ICI ET LÀ-BAS : PAROLES D`IMMIGRÉS

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ICI ET LÀ-BAS : PAROLES D`IMMIGRÉS
HISTOIRE
ICI ET LÀ-BAS :
PAROLES D’IMMIGRÉS
CNDP
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France, terre d’immigration ; depuis un siècle et demi, des
hommes, des femmes du monde entier sont venus en
France : migrants du travail, exilés politiques, intellectuels
et artistes attirés par la capitale… Ce film, un montage
d’extraits d’archives du CNDP, évoque l’immigration en
France, à partir de documents réalisés entre 1968 et 1991.
Il n’a pas pour objectif de traiter ce sujet de manière
exhaustive ; il permet à travers des témoignages croisés,
une approche de la diversité de l’immigration en France
et des difficultés rencontrées par les immigrés et par leurs
enfants. Quatre instants-réflexions, introduits par des
ralentis, apportent des éléments d’analyse.
La première partie du film suggère, dans un parcours
chronologique, l’arrivée, l’installation et l’ancrage de
quelques-unes des principales communautés étrangères :
Arméniens, après le génocide de 1915 ; puis Polonais et
Italiens dans les années vingt et trente ; ensuite à la
charnière des années soixante-soixante-dix, Maghrébins
et Portugais ; enfin, à partir de 1975, les Asiatiques.
La deuxième partie développe les caractéristiques de
l’intégration des diverses communautés évoquées dans la
première partie. En dépit des obstacles et parfois des
drames, les populations issues de l’immigration ont fini par
s’adapter, puis par se fondre avec le temps dans la nation
française, généralement à la deuxième génération. Les
Maghrébins dont les enfants sont pourtant aujourd’hui
culturellement intégrés, sont particulièrement confrontés
aux phénomènes de racisme.
RÉALISATION : MARYVONNE BLAIS – COLLABORATION : MARIE-CLAUDE
C H A V A N D – P R O D U C T I O N : C N D P, 2 0 0 0 – D U R É E : 3 2 M I N
CENTRE NATIONAL DE DOCUMENTATION PÉDAGOGIQUE
S’intégrer pour rester définitivement, prévoir un
hypothétique retour au pays, trouver sa place « ici » ou
« là-bas », les questions qui se posent aux immigrés et à
leurs enfants ne trouvent pas aisément de réponses.
Toujours est-il que les immigrés représentent aujourd’hui
une composante clé de la France plurielle.
➠
Collège
ÉDUCATION CIVIQUE
5e : La lutte contre les discriminations
3e : La citoyenneté politique et sociale
➠ HISTOIRE-GÉOGRAPHIE
3 : La France depuis 1945
e
➠
Lycée : utilisation possible dans les trois niveaux
ÉDUCATION CIVIQUE, JURIDIQUE ET SOCIALE
2de : Citoyenneté et intégration
➠ GÉOGRAPHIE
1 : La population française ;
re
et dans le cadre des Travaux personnels encadrés (TPE)
➠ HISTOIRE
T : La France depuis 1945, économie et société ;
le
et éventuellement dans le cadre des TPE
2
DÉCOUPAGE ET STRUCTURE
Séquence prégénérique : trois visages, trois pays
00’00’’ Un jeune garçon évoque l’arrivée en France de ses grandsparents venus de Sardaigne.
Un Algérien raconte pourquoi ses parents sont arrivés en
France métropolitaine en 1952.
Un Espagnol, réfugié en France au temps de la guerre
d’Espagne, raconte son passage de la frontière.
01’49’’ Titre : Ici et là-bas : paroles d’immigrés
01’54’’ Sur des images de jeunes enfants – sénégalais pour la
plupart – en situation de soutien scolaire, présentation du
film et de ses deux parties.
Des vagues successives d’immigration
La première moitié du siècle
02’21’’ Les Arméniens
Un atelier de confection à Issy-les-Moulineaux, rue d’Erevan.
Témoignage sur l’accueil fait en France à ceux qui étaient
partis chassés par le génocide de 1915.
03’07’’ Les Polonais
Trois exemples : dans le Nord, à Libercourt, un professeur de
français, d’origine polonaise, se souvient de son enfance et de
son père, mineur ; dans une autre commune minière du Nord,
une famille est arrivée vers 1930, retrouvant des immigrés
déjà installés, tous mineurs; à Paris, une femme née à Varsovie,
en 1921, dit pourquoi toute sa famille a émigré en France
dans les années trente, fuyant la misère et l’antisémitisme.
07’05’’ Les Italiens
À Alès, des jeunes précisent leurs origines italiennes :
Venise, Florence, la Sardaigne, et racontent comment leurs
arrière-grands-parents, paysans en Italie, sont devenus
ouvriers, mineurs, en France.
Belfort : une femme évoque l’arrivée de ses parents refusant
le fascisme, en 1925, et leur installation dans le « quartier
des étrangers ».
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08’54’’ Premier instant-réflexion
Point de vue d’une jeune fille de Marseille sur l’immigration
dans sa ville : les mêmes quartiers ont toujours servi pour
l’immigration. De génération en génération, les nouveaux
arrivants s’y concentrent, tandis que les plus anciens les
quittent, au fur et à mesure de leur intégration.
Le grand tournant des années soixante
09’35’’ Les Maghrébins
En banlieue parisienne, images des années soixante : les
Algériens travaillent sur les chantiers de construction et
habitent des bidonvilles.
Dix ans plus tard, des jeunes filles maghrébines des Hautsde-Seine, font le lien entre les conditions de vie des familles
immigrées et les difficultés scolaires de leurs enfants.
Un père de famille algérien, à Saint-Denis, toujours en
région parisienne. Il a travaillé sur les grands chantiers de
construction parisiens dans les années soixante : la Défense,
le front de Seine… Il évoque les difficultés d’adaptation rencontrées par sa femme, l’avenir de ses enfants.
