(五言古詩) Seeing Li Bai in a Dream II 夢李白之二 浮雲終日行, 遊子

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(五言古詩) Seeing Li Bai in a Dream II 夢李白之二 浮雲終日行, 遊子
李白 Li Bai (ou Li Bo) (701-762) et 杜甫 Du Fu (712-770)/ 1
Nous allons étudier deux poètes de la dynastie des Tang que les Chinois considèrent en général
comme leurs meilleurs poètes. On a l’habitude de les étudier ensemble car ils vivaient à la même
époque et forment une paire ou un couple de poètes à la fois très différents et complémentaires que
ce soit dans leurs écrits ou leurs personnalités. Ces poètes sont 李白 Li Bai (ou Li Bo) (701-762) et
杜甫 Du Fu (712-770).
Li Bo laissa à la postérité 1 000 poèmes et Du Fu 1 400. Malgré leurs grandes différences, les
poètes des Tang qui leur succédèrent prirent l’habitude de parler d’eux comme d’une personne :
« Li-Du » 李杜
Li Bo était un poète très doué auquel on donna le surnom d’ « Immortel banni sur la terre ». Il
mena longtemps une vie errante. Présenté à la cour impériale il y jouit pendant quelques mois de
faveurs inouïes, mais compromis et banni par la suite, il fut exilé dans le Yunnan puis gracié. Selon
la légende, il serait mort une nuit d’ivresse, en essayant d’attraper le reflet de la lune dans les eaux
du Fleuve Bleu.
Du Fu eut une vie difficile. Il connut la misère, la vie errante, les échecs officiels ; la disgrâce et le
deuil. Ces malheurs l’ont rendu compatissant à ceux de ses contemporains qu’il évoque avec un
sens puissant de la vie sociale.
杜 甫
Du Fu
(五 言 古 詩)
Seeing Li Bai in a Dream II
夢李白之二
浮雲終日行,
三夜頻夢君,
告歸常局促,
江湖多風波,
出門搔白首,
冠蓋滿京華,
孰云網恢恢?
遊子久不至;
情親見君意。
苦道來不易。
舟楫恐失墜。
若負平生志。
斯人獨憔悴。
將老身反累!
李白 Li Bai (ou Li Bo) (701-762) et 杜甫 Du Fu (712-770)/ 2
千秋萬歲名, 寂寞身後事。
This cloud, that has drifted all day through the sky,
May, like a wanderer, never come back....
Three nights now I have dreamed of you –
As tender, intimate and real as though I were awake.
And then, abruptly rising to go,
You told me the perils of adventure
By river and lake-the storms, the wrecks,
The fears that are borne on a little boat;
And, here in my doorway, you rubbed your white head
As if there were something puzzling you.
...Our capital teems with officious people,
While you are alone and helpless and poor.
Who says that the heavenly net never fails?
It has brought you ill fortune, old as you are.
...A thousand years' fame, ten thousand years' fameWhat good, when you are dead and gone.
Trad. Bynner
李 白
Li Bai/Li Bo
(五 言 古 詩 )
月下獨酌
花間一壺酒,
舉杯邀明月,
月既不解飲,
暫伴月將影,
我歌月徘徊,
醒時同交歡,
永結無情遊,
獨酌無相親;
對影成三人。
影徒隨我身;
行樂須及春。
我舞影零亂;
醉後各分散。
相期邈雲漢。
Drinking Alone with the Moon
From a pot of wine among the flowers
I drank alone. There was no one with me –
Till, raising my cup, I asked the bright moon
To bring me my shadow and make us three.
Alas, the moon was unable to drink
And my shadow tagged me vacantly;
But still for a while I had these friends
To cheer me through the end of spring....
李白 Li Bai (ou Li Bo) (701-762) et 杜甫 Du Fu (712-770)/ 3
I sang. The moon encouraged me.
I danced. My shadow tumbled after.
As long as I knew, we were boon companions.
And then I was drunk, and we lost one another.
...Shall goodwill ever be secure?
I watch the long road of the River of Stars.
Trad. Bynner
Li Bai
Bringing in the Wine
李 白
將進酒
(樂 府)
君不見, 黃河之水天上來,
奔流到海不復回?
君不見, 高堂明鏡悲白髮,
朝如青絲暮成雪? 人生得意須盡歡,
莫使金樽空對月, 天生我材必有用,
千金散盡還復來。
烹羊宰牛且為樂, 會須一飲三百杯。
岑夫子! 丹丘生!
