Estime de soi, comparaisons sociales et temporelles, et

Transcription

Estime de soi, comparaisons sociales et temporelles, et
Comparaisons et chômage de longue durée
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Comparaisons sociales et temporelles, estime de soi et activité de recherche d’emploi en
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situation de chômage de longue durée.
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Sophie Brunot* & Jacques Juhel**
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Titre courant : Comparaisons et chômage de longue durée
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* Université Rennes 2, CRPCC (EA 1285), LAUREPS, Place du Recteur Henri Le Moal, CS
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24307, 35043 Rennes Cedex- France
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Tél. +33 (0)2 99 14 19 76
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Courriel : [email protected]
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** Université Rennes 2, CRPCC (EA 1285), LPE
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Remerciements : Nous remercions Karine Mériau et Mélanie Bagas pour leur participation
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active à la construction de l’étude et à sa passation ainsi que les demandeurs d’emploi qui ont
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bien voulu y prendre part.
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Comparaisons et chômage de longue durée
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Résumé
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Cette étude concerne le rôle des comparaisons temporelles à soi et des comparaisons sociales
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dans la régulation de l’estime de soi et des comportements de recherche d’emploi chez 85
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personnes sans travail depuis au moins un an. Les résultats, basés sur la modélisation
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d’équations structurelles par l’approche des moindres carrés partiels, révèlent d’une part, que
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la fréquence des comparaisons sociales ascendantes aux personnes actives contribue
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négativement à l’estime de soi des participants. Ils indiquent, d’autre part, que l’estime de soi
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et l’investissement dans l’activité de recherche d’emploi sont d’autant plus élevés que la
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fréquence des comparaisons temporelles ascendantes au futur est grande. En revanche, les
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fréquences des comparaisons sociales (ascendantes et descendantes) à l’endogroupe des
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chômeurs ne prédisent ni l’estime de soi, ni les comportements de recherche d’emploi des
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participants. Ces résultats sont notamment discutés au regard de ceux obtenus auprès d’autres
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populations désavantagées.
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Comparaisons et chômage de longue durée
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Social and temporal comparisons, self-esteem, and job-search activity among long-term
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unemployed people
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Abstract
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This study concerns the role of temporal-self and social comparisons in self-esteem regulation
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and job-search activity among 85 persons unemployed for up to one year. Four types of
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comparisons were operationalized : social comparisons with the ingroup (unemployed
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people), and with an outgroup (workers), temporal-past and temporal-future comparisons.
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Participants completed a questionnaire assessing the frequency of each type of comparison
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according to its direction (upward versus downward) and responded to the Rosenberg Self-
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esteem Inventory and questions about job-search behaviors. Results, based on the Partial
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Least Squares approach to Structural Equation Modeling, revealed that upward social
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comparisons with the outgroup negatively contributed to participants self-esteem. Results also
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showed that upward temporal-future comparisons was related to high levels of self-esteem
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and job-search activity. By contrast, social comparisons with the ingroup (whatever their
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direction) predicted neither self-esteem nor job-search activity. These findings are notably
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discussed in the light of previous results concerning other disadvantaged groups.
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Comparaisons et chômage de longue durée
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Depuis le milieu des années 70, le chômage est devenu un problème chronique de la
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société française. Ce phénomène est d’autant plus préoccupant que durant ces dernières
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années près de 40%1 des demandeurs d’emploi entrent dans la catégorie des chômeurs de
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longue durée, qui regroupe les travailleurs privés d’emploi depuis au moins un an. Or, la
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situation de ces chômeurs est particulièrement critique car elle concerne des personnes, qui
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non seulement sont privées d’emploi depuis longtemps mais qui ont aussi moins de chance
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que les autres d’en recouvrir un (voir Demazière, 1995, p.76-77, pour une revue). Ainsi
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comme le souligne Demazière (2003), « à partir d’un certain seuil d’ancienneté de chômage,
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évalué en termes probabilistes et fixé conventionnellement à douze mois, des difficultés
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particulières et supplémentaires (dégradation des conditions d’existence, troubles des
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comportements, problèmes psychologiques, réticences des employeurs…) émergent, qui
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entravent l’accès à l’emploi. » (p. 226). Le chômage de longue durée présente donc un
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caractère
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psychologiques qui accroissent la probabilité de sa pérennisation.
particulièrement
pernicieux
en
générant
notamment
des
conséquences
74
Dans ce sens, plusieurs méta-analyses concernant la question de l’impact
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psychologique du chômage (McKee-Ryan, Song, Wanberg & Kinicki, 2005 ; Murphy &
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Athanasou, 1999 ; Paul & Moser, 2009) donnent des résultats sans équivoque. La plus
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récente d’entre elles, pour n’en citer qu’une, a été conduite par Paul et Moser (2009) sur 237
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études transversales et 87 études longitudinales. Elle révèle un impact du chômage sur un
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grand nombre d’indicateurs de la santé mentale (e.g., dépression, anxiété, symptômes psycho-
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somatiques, bien-être subjectif, estime de soi), cet effet étant particulièrement prononcé chez
81
les chômeurs de longue durée. Dans l’ensemble, les résultats des méta-analyses conduites
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plaident en faveur du modèle dit « d’exposition » selon lequel le chômage exerce un effet
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délétère sur la santé mentale, même s’ils n’invalident pas pour autant le modèle dit de
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INSEE, enquêtes emploi du 1er semestre 2003 au 4ème semestre 2008.