12’17’’ Les Portugais
Dans les environs de Cahors, à Crayssac, le maire, en
compagnie d’un groupe d’élèves, fait l’historique de
l’immigration portugaise dans sa région et souligne l’apport
démographique et économique de cette communauté à
la vie locale.
Deux courts témoignages soulignent la réussite sociale des
Portugais à Cahors.
Après 1975
13’39’’ Les Asiatiques
Images de la diaspora chinoise de Paris, dans le XIIIe arrondissement devenu une sorte de Chinatown à la française.
À Castres, un Laotien. Il est arrivé avec sa famille en 1977,
fuyant son pays en guerre. Il rêve d’un retour au pays, un
jour, peut-être… En attendant, la réalité, c’est l’intégration
qu’il faut réussir, ici et maintenant.
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Témoignages sur l’intégration
Les immigrés victimes du racisme et de la xénophobie
15’31’’ Propos du racisme ordinaire
À Cahors, en 1989, des femmes originaires de la région se
plaignent de la présence des immigrés : « L’ambiance dans
le quartier, elle était bien, avant… ».
16’21’’ Deuxième instant-réflexion
Contrepoint aux propos précédents : un manifestant de
« Convergence 84 » dit l’importance de discuter avec les
gens qui ont des idées fausses sur l’immigration, c’est ainsi
qu’on peut faire reculer le racisme.
16’37’’ Des mots qui blessent
Une famille russe exilée à Belfort, après 1917, a connu le
rejet et les insultes : « Nous étions les sales Russes… ».
Les Maghrébins davantage touchés par le racisme et
l’exclusion
17’21’’ Amertume de jeunes ; témoignages de réactions anti-arabes
Une jeune fille maghrébine fait le lien, en 1976, entre la
recrudescence du racisme et la crise du pétrole.
Quinze ans plus tard, autres jeunes filles, plaintes identiques : « Quand on dit “ Arabe ”, c’est comme une insulte ».
18’53’’ D’autres jeunes, nés de familles étrangères cherchent
des explications
Des jeunes d’origine italienne comparent la xénophobie
subie par leur père, enfant, et le racisme rencontré par les
Maghrébins : le mépris le plus fort s’exerce toujours à l’encontre des derniers arrivés.
Des jeunes d’origine portugaise comparent la situation des
Maghrébins à celle de leur propre communauté : il est plus
facile de se faire accepter si on a la même religion et « la
même peau » que la population du pays d’accueil.
19’22’’ Troisième instant-réflexion
Le généticien Albert Jacquard apporte le point de vue du
scientifique : les différences ne sont pas entre les races, mais
entre les individus.
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Entre « ici » et « là-bas » : problèmes d’identités
20’27’’ Ni tout à fait d’ici, ni tout à fait de là-bas
Une jeune Marocaine d’Orléans exprime la douleur d’être
rejetée, en France comme « immigrée », au Maroc comme
« Française ».
Témoignage familial : à Paris, un cafetier d’origine algérienne, marié à une Bretonne : elle dit les difficultés d’épouser un « Arabe », du temps de la guerre d’Algérie, l’incompréhension autour d’elle. Leurs filles revendiquent avec fierté
leur double culture.
1991 : un homme d’origine algérienne s’inquiète pour ses
enfants, nés en France, Français devant la loi mais ni Français
aux yeux des Français, ni Algériens aux yeux des Algériens.
Extrait d’une émission de Radio-Beur en 1985 : les enfants
des immigrés sont appelés à vivre en France. Il faut faire en
sorte qu’ils puissent le faire dignement.
24’30’’ Quatrième instant-réflexion
Il faut s’intégrer, disent deux jeunes Maghrébines, en étant
libre de garder ou de rejeter ses traditions, suivant son désir,
sans pour autant gêner les autres.
Langue maternelle et langue française
25’39’’ Langue du pays d’origine, langue des racines
Les Arméniens d’Issy-les-Moulineaux, chez eux : le travail de
mémoire passe par la musique, les chants et les danses
arméniens, et, surtout, par l’apprentissage, pour les plus
jeunes, de la langue arménienne ; c’est la « langue de la
famille ».
26’28’’ Le français, langue de l’intégration
De jeunes enfants, dans la banlieue de Montpellier, en
1991 : ils parlent tantôt le français, tantôt la langue de leur
pays d’origine. Souvent, ils servent de traducteurs à leurs
mères.
Méconnaître la langue française peut être source de licenciement. L’accès à la formation professionnelle et à l’emploi
passe par l’alphabétisation. C’est ce que disent les délégués
d’origine étrangère du comité d’entreprise de RenaultBillancourt, en 1975.
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Partir ? Rester ?
28’30’’ Ceux qui voudraient retourner « là-bas »
Pour Sally N’Dongo, président de l’Union générale des travailleurs sénégalais en France, le projet de retour est une
évidence pour ses concitoyens.
Un témoignage d’une Algérienne, à Castres, en 1989, avant
les drames qui ont, depuis, ensanglanté l’Algérie : elle se sent
plus en sécurité dans son pays, même si elle vit bien ici.
30’27’’ Les immigrés, composante de la France plurielle
Une femme espagnole conclut sur la similitude, finalement
perçue, des problèmes rencontrés par les Françaises, les
Espagnoles, les immigrés en général.
31’02’’ Le film s’achève sur le métissage des cultures
De jeunes enfants, en France, s’initient aux danses
africaines.
31’20’’ Générique de fin
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RECENSEMENT
DES PRINCIPAUX THÈMES
Un siècle d’immigration
La première partie du film permet de se demander quelles ont été les
grandes étapes chronologiques de l’immigration en France, et aussi,
quelles en ont été les raisons.
