement conforme aux originaux. Nous avons ainsi confiance qu’une des questions qui ont le plus marqué l’histoire moderne de la civilisation et de l’Eglise et qui a joué un rôle de tout premier ordre dans le domaine des rapports entre la science et la foi, puisse maintenant être l’objet d’une reconstruction historique objective et équilibrée. 9 Selon Cardinal Gabriel Marie Garrone , coordinateur du groupe d’Etude concernant l’affaire Galilée, « le Président de l’Académie Pontificale des Sciences rappelle ci-après les paroles du Saint Père aux membres de l’Académie le 10 novembre 1979. Jean Paul II, s’inscrivant d’une manière décisive dans la ligne ouverte par le II’ Concile du Vatican, entendait lever l’hypothèque qui pèse sur le problème du Procès de Gaulée. D’une part, l’exploitation partisane n’avait pas manqué bien souvent autour de cette question, mais, d’autre part, il était difficile de contester qu’un certain souci apologétique ait pu inspirer, et même légitimer, quelque défiance. C’est pourquoi le Pape décidait de confier à un groupe de personnalités qualifiées dans les secteurs divers intéressés à cette affaire, la mission de donner à son voeu une première réalisation. La Commission prévue comportait une section exégétique, une section scientifique et épistémologique et une section d’histoire. La section culturelle, confiée à la direction de Son Exc. Mgr Paul Poupard, présente ces jours-ci le premier fruit de son activité, un important ouvrage qui renouvelle plusieurs aspects de l’affaire et qui inaugure une série de « Studi Galileiani ».3 * Une lacune cependant restait à combler, une lacune capitale, celle qui concernait les documents de base. Connaissait-on tous ces documents? Les connaissait-on dans leur parfaite authenticité? Ces deux interrogations pesaient sur les recherches: on gardait, vaguement ou expressément, l’idée que les « Archives secrètes » du Vatican recélaient encore de redoutables secrets. La volonté du Saint Père a voulu que tout soupçon soit écarté et que tous les documents présents dans les Archives soient intégralement et scientifiquement mis à la disposition des travailleurs. C’est ce que, sous les auspices de l’Académie Pontificale des Sciences, on trouve enfin parfaitement réalisé dans le présent volume. Rien n’a manqué au sérieux et au soin des recherches. La présentation des textes exigeait d’abord qu’une étude historique ex pli- que l’état où certains avatars historiques ont réduit la documentation touchant le Procès Gaulée: en effet, ce n’est pas impunément que, au temps de Napoléon, ces documents ont fait le voyage de Paris. Les documents eux-mêmes ont fait l’objet d’une étude et d’une présentation minutieusement scientifique qui les garantisse dans leur authenticité. Des tables s’ajoutent aux textes pour en permettre la consultation plus facile. 3 Galileo Galilei, 350 ans d’histoire 1633-1983 par B. Vinaty, W.A. Waflace,M. Viganô, F. Russo, B. Jacqueline, P. Costabel, J. G. Catnpbell, G.J. Béné, sousla direction de Mgr Paul Poupard, (Cultures et Dialogue 1. Studi Galileiani) Tournai 1983 10 On peut donc légitimement penser avoir satisfait entièrement à la requête de tous et assuré au travail à venir les meilleures conditions pour se développer, sinon s’achever. »4 Parmi les minutes des brefs de Paul III(1534-1549), deux concernent Michelangelo Buonarroti (Arm. XL, 52, f. 30 bis et f. 31). La présente minute que le pape adresse à l’artiste florentin le 1er septembre 1535 est particulièrement intéressante. Après la mort de son père, Michel-Ange, comme on le sait, toujours plus ennuyé par la nouvelle situation politique se créant à Florence, quitta définitivement la cité toscane en 1534, et se transféra à Rome, où Clément VII, autrefois en colère après l’artiste mais désormais enclin à protéger le génie, lui aurait confié la fresque du Jugement Universel de la Chapelle Sixtine : «In questo tempo - scrive il Vasari - al papa [Clément VII] venne in animo di volerlo appresso di sé, avendo desiderio di far le facciate della cappella di Sisto, dove egli aveva dipinto la volta a Giulio secondo, suo nipote; nelle quali facciate voleva Clemente che nella principale, dove è l’altare, vi si dipingesse il Giudizio universale, acciò potessi mostrare in quella storia tutto quello che l’arte del disegno poteva fare». Après la mort de Clément VII survenue peu de temps après (25 septembre 1534), son successeur, Paul III, confirmait à Michel-Ange la commande du Jugement, et avec le présent bref, offrait les honneurs ainsi qu’un salaire convenable à l’artiste qui, entre temps, avait commencé à préparer l’oeuvre. Après un éloge du peintre, que le pape définissait comme «gloire de notre siècle», véritable héritier de l’art classique et innovateur génial (à partir de la seconde ligne : Excellentia virtutis tuae cum in sculptura et pictura tum in omni architectura quibus te et nostrum seculum ampliter exornasti, veteres non solum adequando, sed congestis in te omnibus quae singula illos admirandos reddebant prope superando...), le pontife ordonnait que Michel-Ange soit inscrit au rôle de la «familia» pontificale, et reçoive tous les honneurs correspondants. Il allouait en outre, comme rétribution pour la fresque du Jugement Universel et les autres oeuvres qui lui serait confiées dans le futur, une rente à vie de 1200 écus d’or par an, dont une part (600 écus) lui était assignée par le présent document comme rente du Passo del Po, près de Plaisance, jusque là à Francesco Burla, alors défunt (la disposition pontificale à partir de la ligne 14 : Et insuper cum nos tibi pro depingendo a te pariete altaris Cappellae nostrae pictura et historia ultimi iudicii, ad laborem et virtutem tuam in hoc et caeteris operibus in Palatio nostro a te, si opus fuerit, faciendis, remunerandos et satisfaciendos introitum et redditum mille et ducentorum scutorum auri I Documenti del Processo di Galileo Galilei , A cura di Sergio M Pagano, Collaborazione di Antonio G.Luciani, Citta Del Vaticano; Archivio Vaticano, 1984,XI-XII ,XXIII-XXIV 4 11 annuatim ad vitam tuam promiserimus, prout etiam promittimus per presentes, Nos ut dictum opus a te incohari coeptum prosequaris et perficias, et si quo alio Documents d’Archives de Sevê Evîn Cicek in opere voluerimus nobis inservias, Passum Padi prope Placentiam, quem quondam Io(hannes), Franciscus Burla dum viveret obtinebat, cum solitis emolumentis, iurisdictionibus, honoribus et oneribus suis pro parte dicti 12 introitus tibi promissi, videlicet pro sexcentis scutis auri [...] ad vitam tuam auctoritate apostolica tenore presentium tibi concedimus [...]). Michel-Ange pris possession du nouveau bénéfice par le biais du procurateur Agostino da Lodi, qui lui écrivait ainsi de Plaisance le 30 septembre 1536: «La presente sarà per dirvi che ogi ho preso possesso in vostro nome del passo del Po qui, nel modo che me ne scrivesti» (« La présente est pour vous annoncer que j’ai pris aujourd’hui possession en votre nom du passo del Po, selon les modalités que vous m’aviez indiquées ») ACTE NOTARIE REDIGE PAR BRUNETTO LATINI Arras, 15-26 septembreParchemin, 222x202 mm, en bon état de conservation. ASV, Instr. Misc., 99 En présence de témoins et du notaire Brunetto Latini, à l’occasion du procès de citoyens toscans qui étaient passés du coté de Manfred et s’étaient battus pour lui à Florence, d’autres citoyens et marchands florentins font le serment de rester fidèles à l’Eglise romaine et d’obéir aux ordres du pape. Documents d’Archives de Sevê Evîn Cicek 13 Dans la rogatio, il est fait explicit ement mention, à la première personne (immédiatement après le signum tabellionatus), de « ser Brunetto » (à partir de l’avant dernière ligne : Et ego Brunectus Latinus notarius de Florentia predicta coram me acta rogatus publice scripsi). On sait que Dante fut reconnaissant à Brunetto Latini (bien qu'il l'ait condamné aux cercles infernaux), dont il n'avait oublié «la cara e buona imagine paterna / di voi, quando nel mondo ad ora ad ora / m’insegnavate come l’uom s’etterna» (Inf., XV 83-85). Michel Servet est brûlé vif pour hérésie Documents d’Archives de Sevê Evîn Cicek Août 1553. Un procès, que l’on sait extraordinaire, débute devant le Petit Conseil. Si l’accusation d’hérésie semble ressortir de l’Eglise, il s’agit là d’une affaire civile. L’Inquisition a disparu en 1535 de la ville, devenue République, laissant derrière elle un dernier mort. Cette année-là, un certain Pierre Gaudet a été brûlé aux portes de la cité. L’accusé a 42 ou 44 ans. On ignore quand Michel Servet a vu le jour. Le nom est francisé. Il s’agit d’un Aragonais nommé Miguel Serveto y Revès. Ce «blasphémateur et hérésiarque» a été arrêté le 13 août. Il assistait au culte à la Madeleine. Quelques personnes ont reconnu dans la foule cet homme, connu pour ses écrits pour le moins polémiques sur