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Comparaisons et chômage de longue durée
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« sélection » qui fait l’hypothèse d’un impact négatif de la détresse psychologique sur la
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probabilité de retrouver un emploi. On peut toutefois souligner à l’instar d’Herman (2007)
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que les effets du chômage sur la santé mentale apparaissent plus puissants que ceux de la
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santé mentale sur la persistance du chômage.
88
Dans le même temps, ces études méta-analytiques amènent à souligner que l’impact
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psychologique du chômage est modulé par un grand nombre de variables (par exemple, le
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genre, la catégorie socioprofessionnelle, l’importance accordée au travail, les ressources
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personnelles et sociales) et peut donc varier de façon importante d’une personne à l’autre.
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Sans entrer dans une analyse fine de ces différences interindividuelles, on peut suggérer
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qu’elles sont en lien avec la façon dont la situation de chômage est perçue et interprétée
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(Bourguignon & Herman, 2007 ; Cascino & Le Blanc, 1993 ; McKee-Ryan, Song, Wanberg
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& Kinicki, 2005). Dans ce cadre, les processus comparatifs mis en œuvre par l’individu sont
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susceptibles de jouer un rôle déterminant. Ainsi, comme le soulignent Dif, Guimond,
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Martinot, et Redersdorff (2001) en faisant référence à la théorie de la privation relative
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(Runciman, 1966), ce n’est pas tant le statut objectif d’une personne qui détermine ses
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réactions psychologiques à la situation, mais ce sont les comparaisons qu’elle établit avec les
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autres ou elle-même au cours du temps. Ce sont de telles comparaisons qui suscitent chez
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l’individu des sentiments de satisfaction ou d’insatisfaction, de justice ou d’injustice, et qui
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peuvent de ce fait affecter sa santé mentale et notamment son bien-être et l’estime qu’il se
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porte (Walker, 1999). Dans le même temps, les processus comparatifs peuvent traduire et
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conditionner les objectifs que se fixe l’individu et par conséquent avoir une répercussion sur
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les actions qu’il met en œuvre face à la précarité de sa situation (Blanton, Buunk, Gibbons, &
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Kuiper, 1999 ; Seta, 1982).
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Un double objectif pilote donc l’étude présentée ici. D’une part, il s’agit d’examiner
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chez des chômeurs de longue durée les relations qu’entretiennent les processus comparatifs
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Comparaisons et chômage de longue durée
109
déployés avec un des indicateurs du bien-être parmi les plus souvent opérationnalisés dans les
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études sur les effets du chômage : l’estime de soi (Sheeran & Abraham, 1994 ; Waters, 2000 ;
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Waters & Moore, 2002 ; Winefield, Tiggeman, & Winefield, 1992). D’autre part, on
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s’intéressera aux relations entre les comparaisons effectuées et les activités mises en œuvre
113
pour retrouver un emploi.
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Impact des comparaisons sociales et temporelles sur l’estime de soi
115
Deux grandes catégories d’évaluations comparatives sont susceptibles de contribuer à
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la valeur globale qu’un individu s’accorde, en d’autres termes à l’estime de soi : celles
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mettant en jeu des comparaisons sociales (i.e., comparaisons à autrui) et celles liées à des
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comparaisons à soi-même dans le temps (Festinger, 1954; Albert, 1977; Wilson & Ross,
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2000 ; Zell & Alicke, 2009). Considérons tour à tour ces deux types de comparaisons pour
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envisager leur rôle dans la régulation de l’estime de soi des demandeurs d’emploi.
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Il existe plusieurs formes de comparaisons sociales selon le statut individuel ou
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groupal des éléments de la comparaison. Dans le présent travail, seules seront appréhendées
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les comparaisons sociales « soi/endogroupe » (individu qui se compare aux autres chômeurs)
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et « soi/exogroupe » (individu qui se compare aux travailleurs). Selon Crocker et Major
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(1989), les membres des groupes socialement désavantagés encore dits stigmatisés
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privilégieraient les comparaisons à l’endogroupe et éviteraient ou considéreraient comme non
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pertinentes les comparaisons aux membres d’exogroupes plus favorisés. Une telle stratégie
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leur permettrait de protéger une estime de soi menacée par la position peu enviable de leur
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groupe (Hackmiller, 1966). S’il ne fait nul doute que les chômeurs constituent un groupe
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stigmatisé (voir pour une démonstration Bourguignon & Herman, 2007), sont-ils pour autant
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en mesure d’utiliser une telle stratégie ? Deux raisons amènent à en douter. La première tient
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à l’absence de visibilité du stigmate de non-emploi. Bourguignon et Herman soulignent en
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outre que les chômeurs passent souvent sous silence leur statut et vont même parfois jusqu’à
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Comparaisons et chômage de longue durée
134
le dissimuler (Hayes & Nutman, 1981). De ce fait, ils ont peu d’opportunités de rencontrer
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d’autres chômeurs, ce qui limite leurs possibilités d’établir des comparaisons protectrices de
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l’estime de soi au sein de l’endogroupe. En d’autres termes, l’absence de visibilité du stigmate
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de non-emploi en contrevenant au regroupement des chômeurs ne permet pas de faire naître
138
une forte identification à ce groupe qui dès lors ne peut être utilisé comme ressource face à la
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situation de chômage (Dupont, 2003 ; Croizet & Martinot, 2003).
