Evaluation écotoxicologique de sédiments contaminés ou de

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Evaluation écotoxicologique de sédiments contaminés ou de
Etude financée par le Ministère de l’ Equipement (Direction de la Recherche et des
Affaires Scientifiques et Techniques) et des Voies Navigables de France
Pilotage technique : Centre d’Etudes Techniques Maritimes Et Fluviales
Evaluation écotoxicologique de sédiments
contaminés ou de matériaux de dragage
Synthèse du rapport d’étude (avril 2001)
Contributions :
Marc BABUT(1), Jean-Philippe BEDELL(3), Marc BRAY(1), Bernard CLEMENT(3), Alain DEVAUX(3),
Cécile DELOLME(3), Claude DURRIEU(3), Jeanne GARRIC(1), Bernard MONTUELLE(2),
Yves PERRODIN (3), Bernard VOLLAT(1)
(1) Cemagref, UR Biologie des Ecosystèmes Aquatiques, Laboratoire d’écotoxicologie
(2) Cemagref, UR Qualité des Eaux, Laboratoire Ecodynamique des sédiments
(3) ENTPE, Laboratoire des Sciences de l’Environnement
L’étude complète se présente sous la forme de trois rapports qui peuvent être
téléchargés sur l’internet à l’adresse suivante :
http://www.lyon.cemagref.fr/lyon/bea/tox/ecotox.html
Evaluation écotoxicologique de sédiments contaminés ou de
matériaux de dragage
Synthèse du rapport d’étude (avril 2001)
PREAMBULE :
Ce document constitue une synthèse des travaux qui ont été réalisés dans le cadre de l’étude financée
en 2000 par le Ministère de l’ Equipement (Direction de la Recherche et des Affaires Scientifiques et
Techniques) et Voies Navigables de France. Le rapport d’étude complet, constitué de trois volumes,
est disponible en version téléchargeable (format pdf) à l’adresse suivante :
http://www.lyon.cemagref.fr/lyon/bea/tox/ecotox.html
Introduction
Parmi les substances chimiques rejetées dans l’environnement, nombre d’entre elles s’accumulent
dans les vases ou boues constituant les sédiments, au fond des rivières, des canaux et des lacs et
retenues ainsi que dans les estuaires et les fonds marins. Les dégâts écologiques et sanitaires causés
par la contamination des sédiments ont un coût social réel : il s’agit de la dégradation de la qualité de
l’eau (par relargage ou remise en suspension), de la diminution de la diversité des communautés, en
particulier d’invertébrés, avec des conséquences indirectes sur les peuplements de poissons, de la
perte de comestibilité des poissons ou des coquillages, des usages récréatifs affectés ou impossibles,
et des coûts supplémentaires liés à la gestion des matériaux contaminés lors d’opérations de dragage
ou de curage. Les contaminants les plus fréquemment cités sont des métaux (cadmium, chrome,
cuivre, mercure, nickel, plomb et zinc), l’arsenic, les PCBs et les hydrocarbures polycycliques
aromatiques (HAP).
Les dépôts de sédiments, contaminés ou non, peuvent induire des besoins de curage, lorsqu’ils
augmentent le risque d’inondation, ou diminuent le tirant d’eau des parties navigables ou encore
lorsqu’ils présentent un risque écologique ou sanitaire avéré. Les difficultés rencontrées dans la
gestion de la contamination des matériaux extraits, rencontrés par tous les pays industrialisés, ont
suscité la mise au point de procédures et de méthodes d’évaluation, permettant ensuite la prise de
décisions de gestion. D’une manière explicite ou non, la gestion de la contamination des sédiments et
matériaux de dragage s’inscrit dans le contexte général de la gestion du risque ; celle-ci passe
toujours – formellement ou non – par une étape d’évaluation (cf. Figure 1).