la religion. Servet a été conduit à la prison de l’Evêché, souvent transformée par la suite jusqu’à sa démolition vers 1930. Elle se trouvait sur l’actuelle terrasse Agrippa d’Aubigné. Servet est un homme en fuite. Il vient de s’évader d’un cachot de Vienne 14 avec une facilité suspecte. Ce médecin a sans doute été aidé par un client haut placé, dont il a guéri la fille. En Dauphiné, il se trouvait dans les griffes de l’Inquisition. Les preuves contre lui semblaient accablantes. Il n’est pas impossible que Calvin ait aidé les catholiques contre l’ennemi commun en communiquant les lettres qu’il a reçues de l’Espagnol. A Genève, le procès va se régler en huit séances. Il répond à une plainte formulée par Nicolas de la Fontaine, qui est comme par hasard le secrétaire de Calvin. L’accusé devra répondre aux 38 articles de cette plainte, d’ordre théologique. Tout commence dès le 14. Dans une audience préalable, Servet reconnaît la paternité des trois livres choquant les papistes et les protestants. La procédure peut donc commencer le 15. Servet demande un débat contradictoire avec Calvin. Le Conseil refuse. Il tient à garder la haute main sur les débats. En 1553, Calvin, qui n’a pas encore été reçu bourgeois, doit faire face à une forte opposition, menée par Ami Perrin. L’interrogatoire du 16 est d’ailleurs mené par Berthelier, un «libertin» frappé d’excommunication. Le 17, Servet fait face à Jean Calvin, entendu comme expert. C’est la première fois que les hommes se voient. Vingt ans avant, ils auraient dû se rencontrer à Paris. La chose ne s’était pas réalisée. Ils n’ont fait depuis que correspondre. Le débat tourne vite à la dispute théologique. De tous les thèmes abordables, la Trinité l’emporte. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont-ils une ou trois personnes? On sait que depuis le IVe siècle, toutes les hérésies découlent de cette question centrale. Calvin attaque très fort. Servet fait front. Le 21 août, il est question du procès de Vienne, avant que l’on s’envoie à la tête des penseurs comme Origène, Tertullien ou Polycarpe. Le mémorialiste de la séance commence à y perdre son latin. Le Conseil, qui garde, lui, les pieds sur terre, décide d’écrire à l’Inquisition viennoise pour connaître son dossier d’accusation. On aura tout vu! Le 22 août, Servet s’adresse lui à la Seigneurie. Il remet en cause la criminalisation de l’hérésie. S’agit-il vraiment d’un délit? Le 23, Servet dresse sa biographie. Il explique in fine avoir eu l’intention d’aller à Naples. Le 28, il doit répondre sur sa sympathie pour un ouvrage aussi suspect que le Coran. «D’un méchant livre, on peut prendre de bonnes choses.» Le 31 août, on revient au procès de Vienne. L’Inquisition a envoyé paître Genève. Elle ne transmettra rien. Les choses sérieuses recommencent le 1er septembre. On est reparti pour les hautes spéculations religieuses. Le secrétaire déclare forfait. Il n’y comprend 15 plus rien. Il faut continuer par écrit. Calvin et Servet vont échanger des textes incroyablement savants produits à toute vitesse et, pour Servet, dans des conditions épouvantables même s’il n’a pas été torturé. Quand on voit ces documents, on ne peut qu’être frappé par l’écriture parfaite du condamné en puissance. C’est terminé, mais le plus long reste à venir. Si pour Calvin «ce chaos prodigieux de blasphèmes ne mérite aucun pardon», le Conseil veut l’approbation des cantons réformés. Il n’entend pas être seul responsable d’une telle exécution. Il faudra le 18 octobre pour les avoir enfin réunis. Le 26, Servet est condamné à mort. Calvin aurait aimé une décapitation. Ce sera le bûcher. L’exécution est fixée au lendemain, vendredi 27 octobre.La dernière lettre du condamné. La graphie est, pour l’époque, totalement moderne, contrairement à celle de Calvin. Le matin du 27, muni d’une autorisation du Petit Conseil, Calvin va voir Servet à la prison de l’Evêché. C’est la dernière entrevue. Déjà affaibli, le prisonnier a reçu la sentence avec stupeur. La veille, il a piqué une crise de nerfs.L’Espagnol s’est repris entre-temps. Il parvient à avoir avec celui qui est devenu son ennemi une dernière argumentation théologique de deux heures. Il ne cédera pas. Du reste, pour lui, le crime de pensée n’existe pas. Servet, comme Sébastien Castellion, qui prendra bientôt sa défense depuis Bâle, est un homme moderne, alors que Calvin reste un personnage du Moyen Age. Le réformateur s’en va. Il n’assistera pas à la suite. Le cortège peut partir en direction de Champel. Servet ira à pied, sans lien d’aucune sorte. Sa langue n’a pas été coupée, comme l’est souvent celle des hérétiques. Chacun espère en fait qu’il va se dédire. S’il reconnaissait son erreur, ça arrangerait vraiment tout le monde. Tel n’est pas le cas. Servet sera donc brûlé réellement vif. Nul ne l’étranglera discrètement pour abréger ses souffrances, comme la chose se fait souvent. L’homme mettra une demi-heure à mourir au milieu des flammes, attaché à un pieu par une chaîne de fer. Ses derniers mots sont «O Jésus fils du dieu éternel, aie pitié de moi.» Guillaume Farel, venu de Neuchâtel, note qu’il lui aurait suffi de dire «Jésus fils éternel de Dieu» pour se voir sauvé à la dernière minute. Si l’on parle de «l’affaire Michel Servet» à Genève, alors qu’il reste simplement question d’Inquisition pour les pays catholiques, c’est à cause du caractère véritablement unique du procès de 1553. Créé au Moyen Age, réactivé par le pape Paul III en 1542, ce tribunal ecclésiastique a fait des milliers de morts. Peut-être des dizaines de milliers. Personne ne s’accorde sur les chiffres. En Espagne, où elle a été introduite en 1479, l’Inquisition a vite fait peur au pontife Sixte IV lui-même. Elle s’y maintiendra par ailleurs longtemps. Il faudra attendre 1834 pour que cet appareil de terreur disparaisse définitivement. Au Portugal, le dernier bûcher religieux date de 1761, ce qui semble incroyablement tard. 16 Documents d’Archives de Sevê Evîn Cicek La triste fin de Lucilio Vanini Lucilio Vanini a étudié la philosophie et la théologie à Rome, et le droit à Naples où il obtient sa licence en 1606. il poursuit ses études de jurisprudence à Padoue où il entre dans les ordres. Il se rend successivement en Suisse, en Hollande, en France et en Angleterre où il abjure le catholicisme en 1612. En 1614, il est incarcéré 49 jours pour avoir attaqué l’Église anglicane. À son retour à Lecce, il redevient catholique et se consacre aux études physiques en vogue sous la Renaissance. Il tente d’enseigner à Gênes, mais, après un bref séjour à Genève, il retourne une fois de plus en France, en 1615, à Lyon où il publie, dans un effort afin de se disculper de l’accusation d’athéisme, l’Amphitheatrum aeternae Providentiae Divino-Magicum - le titre complet en français est Amphithéâtre de l’éternelle Providence divino-magique, christianophysique et non moins astrologico-catholique, contre les philosophes, les athées, les épicuriens, les péripatéticiens et les stoïciens. L’année suivante, il est chapelain du maréchal François de Bassompierre à Paris où il publie les dialogues De Admirandis Naturae Reginae Deaeque Mortalium Arcanis (Merveilleux Secrets de la nature, la reine et la déesse des mortels). Bien que les définitions de Dieu y soient quelque peu panthéistes, l’ouvrage est suffisamment orthodoxe. Les arguments en sont cependant en grande partie ironiques et ne peuvent être considérés comme l’expression de ses opinions véritables. Après une seconde édition, l’ouvrage, initialement approuvé par deux docteurs de Sorbonne, est soumis à un réexamen à l’issue duquel il est condamné aux flammes. Vanini se retire prudemment à Toulouse où il commence à enseigner. Prenant le surnom de Pomponio Uciglio il devient précepteur chez monsieur de Berthier, précepteur pratiquant le jour et libertin la nuit. Devant les nombreuses 17 rumeurs à l’encontre de son protégé, Berthier le congédie. Vanini trouve refuge chez Adrien de Montluc-Montesquiou, comte de Caraman. Ils se connaissaient des grandes soirées organisées par le maréchal de Bassompierre à Paris. Du Capitole au parlement de Toulouse, on s’inquiéta des troubles à l’ordre public et de son influence sur la jeunesse. Arrêté en novembre 1618 par l’Inquisition, il est accusé d’être athée et d’avoir des mœurs contre-nature[1]. Le procureur Catel eut bien du mal à prouver qu’il était hérétique tant la défense de Lucilio montrait sa dévotion à l’Église catholique. Après un long délibéré, Lucilio Vanini, dit Pomponio Uciglio, fut convaincu de blasphème, impiété, athéisme, sorcellerie et corruption de mœurs. Condamné à avoir la langue coupée, à être étranglé puis brûlé le 9 février 1619 sur la place du Salin, le hurlement de Vanini fut, de mémoire de Toulousain, le plus horrible[2]. Bien qu’intellectuellement inférieur à Giordano Bruno, ce libre-penseur