140
La seconde raison tient au fait qu’il paraît difficile pour des chômeurs de longue durée,
141
d’éviter les comparaisons à l’exogroupe des travailleurs tant les occasions de contact avec des
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personnes actives sont fréquentes. On peut toutefois suggérer qu’il reste aux chômeurs la
143
possibilité de s’en protéger en considérant ces comparaisons comme non pertinentes, c’est-à-
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dire comme peu susceptibles de leur fournir des informations sur eux-mêmes. Dans ce sens,
145
une étude expérimentale conduite par Major, Sciacchitano, et Crocker (1993) montre que
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l’estime de soi de participants de sexe masculin n’est pas affectée par une comparaison
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défavorable avec un membre d’un exogroupe alors qu’elle pâtit d’une telle comparaison
148
lorsque la cible est un membre de l’endogroupe. Les comparaisons défavorables aux membres
149
d’exogroupe pourraient donc ne pas être prises en compte. Toutefois des travaux ultérieurs
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amènent à reconsidérer cette hypothèse. Ainsi, selon Martinot et Redersdorff (2006), la
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stratégie qui consiste à déconsidérer les comparaisons défavorables avec l’exogroupe serait
152
l’apanage des membres des groupes dominants. Les membres des groupes dominés seraient
153
en revanche dans l’incapacité d’ignorer de telles comparaisons. La série d’études conduites
154
par ces chercheuses révèle ainsi que l’estime de soi des femmes pâtit lourdement d’une
155
comparaison défavorable à l’exogroupe des hommes (Martinot & Redersdorff, 2002 ;
156
Martinot, Redersdorff, Guimond, & Dif, 2002). En outre, ces travaux indiquent que cet effet
157
négatif de la comparaison aux hommes apparaît uniquement lorsque les femmes sont
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Comparaisons et chômage de longue durée
158
maintenues dans leur statut de groupe dominé (Martinot et al., 2002, expérience 2) et disparaît
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dès lors qu’elles sont expérimentalement placées en position de groupe dominant.
160
Dans notre société où le travail et l’argent sont des valeurs importantes, il semble peu
161
probable que les personnes privées d’emploi soient en mesure de ne plus prendre en compte
162
les comparaisons avec les personnes qui ont la chance d’en posséder un. On peut donc
163
s’attendre à ce que les chômeurs en raison du statut défavorisé de leur groupe ne soient pas à
164
même de protéger leur estime de soi face aux comparaisons défavorables auxquelles ils se
165
trouvent nécessairement confrontés en présence de personnes actives. Si l’ensemble de notre
166
raisonnement est exact, les comparaisons aux personnes actives (exogroupe) devraient exercer
167
un impact sur l’estime de soi des chômeurs tandis que les comparaisons aux autres chômeurs
168
(endogroupe) devraient, de par leur faible fréquence, être sans effet.
169
Parallèlement aux évaluations comparatives établies en référence aux autres, les
170
personnes en situation de chômage de longue durée peuvent aussi avoir recours à des
171
évaluations comparatives faisant référence à elles-mêmes au cours du temps. Si les
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comparaisons sociales ont été très fréquemment prises pour objet d’étude depuis la
173
théorisation princeps de Festinger (1954), l’intérêt pour les comparaisons temporelles à soi est
174
beaucoup plus récent et plus limité en dépit d’un premier travail de conceptualisation proposé
175
par Albert dès 1977 (Redersdorff & Guimond, 2006). Ces comparaisons qui mettent en
176
relation le soi présent avec un soi passé ou futur semblent pourtant être au moins aussi
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fréquemment utilisées que les comparaisons sociales si l’on en croit les quelques travaux
178
conduits sur la question (p. ex., Summerville & Roese, 2008 ; Wayment & Taylor, 1995;
179
Wilson & Ross, 2000).
180
Selon Albert (1977), la fonction fondamentale des comparaisons temporelles réside
181
dans l’établissement et le maintien d’un sentiment de cohérence et d’identité de soi à travers
182
le temps. Ces comparaisons seraient, de ce fait, particulièrement utilisées dans des périodes de
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Comparaisons et chômage de longue durée
183
changements mais aussi lors de périodes négatives au cours desquelles la valeur que
184
l’individu s’accorde est remise en cause. On peut donc supposer qu’elles présentent une
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pertinence forte pour les demandeurs d’emploi. Dans ce sens, Sheeran, Abrams et Orbell
186
(1995) notent, en s’appuyant sur les résultats d’études de cas et d’entretiens, que les
187
comparaisons temporelles au passé pourraient être particulièrement importantes pour
188
déterminer l’ajustement psychologique des personnes face à la perte d’emploi. Ces mêmes
189
auteurs ont d’ailleurs montré que l’estime de soi de demandeurs d’emploi était d’autant plus
190
faible qu’ils percevaient un écart important entre les caractéristiques de leur Soi actuel et
191
celles de leur Soi passé de personne active. Ces chercheurs n’ont pas pris en compte la
192
direction de l’écart, mais il est probable que la relation négative avec l’estime de soi résulte de
