Lettre de convocation : la "fausse" question du
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Lettre de convocation : la "fausse" question du
3/7/2015 [Ressources humaines] L'actualité actuEL RH : Lettre de convocation : la "fausse" question du respect des droits de la défense Lettre de convocation : la "fausse" question du respect des droits de la défense 03/07/2015 Nicolas Chavrier, avocat associé au sein du cabinet FromontBriens, critique la motivation du jugement du conseil de prud'hommes d'Evreux du 26 mai 2015. Les juges avaient condamné une entreprise pour n'avoir pas précisé les griefs dans la lettre de convocation à l'entretien préalable en invoquant le respect des droits de la défense. La question de la communication des griefs avant l’entretien préalable est étonnamment sur le devant de la scène juridique suite à un jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Évreux en date du 26 mai 2015 (lire notre article). Les conseillers ont condamné un employeur pour nonrespect des droits de la défense en se fondant sur l’article 6§3 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) et l’article 7 de la convention n°158 de l’OIT. Ce jugement s’inscrit dans la droite ligne d’un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris, pôle 6, chambre 6, le 7 mai 2014 [1] sur le seul fondement de l’article 7 précité. En l’absence de principes légaux en droit interne sauf, le cas échéant, de dispositions conventionnelles [2], les juridictions susvisées ont cru pouvoir se fonder sur des dispositions issues du droit européen et du droit international du travail. Elles ont estimé que le respect des droits de la défense, tel qu’issue des normes susvisées, implique que le salarié puisse préparer en toute connaissance de cause son entretien préalable en étant informé en amont des reproches de l’employeur à son encontre. Un recours à l’article 6§3 de la CEDH incompréhensible Si le conseil de prud’hommes pouvait appliquer directement les textes issus de la CEDH, encore fallaitil qu’il le fasse à bon escient. Une simple lecture du premier paragraphe permet de relever que l’article 6 implique d’avoir un accès concret et effectif à un tribunal. La Cour européenne a évidemment donné une interprétation autonome de la notion de tribunal. Selon la Cour, un tribunal se caractérise au plan matériel par sa fonction juridictionnelle « trancher, sur la base de normes de droit et à l’issue d’une procédure organisée, toute question relevant de sa compétence »[3]. La Cour européenne a alors déjà jugé que l’article 6 ne s’appliquait pas hors d’une procédure contentieuse [4]. Si l’on s’en tient également à la lettre de l’article 6, le caractère ubuesque des garanties exigées apparait de façon flagrante notamment celui de la publicité des débats mais encore de l’impartialité. Il importe enfin de noter que saisie d’une question prioritaire de constitutionalité, la Cour de Cassation confirme en tant que de besoin le fait que : « …. le principe du droit à un procès équitable ne http://www.actuelrh.fr/content/lettredeconvocationlafaussequestiondurespectdesdroitsdeladefense 1/3 3/7/2015 [Ressources humaines] L'actualité actuEL RH : Lettre de convocation : la "fausse" question du respect des droits de la défense s'applique pas au stade non juridictionnel de l'entretien préalable [5]» (Cass. Soc. 27 février 2013, 1223213). La situation est encore plus ubuesque lorsque l’on relève que le conseil de prud’homme s’est en fait plus spécifiquement fondé sur l’article 6§3 de la CEDH. Or, sans qu’il soit besoin d‘épiloguer plus avant, l’article 6§3 ne s’applique qu’aux personnes sous le coup d’une accusation en matière pénale [6]. Une interprétation extensive de l’article 7 de la convention OIT n°158. Le conseil de prud’hommes d’Évreux reprend ici le fondement retenu par la cour d’appel de Paris, pôle 6 chambre 6 dans son arrêt du 7 mai 2014. L’article 7 énonce qu’ « un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu'on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées, à moins que l'on ne puisse pas raisonnablement attendre de l'employeur qu'il lui offre cette possibilité ». À la différence des principes issus de la CEDH, il eut été pour le moins intéressant de s’interroger quant à l’applicabilité directe des dispositions de l’article 7 de la convention de l’OIT. Cette question mérite d’être envisagée puisqu’on rappellera, à toute fin utile, qu’en l’absence d’effet direct de la norme internationale, il est impossible d’écarter la norme interne qui serait soidisant contraire. Faute de l’avoir envisagé, la question est donc celle de savoir si l’article 7 commande que l’employeur dresse la liste de l’ensemble des griefs préalablement à l’entretien ? Rien n’est moins sûr. Cette interprétation particulièrement extensive ne semble ainsi pas répondre à la volonté des rédacteurs de la convention n°158. En effet, les conventions de l’OIT sont caractérisées par leur souplesse afin de pouvoir s’adapter aux différentes politiques économiques et sociales des Etats, sauvegardant, de