a, comme lui, fait partie de ceux qui, en attaquant l’ancienne scolastique, ont contribué à jeter les bases de la philosophie moderne. Sa vie errante, sa mort tragique, ainsi que son parti pris antichrétien, ne sont pas sans rappeler Giordano Bruno. Les De admirandis naturae reprennent, dans une prose simple et élégante, l’interprétation naturaliste des phénomènes surnaturels que Pietro Pomponazzi —que Vanini appelle « magister meus, divinus praeceptor meus, nostri speculi Philosophorum princeps [Mon maître, mon divin précepteur, le premier des philosophes à notre image] »— leur avait donnée dans ses De incantationibus. Vanini y fait même référence à Cardano, Scaligero et à d’autres penseurs du XVIe siècle. « Dieu agit sur les êtres sous-lunaires (entendons « les êtres humains ») en se servant des cieux comme moyen » donne une origine naturelle et une explication rationnelle aux prétendus phénomènes surnaturels, alors que l’astrologie était aussi considérée une science ; « l’Être Suprême donne des avertissements aux hommes et spécialement aux souverains à l’exemple desquels se conforme le monde, lorsque des dangers les menacent »[3]. Mais les fondements des phénomènes présumés surnaturels relèvent également de la fantaisie humaine, capable parfois de modifier l’apparence de la réalité extérieure comme les fondateurs des religions révélées, Moïse, Jésus, Mahomet et les ecclésiastiques imposteurs qui imposent des fausses croyances pour obtenir richesse et pouvoir et les gouvernants, intéressés au maintien de croyances religieuses pour mieux dominer le peuple, comme l’enseignait déjà Machiavel. En suivant encore Pomponazzi et ses interprétations des textes aristotéliciens, changée des commentaires d’Alexandre d'Aphrodisie, il nie l’immortalité de l’âme. Les ouvrages de Vanini ne le montrent pas, à proprement 18 parler, comme athée : s’il nie la validité des religions révélées, il accepte Dieu comme être absolu et considère la nature comme sa manifestation. Sa conception philosophique s’apparente donc au libertinisme et au naturalisme panthéiste. De nos jours, les scientifiques qui défendent l’idée d’évolution et démontrent sa réalité ne risquent pas leur vie (ce qui ne veut pas dire qu'ils ne prennent aucun risque 5). Dans l’histoire des sciences, tous n’eurent pas cette chance! Ainsi, le philosophe italien Lucilio Vanini, en 1615, dans un de ses livres6 , qui était une sorte d'encyclopédie des connaissances de son époque, donne plusieurs arguments en faveur d'une origine animale des hommes. Entre autres idées, il présente celle selon laquelle des singes sont les ancêtres de certains hommes, pour ne pas dire tous. Pour éviter d'être condamné, il ne s'exprime pas directement, mais créé des personnages qui s'expriment sous forme de dialogue. Cette précaution de style ne le sauvera pas. Au dialogue 37 (intitulé De prima hominis generatione - de l’origine de l’Homme), parmi d’autres hypothèses, il présente celle selon laquelle «quelques athéistes de bon esprit (...) on pensé que l’homme venait de la semence des guenons et des singes, laquelle, se cultivant petit à petit, en vient à se perfectionner et à prendre la forme d’Homme.». À cause de ses idées et de l'enseignement qu'il en donne, il est arrêté le jeudi 2 Août 1619 7, à l'âge de 34 ans, par les capitouls d'Olivier et Vizarel dans une maison de l'actuel quartier de la Daurade, à Toulouse. Il est jugé par le parlement de la ville, accusé de ne pas croire en Dieu (et d’être homosexuel, tiens, en plus). Il se défend avec acharnement et de façon brillante, mais le procureur général (le capitoul Guillaume de Catel), le hait et l'interroge avec acharnement. Vanini manque d'être acquitté, lorsqu'au dernier moment le témoignage d'un noble joue contre lui et signe sa condamnation, pour laquelle De Catel reçoit seize écus (Ce capitoul sera tellement fier de ce travail qu'il s'en vante encore sur la statue de son buste, dans la salle des illustres du capitole de Toulouse). Vanini est condamné à avoir la langue coupée avant d’être brûlé vif (d'autres sources, plus digne de foi, disent "étranglé et puis brulé une fois mort") pour cause de «lèsemajesté divine, athéisme, blasphèmes, impiétés et autres crimes». 5 1 - au début des années 1980, l’état du Queensland, en Australie, s'opposa, sous influence religieuse, à l’enseignement de l'évolution (en donnant à des idées religieuses un statut scientifique immérité). Le professeur de Géologie Ian Plimer, de l’Université de Melbourne, s'opposa à cette décision et du prouver les erreurs des religieux au cours de 6 procès successifs qui l'ont entièrement ruiné (il y a même laissé sa maison, son histoire est racontée dans le recueil « Intrusions spiritualistes et impostures intellectuelles en sciences », ed. Syllepse, 2001). 6 Admirantis narurae Reginae Deaeque Mortalium Arcanis (Merveilleux Secrets de la nature, reine et déesse des mortels) 7 - Annales manuscrites de l’Hotel de Ville de Toulouse, 1619, T. VI, fol. 13-14. 19 Son exécution a marqué les esprits8 et a été bien relatée (annexe): le samedi 9 février, Vanini a été trainé sur une claie (une sorte de chariot sans roues) jusqu'à 'église St Etienne. Là, il a été déshabillé, ne gardant que sa chemise et une torche allumée à la main, une corde au cou. Agenouillé devant la porte de l'église, il a dû demander pardon "a Dieu, au roy, a la justice"9 . Puis il a été conduit place du Salin10 . L'écrivain Gabriel - Barthelemy de Gramond 11le décrit à ce moment: " Je l’ai vu dans la charette, sur le chemin du supplice ; il se moquait d’un cordelier 12 qu’on lui avait donné pour sa consolation et pour le faire renoncer a son entêtement [...] Sur le point de mourir, il présentait une apparence horrible et complètement farouche. " Sur la place, Vanini est assis sur un poteau, puis, avant que le feu ne soit mis au bûcher :"on lui ordonna de livrer sa langue sacrilège au couteau: il refusa; il fallut employer des tenailles pour la lui tirer, et quand le fer du bourreau la saisit et la coupa, jamais on n’entendit un cri plus horrible; on aurait cru entendre le mugissement d’un boeuf qu’on tue." Vanini est ensuite étranglé. Comme il a refusé de renoncer à ses idées devant un prêtre, un panneau portant les mots " Athée et blasphémateur du nom de Dieu." Est posé sur ses épaules, puis il est brûlé et " le reste de son corps fut consumé par le feu, et l’on dispersa ses cendres au vent." Le destin de Vanini illustre le danger qu'il y avait à parler seulement de l'idée possible d'une évolution des espèces et d'une origine animale de l'homme. Il éclaire les précautions extrêmes et les hésitations de Darwin, 250 ans lus tard, lorsqu'il publia son "origine des espèces": même sans risquer le bûcher, les réactions furent vives, et 150 ans plus tard les passions ne sont pas encore apaisées sur ce sujet. Voici comment la revue “le Mercure Français” de 1619 rapporte l'évènement (Je traduit du vieux français, le texte original est donné plus loin): 8 L'écrivain Savinien Cyrano de Bergerac (qui inspira, bien plus tard, le personnage de la pièce de théâtre d'E. Rostand), s'inspira de l'histoire de Vanini dans un de ses livres (histoire des états et empires de la Lune et du Soleil) où, emprisonné à Toulouse et en danger d'être exécuté pour hérésie, son héros parvient à s'évader. 9 Annales manuscrites de l’Hotel de Ville de Toulouse, 1619, T. VI, fol. 13-14. 10 Depuis le 8 février 2008, une plaque rappelle l’exécution de Vanini ainsi que de trois autres philosophes, ayant étudié à Toulouse, qui furent brûlés pour leurs idées jugées incompatibles avec la religion. 