193
comparaisons temporelles passées défavorables. Ainsi peut-on supposer que plus les
194
chômeurs de longue durée compareront défavorablement leur situation présente à leur passé
195
d’actif, plus ils présenteront une estime de soi affaiblie. A l’inverse, envisager un avenir plus
196
positif que le présent, autrement dit recourir à des comparaisons au futur dénotant une
197
amélioration à venir, pourrait permettre au chômeur d’éprouver par anticipation un sentiment
198
de satisfaction allant de pair avec une élévation de l’estime de soi (Redersdorff & Guimond,
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2006). A l’appui d’une telle hypothèse, une étude de Creed et Klisch (2005) conduite sur 239
200
demandeurs d’emploi démontre que les perspectives futures des participants prédisent leur
201
bien-être psychologique, ce dernier étant d’autant plus élevé que les perspectives d’avenir
202
sont positives. Les résultats de cette étude appuient en outre le modèle de la restriction de
203
l’action personnelle (Fryer, 1986 ; Fryer & Payne, 1986) selon lequel le chômage affecterait
204
le bien-être de l’individu en réduisant ses possibilités de planification de l’avenir notamment
205
en raison des tensions financières qu’il génère. Par ailleurs, dans un tout autre domaine, Dif,
206
Guimond, Martinot et al. (2001) ont montré que les comparaisons temporelles au futur
207
permettaient de prédire l’estime de soi chez des étudiants souffrant d’un handicap. Notons que
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Comparaisons et chômage de longue durée
208
ces derniers présentaient, en dépit de leur situation désavantageuse, un niveau d’estime de soi
209
plus élevé que celui d’étudiants valides, effet en partie imputable à l’usage par les étudiants
210
handicapés de comparaisons au futur favorables (autrement dit de comparaisons traduisant
211
une évolution positive de leur situation personnelle). On peut donc supposer que l’estime de
212
soi des demandeurs d’emploi sera d’autant moins affectée par la situation de chômage qu’ils
213
seront en mesure d’imaginer un avenir plus favorable que le présent.
214
Impact des comparaisons sur l’activité de recherche d’emploi
215
Si les comparaisons participent à l’évaluation et à la valorisation de soi et constituent
216
par là-même des déterminants majeurs de l’estime de soi individuelle, elles peuvent
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également exercer un impact sur les actions que l’individu engage face à une situation donnée.
218
De nombreux travaux suggèrent ainsi que les individus utilisent les comparaisons à mieux loti
219
qu’eux-mêmes dans le but d’améliorer leur situation (Collins, 1996 ; Blanton et al., 1999 ;
220
Huguet, Dumas, Monteil, & Genestoux, 2001 ; Testa & Major, 1990 ; Ybema & Buunk,
221
1995). De telles comparaisons favoriseraient la progression individuelle par le biais de
222
plusieurs processus. L’observation de la cible de comparaison permettrait d’apprendre quels
223
sont les comportements appropriés pour progresser dans le domaine de comparaison
224
(Bandura, 1976). En outre, ces comparaisons génèreraient une augmentation du sentiment
225
d’efficacité dans le domaine en question, à condition toutefois que la personne cible de la
226
comparaison soit perçue comme suffisamment similaire à soi (« si un tel qui me ressemble est
227
capable de bien réussir, je dois pouvoir faire de même ») (Schunk, Hanson, & Cox, 1987).
228
Enfin, se comparer à meilleur ou plus favorisé que soi pourrait exercer un impact
229
motivationnel en amenant les individus à revoir à la hausse leurs aspirations et leurs buts
230
(Lockwood & Kunda, 1997). Dans le cas des chômeurs de longue durée, les comparaisons
231
sociales à des personnes qui travaillent et qui sont considérées comme mieux loties que soi
10
Comparaisons et chômage de longue durée
232
devraient donc, de par leurs impacts informationnel, conatif et motivationnel, susciter la mise
233
en œuvre d’activités de recherche d’emploi.
234
Par ailleurs, les travaux sur les comparaisons temporelles suggèrent que la
235
comparaison au futur, et plus précisément le fait d’imaginer un futur plus favorable que le
236
présent, constitue également une forme de comparaison particulièrement utilisée par les
237
individus dont l’objectif est l’amélioration de soi (Wayment & Taylor, 1995). Ainsi, selon
238
Albert (1977), la comparaison au futur permettrait à l’individu de planifier son comportement
239
futur de façon à sortir d’une situation défavorable. Dans le même sens, pour Markus et Nurius
240
(1986), le fait d’envisager des « soi possibles » positifs (et donc le fait d’espérer un futur
241
positif) dans un domaine permettrait à l’individu d’orienter et d’organiser ses activités pour
242
réaliser les « sois possibles » envisagés. Des résultats empiriques obtenus ultérieurement par
243
Ruvolo et Markus (1992) confortent cette hypothèse en montrant que le fait d’imaginer sa
244
réussite future sur une tâche favorise la persistance et l’effort déployés pour la réaliser. On
245
peut donc s’attendre à ce que l’activité de recherche d’emploi soit d’autant plus intense que la
246
personne au chômage projette une situation future plus favorable que la situation présente.
247
Ajoutons enfin que cet effet attendu de la comparaison au futur sur l’activité de
248
recherche d’emploi pourrait également être partiellement médiatisé par l’estime de soi.
