Regard de journalistes MRE sur le Maroc et ses médias

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Regard de journalistes MRE sur le Maroc et ses médias
Regard de journalistes MRE sur le Maroc et ses médias
Lundi, 14 Février 2011 20h10
Ils étaient plus de 150 journalistes marocains venus des quatre coins du monde pour débattre
sur la question de la perception de l'immigration par la presse marocaine. Le traitement de la
question est jugé saisonnier, parcellaire, stéréotypé.
Ils sont venus des USA, du Canada, de France, d'Angleterre, d'Espagne, des Emirats, du
Qatar, d'Iran..., en tout de 28 pays pour engager une réflexion sur la relation entre les médias et
l'immigration marocaine.
150 journalistes de la diaspora marocaine, mais aussi des dizaines de journalistes exerçant au
Maroc, étaient rassemblés du 4 au 6 février à El Jadida sur invitation du Conseil de la
communauté marocaine de l'étranger (CCME) et de l'instance chargée du «dialogue national
Média et Société». Objectif : compléter et affiner le travail d'audition sur le sujet «Médias et
immigration» effectué en avril de l'année dernière par les responsables du CCME devant la
Commission parlementaire chargée du débat national sur la presse - débat qui a fait l'objet d'un
livre blanc rendu public le 7 février courant. Il faut dire que Driss El Yazami, président du conseil
ayant vécu lui-même comme Marocain de l'étranger depuis les années 1970, est préoccupé,
depuis qu'il est aux commandes de cette instance, de la manière dont les médias marocains
traitent de la question des Marocains du monde.Un traitement de l'avis de nombre
d'observateurs parcellaire, saisonnier, non professionnel, conforme à des clichés surannés, où
nos Marocains de l'étranger sont rangés dans une catégorie de citoyens riches, pourvoyeurs de
devises par excellence.
Or, comme l'exprime si bien Noureddine Lamrani, un journaliste marocain en Hollande, «ni les
pouvoirs publics ni les médias marocains ne perçoivent les Marocains de l'étranger comme des
citoyens à part entière. Nous sommes choqués par l'approche sécuritaire, économiste qui
donne une image sclérosée et négative de cette communauté à laquelle j'appartiens».
Le Maroc n'est effectivement pas coupé du monde et de ses 10% des citoyens vivant à
l'étranger, mais les médias s'y intéressent de manière trop étroite, alors que ceux-ci ont soif de
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partager leurs expériences avec leurs concitoyens de l'intérieur et de participer à la construction
d'un pays auquel ils sont très attachés, et à propos duquel ils ont maintenant une image bien
flatteuse eu égard aux grands chantiers économiques et sociaux menés depuis plus d'une
dizaine d'années.
Des dizaines de journalistes présents pour réfléchir à El Jadida sur la meilleure façon de
rectifier le tir et de concilier les Marocains du monde avec le quatrième pouvoir ont le sentiment
que le Maroc bouge, voire il est en train d'opérer une mue sans précédent, qui plus est, est bien
perçue et fortement appréciée par l'opinion publique de nombre de pays d'accueil. «Plus on
s'éloigne de lui, plus on l'aime», déclare Rachid Chafai El Alaoui, trente ans à Londres,
actuellement journaliste à MBC TV (voir témoignages).
La question migratoire souvent traitée sous un angle descriptif et financier
Pour mieux y voir clair, encourager à asseoir une relation sereine et de confiance entre la
presse marocaine et l'immigration, mais aussi pour cerner dans quelle mesure les journalistes
du monde peuvent participer au développent du secteur de la presse marocaine, deux études
ont été présentées par le CCME dans cette rencontre. La première, préparée par l'agence AEZ
Communication, relative au traitement de la question migratoire par la presse écrite marocaine,
a été faite sur neuf journaux de partis et vingt-six privés (indépendants et étrangers). L'étude
présente plusieurs constats : la question migratoire est d'abord très présente dans la presse
écrite marocaine durant le premier semestre 2010 (la période de l'enquête), à raison d'une
moyenne de 6 articles par jour. Mais le traitement de la question migratoire dans la presse
étudiée est plus descriptif (92%) qu'analytique (3%). Autre constat tiré par cette étude : «la
couverture par les différents supports est largement marquée par une ligne éditoriale uniforme
par rapport à la thématique/problématique de l'immigration». Le traitement de la migration par
la presse, en général, est-il aussi neutre que veut nous le faire croire cette étude ? Rien n'est
moins sûr. Les journalistes présents dans ce premier forum des journalistes du monde sont loin
de partager ce constat. Quand bien même majoritairement descriptifs, les articles véhiculent
des clichés négatifs. «Toutes les femmes vivant dans les pays du Golfe ne sont pas des
prostituées. Or le sujet est récurrent dans la presse écrite marocaine», s'insurge un journaliste.