11 - Gabriel Barthélemy de Gramond, Historiarum Gallioe ab excessu Henrici IV, Toulouse, 1643, livre XVIII : 9 février 1619 12 Un cordelier est un moine de l'ordre Franciscain, qui accompagnait les condamnés à mort. Annexe 20 Au mois de Novembre 1619, fût arrêté en la ville de Toulouse, un italien philosophe et très savant qui donnait des cours de sciences et de philosophie à domicile. Il soutenait et enseignait que l'âme n'existe pas, qu'il n'y a pas de vie après la mort,et d'autres choses si scandaleuses que l'on ne peut les répéter. Par son éloquence, il persuadait très bien ses auditeurs de la justesse de ses opinions, et beaucoup commencèrent à le croire. Le parlement étant prévenu, il fit arrêter cet enseignant qui, pris et interrogé, maintient ses idées et opinions. Il fut alors jugé et condamné. Il du d'abord défiler en chemise, la torche au point, en demandant pardon. Ensuite, il fut trainé sur un chariot, on lui coupa la langue et il fut brûlé vif, début février, sur la Place du salin. Il mourut avec un détachement rare, sortant de sa prison avec entrain en disant, en italien " allons, allons allégrement, mourir en philosophe" . Lorsqu'on lui dit de demander le pardon de Dieu, il répliqua devant plus de mille personnes : "Il n'y a ni Dieu, ni Diable, car s'il y avait un Dieu, je le prierai de lancer la Foudre sur ce Parlement injuste et inique, et s'il y avait un Diable, je le prierai aussi de l'engloutir sous terre, mais parce qu'il n'y a ni l'un ni l'autre, je ne ferai rien”. Texte original: Au mois de Novembre de l'an passé, fût arrêté en la ville de Toulouse, un italien philosophe et grandement docte qui allait montrer par les logis aux enfants de maison qui désiraient savoir parfaitement philosophie. Il soutenait et enseignait que nos corps étaient sans âme, et que mourants, tout était mort pour nous, ainsi que les bêtes, que la Vierge (O blasphème exécrable !) avait eu connaissance charnelle comme les autres femmes et autres mots bien plus scandaleux, du tout indignes d'écrire ni de réciter. Par son éloquence, il glissait tellement sa pernicieuse opinion dans l'entendement de ses auditeurs, qu'ils commencèrent à balancer en la croyance de cette fausse doctrine; ce qu'est advenu à la connaisance du Parlement, il décréta contre ce nouveau Ministre; et étant pris et interrogé, il soutint ses instructions véritables. Sur quoi son procès lui fut fait, et l'arrêt donné, portant condamnation de faire amende honorable, nu en chemise, la torche au poing, et traîné sur une claye, la langue coupée et brûlé vif, ce qui fut exécuté au commencement de février, au lieu appelé Place du Salin. Il mourut avec autant de constance, de patience et de volonté qu'aucun autre homme que l'on ait vu; car sortant de la Conciergerie comme joyeux et allègre, il prononça ces mots en italien : allons, allons allégrement, mourir en philosophe, mais bien plus pour montrer sa constance en la mort qu'un désespoir en l'âme, lorsqu'on lui dit qu'il criât Merci à Dieu, il dit ces mots en la présence de mille personnes : Il n'y a ni Dieu, ni Diable, car s'il y avait un Dieu, je le prierai de lancer un Foudre sur le Parlement comme du tout injuste et inique, et s'il y avait un Diable, je le prierai aussi de l'engloutir aux lieux souterrains, mais parce qu'il n'y a ni l'un ni l'autre, je ne ferai rien. 21 La Genève oligarchique sacrifie Pierre Fatio en 1707 Documents d’Archives de Sevê Evîn Cicek Le procès qui débute à Genève le 18 août 1707 est de nature politique. Tout le prouve. De son arrestation la veille à son exécution le 6 septembre, Pierre Fatio ne pourra pas voir sa famille. Un avocat est refusé à l’accusé, luimême avocat. L’homme ne dispose ni de papier ni d’encre pour écrire. La tension est telle que le Genevois mange des œufs à la coque, par crainte de se voir empoisonné.Dans ses deux interrogatoires, ce dernier se défend assez mollement. On s’attendait à des déclarations foudroyantes. Rien! Fatio semble retombé comme un soufflé. Il se contente de répondre aux questions sur les visites, fatalement suspectes, qu’il aurait reçues depuis la fin mai. Le 31 août, le Petit Conseil rend son jugement. Fatio se voit condamné, sans preuves, à mort. Comme l’écrira le 10 décembre son cousin Nicolas Fatio de Duillier, «l’avocat Fatio pourrait bien avoir été sacrifié non pas tant pour les crimes commis que pour ceux que l’on craignait qu’il pourrait faire un jour». Karl Marx et le Vatican Comme Marx, nous pensons que « Le fondement de la critique irréligieuse est : c’est l’homme qui fait la religion, ce n’est pas la religion qui fait l’homme. Certes, la religion est la conscience de soi et le sentiment de soi qu’a l’homme qui ne s’est pas encore trouvé lui-même, ou bien s’est déjà reperdu. Mais l’homme, ce n’est pas un être abstrait blotti quelque part hors du monde. L’homme, c’est le monde de l’homme, l’État, la société. Cet État, cette société produisent la religion, conscience inversée du monde, parce qu’ils sont eux-mêmes un monde à l’envers. La religion est la théorie générale de ce monde, sa somme encyclopédique, sa logique sous forme populaire, son point d’honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa consolation et sa justification universelles. Elle est la réalisation 22 fantastique de l’être humain, parce que l’être humain ne possède pas de vraie réalité. Lutter contre la religion c’est donc indirectement lutter contre ce mondelà, dont la religion est l’arôme spirituel. La détresse religieuse est, pour une part, l’expression de la détresse réelle et, pour une autre, la protestation contre la détresse réelle. La religion est le soupir de la créature opprimée, l’âme d’un monde sans cœur, comme elle est l’esprit de conditions sociales d’où l’esprit est exclu. Elle est l’opium du peuple. L’abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l’exigence que formule son bonheur réel. Exiger qu’il renonce aux illusions sur sa situation c’est exiger qu’il renonce à une situation qui a besoin d’illusions.(…) La critique de la religion détruit les illusions de l’homme pour qu’il pense, agisse, façonne sa réalité comme un homme sans illusions parvenu à l’âge de la raison, pour qu’il gravite autour de lui-même, c’est-à-dire de son soleil réel. » Autrement dit L'abolition de la religion en tant que bonheur illusoire du peuple est l'exigence que formule son bonheur réel. Exiger qu'il renonce aux illusions sur sa situation c'est exiger qu'il renonce à une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc en germe la critique de cette vallée de larmes dont la religion est l'auréole. La critique a dépouillé les chaînes des fleurs imaginaires qui les recouvraient, non pour que l'homme porte des chaînes sans fantaisie, désespérantes, mais pour qu'il rejette les chaînes et cueille les fleurs vivantes. La critique de la religion détruit les illusions de l'homme pour qu'il pense, agisse, façonne sa réalité comme un homme sans illusions parvenu à l'âge de la raison, pour qu'il gravite autour de lui-même, c'est-à-dire de son soleil réel. La religion n'est que le soleil illusoire qui gravite autour de l'homme tant que l'homme ne gravite pas autour de lui-même. »13 Sans doute pour Marx, « La religion est le soupir de la créature opprimée, l'âme d'un monde sans coeur, comme elle est l'esprit des conditions sociales d'où l'esprit est exclu. Elle est l'opium du peuple."14 Pour Feuerbach, comme pour Hegel, le Dieu du christianisme est le miroir de l’homme. Mais cette projection de l’essence humaine hors d’ellemême est, pour Feuerbach, contrairement à Hegel, une aliénation. 13 14 MARX, Critique du Droit politique hégélien Karl Marx / 1818-1883 / avec Engels, Critique de "La philosophie du droit" de Hegel, 1844) 23 “L’objet de l’homme n’est rien d’autre que son essence objective ellemême. Telle est la pensée de l’homme, tels ses sentiments, tel son Dieu : autant de valeur possède l’homme, autant et pas plus, son Dieu. La conscience de Dieu est la conscience de soi de l’homme, la connaissance de Dieu est la connaissance de soi de l’homme. A partir de son Dieu tu connais l’homme, et inversement à partir de l’homme son Dieu : les deux ne font qu’un. Ce que Dieu est pour l’homme, c’est son esprit, son âme, et ce qui est le propre de l’esprit humain, son âme, son coeur, c’est cela son Dieu : Dieu est l’intériorité manifeste, le soi exprimé de l’homme ; la religion est le solennel dévoilement des trésors cachés de l’homme, l’aveu de ses pensées les plus intimes, la confession publique de ses secrets d’amour. Mais si la religion, consciente de Dieu, est désignée comme étant la conscience de soi de l’homme, cela ne peut signifier que l’homme religieux a directement conscience du fait que sa conscience de Dieu est la conscience de soi de son essence, puisque c’est la carence de cette conscience qui précisément fonde l’essence particulière de la religion. Pour écarter ce malentendu, il vaut mieux dire : la religion est la première conscience de soi de l’homme, mais indirecte. Partout, par suite, la religion précède la philosophie, aussi bien dans l’histoire de l’humanité que dans l’histoire de l’individu. L’homme déplace d’abord à l’extérieur de soi sa propre essence avant de la trouver en lui. La religion est l’essence infantile de l’humanité”.15 C’est donc la tâche de l’histoire, après la disparition de l’Au-delà de la vérité, d’établir la vérité de ce monde-ci. C’est en premier lieu la tâche de la philosophie, qui est au service de l’histoire, une fois démasquée la forme sacrée de l’auto-aliénation de l’homme, de démasquer l’auto-aliénation dans ses formes non sacrées. La critique du ciel se transforme par là en critique de la terre, la critique de la religion en critique du droit, la critique de la théologie en critique de la politique”.16 Je pense que Karl Marx, n’ a pas besoin de la réhabilitation du Vatican et le Vatican n’a pas de l’autorité pour réhabiliter la pensée dialectique matérialiste de Marx. Les Marx naît à Trèves, en Rhénanie, d'un père avocat, appartenant à la bourgeoisie libérale rhénane. Il entre en 