La France, terre de passage, est un pays d’immigration ancienne. Une
transition démographique atypique a suscité l’immigration du
XIXe siècle. Le mouvement s’est amplifié après la première guerre mondiale et ses 1 400 000 morts. Dans cette première époque sont arrivés surtout des immigrés venus d’Europe, souvent de pays proches :
Belges, Italiens… À la misère qui pousse à partir s’ajoutent les drames
du premier XXe siècle : les Arméniens fuient le génocide de 1915
(séquence : Les Arméniens), les Espagnols la guerre civile (séquence
prégénérique), les Juifs polonais l’antisémitisme (séquence : Les
Polonais).
Deuxième étape : à la fin de la seconde guerre mondiale, les nécessités de la Reconstruction et surtout, à partir du milieu des années cinquante, les besoins de main-d’œuvre des Trente Glorieuses déclenchent une montée en puissance de l’immigration : Espagnols et surtout
Portugais arrivent en nombre, et aussi les Maghrébins : Algériens principalement, mais aussi Marocains et Tunisiens (séquence : Le grand
tournant des années soixante).
Avec la révolution des transports du second XXe siècle, les distances
semblent raccourcir et les flux de migrants les plus récents viennent de
terres de plus en plus lointaines : Afrique Noire et Asie (séquence :
Après 1975, les Asiatiques).
Les témoignages présentés dans ces séquences demandent à être
replacés dans un contexte plus général.
Numériquement, l’immigration est soumise à des phases successives d’ouverture et de fermeture : si la population étrangère en
situation légale est relativement stable depuis quinze ans, elle a
augmenté en 1989-1990 par le développement de l’immigration
familiale et une plus grande arrivée de réfugiés ; elle a diminué,
au contraire, de 1991 à 1994, pour augmenter ensuite, régulièrement, depuis 1995. En 1998, plus de 502 000 titres de séjour
ont été accordés à des étrangers. La population adulte étrangère,
présente régulièrement sur le territoire français, s’élève à plus de
3 240 000 personnes.
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Aujourd’hui 160 nationalités différentes sont représentées en France :
38 % des personnes concernées sont issues de l’Union européenne,
36 % du Maghreb, 6 % de pays africains anciennement sous administration française et 7 % viennent de pays asiatiques. Depuis une
vingtaine d’années, les trois-quarts des étrangers installés en France
appartiennent à huit nationalités : portugaise (580 000 ressortissants),
algérienne (540 000), marocaine (458 000), italienne (212 000)
et espagnole (175 000), turque (169 000) et tunisienne (160 000),
allemande enfin (73 000).
Quelques communautés étrangères sont en progression récente :
celles des Commores, du Congo, de Guinée, du Mali, de Chine,
des Philippines.
Le film montre la diversité des lieux de l’immigration : région parisienne (séquences : Les Arméniens ; Les Polonais ; Les Maghrébins ;
Les Asiatiques…) mais aussi Marseille (Premier instant-réflexion), Lyon,
les vieilles régions minières : le Nord (Les Polonais), Alès (Les Italiens),
les régions ouvrières comme celles de Belfort (Les Italiens), de Castres
(Les Asiatiques) mais aussi une région plutôt rurale comme celle de
Cahors (Les Portugais).
En fait, 41 % de la population étrangère totale vit en Île-de-France,
11 % en Rhône-Alpes, 9 % en PACA. Ce montage de témoignages a
le mérite de donner une vision plus diversifiée de la géographie de
l’immigration.
L’intégration et ses difficultés
Faire face à la xénophobie et au racisme
Toutes les populations immigrées ont été confrontées à ces phénomènes de rejet. Les témoins du film évoquent les uns après les autres
les insultes xénophobes ou racistes : « sales Macaronis », « sales
Polacks », « sales races »… Ainsi, une femme russe se souvient de son
enfance à Belfort et exprime son incompréhension, à l’époque, quand
elle entendait sa famille traitée de « sales Russes » (séquence : Les
immigrés victimes du racisme et de la xénophobie). Insultes d’autant
plus difficiles à supporter que pour ces immigrés, venir en France,
c’était venir dans le « pays des droits de l’homme » (séquence : Les
Polonais). Bien des Français « d’origine » refusent de se considérer
comme des racistes et, cependant, tiennent des propos hostiles aux
immigrés (Les immigrés victimes du racisme...). Ces dernières années,
on constate même une tendance dans la population française à une
banalisation du racisme et de ses déclarations.
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Plus que les autres, les immigrés d’Afrique du Nord sont souvent rejetés : différences culturelles et religieuses, souvenirs encore proches de
la guerre d’Algérie, racisme à l’égard d’une population plus « bronzée » que les autres, rejet des derniers arrivants : plusieurs explications
sont suggérées, dans le film, à travers différents témoignages
(séquence : Les Maghrébins davantage touchés par le racisme et
l’exclusion et Entre « ici » et « là-bas » : problèmes d’identités).
À cela, que faire ? Ouvrir le dialogue avec les plus intolérants pour
faire tomber les idées fausses (Deuxième instant-réflexion) ; utiliser les
arguments scientifiques (Troisième instant-réflexion).
L’intégration n’a pas le même sens suivant que l’on appartient
à la première ou à la deuxième génération
• Pour la première génération, les barrières viennent, d’abord, de la
difficile adaptation à un nouveau pays et à des modes de vie différents (Les Maghrébins). La langue peut se révéler un obstacle redoutable (Langue maternelle et langue française). La plongée brutale dans
une autre culture peut déstabiliser (Les Maghrébins ; Partir ? Rester ?).
Enfin, être étranger, en France, même lorsque l’on a franchi le labyrinthe de l’acquisition de titres de séjour réguliers, c’est être exclu de
la citoyenneté (Entre « ici » et « là-bas »…).