Méthodologie de l’évaluation des risques écologiques
Les risques visés tant par l’évaluation que par la gestion concernent d’une part l’homme, sa santé et
ses activités, d’autre part les écosystèmes. Ces deux aspects sont en général envisagés séparément,
notamment pour des raisons pratiques. Cependant, l’architecture générale de la démarche est la
même : schéma conceptuel, évaluation des effets et de l’exposition, caractérisation des risques.
L’évaluation de l’exposition dépend de la connaissance des transferts du « terme source » (le
sédiment contaminé) vers la ou les cibles biologiques.
L’évaluation du risque écologique peut être utilisée à titre prospectif ou rétrospectif, les deux aspects
pouvant dans certains cas être abordés dans la même étude (par exemple, on peut utiliser ce type de
démarche pour identifier la cause du déclin d’une population, et évaluer les effets de mesures
correctives). Elle peut également servir à comparer différentes solutions correctives, ou à établir des
priorités dans le cas de situations complexes.
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Evaluation écotoxicologique des matériaux de dragage – synthèse (avril 2001)
Etapes de gestion
Démarrage :
- projet (objectifs / moyens)
- description de l'environnement
Etudes techniques
Etudes environnementales
Avant-projet
Caractérisation des
sédiments
Bathymétrie, etc.
Définition des options de
gestion en matière de :
- réalisation du dragage
- destinations des sédiments
<
seuils
réglementaires
(déclaration,
autorisation ...)
?
>
Projet
Demande d'évaluation des
risques :
- si autorisation
- en fonction des options de
gestion
Evaluation des
risques :
- toxicologique
- écologique
(Autres)
?
b
Réalisation des travaux :
- réalisation du dragage
- stockage des sédiments
- autres
a
révision
éventuelle des
options de
gestion,
contraintes
spécifiques ...
Monitoring
a) risque acceptable
b) risque inacceptable
Figure 1- Schéma possible de la relation gestion / évaluation des risques dans le cas des
matériaux de dragage
Le schéma général de l’évaluation des risques comporte trois étapes : la formulation du problème, qui
vise à élaborer un plan d’analyse et définir les moyens à mettre en œuvre pour caractériser le risque,
l’analyse proprement dite, où l’on collecte les données nécessaires à l’évaluation des effets et de
l’exposition, et la caractérisation des risques, où l’on estime le(s) risque(s) et, autant que possible, les
incertitudes associées.
(1) La phase de formulation du problème est une étape critique, dont l’objectif est de cadrer les
phases d’analyse et de caractérisation, en identifiant précisément les données à acquérir, les
techniques de mesure ou d’évaluation et le cadre d’interprétation. Elle vise à déterminer des
paramètres d’évaluation (expression formelle de ce que l’on veut protéger ou évaluer dans les
écosystèmes concernés, ils permettent de faire le lien entre les objectifs de gestion à l’origine du
déclenchement de l’évaluation et les mesures et analyses à mettre en œuvre pour l’effectuer) et à
élaborer un plan d’analyse, mis en œuvre à l’étape suivante. Cette première étape débouche sur un
modèle conceptuel, synthèse des connaissances déjà acquises et des hypothèses à étudier ; ce
modèle est de nature à faciliter la communication autour de l’évaluation.
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Evaluation écotoxicologique des matériaux de dragage – synthèse (avril 2001)
(2) La phase d’analyse vise à acquérir les données nécessaires à la caractérisation des effets des
polluants et de l’exposition des différentes cibles concernées. L’acquisition des données suivra le plan
d’analyse défini à l’étape précédente (stratégie d’échantillonnage, choix et conditions de mise en
œuvre des essais écotoxicologiques, configuration et conditions opératoires des essais de
comportement, analyses chimiques).
(3) La caractérisation des risques résulte de la confrontation de l’évaluation des effets à celle de
l’exposition ; il existe un éventail de méthodes possibles, de complexité variable. Le choix va
dépendre de contraintes opérationnelles et des données disponibles. On retiendra entre autres la
méthode semi-quantitative du quotient (ratio entre l’exposition, résumée par exemple par un
paramètre statistique, et un niveau sans effet), ou des méthodes plus quantitatives comparant des
distributions.