1830 au lycée de Trèves et passe le 15 Ludwig Feuerbach, L’essence du christianisme(1841), traduction Jean-Pierre Osier, Maspero 1968, pp 129-130 16 Karl Marx, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel (1844), traduction A. Baraquin, dans Critique du droit politique hégélien, Editions Sociales, 1975, p197, 24 baccalauréat en Août 1835. Il commence des études de droit, d'abord à Bonn puis à l'Université de Berlin, qu'il abandonne bientôt pour se consacrer à la philosophie. Il adhère au cercle des hégéliens de gauche (Bauer, Ruge). Le 15 avril 1841, il est reçu docteur à la Faculté de Philosophie de Iéna avec une thèse sur la matérialisme antique: " Différence de la philosophie de la nature chez Démocrite et Epicure ".Il s'intéresse à la critique de la religion de Strauss et Feuerbach, rencontre le socialiste Hess et se consacre au journalisme en collaborant à la " Gazette Rhénane ", un journal financé par la bourgeoisie libérale (articles sur la censure, la religion, la répression du vol du bois et la misère des vignerons mosellans). Il découvre peu à peu les problèmes sociaux et politiques. L'interdiction de la " Gazette Rhénane ", en 1843, amène Marx à réfléchir sur les limites de la pensée et de l'action libérales. Il approfondit alors le socialisme français, la critique de la théorie idéaliste de l'Etat (" Critique de la philosophie du droit de Hegel ") et de la religion (" A propos de la question juive "). Le 12 juin 1843, il épouse Jeny Von Westphalen et en octobre part à Paris. En 1844, il prend contact avec la ligue des Justes, rencontre Proudhon, Bakounine. Il en tire une critique du travail aliéné, de l'économie, du communisme grossier, de Proudhon et de Hegel (" Manuscrits de 1844 "). Il privilégie le rôle émancipateur du prolétariat. Avec Engels (rencontré en 1842) il travaille à un pamphlet contre les hégéliens de gauche, Bauer et Stirner : " La Sainte Famille " (1845). Le 3 février 1845, il est expulsé de France pour participation à un journal révolutionnaire et va séjourner à Bruxelles avec Engels de 1845 à 1848. Il continue à Bruxelles ses lectures d'économie, d'histoire et de technologie, esquissant avec les " Thèses sur Feuerbach " (1845) une conception matérialiste de l'histoire, développée avec Engels et Hess dans la critique de la philosophie allemande (" L'Idéologie allemande "). Le 1er décembre 1845, il renonce à la citoyenneté prussienne. En 1846, c'est la création des comités de correspondance communistes. Il participe activement à la ligue des communistes. " Misère de la philosophie " (1847) ridiculise la " Philosophie de la misère " de Proudhon qui a refusé d'adhérer au réseau international des communistes, organisé par Marx et Engels, lesquels exposent une théorie matérialiste de la lutte des classes dans le " Manifeste du Parti communiste " (1848), destiné à la ligue des justes devenue "ligue des communistes". Expulsé de Belgique le 3 mars 1848, il organise en France, après la révolution de 1848, le retour des ouvriers immigrés en Allemagne. A Cologne, il crée la " Nouvelle gazette Rhénane ". Il est inculpé en février 1849 d'offense à magistrat et d'incitation à la rébellion comme rédacteur en chef du journal. Il est acquitté. Expulsé de Prusse, il retourne à Paris mais est expulsé de France. Il s'installe à Londres où il restera jusqu'à sa mort. Il ne trouve plus d'éditeurs. Commence alors une période d'isolement, aggravée par la misère et la maladie. En 1857 il reprend ses études économiques et projette un ouvrage dont il rédige 25 une "Introduction générale" de caractère méthodologique, des chapitres sur l'argent et le capital : " Fondements de la critique de l'économie politique ". Il sort de son isolement en participant activement à l'Association Internationale des Travailleurs, née à Londres en 1864, dont il rédige une Adresse et des Statuts favorables à la centralisation de la lutte du prolétariat et rejetant les tentations autonomistes. C'est en 1864 qu'un héritage reçu à la suite de la mort de sa mère lui permettra de s'installer avec sa famille dans un logement plus confortable. A partir de 1862, il travaille le thème de la Plus Value et, à partir de 1867, commence à publier " Le Capital " (livre I). En 1875, la " Critique du programme de Gotha " passe au crible les statuts du nouveau parti socialdémocrate allemand. Jusqu'à sa mort, quoique toujours gravement malade, Marx travaille aux livres II et III du " Capital ", publiés par Engels en 1885 et 1894. Il meurt le 14 mars 1883. sources de sa pensée. Aliénation et exploitation Il est d'usage de séparer deux moments dans la pensée de Marx : • • Celui des écrits de jeunesse et notamment du " Manuscrit de 1844 " Celui des écrits de maturité dont " Le Capital " constitue le point d'orgue. La comparaison entre les concepts d'aliénation et d'exploitation permet de mieux comprendre cette distinction. a) L'aliénation. C'est un concept philosophique que Marx emprunte à Feuerbach. L'aliénation (du latin alienus qui signifie étranger, autre) est la perte de soi dans un autre. Elle est chez Marx pratique et non métaphysique. Le travail est aliéné, l'argent commande en maître etc. Les produits de l'homme échappent à son contrôle et prennent des formes abstraites qui deviennent des réalités oppressives. Nous prendrons un exemple que Marx analyse dans " Les Manuscrits de 1844 " , celui du travail aliéné. Il faut bien voir que pour Marx tout travail n'aliène pas. Il retient de Hegel cette idée que le travail est le propre de l'homme, qu'il est anthropogène c'est à dire qu'il fait de nous des hommes, nous distingue de l'animal. Mais, justement, ce qui caractérise le travail aliéné est qu'il perd cette fonction d'hominisation. On peut penser bien sûr au dur travail ouvrier tel qu'il existe au XIX° s. Au lieu de s'épanouir, l'ouvrier se sent brimé, aliéné. L'aliénation présente trois aspects : • Niveau de la marchandise : à la différence de l'artisan, l'ouvrier ne produit qu'une petite partie de la marchandise et cette marchandise ne lui appartient pas. Alors qu'il s'investit dans la chose (il y met une part de lui- 26 • • même, par son travail), cette partie de lui-même lui est enlevée. L'ouvrier ressent le produit de son travail comme étranger à lui et en fin de compte comme hostile. Pourtant, cet objet, c'est lui. L'homme " prête sa vie à son objet ". Il met quelque chose de lui dans la chose et, s'il voit dans le produit de son travail quelque chose qui lui est étranger, c'est lui-même qui devient étranger à lui. Il perd sa qualité d'homme investie dans les choses. Niveau du travail lui-même : le travail lui-même apparaît comme étranger au travailleur. L'ouvrier ressent son travail comme quelque chose qui lui est imposé du dehors. Il se sent malheureux dans son travail. Il a l'impression qu'il le nie au lieu de l'affirmer. Dans le travail, il ne se sent plus lui-même. Il a l'impression de n'être lui-même qu'en dehors de son travail. Il le fuit. Le travail n'est plus une satisfaction de soi mais un simple moyen d'assurer l'existence et la satisfaction des besoins. Dans le travail, l'ouvrier ne s'appartient plus. Il appartient à un autre (le patron). Il se sent plus libre dans ses loisirs qui se résument en fait à des fonctions animales (boire, manger, procréer, dormir) que dans ses fonctions d'homme (travailler) où il se sent bestial. " Le bestial devient l'humain et l'humain devient bestial " Niveau du travailleur : l'aliénation rend l'homme étranger à lui-même. Le travail, avons-nous dit, nous distingue de l'animal. C'est par lui que nous sommes humains, parce que nous sommes conscients de notre activité. L'homme se contemple dans le monde qu'il a créé. C'est dans la transformation que l'homme s'affirme comme homme. Autrement dit, si le travail apparaît comme étranger, l'homme perd son essence. " L'homme est rendu étranger à l'homme " On sait combien le taylorisme (postérieur à l'analyse marxiste) a accru le phénomène d'aliénation ainsi décrit. Marx décrit l'homme soumit à la machine par cette formule saisissante : " Le travail vivant est soumis au travail mort " b) l'exploitation. Alors que l'aliénation est un concept philosophique, l'exploitation est un concept économique. À mesure qu'il approfondit sa pensée, Marx se rend compte que l'aliénation n'est qu'une conséquence de l'exploitation, que l'on peut d'ailleurs supprimer l'aliénation sans supprimer l'exploitation (par exemple par le paternalisme dans l'entreprise). Pour comprendre ce qu'est l'exploitation, il faut d'abord rappeler que pour Marx la valeur d'une marchandise (c'est à dire d'un bien produit pour être vendu) est égale au temps de travail social moyen nécessaire à sa production. Il s'agit bien sûr d'une moyenne sociale car il existe des ouvriers plus ou moins rapides, plus ou moins habiles. Ce temps de travail social moyen