Pour cette première génération se pose de manière cruciale la question de l’éventuel retour au pays (séquences : Partir ? Rester ? et Après
1975, les Asiatiques). Une partie de l’argent gagné « ici » est souvent
envoyé « là-bas » ; parfois, une maison se construit dans le pays d’origine, pour un retour aux vieux jours ; les aller et retour au pays entretiennent la nostalgie et le désir de rentrer (séquence : Partir ? Rester ?).
Le film n’évoque pas les problèmes de l’immigration clandestine, des
« sans-papiers » ni de leur régularisation. Des articles de presse (par
exemple, un article du journal Le Monde du 20.11.1999) permettent
de faire le point sur la situation précaire de ceux qui ont été régularisés en 1997, ou ensuite grâce à la loi Chevènement. On pourra s’y
référer si l’on veut poursuivre avec les élèves dans cette voie.
• Pour la deuxième génération, la situation est d’un autre ordre. Le
film démontre que l’intégration culturelle des enfants d’immigrés est
faite : souvent nés en France, élevés et scolarisés en France, ils maîtrisent la langue française et s’en font parfois les traducteurs pour leurs
parents (Langue maternelle et langue française). Mais ils se heurtent
plus que leurs parents à la question de leur identité, surtout les jeunes
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Maghrébins : ce thème se trouve dans plusieurs témoignages (Entre
« ici » et « là-bas » , problèmes d’identité). Pourtant Français, ces jeunes
Maghrébins se voient souvent rejetés par les Français, en raison de
la consonance de leur nom ou de la couleur de leur peau. Et dans le
pays d’origine de leurs familles, ils sont aussi rejetés parce qu’ils n’en
partagent pas les modes de vie ni la culture.
Acceptés ou rejetés en France, ils sont de toute façon appelés à vivre
ici : la question du retour ne se pose plus pour eux (Langue maternelle
et langue française). Les plus récents témoignages utilisés dans le film,
en raison de sa facture même, datent de 1991. Il faut ici « actualiser la
notion même d’intégration » : ce concept a été forgé à la fin des années
quatre-vingt ; il devait servir de repoussoir à une autre évolution possible, redoutée : le communautarisme. Dans la dizaine d’années qui s’est
écoulée depuis, la situation des jeunes issus de l’immigration africaine
(Maghreb et Afrique Noire) a provoqué de vives critiques de la part des
intéressés à l’égard de l’idée d’intégration : en effet, celle-ci suppose
une démarche active. Il s’agit de faire l’effort de s’adapter au pays d’accueil, d’adopter ses modes de vie et sa culture, de se fondre dans sa
société (Après 1975, les Asiatiques). Mais les associations anti-racistes
comme SOS-Racisme ou le MRAP et, tout récemment, les pouvoirs
publics ont mis en lumière que ces jeunes se voient opposer des discriminations raciales et sociales quotidiennes qui leur ferment justement les
portes de l’intégration : discriminations à l’emploi, pour le logement,
dans l’école, dans les loisirs… Les institutions sont mises en accusation :
tentation des « classes ethniques » dans l’Éducation nationale, refus de
logement des HLM, bavures policières, « double peine » infligée par la
justice… Dans le monde des entreprises, l’accès à l’emploi est fonction
de la couleur de la peau, du nom, du quartier où l’on vit, en dépit des
diplômes. La pratique du testing utilisée par SOS-Racisme, en présence
d’huissiers, a démontré que les couples « Blacks » et « Beurs » étaient
refusés à l’entrée de 60 % des boîtes de nuit parisiennes visitées. Avec
Paris, le « palmarès » du filtrage ethnique revient à Lille, Reims,
Montpellier et Bordeaux. Dans le monde artistique et médiatique, pour
quelques réussites éclatantes qui font exception (Faudel, ou l’Orchestre
national de Barbès, dans le monde de la musique ; Smaïn chez les fantaisistes ; Nagui ou Djamel à la télévision…), la part laissée aux enfants
d’immigrés reste mince. Des exigences de quotas réservés aux personnes de minorités ethniques sont apparues. Ainsi, le risque du communautarisme s’accentue, celui d’une société évoluant à l’américaine,
à la manière d’un « salad bowl ».
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Si les jeunes issus de l’immigration s’insurgent contre les discriminations qu’ils subissent, ils se révoltent aussi contre le traitement que
notre société a infligé à la génération de leurs parents : « travailleurs
immigrés » des années soixante, voués à la misère des bidonvilles ou
des foyers, et méprisés. L’abandon social dans lequel ont été laissés
les Harkis depuis la fin de la guerre d’Algérie est une des fortes composantes de ces revendications.
Le pourrissement de la situation dans les quartiers-ghettos devenus des
zones de non droit et des lieux d’explosion sociale, l’action aussi des
associations et celle des révoltes locales ont amené les pouvoirs
publics à chercher des moyens d’action : aux « politiques de la ville »,
aux « zones franches » censées redonner un tissu économique et social
normal aux « quartiers sensibles » s’ajoutent aujourd’hui des mesures
contre les discriminations : mise en place d’un numéro vert chargé
d’entendre les plaintes des victimes de discrimination, de commissions
départementales d’accès à la citoyenneté (CODAC) depuis janvier 1999, et du Groupe d’étude sur les discriminations (le GED)
depuis avril 1999. Outre ces différents observatoires, des mesures
concrètes de lutte contre les discriminations, notamment contre celles
qui empêchent l’accès à la formation et à l’emploi, sont envisagées.
Le débat, récemment réouvert, sur le vote des étrangers non communautaires aux élections locales est une autre façon d’inviter la
deuxième génération à utiliser sa citoyenneté en y faisant accéder
leurs parents, exclus depuis toujours.
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EXPLOITATION PÉDAGOGIQUE
La construction du film permet de l’utiliser, si l’on veut, de manière très
souple, en deux fois.