249
D’après une méta-analyse réalisée par Kanfer, Wanberg, et Kantrowitz (2001), il semblerait
250
en effet que l’estime de soi exerce un impact positif sur l’intensité de l’activité de recherche
251
d’emploi. Ces chercheurs expliquent cette relation par le fait qu’une estime de soi élevée
252
favoriserait la persistance de l’individu lorsqu’il est face à une tâche difficile à laquelle il
253
accorde de l’importance et de la valeur. De ce fait, Herman (2007) propose de modéliser les
254
effets du chômage de la manière suivante : la perte d’emploi pourrait être source d’inquiétude
255
par rapport à l’avenir (plus de comparaisons au futur défavorables et moins de comparaisons
256
favorables), et agirait par ce biais négativement sur la santé mentale de l’individu (dont
11
Comparaisons et chômage de longue durée
257
l’estime de soi constitue l’un des indicateurs) ce qui pourrait réduire la capacité des chômeurs
258
à rechercher activement un emploi.
259
Hypothèses
260
Dans l’étude présentée ci-dessous, l’estime de soi, les fréquences respectives des
261
comparaisons sociales (endogroupe et exogroupe) et des comparaisons temporelles à soi (au
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passé et au futur) et l’investissement dans l’activité de recherche d’emploi sont mesurés sur
263
un échantillon de demandeurs d’emploi au chômage depuis plus d’un an. Plus précisément,
264
les fréquences de chaque type de comparaison sont estimées par les participants en fonction
265
de leur direction, descendante ou ascendante. La direction « ascendante » renvoie aux
266
comparaisons dans lesquelles la situation présente de l’individu est plus défavorable que la
267
situation de la cible de la comparaison (les autres chômeurs, les travailleurs, soi-même avant
268
le chômage ou soi-même dans l’avenir). A l’inverse, la direction « descendante » concerne les
269
comparaisons dans lesquelles la situation présente de l’individu est plus favorable que la
270
situation de la cible de la comparaison.
271
Au regard des justifications théoriques précédentes, il est supposé que les fréquences
272
des comparaisons sociales à l’endogroupe (qu’elles soient ascendantes ou descendantes)
273
n’exerceront pas d’impact sur l’estime de soi des chômeurs alors que les fréquences des
274
comparaisons à l’exogroupe en seront des prédicteurs significatifs. Plus précisément, les
275
comparaisons à l’exogroupe devraient être négativement reliées à l’estime de soi lorsqu’elles
276
sont ascendantes et positivement lorsqu’elles sont descendantes. Une hypothèse similaire est
277
formulée pour les fréquences des comparaisons temporelles au passé (comparaisons à soi-
278
même avant le chômage). En revanche, un pattern inverse est attendu pour les fréquences des
279
comparaisons temporelles au futur, dans la mesure où les comparaisons ascendantes dénotent
280
ici la possibilité d’une amélioration future alors que les comparaisons descendantes traduisent
12
Comparaisons et chômage de longue durée
281
l’idée d’un déclin à venir. Les comparaisons au futur devraient donc contribuer positivement à
282
l’estime de soi lorsqu’elles sont ascendantes et négativement lorsqu’elles sont descendantes.
283
Par ailleurs, on suppose que les fréquences respectives des comparaisons ascendantes
284
à l’exogroupe et au futur seront associées positivement à l’investissement dans la recherche
285
d’emploi. Enfin, nous posons l’hypothèse du rôle partiellement médiateur de l’estime de soi
286
dans la relation entre la fréquence des comparaisons ascendantes au futur et l’activité de
287
recherche d’emploi.
288
METHODE
289
Participants
290
Quatre-vingt cinq demandeurs d’emploi, dont 48 hommes et 37 femmes, ont pris part à
291
cette étude. Ces personnes avaient toute exercé une activité professionnelle et avaient perdu
292
leur emploi depuis au moins 14 mois et au plus 9 ans (M = 3,01 ans, E.T. = 1, 94). Leur âge
293
moyen était de 37,9 ans et variait de 20 à 59 ans. Leur rencontre s’est effectuée soit dans une
294
agence de Pôle Emploi (71 personnes), soit dans une association de demandeurs d’emploi de
295
longue durée (14 personnes).
296
Pour une majorité d’entre eux, ces demandeurs d’emploi étaient peu qualifiés et avaient
297
exercé en tant que simples employés (38,8 %) ou ouvriers (34,1 %). Seuls 7,1 % de la
298
population interrogée renvoyaient à la catégorie des cadres et des professions intellectuelles
299
supérieures alors que 14,1% avaient exercé dans des professions de niveau intermédiaire. Les
300
artisans, les commerçants et les chefs d’entreprise étaient également peu représentés (5,9 % au
301
total). Le niveau d’étude était dans l’ensemble peu élevé puisque 58,8 % de ces participants
302
n’avaient pas obtenu leur baccalauréat.
303
Procédure
304
Les participants étaient interrogés individuellement et devaient remplir une série de
305
quatre questionnaires. Le premier était destiné à recueillir des informations sur les
13
Comparaisons et chômage de longue durée
306
caractéristiques des demandeurs d’emploi (âge, sexe, niveau d’étude, situation familiale, date
307
d’inscription au chômage, emploi antérieurement occupé, revenu). Le second questionnaire
308
avait été créé pour appréhender la fréquence d’utilisation de différentes formes de
309
comparaisons. L’Inventaire d’Estime de Soi de Rosenberg (1965) constituait le troisième
310
questionnaire. Enfin, une série d’items avait été élaborée pour obtenir des indications sur
311
l’investissement du participant dans la recherche d’emploi.