將進酒; 君莫停。
與君歌一曲, 請君為我側耳聽。
鐘鼓饌玉不足貴, 但願長醉不願醒。
古來聖賢皆寂寞, 惟有飲者留其名。
陳王昔時宴平樂, 斗酒十千恣讙謔。
主人何為言少錢? 徑須沽取對君酌。
五花馬, 千金裘。
呼兒將出換美酒, 與爾同消萬古愁。
Chanson à boire
Seigneur, ne voyez-vous donc point les eaux du fleuve Jaune ?
Elles descendent du ciel et coulent vers la mer sans jamais revenir 1.
Seigneur, ne regardez-vous donc point dans les miroirs qui ornent votre noble demeure,
Et ne gémissez-vous pas en apercevant vos cheveux blancs ?
Ils étaient ce matin comme les fils de soie noire,
Et, ce soir, les voilà déjà mêlés de neige.
L'homme qui sait comprendre la vie doit se réjouir chaque fois qu'il le peut,
En ayant soin que jamais sa tasse ne reste vide en face de la lune2.
李白 Li Bai (ou Li Bo) (701-762) et 杜甫 Du Fu (712-770)/ 4
Le ciel ne m'a rien donné sans vouloir que j'en fasse usage ;
Mille pièces d'or que l'on disperse pourront de nouveau se réunir.
Que l'on cuise donc un mouton, que l'on découpe un bœuf, et qu'on soit en joie ;
Il faut qu'ensemble aujourd'hui, nous buvions d'une seule fois trois cents tasses3.
Les clochettes et les tambours, la recherche dans les mets ne sont point choses nécessaires,
Ne désirons qu'une longue ivresse, mais si longue qu'on n'en puisse sortir.
Les savants et les sages de l'Antiquité n'ont eu que le silence et l'oubli pour partage ;
Il n'est vraiment que les buveurs dont le nom passe à la postérité.
1. La mythologie chinoise place les sources du fleuve Jaune dans la voie lactée. On trouvera cette fable rapportée plus
loin, aux notes de la pièce de Ouang-leng-jèn, ayant pour titre : Sur un vieil arbre couché au bord de l'eau...
2. Pour les Chinois, qui n'ont guère de soirées aux flambeaux, le clair de lune est toujours une occasion de prolonger la
veillée. Ne jamais laisser sa tasse vide en face de la lune équivaut donc à dire : ne jamais perdre une occasion de boire
et de se divertir.
3. Ce nombre de trois cents tasses est évidemment hyperbolique. Il est bon de noter toutefois que ces tasses pour boire
le vin, qui figurent invariablement dans les réunions d'amis et de poètes, ne sont pas même de la contenance de nos plus
petits verres à liqueur. Il est vrai d'ajouter aussi que le vin des Chinois n'est le plus souvent que de l'eau-de-vie de grain.
La culture des lettres étant la principale préoccupation des classes élevées, chez un peuple où les succès littéraires
deviennent la clef de toutes les carrières, des passe-temps très goûtés sont ceux où l'on fait assaut de verve et
d'érudition. Toute erreur, toute lenteur d'inspiration, tout défaut de mémoire sont punis, suivant la gravité des cas, d'une
ou plusieurs tasses à vider. Les plus habiles acceptent des défis dont le résultat se devine, et chacun arrive bientôt à cet
état de demi-ivresse, pouàn-tsieou, si vanté par les poètes chinois.
Quant à Li-taï-pé [Li Taibo/LiBai/LiBo], il faut malheureusement constater qu'il n'était guère dans ses principes de s'en
tenir là.
Trad. Hervey 15
See how the Yellow River's waters move out of heaven.
Entering the ocean, never to return.
See how lovely locks in bright mirrors in high chambers,
Though silken-black at morning, have changed by night to snow.
...Oh, let a man of spirit venture where he pleases
And never tip his golden cup empty toward the moon!
Since heaven gave the talent, let it be employed!
Spin a thousand pieces of silver, all of them come back!
Cook a sheep, kill a cow, whet the appetite,
And make me, of three hundred bowls, one long drink!
...To the old master, Cen,
And the young scholar, Danqiu,
Bring in the wine!
Let your cups never rest!
Let me sing you a song!
Let your ears attend!
What are bell and drum, rare dishes and treasure?
Let me be forever drunk and never come to reason!
Sober men of olden days and sages are forgotten,
And only the great drinkers are famous for all time.
...Prince Chen paid at a banquet in the Palace of Perfection
Ten thousand coins for a cask of wine, with many a laugh and quip.
李白 Li Bai (ou Li Bo) (701-762) et 杜甫 Du Fu (712-770)/ 5
Why say, my host, that your money is gone?
Go and buy wine and we'll drink it together!
My flower-dappled horse,
My furs worth a thousand,
Hand them to the boy to exchange for good wine,
And we'll drown away the woes of ten thousand generations!
Trad. Bynner