Des vagues successives d’immigration
On pourra s’arrêter d’abord sur cette première partie du film. À
partir de là ce sont plutôt les aspects quantitatifs de l’immigration
en France qui pourront être étudiés.
Avant de voir cette partie du film avec les élèves, et après le leur avoir
présenté, on leur proposera un questionnaire sur lequel ils pourront
travailler soit individuellement, soit à plusieurs. Ce questionnaire sera
modulé évidemment, en fonction du niveau des élèves et du cours
dans lequel sera inséré ce travail.
Quelles sont les principales nationalités d’immigrés représentées ici ?
(Voir plus haut : recensement des principaux thèmes.)
Pourquoi sont-ils venus en France ?
Les élèves repéreront que les étrangers sont venus essentiellement pour
deux sortes de raisons : la misère et l’oppression ou la guerre. Ils pourront relever des exemples précis.
Quels métiers exercent-ils ? Qu’est-ce que leur présence a apporté
à la France ?
Le film met en lumière deux aspects essentiels :
– l’apport économique :
la croissance des Trente Glorieuses a été rendue possible par cette
main-d’œuvre abondante et bon marché : dans les mines, les usines,
les ateliers de confection, les grands chantiers du bâtiment
(séquences : Les Arméniens ; Les Polonais ; Les Maghrébins).
– l’apport démographique :
populations généralement plus fécondes que la population d’accueil,
les communautés d’immigrés contribuent à la croissance démographique du pays. À Crayssac, c’est la présence des Portugais qui a
sauvé l’école de la fermeture (séquence : Les Portugais).
On peut demander aux élèves de compléter, en répondant à cette
nouvelle question :
Qu’est-ce que les immigrés ou leurs enfants ont apporté d’autre à la
France et qui n’est pas suggéré par ce document ?
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Les élèves sauront retrouver des exemples de la contribution artistique,
culturelle et sportive.
On pourrait citer, parmi combien d’autres, et à des degrés très divers,
Picasso et Guillaume Apollinaire, Django Reinhardt et Manu Dibango,
Georges Moustaki et Yves Montand, Faudel, Isabelle Adjani ou Luis
Rego, et puis Kopa, Platini et Zidane. Et l’équipe doublement victorieuse de la Coupe du monde de football de 1998 et de l’Euro 2000
ne compose-t-elle pas, à elle seule, un tableau éclatant de cette France
plurielle issue de l’immigration et mêlant les talents « black, blanc,
beur », « la France qui gagne » ?
On les amènera aussi à chercher des exemples de la participation
des immigrés aux pages dramatiques de l’histoire de France : combattants sénégalais ou indochinois de la première guerre mondiale,
soldats d’Afrique du Nord enrôlés dans les Forces françaises libres,
résistants du groupe Manouchian fusillés par les nazis, régiments
marocains au service de la France dans la guerre d’Indochine, Harkis
d’Algérie…
Enfin, on pourra s’interroger sur les apports de l’immigration
dans notre vie quotidienne : mode, littérature, musique, cuisine… ; un
métissage culturel s’opère.
Peut-on, à partir du document, reconstituer une géographie de la
population immigrée ? Où habitent-ils ?
On relèvera les exemples fournis par le film ; on pourra éventuellement les compléter en proposant la construction d’une carte sur
laquelle on placera les lieux précis relevés dans le film et les
principales concentrations de la population immigrée en France. On
fera trouver les explications de cette répartition sur le territoire :
recherche d’un emploi, généralement peu qualifié ; installation dans
des régions relativement moins éloignées du pays d’origine ; attirance pour une ville, ou un quartier, où vivent déjà des ressortissants
de la même origine…
Témoignages sur l’intégration
On pourra ensuite travailler séparément sur la seconde partie du film
qui se prête particulièrement à de nombreux types d’utilisation.
On peut procéder comme pour la première partie à partir d’un
questionnaire.
Quelles sont les principales difficultés à franchir pour une intégration
réussie ? Et quelles solutions peuvent être envisagées ?
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On devra commencer par s’interroger sur ce que l’on entend par
intégration.
On cherchera ensuite les réponses proposées par le film. Le professeur les actualisera en apportant des compléments : discriminations
raciales, tentation du communautarisme redoutée, question du vote
des immigrés non communautaires… (voir Recensement des principaux thèmes). On peut, par ailleurs, faire de cette seconde partie
(seule, ou en utilisant l’ensemble du film, selon le temps disponible et
le projet pédagogique) le cœur d’autres travaux, comme :
– le point de départ d’un travail en ECJS sur le thème citoyenneté et
intégration (classe de 2de). En utilisant le contenu du film, on inviterait les élèves à choisir des thèmes qu’ils approfondiraient et actualiseraient (recherches personnelles au CDI, sur Internet…) sur, par
exemple :
- une communauté nationale particulière d’immigrés,
- intégration-exclusion, problèmes et moyens d’action,
- le rôle des immigrés en France,
- histoire et géographie de l’immigration en France depuis un siècle.
Et la conclusion de ces différents travaux pourrait revenir au débat :
finalement, qu’est-ce qu’être Français et comment le devient-on ?
– une utilisation dans le cadre des TPE. Ainsi, en première ES, dans le
cadre des TPE prévus sur le thème de la ville, on pourrait travailler
sur les immigrés dans la cité. On pourrait partir du film et poursuivre
par une enquête sur la population immigrée et ses problèmes dans
la commune de l’établissement (ou une commune voisine).
En terminale, on pourrait envisager un travail sur les Algériens en
France : de la guerre d’Algérie à Zidane, recherche sur deux générations entre exclusion et intégration.
