Quelle place pour la chirurgie pédiatrique dans les hôpitaux

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Quelle place pour la chirurgie pédiatrique dans les hôpitaux
Standespolitik / Politique professionnelle
Vol. 21 No. 5 2010
Quelle place pour la chirurgie pédiatrique­
dans les hôpitaux régionaux?
Table-ronde du 23.9.2010 lors du congrès annuel de la Société
­Suisse de Chirurgie Pédiatrique à Anzère
René Tabin, Stéphane Produit, Bernard Genin, Sion et Martin Meuli, Zurich
Participants
Laurence Racine (pédiatre, Neuchâtel), Michaël Hofer (président de la fPmh, Lausanne), Denis Chessex (pédiatre, St Loup
et Yverdon), Barbara Peiry, (chirurgienne
pédiatre, Fribourg), Markus Bittel (chirurgien
pédiatre, Bienne), Andreas Dietl (chirurgien pédiatre, Winterthur), Rudolf Leuthardt
(chirurgien pédiatre, Bellinzona), René Tabin
(pédiatre, Sion), Bernard Genin (chirurgien
pédiatre, Sion), Y. Seydoux (responsable de
communication, Groupe Mutuel), Damian
König (juriste, hôpital du Valais), Marcus
Schwöbel (chirurgien pédiatre, président
de la commission de formation, Lucerne),
Martin Meuli (chirurgien pédiatre, président
de la société suisse de chirurgie pédiatrique,
Zurich), Maurice Tornay (Conseiller d’Etat,
chef du département de la santé publique et
du département des finances, Sion).
Animation: Joakim Faiss (journaliste, hôpital
du Valais)
Cette table ronde a eu lieu en ouverture
du congrès annuel de la Société suisse de
chirurgie pédiatrique.
Les questions posées étaient les suivantes:
faut-il augmenter le nombre de chirurgiens
pédiatres? Faut-il permettre aux chirurgiens
généraux de faire une partie de leur formation dans les services de chirurgie pédiatrique? Faut-il développer des réseaux avec
les hôpitaux universitaires les plus proches?
Quelle suite envisager?
En Suisse, les enfants et les adolescents
représentent un cinquième de la population
et il n’y a pas suffisamment de pédiatres
pour permettre à chaque enfant de bénéficier d’une prise en charge spécialisée. Il est
indispensable de créer et de maintenir des
réseaux avec les autres médecins de premier
recours qui doivent être formés en pédiatrie.
Le problème est encore plus évident pour les
chirurgiens pédiatres, qui sont actuellement
essentiellement présents dans les centres
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universitaires: doivent-ils être également
présents en dehors de ces centres? Quelle
collaboration et quel apport sont à développer avec les autres chirurgiens?
La tendance actuelle dans les pays occidentaux est d’essayer d’obtenir une médecine
plus performante et moins coûteuse en
réunissant les hôpitaux. La pédiatrie suisse
n’échappe pas à cette évolution et plusieurs petits services de pédiatrie se sont
vu récemment réunir au sein d’hôpitaux
régionaux généraux. Ils ont par conséquent
davantage d’enfants à prendre en charge,
avec des pathologies de plus en plus diverses
et spécialisées. Ceci a incité les services de
pédiatrie au sein des hôpitaux généraux à se
renforcer par l’apport de compétences de
pédiatres avec formations approfondies dans
les diverses sous-spécialités pédiatriques.
Les chirurgiens généraux et chirurgiens
orthopédiques au sein de ces hôpitaux ont
pour leur part également besoin de formation poussée dans leurs spécialités, qui ne
laisse guère de place pour une formation
spécifique en chirurgie pédiatrique ou en
traumatologie de l’enfant. Ainsi, de plus
en plus, la nécessité d’une prise en charge
spécialisée par un chirurgien pédiatre se
fait sentir.
La discussion lors de la table ronde, riche
et animée a mis en évidence plusieurs éléments nécessitant une réflexion:
• La formation prégraduée des médecins,
notamment en pédiatrie, pose actuellement problème, puisque les stages de
pédiatrie ne sont plus obligatoires pour
les étudiants qui peuvent obtenir leur
diplôme de médecin en n’ayant que des
connaissances théoriques de l’enfant. Il
serait important d’augmenter les connaissances de base en pédiatrie des futurs
médecins, en particulier des futurs généralistes-internistes, afin de leur permettre
de mieux reconnaître les pathologies de
l’enfant et de l’adolescent.