Intégration de l'information disponible
Paramètres
d'évaluation
Modèle
conceptuel
Plan d'analyse
Planification
Acquisition de données ...
ANALYSE
Figure 2- Schéma détaillé de la phase de formulation du problème
L’application de cette démarche aux matériaux de dragage est proposée sous la forme de deux étapes
successives : la première consiste en une analyse simplifiée du risque, à partir de laquelle on peut
décider d’enclencher une deuxième étape d’évaluation détaillée.
Evaluation simplifiée des risques écologiques
Pour l’évaluation simplifiée, on calcule un indice de contamination, à partir des concentrations en
contaminants et de seuils de qualité issu de la bibliographie (PEC, probable effect concentration ;
Équation 1 ; Tableau 1).
n
QPECm =
Ci
∑
i =1 PECi
Équation 1
n
Avec : Ci : concentration du polluant i dans le sédiment ; PECi : concentration seuil d’effet probable du polluant i ;
n : nombre de polluants mesurés
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Substance (mg.kg -1, poids sec, sauf mention contraire)
As
PEC
33
Cd
Cr
4.98
111
Cu
Pb
149
128
Hg
Ni
1.06
48.6
Zn
HAPs (µg.kg -1, ps)
459
anthracène
845
fluorène
naphtalène
536
561
phénanthrène
benzo(a)anthracène
1170
1050
benzo(a)pyrène
chrysène
1450
1290
fluoranthène
pyrène
2230
1520
HAP totaux
22800
PCBs totaux (µg.kg-1, ps)
676
Tableau 1- Valeurs des PEC pour des polluants ubiquitaires
Pour des valeurs de l’indice inférieures à 0.1, il est proposé de considérer que les matériaux
présentent un risque négligeable ; les matériaux de dragage pourraient alors être gérés sans
contrainte particulière. Pour des valeurs de l’indice supérieures à 0.5, il est préconisé de procéder à
l’évaluation détaillée décrite ci-après. Pour des valeurs d’indice comprises entre 0.1 et 0.5, des essais
de toxicité sur sédiment brut (Chironomus riparius, Hyalella azteca) sont conseillés, en fonction
desquels on pourra décider de procéder ou non à l’évaluation détaillée.
Evaluation détaillée des risques écologiques
La démarche d’évaluation détaillée décrite ici s’appuie sur deux scénarios correspondant à des
modalités assez répandues de gestion de ces produits, à savoir le dépôt dans une gravière en eau, et
le dépôt non confiné sur sol. En cas de besoin, d’autres scénarios pourraient être étudiés
ultérieurement. Pour une application concrète, on choisira les scénarios adaptés d’après les modalités
de gestion envisagées par le maître d’ouvrage.
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Caractérisation chimique
Calcul QPECm
non
>0.1 ?
oui
>0.5 ?
oui
non
Bioessais
C.riparius &
H.azteca
tox ?
oui
Evaluation détaillée
du risque
non
a
?