312
Matériel
313
Fréquence d’utilisation des comparaisons. Le questionnaire correspondant comprenait un
314
total de 30 items présentés dans 4 grandes parties, chacune d’elles renvoyant à un type de
315
comparaison particulier. Les deux premières parties concernaient la fréquence des
316
comparaisons temporelles à soi. La première intitulée « Quand je pense à l’époque où j’avais
317
un emploi stable » était destinée à mesurer la fréquence des comparaisons au passé tandis que
318
la deuxième faisait référence aux comparaisons au futur (« Quand je pense à mon futur »).
319
Dans la troisième partie du questionnaire, on cherchait à appréhender la fréquence des
320
comparaisons sociales à l’endogroupe (« Quand je pense aux autres chômeurs »). Enfin, la
321
dernière partie concernait les comparaisons sociales à l’exogroupe (« Quand je pense aux
322
personnes qui travaillent »). La moitié des items de chaque partie évoquait des comparaisons
323
ascendantes tandis que l’autre moitié faisait référence à des comparaisons descendantes (voir
324
tableau I). Dans chaque partie, les affirmations présentées évoquaient des thèmes comme la
325
vie au travail, le confort de vie (aspect financier), les relations sociales (amis et famille). Par
326
rapport à chacune des affirmations présentées, les demandeurs d’emploi devaient répondre sur
327
une échelle de type Likert en 7 points allant de « jamais » à « très fréquemment » en fonction
328
de la fréquence avec laquelle ils estimaient réaliser la comparaison évoquée.
14
Comparaisons et chômage de longue durée
329
Insérer ici le tableau I
330
L’estime de soi. L’estime de soi était mesurée à l’aide de l’Inventaire d’Estime de Soi de
331
Rosenberg (1965, traduction française de Vallières & Vallerand, 1990). Cette échelle
332
comporte 10 énoncés dont 5 orientés positivement (p. ex., « Je suis quelqu’un de bien, du
333
moins aussi bien que n’importe qui » et 5 orientés négativement (p. ex., « Parfois, je me sens
334
vraiment inutile »). Les participants devaient répondre à chaque item sur une échelle en 7
335
points allant de « pas du tout d’accord » (1) à « tout à fait d’accord » (7).
336
L’investissement dans la recherche d’emploi. L’activité de recherche d’emploi était
337
appréhendée à l’aide d’un questionnaire inspiré de celui de Roques (1995, voir aussi pour une
338
mesure similaire, Brown, Cober, Kane, Levy, & Shalhoop, 2006). On interrogeait les sujets
339
sur la fréquence avec laquelle ils avaient utilisé divers canaux de recherche d’emploi au cours
340
des quatre dernières semaines (p. ex., panneaux d’affichage de Pôle Emploi, presse, internet,
341
radio). On leur demandait également, pour cette même période, d’estimer leur nombre de
342
visites au Pôle Emploi, leur nombre de candidatures spontanées à un emploi, le nombre
343
d’offres d’emploi auxquelles ils avaient répondu et le nombre d’entretiens d’embauche
344
obtenus. Dans tous les cas les sujets répondaient sur des échelles de type ordinal (p. ex., « Au
345
cours des 4 dernières semaines, combien d’entretiens d’embauche avez-vous obtenus ? » ;
346
réponse: aucun, de 1 à 2, de 2 à 3, de 3 à 4, plus de 4).
347
RESULTATS
348
L’approche de modélisation structurelle PLS
349
La modélisation des relations entre les variables latentes (VL) mesurées dans cette étude
350
a été effectuée avec l’approche des moindres carrés partiels (PLS : Partial Least Squares,
351
Chin, 1998 ; Tenenhaus, Esposito-Vinzi, Chatelin & Lauri, 2005). Cette méthode d’équations
352
structurelles basée sur l’analyse de la variance et l’optimisation du pouvoir prédictif des
15
Comparaisons et chômage de longue durée
353
indicateurs a été ici préférée à celle basée sur l’analyse des covariances et l’estimation par
354
maximum de vraisemblance pour plusieurs raisons.
355
L’approche PLS est en effet beaucoup moins sensible aux contraintes de taille
356
d’échantillon que l’analyse des covariances qui vise à estimer le plus précisément possible les
357
paramètres de la population. Elle présente aussi l’avantage de ne pas faire d’hypothèse sur les
358
distributions et de ne pas nécessiter la multinormalité des variables. Elle permet surtout de
359
modéliser très aisément les relations entre des VL réflectives et des VL formatives. On
360
rappelle qu’une VL est dite réflective lorsqu’elle est supposée être la « cause » des variations
361
de ses indicateurs manifestes. Techniquement, celle-ci est obtenue dans l’approche PLS par
362
une analyse en composantes principales. A l’opposé, une VL dite formative est construite par
363
agrégation d’indicateurs qui peuvent être indépendants et est obtenue par régression multiple
364
des moindres carrés ordinaires. Malgré ses limites (non prise en compte de l’erreur de mesure,
365
difficulté à juger de l’ajustement du modèle, impossibilité de modéliser des relations
366
récursives), l’approche PLS paraît donc la mieux adaptée sachant les caractéristiques de
367
l’échantillon et des VL mesurées dans cette étude.