détermine la 27 valeur d'échange de la marchandise qu'il faut opposer à sa valeur d'usage c'est à dire son utilité. On comprendra que les deux ne se confondent pas en remarquant que certains produits indispensables peuvent être bon marché alors que des produits tout à fait superflus peuvent être vendus très chers. La valeur d'échange ne se confond pas non plus avec le prix. Celui-ci peut en effet varier selon les fluctuations du marché ; le prix oscille autour de la valeur. Ainsi, lorsque l'ouvrier fabrique un objet, du travail s'incorpore à l'objet et lui donne de la valeur. Pourtant (et sinon nul profit n'existerait), le capitaliste ne paie pas à l'ouvrier la valeur de son travail mais seulement sa force de travail c'est à dire ce qu'il faut pour entretenir cette force de travail (un salaire pour vivre, se nourrir, rester en vie ; pensons à l'idée d'un minimum vital, du SMIC). Admettons, par exemple, qu'un ouvrier travaille 12 heures par jour mais que ce qu'il est nécessaire de lui payer pour qu'il survive corresponde à 6 heures par jour. La valeur de ces 6 heures correspondra à son salaire, ce que Marx appelle la valeur du " travail nécessaire ". Les 6 heures qui restent, ou " surtravail " ne seront pas payées. Elles correspondent à la " plus value " qui va permettre le profit capitaliste. Bien sûr nul patron n'ira dire à son ouvrier qu'il ne le paiera que la moitié de ses heures. Mais il paiera chaque heure à la moitié de leur valeur réelle, ce qui aura pour effet de masquer le fait que le travail ne soit pas payé en totalité. Marx appelle exploitation ce processus qui consiste à ne payer qu'une partie du travail fourni pour permettre le profit et qui est à l'origine de la richesse. On remarquera que l'exploitation n'est pas propre au système capitaliste. Il est clair que le maître dans l'Antiquité ne donnait à l'esclave que ce qui lui était nécessaire pour ne pas mourir et considérait que son temps de travail lui appartenait. De même le paysan de l'époque féodale consacrait un certain temps à travailler pour sa nourriture et donnait le reste de son temps de travail à son seigneur. La différence est qu'en système capitaliste on masque le fait que l'ouvrier travaille en réalité une partie de son temps gratuitement. Le capitaliste prétend même payer les heures supplémentaires. Mais il est clair qu'il ne peut employer quelqu'un qui lui coûterait plus ou même seulement autant que ce qu'il lui rapporte. Le salariat masque l'existence de l'exploitation. Il y a deux façons d'augmenter la plus value : soit accroître le temps de surtravail (au début du capitalisme on exigeait 14 à 15 heures de travail par jour et songeons aussi aux pays du tiers monde), soit diminuer le travail nécessaire (en veillant par une augmentation de la productivité à ce que les produits de première nécessité coûtent moins cher). Il est clair que l'ouvrier a, quant à lui, intérêt au processus inverse et c'est le moteur fondamental de la lutte des classes. 28 Matérialisme dialectique et matérialisme historique Le matérialisme dialectique correspond à la philosophie marxiste quand le matérialisme historique, lui, se veut une science de l'histoire. a) le matérialisme dialectique. Marx retient de Hegel l'affirmation que seule une approche dialectique peut permettre de cerner le réel. On ne peut comprendre et saisir la vérité qu'en unifiant les opposés (thèse / antithèse / synthèse). Mais encore faut-il bien voir (et c'est en cela que Marx, contrairement à Hegel est matérialiste) que les contradictions de la pensée humaine ont aussi leur source dans le réel objectif. La vérité n'existe pas toute faite avant l'effort humain pour la comprendre. Il y a des conditions concrètes de la recherche de la vérité. Il faut saisir dans le réel les aspects contradictoires et trouver leur unité c'est à dire l'ensemble de leur mouvement. On analyse la réalité, y découvrant des éléments contradictoires (prolétariat / bourgeoisie, être / néant etc.) puis on opère une synthèse de ces éléments qui permet de saisir le mouvement et la vie. c) le matérialisme historique. Marx et Engels reconnaissent à Hegel le grand mérite d'avoir représenté la totalité du monde naturel, historique et spirituel comme un processus c'est à dire un mouvement, un changement, un développement incessant et d'avoir aussi tenté de démontrer la connexion intime dans ce mouvement et dans ce développement. De plus, la problématique de l'histoire chez Marx est très proche de celle de Hegel. Pas plus pour l'un que pour l'autre l'expérience ne peut être lue directement. Il y a un sens caché à découvrir et il faut distinguer l'histoire vraie de l'histoire apparente. Pour Marx aussi, c'est à l'aide d'abstractions, de concepts, qu'il sera possible de reconstituer l'objet à connaître. D'autre part, Marx a tenu à affirmer qu'il n'avait découvert ni l'existence des classes sociales ni la lutte des classes et, effectivement, ces notions se trouvent avant lui chez les économistes bourgeois. Pourtant, Marx a élaboré une science nouvelle. Tout d'abord, la méthode de Marx est radicalement opposée à celle de Hegel. Quand pour Hegel, c'est l'Idée qui se réalise dans l'histoire, qui est même le moteur de l'histoire, pour Marx au contraire, l'idée n'est que le produit du vrai moteur de l'histoire qu'est la base matérielle c'est à dire la base économique et sociale. Autrement dit, si Hegel fait de l'Idée ce qui produit, fait évoluer la réalité matérielle, pour Marx au contraire la raison est le résultat de la base matérielle. " Ce n'est pas la conscience des hommes qui détermine leur être social, c'est leur être social qui détermine la conscience des hommes " 29 Pour comprendre l'histoire il faut d'abord définir cette base matérielle. Selon Marx, toute société se définit par ce qu'il appelle son mode de production (les marxistes parleront plus tard d'infrastructure socio-économique) qui se définit lui-même par deux éléments : • • Les forces productives : c'est tout ce qui sert matériellement à la production c'est à dire les outils, les machines, les terres, les usines, les matières premières mais aussi et surtout la force humaine de travail. Les rapports de production : elles correspondent aux rapports de classe. Rappelons que chez Marx le concept de classe est un concept strictement économique : c'est l'ensemble des individus situés dans le même rapport à l'appareil de production. Par exemple, en système capitaliste, l'ensemble des propriétaires des moyens de production constitue la classe bourgeoise, l'ensemble de tous ceux qui ne possédant que leur force de travail doivent se salarier constitue le prolétariat. Les rapports de classe sont des rapports antagonistes c'est à dire que les classes sociales ont des intérêts radicalement opposés tels que, si l'une satisfait ses intérêts, elle le fera au détriment de l'autre. C'est l'état des forces productives qui détermine celui des rapports de production. À partir de là, il est possible de définir cinq modes de production : • • • • • Le mode de production antique. Les forces productives sont artisanales et les rapports de production sont ceux du maître et de l'esclave. Le mode de production féodal. Les forces productives sont agricoles et les rapports de production sont les rapports serf / seigneur à la campagne, maître / compagnon à la ville dans le système des corporations. Le mode de production capitaliste. Les forces productives sont industrielles et les rapports de productions correspondent au rapport bourgeoisie / prolétariat. Le mode de production socialiste. Il n'existe pas encore pour Marx mais on peut en dire qu'il doit correspondre à l'extinction progressive du rapport de classe et à une nouvelle révolution industrielle. Marx s'interdit du reste de trop anticiper sur l'avenir qui sera surtout ce qu'en feront les hommes et non ce qu'en décide le penseur. Le mode de production asiatique. Marx souligne son existence mais ne développe pas son analyse. Il correspond au système des castes tel qu'il existe en Inde. Chaque mode de production détermine les superstructures d'une société c'est à dire à la fois ses institutions mais aussi ses productions intellectuelles, mentales que Marx appelle les idéologies 30 Nous avons dit que l'état des forces productives détermine les rapports de production. Mais ces forces productives ne sont pas statiques. Elles évoluent ne serait-ce que par ce qu'il existe un progrès scientifique et technique. Elles vont donc nécessairement entrer un jour en contradiction avec les rapports de production et aussi les superstructures qui tendent toujours à maintenir le régime en place. Dès lors les forces productives ne peuvent plus évoluer. Elles sont bloquées. C'est cette contradiction qui explique selon Marx les crises économiques. Le seul moyen de résoudre la contradiction est de changer les rapports