b
Suite projet (travaux)
Révision des options de
gestion
Figure 3- Logigramme de l'évaluation simplifiée
Scénario de dépôt des matériaux dans une gravière en eau :
La gravière se présente en fait comme une section particulière de la nappe alluviale. Le dépôt de
matériaux de dragage est donc traversé par l’eau de cette dernière ; les contaminants éventuels sont
lixiviés au cours du temps. Les espèces aquatiques peuvent être affectées par contact avec les
contaminants contenus dans l’eau interstitielle du dépôt au moment de sa constitution. Les espèces
vivant dans le sédiment peuvent être affectées de différentes façons, notamment lorsqu’elles tentent
de recoloniser le dépôt. Dans ces conditions, les paramètres d’évaluation suivants ont été retenus :
•
Le dépôt de sédiment en gravière ne devra pas perturber la structure et les effectifs des
peuplements d’invertébrés benthiques ;
•
•
il ne devra pas non plus entraîner d’effets à long terme sur les espèces vivant la colonne d’eau ;
il ne devra pas engendrer de risque pour la santé des usagers du plan d’eau, notamment les
pêcheurs ;
•
enfin, il ne devra pas entraîner de pollution de la nappe alluviale, en particulier dans la perspective
d’usages nobles de celle-ci
L’évaluation de l’exposition nécessite la définition précise des ratios massiques / volumiques mis en
jeu :
•
ratio "volume eau de surface / volume sédiments" (V ES/VS) ;
•
ratio " volume eau de surface / volume eau interstitielle sédiments libérée" (VES/VEI) ; ce ratio sert
à déterminer l’exposition des espèces de la colonne d’eau au dessus du dépôt, et donc à caler la
gamme des dilutions testées ;
•
ratio annuel "volume eau de nappe / masse brute sédiment traversé par percolation" (VEN/VSP) ;
ce ratio sert à calculer les concentrations dans la nappe, et par conséquent permet de caler les
volumes de percolats.
Le modèle conceptuel pour ce scénario est résumé Figure 4. Ces différentes hypothèses sont testées à
l’aide de bioessais et de microcosmes, où les peuplements d’invertébrés benthiques sont représentés
par une larve d’insecte (Chironomus riparius), un crustacé épibenthique (Hyalella azteca). Les espèces
de la colonne d’eau sont représentées par les algues et un crustacé pélagique (Ceriodaphnia dubia).
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Source
Dans les microcosmes, sont également présents des mollusques (Limnea spp.) et un végétal (Lemna
minor). Le terme source est représenté par l’eau interstitielle – diffusée au moment du dépôt –, le
sédiment brut, et une colonne de percolation en milieu saturé selon les hypothèses examinées.
Dépôt sédimentaire
Ecosystème
Transferts
VES /VS
V ES/VEI
Contaminants / sédiment
B
C Benth
Contaminants / eau (gravière)
Contaminants / eau (nappe)
P
I
A
Effets - mesures
VEN/VSP
C Pél
M
survie
croissance
reproduction
génotoxicité
Figure 4 - Modèle conceptuel pour le scénario "dépôt en gravière"
(avec : B : bactéries ; C Benth : crustacés benthiques ; I : insectes ; A : algues ; C Pél : crustacés pélagiques ;
M : mollusques ; P : poissons. Les éléments en pointillé n’ont pas été retenus pour l’étape d’analyse)
Scénario de dépôt des matériaux sur le sol :
Dans le cas d’un dépôt situé à proximité d’un cours d’eau ou d’un canal, les transferts peuvent se faire
vers les sols environnants, vers l’eau superficielle, ou encore vers la nappe. Les organismes concernés
sont donc des végétaux, la faune terrestre, et des espèces aquatiques. Les paramètres d’évaluation
suivants ont été retenus :
•
Le dépôt de sédiment ne devra pas perturber germination et la croissance des plantes du site,
notamment celles d’intérêt agricole ;
•
il ne devra pas non plus entraîner d’effets à court ou long terme sur les espèces aquatiques par
ruissellement ;
enfin, il ne devra pas entraîner de pollution de la nappe alluviale, en particulier dans la perspective
d’usages nobles de celle-ci.
•
L’évaluation de l’exposition nécessite par ailleurs la définition très précise des ratios massiques
/ volumiques mis en jeu.
•
ratio "volume annuel d'eau d'égouttage par unité de surface de sol périphérique affecté" (V EEUS) ;
ce ratio détermine le volume d’eau d’égouttage ajouté dans les essais écotoxicologiques sur
plantes ;
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•
•
•
ratio annuel "eau de pluie traversant le dépôt / masse brute sédiment traversé" (V EPMS) ; ce ratio
permet de caler la gamme de volumes à percoler dans les colonnes ;
proportion percolats issus du dépôt dans la rivière (PPR) ; ce ratio permet de calculer l’exposition
des organismes aquatiques ;
proportion percolats issus du dépôt dans le front de nappe en aval immédiat du dépôt (PPN) ; ce
ratio permet de calculer les concentrations résiduelles dans la nappe sous le dépôt.