Il faut dire que l'intérêt mercantile dans le traitement médiatique par une certaine presse est
également présent. «Sinon pourquoi certains journaux consacrent des dossiers sur les
immigrés à l'approche de l'été ?», s'interroge un autre. Peut-être, un manque de
professionnalisme en la matière. Est-ce pour autant nécessaire que la presse marocaine ait
dans ses rédactions des spécialistes en matière d'immigration ? Est-ce nécessaire aussi que
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les écoles de journalisme dispensent une formation sur l'immigration marocaine pour que leurs
futurs lauréats soient capables de traiter en toute objectivité et éthique les questions de
l'immigration ? «Il est inconcevable de tirer à boulets rouges sur des joueurs marocains de
l'étranger, talentueux en plus, quand l'Equipe nationale perd parce qu'ils n'entonnent pas
l'hymne national, ou qu'ils gagnent très bien leur vie avec de grands clubs. On n'a pas besoin
de ces images et de ces articles qui divisent les Marocains en deux catégories, ceux de
l'intérieur et ceux de l'extérieur», martèle Mohamed Zouak, patron du site Yabiladi.com,
lui-même fils d'immigrés. Pour ce dernier, il est même souhaitable que les rédactions des
journaux marocains soient composées de journalistes marocains de l'intérieur et de l'extérieur,
voire appartenant à plusieurs nationalités.
La seconde étude présentée dans ce forum concerne les attentes des journalistes marocains
du monde. C'est un sondage effectué auprès de 180 journalistes marocains de l'étranger,
jeunes, opérationnels, exerçant dans leur majorité dans les pays du Golfe. Pour justement
éviter les travers de la presse marocaine dans le traitement de la question de l'immigration, et
en même temps encourager les journalistes étrangers à s'investir dans leur pays d'origine (le
sondage révèle que 98% parmi eux souhaitent retourner exercer au Maroc), cette étude formule
quelques recommandations, comme demander l'avis des journalistes de la diaspora dans la
conception des programmes pour la communauté avant leur lancement, ou encore organiser
des séminaires de formation pour les journalistes marocains sur la migration et l'immigration et
les réalités de la communauté marocaine à l'étranger (voir encadré).
Sondage : 42% sont partis à l'étranger pour des motivations professionnelles
Le CMF MENA dans son sondage a ciblé 100 journalistes auxquels un questionnaire a été
envoyé. 60% ont répondu. Ces réponses représentent 30% du nombre global des journalistes
marocains à l'étranger. Ce sont surtout des motivations d'ordre professionnel qui justifient le
départ à l'étranger pour 42% d'entre eux révèle l'enquête. Certains ont motivé leur immigration
par l'aspiration à développer leur carrière professionnelle (28%), pour des études (23%) ou pour
des raisons familiales (5%). Toutefois, 2% des journalistes marocains sont nés à l'étranger, ce
qui démontre le haut degré d'enracinement et l'émergence des deuxième et troisième
générations de Marocains dans les pays d'accueil.
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Sadek Hajji Journaliste et écrivain à Paris : Ce qu'ils pensent de l'évolution du pays
Auteur notamment de «voyage dans la France musulmane» (éd. Plomb, 2006).
Ex-correspondant du journal Libération (Maroc), il collabore actuellement avec nombre de
supports dont VSD, Paris Match, Le Point. Sadek Hajji, après des études de psychologie, se
tourne vers le journalisme pour en faire son métier, il vit en France depuis plus de 30 ans .
Quand on l'interroge sur le regard qu'il porte sur le Maroc actuel, il répond qu'il faut être aveugle
pour ne pas saisir tous les changements intervenus depuis plus de 10 ans. La liberté de la
presse et d'expression connaît une embellie jamais égalée. «Il arrive qu'il y ait quelques
accrocs, suite à des erreurs journalistiques et que la réponse du gouvernement soit excessive,
mais tout le défi est de savoir gérer un contexte de changement avec intelligence et
discernement».