de production ce qui correspond exactement à ce que Marx appelle une révolution (celle-ci peut donc être pacifique comme le fut le passage du mode de production antique au mode de production féodal). Lors d'une révolution, la classe dominée (révolutionnaire) devient classe dominante. La bourgeoisie fut une authentique classe révolutionnaire lors du passage du système féodal au système capitaliste. Pour Marx, nous vivons à l'heure des contradictions entre les forces productives du mode de production capitaliste et les rapports de production de cette société c'est à dire le régime de propriété privée des moyens de production et du profit qui est aussi pour le prolétariat le régime de l'exploitation et de l'aliénation. Or, pour la première fois, changer les rapports de production ce sera supprimer les rapports de classe. La classe dominée est actuellement le prolétariat. C'est donc le prolétariat qui doit prendre le pouvoir. Il doit d'abord prendre le pouvoir politiquement. Cette phase est dite de " dictature du prolétariat ". Il ne faut pas se méprendre sur cette expression. Pour Marx tout État est l'instrument politique de domination d'une classe déjà économiquement dominante. Par exemple l'État actuel est l'instrument qui conforte politiquement la domination économique de la bourgeoisie. C'est donc la " dictature de la bourgeoisie ", ce qui n'exclut nullement des institutions de type démocratique. La dictature du prolétariat est donc la phase où le prolétariat s'érige en classe politiquement dominante. Cette classe doit alors réaliser l'appropriation collective des moyens de production c'est à dire que les usines, les propriétés agricoles etc. deviennent un bien commun et non plus la propriété de quelquesuns. Durant cette étape, le mode de production est socialiste. Il fonctionne selon la formule " A chacun selon ses mérites " c'est à dire que celui qui travaille le plus doit être payé davantage. L'économie d'échange avec monnaie demeure. Quand l'appropriation des moyens de production par la collectivité est terminée, les rapports de classe disparaissent puisque tout le monde étant dans le même rapport à l'appareil de production (celui de propriétaire) il n'existe plus qu'une seule classe sociale, celle des propriétaires collectifs. L'État, qui avait pour fonction d'assurer la domination d'une classe sur une autre n'a plus de raison d'être. Il dépérit (ce qui n'exclut bien sûr nullement l'existence de lois et d'institutions politiques) et commence l'ère du communisme où les individus 31 gèrent ensemble le bien public et reçoivent les fruits du travail selon la formule " A chacun selon ses besoins ". Le communisme n'est plus une société d'échange mais de redistribution des biens et on peut donc abolir la monnaie. À vrai dire Marx dit peu de choses de cette société du futur car ce sera aux hommes de l'organiser. On voit que Marx ne se contente pas d'interpréter l'histoire. Il en tire des règles d'action pour transformer le monde. La connaissance de l'histoire n'est pas une recherche purement intellectuelle mais ce qui rend possible la stratégie et la tactique d'une action politique. Toute action politique qui ne se fonde pas sur une connaissance historique est vouée à l'échec. C'est la définition marxiste de l'utopie. Il y a chez Marx, la conception d'une histoire qui inclut la finalité sans intentionnalité. L'histoire ne poursuit pas de but mais les événements sont le produit de mécanismes dont l'historien doit dégager les lois. L'histoire va certes vers un point (le communisme) mais ne tend pas vers ce point car il n'y a pas d'intention mais une simple nécessité (un peu comme il est nécessaire qu'une pierre vouée aux lois de la pesanteur tombe, sans qu'elle en ait pour autant l'intention). Le rôle des hommes n'est pas de changer le sens de l'histoire qui est déterminé mais seulement de l'accélérer. Tel est le sens de l'action politique : aller dans le sens de l'histoire et tant mieux si ce sens est bénéfique. S'il ne l'était pas nous n'y pourrions rien. La conception de l'histoire chez Marx montre que c'est en fin de compte la lutte des classes qui est le moteur de l'histoire ou plus exactement le mode de production. Ce mode de production détermine la conscience, les idées des hommes. C'est la qu'intervient le concept d'idéologie. Le concept d'idéologie Est idéologique, au sens marxiste, tout système de pensée qui a des racines socio-économiques inconscientes. Ainsi les phénomènes économiques peuvent se traduire dans les idées des hommes sans que ceux-ci le sachent. Le penseur croit développer ses pensées de façon autonome. Il croit être maître de ses pensées quand il ne fait que refléter une certaine situation historique et économique. Il faut souligner que l'idéologie a une fonction de classe. Elle traduit, sans le savoir, les intérêts d'une classe sociale et est donc partiale. Comme les penseurs se sont longtemps recrutés dans les classes dominantes, la philosophie développe largement les intérêts de la classe dominante. En termes marxistes elle est une idéologie de classe dominante. Par exemple, le mépris de la pensée antique vis à vis de la technique au profit du savoir désintéressé ne serait que la transposition idéologique de la division de la société antique en maîtres (ceux 32 qui disposent du loisir philosophique et pensent) et esclaves (ceux qui travaillent). En théorisant l'utile comme servile et méprisable (Aristote disait que la noblesse des mathématiques est de ne servir à rien), on ne ferait que conforter le système de l'esclavage. Il apparaît en effet dans cette idéologie que l'esclave est méprisable par son activité. L'idéologie de classe dominante conforte le système en place, se met à son service. L'exemple de la critique marxiste de la religion nous fera mieux comprendre ce qu'est l'idéologie. La religion chrétienne ne naît pas au hasard. C'est d'abord la religion des pauvres dans le cadre de la décadence romaine. Elle est donc à ses débuts une idéologie de classe dominée. En imaginant un paradis après la mort, elle apparaît à la fois comme une protestation contre la misère réelle mais aussi bientôt comme sa légitimation (et en cela elle devient idéologie de classe dominante). En effet, en espérant un bonheur après la mort (qu'en matérialiste Marx considère comme illusoire) on ne cherche plus le bonheur sur terre. On ne cherche plus à changer l'ordre social. C'est le sens de la célèbre formule " La religion est l'opium du peuple ". Avec la religion, on fait croire au peuple que son malheur sur terre est un bien et une promesse de salut. Les Écritures insistent sur l'idée qu'une vie de souffrance est promesse de salut. Mais il ne faut pas se méprendre sur le sens de cette analyse. Rien ne sert d'interdire autoritairement la croyance et la pratique religieuse. Pour détruire l'illusion, il faut mettre fin à un état qui a besoin d'illusions. C'est la racine de l'idéologie, sa source, c'est à dire le mode de production qui l'engendre qu'il s'agit de combattre. Il faut bien voir que tout produit culturel n'est pas nécessairement idéologique. Marx remarque, par exemple, qu'on peut toujours admirer l'art antique alors même que la société esclavagiste n'existe plus. De même on sait combien fut ridicule et dangereuse l'interprétation stalinienne qui voulait faire de la science une idéologie et opposer à la science dite bourgeoise une science prolétarienne. Il n'en reste pas moins vrai qu'aux yeux de Marx la science a des conditions historiques d'apparition car " L'humanité ne se pose jamais que les problèmes qu'elle peut résoudre ". Lorsque surgit le problème, les conditions matérielles et intellectuelles de sa solution sont déjà, présentes. Il faut bien voir aussi que l'action réciproque entre infrastructure économique et superstructure idéologique est complexe. Les idées aussi agissent sur le mode de production (sinon quel sens aurait la constitution d'un parti politique ?). De plus chaque type de superstructure agit dans son propre domaine : la philosophie influe sur la philosophie à venir, le droit sur le droit à venir etc. De même chaque superstructure agit sur les autres (la religion sur l'art, l'art sur la philosophie etc.). Cependant les conditions socio-économiques sont 33 déterminantes c'est à dire qu'elles constituent l'instance prépondérante qui, en dernière analyse, modifie les autres. Ceci est si vrai que, dans une situation historique donnée, il n'y a pas de volonté collective qui s'exprime mais des efforts individuels dont chacun, pris isolément, est un hasard mais qui, en fin de compte, vont réaliser la nécessité économique. Les grands hommes eux-mêmes sont le fait du hasard. Napoléon fut le dictateur dont la République épuisée par la guerre avait besoin mais, faute de celui-ci, un autre aurait joué le même rôle et cela est si vrai que, chaque