Source
Le terme source est représenté par l’eau d’égouttage, qui va alimenter les transferts par ruissellement,
et des essais de percolation en colonne non saturée. Les différentes hypothèses sont testées à l’aide
de bioessais sur bactéries (Metplate ®), algues unicellulaires, crustacé pélagique (Ceriodaphnia dubia)
et amphibiens d’une part, plantes supérieures (laitue, maïs etc.) d’autre part. La microflore et la
microfaune des sols n’ont pas été pris en compte dans cette première version du scénario, mais
devront l’être dans le futur.
Dépôt sédimentaire
Effets - mesures
Ecosystème
Transferts
V EPMS
PPR
V EEUS
Contaminants / eau (cours d'eau)
B
A
C Pél
Am
PPN
Contaminants / eau (sol)
B
µFa
Contaminants / eau (nappe)
Vsup
survie
germination
croissance
reproduction
génotoxicité
Figure 5- Modèle conceptuel pour le scénario "dépôt sur sol"
Avec : B : bactéries ; A : algues ; C Pél : crustacés pélagiques ; Am : amphibiens ; µFa : microfaune du sol ;
Vsup : végétaux ; les éléments en grisé / flèches en pointillé n’ont pas pu être retenus dans l’immédiat, mais
devraient être pris en compte à l’avenir
Caractérisation des risques
Scénario « dépôt dans une gravière en eau » :
La première hypothèse (risque pour le benthos) est examinée d’un point de vue qualitatif, dans la
mesure où en général on n’est pas en mesure d’établir une relation dose-réponse, contrairement aux
essais aquatiques. On recherchera plutôt un faisceau de faits convergents pour établir s’il y a un
risque pour l’écosystème, sans pouvoir le quantifier. Une véritable approche quantitative ne sera
possible que lorsqu’on disposera d’une base de données étendue contenant des données sur les
niveaux de concentrations de polluants associées à des résultats de bioessais.
La deuxième hypothèse (risque pour les espèces de la colonne d’eau) sera traitée de façon plus
classique, par détermination d’une PNEC (concentration probablement sans effet, ici dilution de l’eau
interstitielle testée correspondant à la CE10) comparée à une concentration d’exposition, estimée par
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Evaluation écotoxicologique des matériaux de dragage – synthèse (avril 2001)
un ratio entre le volume d’eau interstitielle et le volume total de la gravière. Si le rapport entre la
PNEC et la concentration d’exposition est supérieure à 1, on considèrera qu’il y a un risque pour les
organismes de la colonne d’eau.
La troisième hypothèse (risque d’empoisonnement secondaire) n’a pas été traitée jusqu’à présent. La
quatrième (risque pour les usages de l’eau) est testée de façon similaire à la seconde, en remplaçant
la PNEC par la valeur limite pour la consommation d’eau potable, et en considérant que la
concentration d’exposition est directement donnée par la concentration dans le percolat en sortie de
colonne. Comme précédemment, si le rapport entre ces deux valeurs est supérieur à 1, on considèrera
qu’il y a risque pour l’usage « eau potable ».
Scénario « dépôt sur sol » :
La première hypothèse (risque pour les espèces végétales) est testée de manière semi-quantitative :
on teste en effet la toxicité de l’eau d’égouttage en se plaçant directement dans les conditions
d’exposition supposées (choix a priori d’une dilution de l’eau d’égouttage). On peut donc considérer
qu’il y a un risque dès lors que l’on observe un effet toxique avéré.