fait, leur universalité. Si l’on se reporte aux travaux préparatoires de la convention, il est très clair que les rédacteurs ont eu la volonté de mettre en place une phase de dialogue et de réflexion entre les parties en cause avant le licenciement. Selon le rapport de la commission d’experts, la « possibilité de se défendre » évoquée par l’article 7 a trait à la possibilité d’être entendu par l’employeur avant le licenciement mais n’impose pas le respect d’une procédure contradictoire. La volonté des Etats parties à la convention était d’éviter la mise en place d’une procédure quasi juridictionnelle au formalisme excessif, respectant l’objectif d’instauration d’un dialogue entre l’employeur et le salarié. La volonté de sauvegarder la souplesse du texte est encore renforcée par la lecture du 3e rapport préparatoire à la convention n°158 et le rejet d‘un amendement visant à insérer les mots «allégations préalablement formulées par écrit». L’article 7 a seulement pour objet de permettre à l’employeur et au travailleur de se confronter et d’argumenter leurs griefs sans qu’il soit nécessaire de communiquer lesdits griefs préalablement à la confrontation. Les droits de la défense et le contradictoire sont respectés dès lors que le travailleur a la possibilité de s’exprimer préalablement à son licenciement et le droit interne français est en cela en conformité avec les normes européennes et internationales. Une décision contraire à la jurisprudence constante de la Cour de cassation. Cette position jurisprudentielle, n’a, jusqu’à présent, jamais été entérinée par la Cour de cassation et n’a pas trouvé d’écho favorable auprès des autres juridictions du fond (notamment CA Paris, pôle 6, chambre 1, 21 mai 2014, 12/08687). Bien au contraire puisque la Cour de cassation a déjà eu l’occasion de préciser que l’entretien préalable n’a pas pour objet de procéder à une enquête, mais seulement de recueillir les explications du salarié en cause, que l’employeur n’a pas à communiquer ses griefs au salarié et qu’enfin l’entretien préalable est une phase non contentieuse (notamment Cass. Soc, 14 novembre 2000, n° 9844117). Elle l’a encore rappelé récemment dans un arrêt du 18 février 2014 (n°1217557), en considération d’une communication préalable des pièces. http://www.actuelrh.fr/content/lettredeconvocationlafaussequestiondurespectdesdroitsdeladefense 2/3 3/7/2015 [Ressources humaines] L'actualité actuEL RH : Lettre de convocation : la "fausse" question du respect des droits de la défense La « fausse » question du respect des droits de la défense Audelà de la conformité ou non du droit français au droit international, c’est la question des droits de la défense et du respect du contradictoire qui se pose de façon récurrente. Certes, rien ne s’oppose à une modification de la législation qui viendrait contraindre les employeurs à communiquer l’ensemble des griefs allégués au salarié avant l’entretien préalable. Deux observations s’imposent cependant. D’une part, il n’est pas possible de fonder cette obligation sur le principe du respect des droits de la défense ou du contradictoire. En effet, ces droits sont indissociables d’une procédure juridictionnelle. L’emploi de tels termes hors d’une procédure contentieuse est un abus de langage et ne repose sur aucun fondement juridique, ni en droit interne, ni en droit international. D’autre part, il ne semble pas judicieux à l’aune du souhait « partagé » d’une simplification de notre droit du travail d’imposer aux employeurs un nouveau formalisme pour le moins excessif alors que, de surcroit, rares sont les hypothèses dans lesquelles le salarié est dans l’ignorance totale des motifs de sa convocation. [1] Rectifié par arrêt du 10 septembre 2014. [2] Voir en ce sens Cass. Soc. 9 janvier 2013, n°1125646 [3] Cour EDH, 22 octobre 1984, Sramek, §36. [4] Cour EDH, 24 août 2010, Alaverdyan v. Armenia, §35: “this was a noncontentious and unilateral procedure which did not involve opposing parties and was applicable only to cases where there was no dispute over rights”. [5] Même si cela ne préjuge pas de la compatibilité du texte avec les normes européennes ou internationales, car il s’agit dans ce cadre d’une analyse sur le bloc de constitutionalité. [6] Cour EDH, Meftah et autres c/ France, §40 : « La Cour rappelle que le paragraphe 3 de l'article 6 renferme une liste d'applications particulières du principe général énoncé au paragraphe 1 : les divers droits qu'il énumère en des termes non exhaustifs représentent des aspects, parmi d'autres, de la notion de procès équitable en matière pénale ». Nicolas Chavrier Ecrit par Florence Mehrez Autres articles de l'édition Que faire face à un salarié qui refuse une mise à pied conservatoire ? Les documents RH rédigés en anglais sont opposables à une salariée américaine ! Fin de la période transitoire pour les travailleurs croates Indemnités de licenciement dans les TPE : le Sénat modifie le texte http://www.actuelrh.fr/content/lettredeconvocationlafaussequestiondurespectdesdroitsdeladefense 3/3