368
Le test des hypothèses précédemment exposées repose sur l’estimation des paramètres du
369
modèle qui décrit les relations supposées entre des VL de nature réflective et formative. Dans
370
cette étude, les VL qui mesurent la fréquence des comparaisons temporelles passées
371
ascendantes (CTPA) et descendantes (CTPD), futures ascendantes (CTFA) et descendantes
372
(CTFD), sociales endogroupe ascendantes (CSEnA) et descendantes (CSEnD), exogroupe
373
ascendantes (CSExA) et descendantes (CSExD) sont construites sur un mode réflectif. C’est
374
également le cas de la VL Estime de Soi Globale représentée par le facteur de second-ordre
375
d’un modèle hiérarchique à deux facteurs de premier-ordre (l’un renvoyant aux items positifs
376
et l’autre aux items négatifs). La VL formative Activité de Recherche d’Emploi est quant à
16
Comparaisons et chômage de longue durée
377
elle dérivée de la combinaison de divers indicateurs qui mesurent l’activité de recherche
378
d’emploi.
379
Les paramètres du modèle de mesure des VL et du modèle structurel décrivant les
380
relations entre les VL considérées ont été estimés avec l’algorithme PLS (schéma centroïde,
381
données standardisées). L’utilisation d’une procédure de ré-échantillonnage par bootstrap
382
(1000 échantillons) a ensuite permis d’estimer l’erreur-type de chaque estimation, de calculer
383
le t correspondant et la probabilité associée à l’hypothèse d’une estimation nulle. Ces 2 étapes
384
ont été mises en œuvre à l’aide du logiciel Smart-PLS (Ringle, Wende & Will, 2005).
385
Test des hypothèses de recherche
386
Une analyse de régression PLS a préalablement été conduite pour identifier les
387
caractéristiques socio-démographiques susceptibles d’intervenir dans la relation entre les VL
388
mesurant la fréquence des comparaisons sociales et temporelles et celles mesurant l’Estime de
389
Soi Globale (ESG) et l’Activité de Recherche d’Emploi (ARE) des participants. Les VL ESG
390
et ARE ont ainsi été régressées sur les variables observées Sexe, Age, Catégorie Socio-
391
Professionnelle de l’Emploi Antérieur2, Durée du Chômage, Niveau Scolaire3, Revenu4,
392
Situation Familiale (en couple vs. célibataire) et Lieu de Rencontre (Pôle Emploi vs
393
association de demandeurs d’emploi). Les résultats de cette analyse ont dégagé un seul effet
394
significatif, celui du Sexe (1 = homme ; 2 = femme) sur ARE ( = 0,409 ; t = 3,293 ; p =
395
0,001), les femmes se décrivant plus actives que les hommes dans la recherche d’emploi. La
396
variable Sexe a donc été introduite à titre de contrôle statistique comme variable exogène dans
397
le modèle d’équations structurelles destiné à tester les hypothèses de recherche.
2
La catégorie socio-professionnelle renvoie ici à une variable à deux modalités : les employés et ouvriers versus
les cadres, les professions intellectuelles supérieures, les professions intermédiaires, les chefs d’entreprises, les
artisans et les commerçants.
3
La variable « niveau scolaire » comprend 6 modalités (niveau inférieur au BEPC, DNB, CAP, BEP ; niveau
BEPC, DNB, CAP, BEP ; niveau seconde ou première ; niveau Bac ; niveau Bac +2 ; niveau Bac +3 et plus).
4
La variable « revenu » comprend 5 modalités (moins de 600 euros ; de 600 à 900 euros ; de 900 à 1200 euros ;
de 1200 à 1500 euros ; plus de 1500 euros)
17
Comparaisons et chômage de longue durée
398
Le modèle structurel qui décrit les relations entre les VL considérées est représenté sur la
399
figure 1. Les VL ESG et ARE ont été régressées sur les VL mesurant les fréquences
400
respectives des comparaisons sociales et temporelles ainsi que sur le Sexe des participants. Le
401
modèle faisait également l’hypothèse d’une médiation partielle de ESG dans la relation entre
402
la fréquence des comparaisons temporelles ascendantes au futur et ARE.
403
L’examen du tableau 2 permet de constater que les conditions requises pour assurer la
404
validité convergente des VL réflectives sont dans l’ensemble respectées. La première valeur
405
propre est toujours supérieure à 1 (la seconde, toujours inférieure à 1), la variance moyenne
406
extraite (AVE) est généralement supérieure à 0,50, l’homogénéité mesurée par l’indice de
407
concordance (rho de Dillon et Goldstein) est toujours supérieure à 0,70. Des indications
408
supplémentaires, non détaillées ici (corrélation moyenne entre VL inférieure à 0,50 ;
409
corrélation moyenne des résidus entre blocs inférieure à 0.20 ; Fornell et Bookstein, 1982),
410
conduisent à juger satisfaisante la validité discriminante du modèle de mesure.
411
Insérer ici le tableau II
412
Les estimations statistiquement significatives (p < 0,05) des équations structurelles
413
mettant en relation les variables de comparaison et les variables dépendantes du modèle ainsi
414
que les probabilités associées aux t obtenus par ré-échantillonnage bootstrap apparaissent sur
415
la figure 1. Selon les critères d’appréciation proposés par Cohen (1977), les coefficients de
416
détermination des VL ESG (R2 = 0,365) et ARE (R2 = 0,388) sont élevés. L’indice
417
d’ajustement global du modèle, moyenne géométrique de la communauté moyenne et du
418
coefficient moyen de détermination (Tenenhaus et al., 2005), est de 0,448, ce qui suggère que
419
le modèle rend compte de façon satisfaisante des données.