La deuxième hypothèse (risque pour les espèces aquatiques, exposées après ruissellement) est traitée
de la même manière que dans le scénario « dépôt en gravière » : calcul du rapport entre la PNEC
(CE10 pour l’espèce la plus sensible) et la concentration d’exposition (dilution de l’eau d’égouttage par
une valeur caractéristique du débit du milieu récepteur) ; si ce rapport est supérieur à 1, il y a risque
pour l’écosystème.
La troisième hypothèse (risque pour les usages de l’eau) est testée de façon similaire, en comparant
une valeur limite pour la consommation d’eau potable à la concentration dans le percolat divisée par
un coefficient représentant la dilution du percolat par la nappe.
Exemple d’application
L’étude a porté sur 3 biefs du Canal de l’Est Branche Sud (2, 13 et 22) pour lesquels la Direction
Régionale de Nancy de Voies navigables de France envisage de réaliser une opération de dragage,
biefs choisis pour représenter un certain gradient de contamination : les données disponibles à
l’origine de l’étude faisaient état d’une contamination par les hydrocarbures polycycliques aromatiques
(HAP), et différents éléments trace, notamment arsenic, chrome, plomb et zinc. Les quotients
individuels par substance restaient toutefois relativement bas. Les quotients moyens calculés pour les
biefs 2, 13 et 22 selon l’Équation 1 valent respectivement 0.198, 1.25 et 0.437 ; les éléments trace
(métaux + arsenic) contribuent pour 83 à 90% à ces valeurs.
Scénario « dépôt dans une gravière en eau » :
Les essais sur sédiments et en microcosmes permettent de conclure à un risque réduit pour les
organismes benthiques sur l’ensemble des 3 sédiments testés, et décroissant dans l’ordre B13 > B22
> B2.
Les effets observés sur les organismes aquatiques sont dans l’ensemble peu accentués ; le test le plus
sensible est l’essai d’inhibition (survie et reproduction) sur le rotifère Brachionus calicyflorus. C’est le
sédiment du bief 2 qui s’avère le plus toxique. Par comparaison entre les concentrations effectrices ou
inhibitrices 10% (CE ou CI10) avec la concentration d’eau interstitielle dans la gravière (estimée à
4%), on peut de même conclure à un risque faible pour les organismes aquatiques, puisque
l’échantillon le plus toxique pour l’essai le plus sensible a une CI10 de 14.5% : de ce fait, le quotient
de risque est inférieur à 1.
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Evaluation écotoxicologique des matériaux de dragage – synthèse (avril 2001)
Pour tester la troisième hypothèse (risque d’altération de la potabilité de l’eau de la nappe), on
compare les concentrations dans le percolat dont le ratio L/S1 cumulé correspond au facteur
d’exposition, aux valeurs limites de potabilité. Le sédiment du bief 13 relargue des concentrations en
cadmium et zinc très supérieures aux limites de potabilité ; dans ce cas, le quotient de risque est
compris entre 10 et 20 (selon le métal considéré et en tenant compte de la variabilité dans les
percolats).
Les réponses obtenues pour les trois hypothèses testées sont résumées au Tableau 2. La manière de
combiner ces réponses pour arriver à une conclusion opérationnelle est en dehors du champ de cette
étude ; la responsabilité en incombe clairement à l’autorité en charge de la gestion du dossier.
Hypothèse
Protection organismes benthiques
Protection organismes pélagiques
Protection usages de la nappe
Bief 2
Risque négligeable
Risque négligeable
Risque négligeable
Bief 13
Risque modéré
Risque négligeable
Risque important
Bief 22
Risque faible
Risque négligeable
Risque négligeable
Tableau 2- Synthèse des réponses obtenues pour le scénario "gravière"
Scénario « dépôt sur sol » :
Les eaux d’égouttage des sédiments ont été utilisées dans les tests de germination et de croissance
des végétaux directement à la dilution correspondant à l’exposition estimée ; par construction, si un
effet est observé, il y aura un risque pour les plantes. C’est le cas des eaux d’égouttage issues des
sédiments des biefs 13 et 22. Cela dit, ce risque est non quantifiable dans le contexte de cette étude,
dans la mesure où une seule dilution a été testée.