Sur le plan économique et social, Sadek Hajji constate aussi une embellie et notamment sur le
plan des infrastructures mais également, note-t-il «des disparités sociales criantes et un fort
taux de chômage des jeunes». Et il ajoute : «Socialement, en tant que journaliste, je suis frappé
chaque fois que je foule le sol de mon pays que mes compatriotes sont partagés entre un mode
de vie moderne et un autre archaïque. De même je suis frappé, au plan culturel, par le nombre
de festivals que je considère exagéré». Si au plan juridique le nouveau Code de la famille est
une révolution en soi, il ne comprend pas que ses prescriptions ne soient pas expliquées aux
Marocaines de l'étranger.
Mohsine Jbabdi Présentateur d'info à «Al Hurra TV» à Washington : Ce qu'ils pensent de
l'évolution du pays
Lauréat de l'Institut marocain de journalisme en 1987 (actuel ISIC), ce journaliste a travaillé
dans plusieurs supports après avoir quitté le Maroc en 1997 (radio Monte Carlo, reporteurs de
plusieurs TV du Golfe, dont TV Dubaï), il a même été pendant six mois à la télévision iranienne
de Téhéran Al Alam TV. Ce journaliste se dit fier de tout ce que le Maroc a accompli. Et «tout
cela est dû à la détermination du Roi Mohammed VI, à tel point que je me demande si cette
détermination est vraiment partagée par toute l'élite marocaine». Si les changements politiques
et économiques sont perceptibles et si le Maroc peut être classé maintenant parmi les pays
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émergents, «il est regrettable de constater que les mentalités marocaines ne suivent pas
toujours, et je me demande si cette métamorphose que mène le Maroc aura un impact sur
l'évolution des mentalités, et vice versa». Quant à la presse, elle s'exprime désormais avec
plus d'audace, estime le présentateur d'Al Hurra TV, et on sent qu'il y a sur ce plan une grande
ouverture.
Abdelghani Dadès Journaliste, membre du CCME : Ce qu'ils pensent de l'évolution du
pays
Après avoir exercé comme journaliste et rédacteur en chef dans plus plusieurs journaux
marocains (dont La Vie éco), il s'expatrie au Canada (Montréal) en 1997 pour essayer une
nouvelle vie. M. Dadès est membre du CCME. Pour lui, il y a un nouveau projet de société qui
en train de se concrétiser. Il y a le travail de mémoire mené par l'IER, le nouveau code de la
famille et la réforme du code de la nationalité. Au plan économique et social il y a la naissance
de l'INDH pour lutter contre l'exclusion et la précarité, et il y a un travail de réflexion sur la
gestion territoriale. «Les efforts sont tellement concrets qu'il est permis de rêver. Au-delà des
réalisations ou des ratages, l'effort est là, perceptible chaque fois qu'on visite notre pays, et on
sent qu'il y a maintenant une philosophie du développement. Néanmoins, on a parfois le
sentiment que dans ce panorama d'évolution, il y a quelques crispations, notamment dans le
domaine de la liberté de presse. Mais la réflexion sur une nouvelle loi garantissant cette liberté
mais en même temps le respect de la déontologie dans ce métier est maintenant entamée».
Trop optimiste M. Dadès ? «Pas de manière béate, une fois qu'on est hors de notre pays on
arrive à jeter un regard dépassionné et objectif et on constate les avancées», conclut-il.
Rachid Chafai El Alaoui Journaliste à MBC : Ce qu'ils pensent de l'évolution du pays
Il a passé trente ans à Londres, et travaillé comme traducteur, mais surtout comme journaliste.
Il a été correspondant à Londres de la chaîne marocaine 2M et de de celle ANN. Il est
actuellement à MBC TV. Le regard qu'il porte sur le Maroc ? «Plus on s'éloigne de lui plus on
l'aime». Pour lui, la différence est nette entre le Maroc que nous visitions il y a une quinzaine
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d'années et aujourd'hui. «Avant, j'éprouvais de l'amerture, de la vexation, d'autant qu'en
Grande-Bretagne, où je vis, tout est réglé comme une horloge : des questions comme la
démocratie ou le respect des lois vont de soi. Or quand je venais au Maroc, c'était tout le
contraire. Aujourd'hui, les choses ont changé et l'observateur que je suis est de plus en plus
attiré par le Maroc et a même envie d'y rentrer et d'y vivre avec sa famille. Il y a encore la
pauvreté, le chômage, les disparités sociales, l'exploitation, la corruption, mais il faut relativiser,
cela n'existe pas plus au Maroc que dans beaucoup de pays que j'ai visités. En Angleterre,
l'attrait pour le Maroc est réel. Les Britanniques ont une bonne image ces dernières années de
ce qui se fait au Maroc, et il faut consolider cette image».
Jaouad Mdidech. La Vie éco
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