LE COUP DE TONNERRE TRUMP
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LE COUP DE TONNERRE TRUMP
10 novembre 2016 LE COUP DE TONNERRE TRUMP Sommaire Le Parti républicain qui a remporté la MaisonBlanche, le Sénat et la Chambre des représentants pour la première fois depuis 2005 est bien placé pour appliquer son programme. La combinaison de réductions d’impôts et d’augmentations des dépenses publiques devrait accélérer la croissance du PIB américain. Un déficit budgétaire et des tensions inflationnistes potentiellement plus fortes pourraient non seulement faire monter la courbe des rendements américaine, mais aussi en accentuer la pente. Les propos tenus par M. Trump contre le libreéchange pendant sa campagne électorale font craindre une augmentation des mesures protectionnistes. Mais vu les conséquences possibles, on peut se demander jusqu’où l’administration Trump s’engagera dans cette voie. Comme beaucoup d’autres pays exportateurs, le Canada sera perdant si des barrières commerciales sont érigées. Il pourrait être difficile de trouver d’autres preneurs pour nos exportations. Les décideurs politiques devront trouver des moyens de rendre le Canada plus concurrentiel et faire en sorte que nous ne perdions pas l’accès à des marchés mondiaux. Les actifs à risque ont réagi positivement au premier épisode de la nouvelle émission de téléréalité de M. Trump. Nous aimons l’épisode sur la stimulation budgétaire. Mais il y en a beaucoup d’autres à venir, dont les scénarios maintiendront assurément les investisseurs sur le qui-vive. Pour le moment, en attendant de connaître un peu mieux les acteurs, nous préférons conserver notre répartition actuelle des actifs, avec une pondération supérieure à la moyenne pour les liquidités. Trouvez-vous cela divertissant ? Divertissant. Il n’y a peut-être pas de meilleurs termes pour qualifier les rebondissements d’une soirée d’élections américaines au cours de laquelle Donald J. Trump a réussi un étonnant coup de théâtre. Il a réuni sur son nom (au moment de rédiger ces notes) 279 grands électeurs contre 228 pour Hillary Clinton, et le Parti républicain a gardé le contrôle des deux chambres du Congrès. Le divertissement continuera à mesure que la téléréalité du président Trump entrera dans le quotidien de la société américaine, pendant au moins quatre ans. Comme le nouveau président a été élu sans l’appui d’un appareil politique, il gouvernera probablement différemment. Par conséquent, malgré tous les garde-fous et contrepoids de la démocratie américaine qui limitent traditionnellement les revirements spectaculaires de la politique étrangère et intérieure, un élément d’imprévisibilité persistera nécessairement. Avec ce changement de régime – un des plus extraordinaires depuis des générations –, les investisseurs doivent rester vigilants. Nous doutons fort que la transition à une présidence Trump marque un retour à la normale pour les marchés. Des occasions à saisir mais aussi des défis se profilent à l’horizon. Les marchés aiment le spectacle, pour le moment L’annonce de l’élection de Donald Trump a initialement été mal accueillie par les marchés financiers (actions en baisse, obligations et devises refuges en hausse). Puis ils ont compris que son programme ne représentait pas nécessairement une catastrophe pour l’économie mondiale. Dans son discours d’acceptation, le président élu s’est montré conciliant sur la question du protectionnisme (du moins pour le moment). En tête de son programme, il plaçait plutôt la nécessité de mesures de relance budgétaires de grande envergure sous forme de dépenses d’infrastructures. « Nous allons réparer nos villes et reconstruire nos routes, nos ponts, nos tunnels, nos aéroports, nos écoles et nos hôpitaux, a-t-il dit après quelques mots d’introduction. Nous allons rebâtir notre infrastructure qui deviendra la meilleure de toutes. Et nous mettrons des millions de personnes au travail pour les reconstruire. » Ainsi après s’en être remis presque exclusivement à la politique monétaire pour stimuler la croissance ces dernières années – les dépenses publiques en proportion du PIB sont au plus bas depuis ÉTUDE SPÉCIALE 50 ans –, les États-Unis ont maintenant une très bonne chance de lancer un programme de stimulation budgétaire à grande échelle (pendant sa campagne, M. Trump avait proposé $500 milliards). Cette stratégie obtiendra probablement des soutiens : le stock de capital public dans des structures augmente actuellement au rythme le plus lent depuis la Deuxième Guerre mondiale (graphique). Plus faible croissance des investissements dans les structures depuis 1945 Stock du capital public net dans des structures (variation annuelle %) 13 12 % 11 10 9 8 7 6 5 4 3 2 1 0 -1 1930 1940 1950 1960 1970 1980 1990 2000 2010 FBN Économie et Stratégie (données du BEA) Le contrôle des deux chambres par les républicains place M. Trump