fois qu'on eut besoin d'un homme exceptionnel, on le trouva (preuve qu'il n'avait en fait rien d'exceptionnel). On retrouve donc toujours la primauté de la sphère socio-économique. Les hommes ont une petite marge de liberté mais ils n'agiraient pas de façon identique dans un autre contexte social. Ainsi le peintre Delacroix, s'il naissait aujourd'hui, peindrait dans un tout autre style et si Marx était né au XVII° s. il n'aurait pas écrit Le Capital. Mais un autre que lui aurait développé des thèses proches. Le spirituel n'a pas de réalité autonome. Marx affirme la nécessité d'un dépassement de la philosophie théorique : la réflexion philosophique doit devenir fondamentalement pratique ; elle est inséparable d'une transformation radicale de la société, transformation destinée à dépasser la sphère de l'aliénation humaine, c'est-à-dire celle de l'existence historique où l'homme (au travail) est dépouillé de lui-même et de ses oeuvres. Au-delà de cette inhumanité profonde de l' histoire, Marx nous laisse espérer un saut dans le règne de la liberté. "Le communisme, abolition positive de la propriété privée (elle-même aliénation humaine du soi) et par conséquent appropriation réel de l'essence humaine par l'homme et pour l'homme; donc retour total de l'homme pour soi en tant qu'homme social, c'est-à-dire humain, retour conscient et qui s'est opéré en conservant toute la richesse du développement antérieur. Ce communisme en tant que naturalisme achevé a la vraie solution de l'antagonisme entre l'homme et la nature, entre l'homme et l'homme, la vraie solution de la lutte entre existence et essence, entre objectivation et affirmation de soi, entre liberté et nécessité, entre individu et genre. Il est l'énigme résolue de l'histoire et il se connaît comme cette solution." (Marx: Manuscrits de 1844 p. 87) "Il y a de plus des vérités éternelles, telles que la liberté, la justice, etc., qui sont communes à tous les régimes sociaux. Or, le communisme supprime les vérités éternelles, il supprime la religion et la morale au lieu d'en renouveler la forme, et il contredit en cela tous les développements historiques antérieurs." (p. 55) "La révolution communiste est la rupture la plus radicale avec les rapports traditionnels de propriété ; rien d'étonnant si dans le cours de son 34 développement, elle rompt de la façon la plus radicale avec les idées traditionnelles." [c'est-à-dire religieuses en premier lieu - PG] (p. 56) "Ensuite nous savons que la cause sociale profonde des excès qui constituent la violation des règles de la vie en société, c'est l'exploitation des masses, noués au besoin, à la misère. Cette principale cause une fois écartée, les excès commenceront infailliblement à "éteindre". Avec quelle rapidité et quelle gradation, nous l'ignorons; mais nous savons qu'ils s'éteindront. Et avec eux l'État s'éteindra à son tour" (Lenine: L'État et la révolution p, 114) Le marxisme est un courant à la fois philosophique, politique, économique et sociologique qui se réclame des idées de Karl Marx et de Friedrich Engels (1820-1893). Philosophiquement, le marxisme s'inspire du matérialisme français du XVIIIe siècle (en réaction aux philosophies idéalistes et dualistes), de la philosophie classique allemande (en particulier des idées de Friedrich Hegel), de l'économie politique anglaise ainsi que du socialisme utopique français. Il est fondé sur une conception matérialiste de l'Histoire ainsi que sur la méthode dialectique, l'ensemble constituant le matérialisme dialectique. Pour Marx et Engels, "l'histoire de toutes les sociétés humaines jusqu'à nos jours n'est que l'histoire de la lutte des classes". Ils identifient au cours de l'histoire trois modes de production : l'esclavagisme, le féodalisme et le capitalisme. L'évolution des moyens de production change les conditions économiques et amène au pouvoir de nouvelles classes sociales qui, à leur tour, modifient les modes de production, etc. C'est ainsi que la bourgeoisie a renversé le régime féodal et a engendré le prolétariat. Comme les seigneurs vis-à-vis des serfs, les bourgeois capitalistes qui détiennent les moyens de production, dominent, exploitent et oppriment les prolétaires. De la lutte politique de ces derniers dépend le renversement de la bourgeoisie et du capitalisme, mais aussi l'instauration de la future société socialiste et du communisme. Economiquement le marxisme est une analyse du capitalisme, un système dont la finalité est l'accumulation du capital par le biais des profits (ou plus-values). Ces profits représentent la part non rétribuée du travail des prolétaires à qui l'on ne donne que de quoi renouveler leur force de production. Pour Marx, le capitalisme conduit à des contradictions ("exploitation de l'homme par l'homme"): 35 • • • • concentration des richesses sur une classe de la société et misère pour l'autre ; accroissement continu de la rentabilité par le progrès technique , surpopulation de travailleurs, engendrant le chômage ; augmentation de la production sans augmentation de la consommation provoquant des crises cycliques de surproduction. Pour résoudre ces contradictions, Marx et Engels estiment que la prise du pouvoir par le prolétariat est nécessaire et que cette révolution doit aboutir inéluctablement à une nouvelle forme de société, le communisme, sans classe et sans Etat, mettant fin à l'exploitation de l'homme par l'homme et le rendra maître de son histoire. La transition vers le communisme doit se faire en deux étapes, l'une courte de dictature du prolétariat pour garantir le triomphe de la révolution, et l'autre une longue phase d'élaboration du socialisme avec la collectivisation des moyens de production et d'échange. Pour préparer la révolution, le prolétariat doit s'organiser sur les plans politique et syndical. L'internationalisme ouvrier devient la réponse à l'internationalisation des structures d'échange, de production et d'oppression du capitalisme. Le marxisme-léninisme qui est le prolongement au XXe siècle des théories de Marx et de Engels, met davantage en avant l'activisme révolutionnaire et la dictature du prolétariat. Le marxisme a servi de fondement aux régimes "communistes" qui se sont implantés dans le monde entre la révolution russe (1917) et les années 1990. Aujourd'hui, même si cela n'a pas toujours été le cas par le passé, la majorité des marxistes considère qu'il n'a pas de liens entre ces régimes et la pensée de Karl Marx. Dr Ali KILIC,Paris le 23 octobre 2009 BIBLIOGRAPHIE Karl Marx, Le Capital. Édition populaire (Résumés-Extraits) par Julien Berchard. Texte français établi par J.-P. Samson. Paris: Les Presses universitaires de France, 1935. Réimpression: PUF, 1963, 4e tirage.. Karl Marx,Le capital. Critique de l'économie politique (1867) Livre premier: Le développement de la production capitaliste. (Traduction française de Joseph Roy, entièrement révisée par Marx, 1875. Tome I: Section I (La marchandise et la monnaie), Section II (La transformation de l'argent en capital) et Section III (La production de la plus-valus absolue); 36 Tome II: Section IV (La production de la plus-value relative), Section V (Nouvelles recherches sur la production de la plus-value) et Section VI (Le salaire); Tome III: Section VII (L'accumulation du capital) et Section VIII (L'accumulation primitive) Texte téléchargeable ! Une réalisation des Archives Internet marxiste, section française. Un chapitre inédit du Capital (1867) Un chapitre inédit entre le Livre I et le livre II. (Chapitre VI) Livre deuxième: Le procès de circulation du capital. (Traduction française de Julian Borchardt et Hippolyte Vanderrydt de l'Institut des sciences sociales de Bruxelles. Paris: V. Giard et Brière, 1900, 592 pages. Livre troisième: Le procès d'ensemble de la production capitaliste. (2 tomes).Traduction française de Julian Borchardt et Hippolyte Vanderrydt, de l'Institut des sciences sociales de Bruxelles. Paris: V. Giard et E. Brière, libraires-éditeurs, 1901 et 1902. Tome premier. Paris: V. Giard et E. Brière, libraires-éditeurs, 1901, 522 pages. Tome deuxième: (suite et fin). Paris: V. Giard et E. Brière, libraires-éditeurs, 1902, 496 pages. Karl Marx, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel (1843) Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte. (1851). Paris: Les Éditions sociales, 1969, 162 pp. Collection: Classiques du marxisme. Traduction française sur la 3e édition allemande. Une édition numérique de Claude Ovtcharenko, Karl Marx, Contribution à la critique de l'économie politique (1859) Karl Marx, La guerre civile en France (1871) (La Commune de Paris). Karl Marx, Les luttes de classes en France, 1848-1850 (1850) Karl Marx, Manuscrits de 1844 (1844) (Économie politique et philosophie). Karl Marx, “La Méthode de l’Économie Politique”. 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