Vol. 21 No. 5 2010
• Dans leur formation, les chirurgiens généraux et traumatologues ont besoin de
formation en chirurgie pédiatrique et des
postes de formation devraient leur être
réservés. Les critères de qualité (durée
de formation nécessaire en chirurgie
pédiatrique pour un chirurgien général)
méritent aussi une réflexion.
• La chirurgie pédiatrique nécessite des
compétences hautement spécialisées,
permettant de prendre en charge et de
traiter des affections rares et difficiles.
Celles-ci sont du ressort des centres
universitaires et centres de catégorie A. Il
en est de même pour les polytraumatisés
graves.
• La présence de chirurgiens pédiatres est
fortement souhaitée par les pédiatres au
sein des services de pédiatrie régionaux,
en particulier des grands centres. Ceci
constituera d’ailleurs un critère de reconnaissance pour un centre de formation en
pédiatrie de catégorie 3 ans (reconnaissance pour une formation postgraduée de
trois ans en pédiatrie), selon le nouveau
règlement de formation postgraduée en pédiatrie de la SSP (en cours de discussion).
Ils auraient à y traiter des pathologies plus
simples, mais également plus répandues.
Leur présence permettrait également
d’offrir des postes de formation en chirurgie pédiatrique, avec la possibilité pour de
futurs chirurgiens pédiatres de pratiquer
sous supervision des interventions courantes, nécessaires à leur formation.
• Il faut distinguer les interventions programmées, qui peuvent avoir lieu selon
leur type dans des hôpitaux adaptés et les
urgences qui posent d’autres problèmes.
• Les services de pédiatrie sont tous
confrontés à une forte augmentation
des urgences, notamment la nuit et le
week-end. Il s’agit essentiellement de
cas de pédiatrie, mais les pathologies
chirurgicales y sont également rencontrées. Une garde chirurgicale pédiatrique
est fortement souhaitée. Ceci pose un
problème, car, pour couvrir une garde permanente, il serait nécessaire de pouvoir
disposer – comme le demande pour les
anesthésistes la Société suisse d’anesthésiologie – de cinq médecins à plein
temps! Il n’est actuellement plus acceptable qu’un chirurgien pédiatre opère la
nuit en urgence et pratique le lendemain
des interventions programmées.
• Le nombre de patients à prendre en
charge, le type de pathologies rencon-
Standespolitik / Politique professionnelle
trées ne justifient toutefois pas, en général, la présence de cinq chirurgiens
pédiatres dans ces hôpitaux généraux. Il
faut réfléchir à d’autres solutions, par un
travail en réseau, avec par exemple une
centralisation des chirurgiens pédiatres
pour leur garde dans de grands hôpitaux
universitaires et régionaux et par une
présence renforcée durant la journée au
sein des hôpitaux régionaux.
• Ceci nécessiterait toutefois une augmentation des postes de formation en
chirurgie pédiatrique, car il n’y a pas actuellement suffisamment de chirurgiens
pédiatres pour répondre à de tels besoins. Il est important que ces chirurgiens
pédiatres soient très bien formés pour
répondre aux besoins variés des enfants.
• Tout ceci aura bien sûr des implications
sur les coûts, mais un prix élevé se justifie, si les soins offerts sont d’une qualité
élevée.
Le conseiller d’Etat valaisan Maurice Tornay,
responsable du département de la santé et
des finances, a conclu cette table ronde par
un exposé, dans lequel il rappelle que l’Etat
doit veiller à ce que la prise en charge des
enfants ne soit pas prétéritée et à la couverture de leurs besoins particuliers. Il fait part
de la réflexion qui l’a amené à soutenir le
développement de la chirurgie pédiatrique
dans le canton du Valais.
Nous espérons que cette table ronde suscitera une réflexion et des réponses au
sein de la fPmh et des sociétés suisses de
chirurgie pédiatrique et de pédiatrie.
Correspondance
Dr R. Tabin
Chef du département médico-chirurgical
de pédiatrie
Centre Hospitalier du Centre du Valais
site hospitalier de Sion
1950 Sion
[email protected]
Prof. M. Meuli
Direktor
Chirurgische Klinik
Universitätskinderkliniken
Steinwiessstr. 75
8032 Zürich
[email protected]
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