en bonne posture pour faire avancer d’autres volets de son programme de relance de la croissance, notamment les réductions d’impôts des sociétés et des particuliers et l’allégement de la réglementation de l’environnement et des affaires. À notre avis, l’application des plans du président Trump stimulera la croissance économique américaine, mais pas avant la deuxième moitié de 2017, au plus tôt. La combinaison de réductions d’impôts et d’augmentation des dépenses pourrait hisser la croissance du PIB américain au-dessus de 2.5%, mais nous pensons que cela se matérialisera surtout en 2018. Un déficit budgétaire plus important et une inflation potentiellement plus forte – éventuellement intensifiés par des mesures protectionnistes ─ pourraient inciter la Fed à accélérer ses hausses de taux d’intérêt. Le FOMC prévoit actuellement une augmentation cette année, deux en 2017, trois en 2018 et trois autres en 2019. Par conséquent, la courbe des rendements américaine pourrait non seulement monter, mais aussi accentuer sa pente (graphique). Pour le marché boursier, une croissance économique plus rapide laisse présager une croissance des bénéfices plus rapide. Les secteurs les plus susceptibles de profiter d’une administration républicaine – santé (avec la révision de la loi Obamacare), banques (avec une révocation ou une dilution probable de la loi Dodd-Frank) et énergie – se sont particulièrement bien comportés au lendemain de l’élection (graphique). S&P 500 : Le rendement des secteurs en perspective (10 novembre 2016) 5.0 % 4.0 3.0 2.0 1.0 4.1 3.4 2.4 1.1 2.1 1.5 0.9 0.2 0.0 -1.0 -0.2 -2.0 -3.0 -4.0 -1.3 -2.3 -3.7 -5.0 FBN Économie et Stratégie (données de Bloomberg) Qu’en est-il du protectionnisme? Une grande partie de l’incertitude économique déclenchée par la victoire de M. Trump découle des craintes qu’il déchire les accords de libre-échange et déclenche une guerre commerciale mondiale. Nous pensons qu’il est très peu probable que le nouveau président retire carrément son pays de l’ALÉNA ou d’un autre accord commercial – voir notre édition de Géopolitique en bref du 19 octobre « Le point sur les élections : Trump ou Clinton, mais pas de retour à la normale » –, mais il y a peu de doutes qu’il adoptera une attitude plus protectionniste que son prédécesseur. Un président a l’autorité juridique d’imposer des tarifs douaniers 2 ÉTUDE SPÉCIALE ou des quotas dans pratiquement tous les secteurs sans l’approbation du Congrès. Les perspectives de la croissance mondiale dépendent par conséquent en partie du degré de protectionnisme qu’appliquera effectivement l’administration Trump. Il est difficile de jauger l’effet sur la croissance mondiale avec précision puisque les effets négatifs dépendront de facteurs tels que le genre de mesures imposées, les pays auxquels elles seront imposées, leur moment (p. ex., pendant une récession? pendant une expansion?) et les politiques en place lorsqu’elles seront imposées. Mais il y a consensus sur les méfaits du protectionnisme pour la croissance. Par exemple, le FMI a constaté une augmentation moyenne de la productivité d’environ 1% à la suite d’une baisse de 0.5% des tarifs douaniers. Malheureusement, l’inverse s’applique aussi. La croissance économique mondiale a atteint en moyenne environ 3.2% au cours des huit dernières années, soit près d’un demi-point de pourcentage de moins qu’avant la récession. Cette diminution de la croissance coïncide avec la montée du protectionnisme depuis 2009. Et cette année-ci est sera probablement la plus mauvaise depuis longtemps, puisque les mesures discriminatoires dépassent largement les mesures de libéralisation du commerce (graphique). sain des marchés du travail américain (taux de chômage à 4.9% seulement). Cela dit, le double revers du Brexit et de la victoire de M. Trump pourrait ajouter du vent dans les voiles des partis antisystème en Europe. Des élections ou des référendums auront lieu au cours des 12 prochains mois en Autriche (4 décembre), en Italie (4 décembre), aux Pays-Bas (15 mars), en France (23 avril) et en Allemagne (22 octobre). Les partis eurosceptiques, dont beaucoup ont une opinion négative des accords de libre-échange, devraient avoir le vent en poupe dans ces consultations électorales. La longue période de faible croissance de l’Europe et la crise des migrants l’exposent particulièrement à la montée de partis politiques de l’extrême droite et d’extrême gauche. Implications pour le Canada Vu le potentiel limité d’augmentation de sa demande intérieure après l’explosion des dettes et l’essor du secteur immobilier résidentiel de ces dernières années, le progrès de l’économie canadienne repose en grande partie sur les exportations. Le Canada a profité énormément de l’accès au marché américain; ses exportations aux États-Unis ont doublé et plus depuis 1993. L’excédent du commerce international de marchandises du