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DOCUMENTS COMPLÉMENTAIRES
Immigration et intégration
Le lien entre l’immigration – mouvement de populations par définition
transitoire – et l’intégration – processus social, économique, politique
et culturel, cheminement individuel complexe qui suppose la durée
n’est pas si évident que cela. Le couple « immigration-intégration » a
beau s’être imposé de lui-même, il faut prendre garde de ne pas agréger systématiquement et de manière artificielle, ou parfois intéressée,
deux moments d’une trajectoire sociale, dont l’un résulte certes de
l’autre mais qui ne s’articulent pourtant pas automatiquement, qui ne
s’emboîtent pas mécaniquement l’un dans l’autre. L’immigration ne
débouche pas toujours sur l’intégration, et celle-ci ne concerne pas
que les immigrés et les étrangers.
De même, parmi les associations d’idées automatiques, il faut lutter
contre celle qui consiste à penser que les immigrés sont tous des étrangers. La nationalité est un référent juridique, tandis que l’immigration
est un processus social et démographique. On peut être né et avoir
été scolarisé en France, et donc ne pas être un immigré (on n’est pas
immigré de père en fils), tout en conservant la nationalité de ses
parents. À l’inverse, on peut avoir émigré, et donc être né en dehors
du territoire national, avant d’avoir été naturalisé : on est bien, alors,
immigré et français.
A fortiori, l’exemple des Antillais et de tous les originaires des DomTom montre que l’intégration est un fait social qui ne concerne pas
que les étrangers. Les « Domiens » résidant dans l’Hexagone rencontrent un certain nombre de difficultés sociales et culturelles comparables à celles des autres populations immigrées, quelle que soit leur
nationalité. C’est que le lien entre intégration et citoyenneté est loin
d’être automatique : jamais la nationalité française n’a prémuni quiconque contre un quelconque « défaut » d’intégration ou d’insertion…
Par ailleurs, le « problème de l’intégration » est aussi, et peut-être surtout, un problème franco-français, celui des anciens colonisateurs avec
leur mémoire. Le souvenir, et parfois le refoulement, de la période
coloniale pèse d’un poids tout particulier dans la manière dont la
France et les Français abordent la question. On pense bien entendu
à l’épisode le plus douloureux du passé impérial français, à savoir la
guerre d’Algérie, et aux séquelles qu’elle a laissées dans les
consciences, mais le constat vaut également pour les Africains noirs.
Qui plus est, l’idée que les anciens colonisés ne sont pas des immi-
16
grés comme les autres rejaillit sur tous les originaires du « Sud » de la
planète, qu’ils soient ou non issus de l’ancien empire colonial français. Dans leur globalité, les migrants du tiers-monde sont souvent perçus, comme intrinsèquement inassimilables, ou en tout cas, plus difficilement que ne le furent dans le passé les immigrés européens :
Polonais, Italiens, Espagnols ou, plus près de nous, Portugais. Cette
idée reçue s’appuie sur une supposée distance culturelle plus ou moins
irréductible, qui revêt principalement la forme de l’Islam et dont on
préjuge qu’elle offre plus de résistance à l’intégration.
Dans Immigration et intégration, l’état des savoirs.
Sous la direction de Philippe Dewitte,
éditions La Découverte, 1999.
Et demain, l’immigration ?
Les vagues migratoires sont elles aussi vouées aux cycles, à l’instar
des crises économiques et politiques dont elles sont souvent la conséquence. Depuis la première moitié du XIXe siècle, la France s’est alternativement ouverte et fermée à l’immigration une bonne dizaine de
fois, tantôt motivée par une période d’expansion économique, par la
dénatalité ou par les déficits démographiques consécutifs aux deux
conflits mondiaux, tantôt mue, à l’inverse, par la récession et/ou par
la fermeture xénophobe des esprits.
Depuis 1974, après une longue période d’expansion économique –
les Trente Glorieuses – et d’appel à la main-d’œuvre étrangère, les
frontières sont à nouveau fermées pour les travailleurs non qualifiés.
Mais on peut être certain que cette fermeture n’est pas définitive, elle
pourrait même bien prendre fin dans les premières décennies
du XXI e siècle, si l’on en croit les indicateurs économiques et
démographiques, tous favorables à un nouveau recours à la
main-d’œuvre et à la fécondité étrangères, à la fois pour assurer
l’essor et le dynamisme économique de nos pays vieillissants et pour
payer les retraites à l’horizon 2020. Les tendances lourdes planétaires
– la mondialisation et les modes de vie nouveaux qu’elle provoque –
les cataclysmes politiques ou écologiques qui ponctuent l’histoire de
l’humanité, ainsi que les intérêts bien compris des sociétés relativement riches du Nord pourraient donc bien se conjuguer pour consacrer le retour d’une période de migrations souhaitées, voire suscitées
aussi bien des pays de départ que des pays d’arrivée.
Même si cet avenir-là n’est pas inéluctable, prenons tout de même
garde de ne pas émettre de jugements hâtifs, de ne pas condamner
définitivement un phénomène vieux comme l’humanité, de ne pas faire
17
comme si les mouvements de population étaient un fléau qu’il faut
combattre avec la même vigueur qu’on le fait pour l’expansion des
mafias et de la criminalité planétaire organisée (on fait souvent l’amalgame). Les migrations ont accompagné, provoqué même tous les progrès humains depuis le néolithique et elles contribueront encore dans
l’avenir, quelle que soit l’expansion du cybermonde à la diffusion des
connaissances, à la confrontation des expériences, au dialogue entre
les peuples.
Dans Immigration et intégration,
l’état des savoirs, op. cit.
Paroles du racisme ordinaire ?