Pour les organismes aquatiques, exposés suite au ruissellement, les effets observés, exprimés en CE
ou CI10, sont comparés à la concentration d’eau d’égouttage dans le milieu récepteur, estimée dans
le cas présent à 0.01%. Dans le cas présent, le risque est extrêmement faible ; cela dit, cette partie
du scénario est très sensible au facteur d’exposition (en d’autres termes, aux caractéristiques du
milieu récepteur).
Pour tester le risque d’altération de la potabilité de l’eau de la nappe, on compare les concentrations
limite de potabilité avec la concentration issue des colonnes de percolations, pour un ratio L/S cumulé
correspondant au facteur d’exposition (cf. Figure 5). Dans le contexte de l’étude, le risque est
négligeable dans tous les cas ; toutefois, la marge de sécurité est réduite dans le cas du zinc pour le
bief 13.
Les réponses obtenues pour les trois hypothèses testées sont résumées au Tableau 3 ; sans préjuger
de la principale suite opérationnelle2, dont la responsabilité relève de l’autorité en charge de la gestion
du dossier, les recommandations suivantes peuvent être formulées :
•
affiner l’évaluation de l’exposition et des effets vis à vis des plantes : tester plusieurs
concentrations, ainsi que des eaux d’égouttage de différents âges ;
•
prévoir des mesures de surveillance, en particulier dans la première année suivant le dépôt ;
vraisemblablement, ces mesures pourront être espacées par la suite ;
collecter les eaux d’égouttage de façon à éviter qu’elles s’épandent vers les surfaces cultivées.
•
Hypothèse
Protection plantes
Protection organismes pélagiques
Protection usages de la nappe
Bief 2
Risque négligeable
Risque négligeable
Risque négligeable
Bief 13
Risque +
Risque négligeable
Risque négligeable
Bief 22
Risque +
Risque négligeable
Risque négligeable
Tableau 3- Synthèse des réponses obtenues pour le scénario « sol »
1
Volume percolé sur masse de sédiment dans la colonne de percolation
c’est à dire l’autorisation ou non du dépôt sur sol comme modalité de gestion des matériaux de dragage de ces
biefs ; cf. Figure 1
2
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Evaluation écotoxicologique des matériaux de dragage – synthèse (avril 2001)
Conclusion
L’étude présentée ici constitue une première approche, qui doit maintenant être appliquée sur
différents sites, de façon à obtenir un retour d’expériences et à l’améliorer. En effet, nous avons
intentionnellement privilégié la variété des essais écotoxicologiques, en étant conscients que cette
variété était trop grande pour des situations opérationnelles courantes. C’est cependant la seule
façon, d’après nous, de démontrer quelle est la batterie optimale d’essais écotoxicologiques à
appliquer pour chaque scénario, et de préciser leurs conditions d’utilisation.
Des améliorations sont également souhaitables en ce qui concerne les critères de danger utilisables
pour l’étape d’évaluation simplifiée, les « modèles d’effet » - dans la mesure où des catégories
d’espèces comme les poissons (scénario gravière), la microflore et la microfaune des sols (scénario
sol) ne sont actuellement pas prises en considération, et où les risques de transfert trophique ne sont
pas non plus pris en compte. Enfin, l’incertitude sur le risque déterminé devrait être mieux explicitée.
Principales références bibliographiques 3
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Intentionnellement, les entrées de cette liste ne sont pas référencées dans le corps du texte ; il s’agit
simplement de mentionner les sources d’emprunt les plus importantes ; l’ensemble de la bibliographie utilisée est
référencée de manière classique dans les rapports in extenso.
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Evaluation écotoxicologique des matériaux de dragage – synthèse (avril 2001)
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