Canada avec les ÉtatsUnis a grimpé d’environ CA$37 milliards en 1993 à environ CA$117 milliards l’an dernier. Depuis l’ALÉNA, amélioration de la balance commerciale avec les États-Unis Balance commerciale de marchandises, par année 160 Ca$ milliards Entrée en vigueur de l’ALÉNA 140 États-Unis 120 100 80 60 40 20 0 Mexique -20 -40 1990 La poursuite dans cette direction augmenterait le risque pour la durabilité de la croissance mondiale, compte tenu du degré d’intégration des économies à travers des chaînes d’approvisionnement planétaires, et donc des liens commerciaux de plus en plus étroits. Le risque est le plus grand pour les économies exportatrices telles que celles des pays émergents. Compte tenu des conséquences possibles, on ne sait pas encore à quel point la nouvelle administration Trump s’empressera de mettre en œuvre les mesures protectionnistes annoncées étant donné l’état relativement 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 2014 FBN Économie et Stratégie (données du Trade Data Online) Comme les États-Unis absorbent plus de 75% des marchandises exportées par le Canada, un effort du président Trump pour démanteler l’ALÉNA serait une mauvaise nouvelle pour la croissance canadienne. Si les États-Unis mettaient en place des barrières commerciales, le Canada trouverait-il d’autres preneurs pour ses marchandises? Il est peu probable que les exportateurs puissent réduire rapidement leur dépendance des ÉtatsUnis. La victoire de M. Trump sonne le glas du Partenariat 3 ÉTUDE SPÉCIALE transpacifique. Même l’Accord économique et commercial global (CETA) approuvé par les Européens pourrait être compromis si une vague de populisme similaire l’emportait dans les prochaines élections européennes. Bref, bien que le Canada profiterait de l’approbation du pipeline Keystone par l’administration Trump, cela ne suffirait probablement pas à compenser l’effet de la montée des barrières commerciales pour les biens manufacturés. On peut s’attendre à ce que l’évolution du paysage politique outre-frontière influe sur la politique canadienne. Par exemple, pour que les politiques de protection de l’environnement du Canada soient réalisables, il faut qu’elles soient compatibles avec celles des États-Unis. Le président élu Trump a dit qu’il ne croit pas au changement climatique et a régulièrement fustigé l’Environmental Protection Agency des États-Unis. Cela remet en question les initiatives vertes prises par le gouvernement Trudeau et les provinces parce que ces politiques pourraient représenter un désavantage concurrentiel pour les sociétés canadiennes par rapport à celles des États-Unis. Conclusion : Ne ratez pas les prochains épisodes Les actifs à risque ont réagi positivement à l’épisode 1 de la nouvelle émission de téléréalité de Donald Trump. Nous apprécions l’épisode consacré à la stimulation budgétaire. Mais il y en a beaucoup d’autres à venir dont les scénarios continueront assurément de maintenir les investisseurs sur le qui-vive. Verrons-nous émerger une amitié Trump-Poutine et un assouplissement des sanctions commerciales contre la Russie? Et qu’en est-il de l’épisode au cours duquel les États-Unis doivent décider de construire un mur à sa frontière avec le Mexique? Pas plus tard qu’hier soir, nous avons appris que M. Trump pourrait déclarer que la Chine manipule sa devise dès son entrée en fonction. Pour le moment, en attendant de connaître un peu mieux les acteurs, nous préférons maintenir notre répartition des actifs sans changement, avec une pondération supérieure à la moyenne pour les liquidités. Stéfane Marion Ce qu’il faut retenir : les décideurs politiques doivent trouver d’urgence des moyens de rendre le Canada plus concurrentiel. La Banque du Canada fera sa part en dépréciant le huard par une politique monétaire de grande détente, mais cela ne suffira peut-être pas. S&P TSX : Le rendement des secteurs en perspective (10 novembre 2016) 5.0 4.0 4.0 3.0 1.7 2.0 1.0 1.5 0.7 0.8 0.6 0.0 -1.0 -2.0 -0.2 -0.3 -0.8 -0.9 -1.0 -1.4 FBN Économie et Stratégie (données de Bloomberg) 4 ÉTUDE SPÉCIALE ÉCONOMIE ET STRATÉGIE Bureau Montréal 514 879-2529 Bureau Toronto 416 869-8598 Stéfane Marion Marc Pinsonneault Économiste et stratège en chef Économiste principal DG, recherche et stratégie secteurs publics [email protected] [email protected] [email protected] Paul-André Pinsonnault Matthieu Arseneau Économiste principal, Revenu fixe Économiste principal [email protected] [email protected] Krishen Rangasamy Angelo Katsoras Économiste principal Analyste géopolitique [email protected] [email protected] Warren Lovely Généralités : La Financière Banque Nationale (FBN) est une filiale en propriété exclusive indirecte de la Banque Nationale du Canada. La Banque Nationale du Canada est une société ouverte inscrite à la cote des bourses canadiennes. 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