Dans une mairie parisienne : « Enfin un mariage de
Français ! »
Le samedi est jour de mariages dans les mairies. Lorsqu’ils pénètrent
dans celle du XIVe arrondissement de Paris, en fin de matinée, samedi
26 février, avec leur quarantaine d’invités, David, 28 ans, et Évelyne,
27 ans, croisent les mariés précédents. Claquements de doigts,
youyous, musique… L’ambiance est joyeuse, la sortie animée. Deux
couples de Maghrébins viennent successivement de convoler.
« Ah ! enfin un mariage de Français ! », lance l’adjoint au maire, en
guise d’accueil, à la nouvelle assistance. Murmures de réprobation
dans la salle. Les fiancés sont consternés… Un autre élu, également
conseiller de Paris, ouvre le registre : « Au moins, vos noms sont plus
faciles à prononcer que ceux des mariages précédents »… « On
avait l’impression que ce mariage était un vrai soulagement pour
lui, raconte le marié, si je n’avais pas eu quelque chose à faire à
ce moment-là, je serais sorti. » L’adjoint au maire, contacté par téléphone, réfute les paroles qu’on lui prête. « J’ai simplement dit
qu’étant auvergnat, il m’était plus facile de prononcer des noms
français que des noms d’Afrique, assure l’élu, âgé de soixantequatorze ans. Ce n’est pas pour ça que je suis raciste, ça n’a rien
à voir, j’ai des amis partout. »
Ulcérés, les jeunes mariés ont rapporté l’histoire au Mouvement
contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (MRAP).
M.- P. Subtil, Le Monde, 12 mars 2000.
18
Répartition des immigrés par pays d’origine (en %)
PAYS D’ORIGINE
1962
1968
1975
1982
1990
78,7
76,4
67,2
57,3
50,4
dont : Portugal
2,0
8,8
16,9
15,8
14,4
Espagne
18,0
21,0
15,2
11,7
9,5
Italie
31,8
23,9
17,2
14,1
11,6
10,6
9,5
7,4
7,1
7,3
12,3
11,2
8,8
7,3
6,2
4,1
2,1
1,7
1,2
1,5
Afrique
14,9
19,9
28,0
33,2
35,9
dont : Algérie
11,6
11,7
14,3
14,8
13,3
Maroc
1,1
3,3
6,6
9,1
11,0
Tunisie
1,5
3,5
4,7
5,0
5,0
Autres pays d’Afrique
0,7
1,4
2,4
4,3
6,6
Asie
2,4
2,5
3,6
8,0
11,4
dont : Turquie
1,4
1,3
1,9
3,0
4,0
0,4
0,6
0,7
3,0
3,7
Autres pays d’Asie
0,6
0,6
1,0
1,9
3,6
Amérique, Océanie
3,2
1,1
1,3
1,6
2,3
Non déclarés
0,8
0,1
–
–
–
2 861
3 281
3 887
4 037
4 166
Europe
Autres UE à 12
Pays de l’Est
Autres pays d’Europe
Cambodge,
Laos,Viêt-Nam
Effectif (milliers)
19
Français, étrangers et immigrés
résidant en France métropolitaine en 1990 *
Français de naissance
et Français par acquisition
nés en France :
51,8 millions en 1990
49,4 millions en 1982
Ensemble des Français :
53,1 millions en 1990
50,6 millions en 1982
Ensemble des immigrés :
4,2 millions en 1990
4,0 millions en 1982
Français par acquisition
nés hors de France :
1,3 million en 1990
1,2 million en 1982
Étrangers nés hors de France :
2,9 millions en 1990
2,9 millions en 1982
Ensemble des étrangers :
3,6 millions en 1990
3,7 millions en 1982
Étrangers nés en France :
0,7 million en 1990
0,8 million en 1982
Population totale :
56,7 millions en 1990
54,3 millions en 1982
Sources : Insee, Recensements de la population.
Les deux annexes statistiques p. 19 et 20 sont tirées de Philippe Dewitte :
Immigration et intégration, l’état des savoirs, op. cit.
* Nous tenons à remercier Suzanne Thave, de l’Insee, ainsi que Cécile Thoreau
et Jean-Pierre Garson, de l’OCDE, pour leurs conseils avisés et pour l’actualisation de
certains tableaux de cette annexe statistique.
20
L’intégration par le sport ?
Au Parc des Princes, 1 min 27 s d’antiracisme sur écrans géants
… En juin 99, un conflit avait opposé l’association [SOS-Racisme]
aux dirigeants [du PSG]. À la suite d’un « testing » effectué dans la
tribune Boulogne, dont la partie basse est connue pour abriter trois
cents à quatre cents supporteurs d’extrême-droite, l’association avait
porté plainte contre le club pour « discrimination raciale ». Un militant de SOS-Racisme, Français d’origine sénégalaise, n’avait pas
pu, du fait de la couleur de sa peau, acheter un billet pour cette tribune. Un stadier lui avait expliqué qu’il ne pouvait entrer « de
crainte que sa sécurité ne soit pas assurée ». Quelques jours avant
l’audience, les deux parties avaient signé un protocole d’accord
selon lequel le PSG s’engageait à diffuser un clip vidéo prônant la
tolérance dans les stades… Sur fond de musique rap, la pédagogie
du clip ne fait pas dans la dentelle. On y aperçoit l’Algérien Ali
Benarbia dérobant habilement le ballon à son adversaire alors que
s’affiche ce slogan : « Les Arabes sont des voleurs ». Plus loin,
Bernard Lama arrête un tir tandis que s’inscrit ce message : « Les
Antillais sont des feignants ». Quant au Nigérian Jay Jay Okocha,
il fait un « petit pont » à un adversaire et s’attire ce commentaire :
« Les Africains sont des sauvages ». Enfin, Igor Yanovski vide une
bouteille d’eau minérale avec en sous-titre : « Les Russes sont portés
sur la bouteille ». Le film souligne que « malheureusement certains
de nos supporteurs le pensent » et montre des bagarres opposant
ces derniers aux policiers ainsi que des bras tendus en salut nazi…
Conscient que ses sponsors ne pouvaient plus accepter de voir la
télévision diffuser des images dégradantes et du ras-le-bol exprimé
par certains de ses joueurs de couleur, le club a décidé de ne plus
fermer les yeux sur les agissements de cette minorité… Reste à
attendre la réaction desdits supporteurs qui devront subir « l’affront »
pendant un an, avant chaque match.
Sylvia Zappi, Le Monde, 1er avril 2000.
À Marseille, Zidane continue de faire le mur
France 3 l’a intégré dans le générique de son journal local : le
visage de 110 m2 de Zinedine Zidane, frappé du fameux « Made
in Marseille », placardé sur le pan d’une maison qui surplombe la
mer, est devenu un des emblèmes de la ville… Zinedine Zidane
appartient désormais au patrimoine des Marseillais, et ce panneau
publicitaire est devenu une icône. Les cars de touristes lui consacrent
21
un détour, les journaux spéciaux consacrés à la cité phocéenne le
montrent systématiquement et les jeunes amoureux viennent se faire
photographier juste dessous. Les plus téméraires escaladent parfois
le pilier d’une porte qui le jouxte pour, du bout du bras, écrire
maladroitement leur prénom et leur ville d’origine au marqueur au
bas de l’image géante.
L’enfant de la Castellane, ou plutôt son effigie, flotte donc au-dessus
de la ville depuis son triomphe de l’été 1998. Il faut dire que
« Zizou » a tout pour être aimé de ses habitants, qui cherchent
volontiers des sujets de fierté et de joie face aux rosseries de la vie
quotidienne. Dans Le Roman d’une victoire, sa biographie autorisée, le joueur de la Juventus de Turin rend des hommages appuyés
à sa ville, à son quartier, à sa cité… Il développe l’idée que son
talent est issu de ce qu’il appelle le « football de rue… tous ces
gestes qu’on inventait avec Nordine et avec les potes pour
surprendre ». Des phrases pareilles, venues d’un génie du jeu le plus
populaire du monde, par ailleurs bon fils, bon époux, bon père,
fidèle en amitié et à sa ville, cela vous transforme à peu près en
saint…
[Cependant] le président du club que [Zidane] parraine, puisqu’il
en est issu – Nouvelle Vague – est « fatigué » de l’immense décalage
entre le prestige de l’image et les aides concrètes au football des
petits. Adidas fournit gratuitement chaussures et survêtements aux
footballeurs en herbe de Nouvelle Vague… la ville aide avec une
subvention de 30 000 francs, comme l’hypermarché Continent
voisin et quelques commerces de proximité. Mais le président
Lahcène Kenès poursuit : « On est encore dans notre petit local de
20 m 2, à part qu’il est un peu plus dégradé chaque jour, et les
quatre sociétés de HLM nous en refusent un autre depuis des
années ». Sans moyens, le club, qui regroupe 200 licenciés de
moins de quinze ans, est donc obligé de recaler des enfants « qu’
[il voit] repartir en pleurant, ça fait peine ». Et de lancer, amer :
« Quand Zinedine est là, tout le monde vient ; dès qu’il est parti, on
nous oublie ».
Michel Samson, Le Monde, 14 juin 2000.
22
DOCUMENTATION
Des études générales sur l’immigration en France
– Costa-Lacaux Jacqueline, De l’immigré au citoyen, La Documentation française, Notes et études documentaires, 1.1.1989.
– Immigration et intégration, l’état des savoirs, sous la direction de
Philippe Dewitte, éditions La Découverte, 1999.
– Fassin Didier, Morice Alain, Quiminal Catherine, Les Lois de
l’inhospitalité : les politiques de l’immigration à l’épreuve des
sans-papiers, La Découverte, Cahiers libres, Essais, 1997.
– Gastaut Yvan, L’Immigration et l’opinion en France sous la
Ve République, Le Seuil, 2000.
– Mestiri Ezzedine, L’Immigration, La Découverte, 1990.
– Moulin Jean-Pierre, Enquête sur la France multiraciale, CalmannLévy, 1985.
– Voisard Jacques, Ducastelle Christiane, La Question immigrée
dans la France d’aujourd’hui, Seuil, Points, Politique, 1990.
Pour travailler sur les lieux de l’immigration
et les groupes nationaux ou religieux
– Temime Émile, Marseille transit : les passagers de Belsunce,
Autrement, 18.1.1995.
– Hovanessan Martine, Les Arméniens et leurs territoires, Autrement,
15.3.1995.
– Leveau Rémy et Kepel Gilles, Les Musulmans dans la société
française, Presses de la Fondation nationale des sciences
politiques, 1988.
– Genty Jean-René, L’Immigration algérienne dans le Nord-Pas-deCalais, 1909-1962, L’Harmattan, 1999.
– Brandon-Albini Maria, De la terre de Lombardie à Montmartre,
Entente, 1988.
– Rasjfus Maurice, Mon père, l’étranger : un immigré juif polonais à
Paris dans les années 1920, L’Harmattan, 1989.
– Goussault Bénédicte, Paroles de sans-papiers, L’Atelier, 1999.
23
Des romans en forme de témoignages
– Joffo Joseph, Un sac de billes, Lattès, 1973.
– Cavanna, Les Ritals, Belfond, 1978.
– Etcherelli Claire, Élise ou la Vraie Vie, Denoël, 1967.
Des films
– Mémoires d’immigrés de Yasmina Benguigui, 1997.
– Vivre au paradis de Bourlem Guerdjou, 1998.
LIVRET RÉDIGÉ PAR MARIE-CLAUDE CHAVAND © CNDP 2000
CENTRE NATIONAL DE DOCUMENTATION PÉDAGOGIQUE
CNDP
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