420
Insérer ici la figure 1
421
Les estimations obtenues dans le cadre de ce modèle établissent que l’hypothèse d’un
422
effet positif de CTFA, fréquence des comparaisons au futur ascendantes, sur ESG (= 0,265,
18
Comparaisons et chômage de longue durée
423
t = 2,614, p = 0,009) et sur ARE (= 0,333, t = 2,502, p = 0,012) est compatible avec
424
l’organisation des données. L’hypothèse d’un effet négatif de CSExA, fréquence des
425
comparaisons sociales ascendantes à l’exogroupe, est également en accord avec les
426
estimations du modèle, = -0,383, t = 3,102, p = 0,002. Enfin, conformément à nos
427
prédictions, les fréquences des comparaisons à l’endogroupe (CSEnA et CSEnD) n’exercent
428
pas d’effet significatif sur l’estime de soi des participants.
429
Plusieurs résultats sont en revanche contraires aux attentes. Aucun effet significatif des
430
fréquences des comparaisons temporelles au passé (CTPA et CTPD) sur ESG n’est relevé et
431
ce, quelle que soit l’orientation de la comparaison. L’hypothèse d’un effet positif de la
432
fréquence des comparaisons descendantes à l’exogroupe (CSExD) sur ESG n’est également
433
pas validée. On constate aussi que les comparaisons au futur descendantes (CTFD) ne
434
prédisent pas négativement ESG et que les comparaisons ascendantes à l’exogroupe (CSExA)
435
ne sont pas des prédicteurs significatifs de ARE.
436
En outre, le modèle obtenu n’est pas compatible avec l’idée d’une médiation partielle de
437
ESG dans la relation positive entretenue entre les comparaisons au futur ascendante (CTFA)
438
et ARE. En effet, alors qu’une telle hypothèse de médiation supposait d’observer une relation
439
positive entre ESG et ARE, il est constaté que plus l’estime de soi des demandeurs d’emploi
440
est élevée, moins ceux-ci déclarent effectuer une activité de recherche d’emploi intensive,
441
= -0,341, t = 2,062, p = 0,039.
442
DISCUSSION
443
La présente étude conforte l’idée d’une régulation de l’estime de soi et de
444
l’investissement dans la recherche d’emploi par les comparaisons, que celles-ci soient sociales
445
ou temporelles. Toutefois, seules certaines formes et directions de comparaison semblent
446
intervenir de façon significative dans cette régulation.
447
19
Comparaisons et chômage de longue durée
448
Comparaisons sociales et estime de soi
449
Conformément à nos attentes, la fréquence avec laquelle les chômeurs de longue durée
450
rapportent effectuer des comparaisons sociales ascendantes à l’exogroupe des actifs prédit
451
leur niveau d’estime de soi : plus cette fréquence est élevée plus l’estime de soi est faible. Un
452
tel résultat conforte la thèse défendue par Martinot et Redersdorff (2006) selon laquelle les
453
membres de groupes dominés seraient affectés par les comparaisons défavorables réalisées
454
avec les membres d’exogroupes dominants. En revanche, il remet en question l’idée que les
455
comparaisons ascendantes à des membres d’un exogroupe seraient évitées ou considérées
456
comme non pertinentes (Major et al., 1993). Il semble donc que les chômeurs de longue durée
457
ne parviennent pas, en dépit d’un statut qui se chronicise, à déconsidérer les comparaisons qui
458
les positionnent défavorablement au regard des personnes actives. Ce résultat peut être mis en
459
relation avec le fait que d’une façon générale, les chômeurs ne se désengagent pas par rapport
460
à la sphère du travail et lui accordent une place centrale dans la définition de soi (Herman,
461
2007). Il apparaît, en outre, que plus les chômeurs accordent de l’importance au travail plus
462
ils sont dans un état de détresse psychologique important (cf. la méta-analyse de McKee-Ryan
463
et al., 2005). On peut ainsi supposer que plus les chômeurs accordent de l’importance au
464
travail, plus ils sont amenés à établir des comparaisons défavorables avec les travailleurs et
465
plus la valeur qu’ils s’accordent en pâtit. Une telle hypothèse resterait évidemment à tester.
466
Notons toutefois que contrairement à ce que nous prédisions, la fréquence des
467
comparaisons descendantes à l’exogroupe n’est pas significativement reliée à l’estime de soi
468
des chômeurs. Bien que nous n’ayons pas les moyens méthodologiques de tester cette
469
hypothèse, il est possible que ces comparaisons soient réalisées de façon trop exceptionnelle
470
pour produire un effet substantiel sur l’estime de soi. Il est ainsi hautement probablement, en
471
raison de la forte valorisation du travail dans notre société et par les chômeurs eux-mêmes,
472
que les opportunités de comparaisons favorables au groupe des actifs soient quelque peu
20
Comparaisons et chômage de longue durée
473
réduites ou s’établissent sur des dimensions ayant peu de répercussions sur la valeur que
474
s’accorde l’individu (p.ex., temps libre, disponibilité pour les proches).
475
Les résultats de cette étude suggèrent également, comme nous l’avions supposé, que les
476
chômeurs de longue durée ne sont pas en mesure d’utiliser les comparaisons descendantes à
477
l’endogroupe pour protéger leur estime de soi (Wills, 1981). Ainsi, contrairement à ce que
478
stipulent Crocker et Major (1989), la situation menaçante pour l’estime de soi dans laquelle se
479
trouvent les demandeurs d’emploi ne semble pas les inciter à rechercher et à utiliser les
480
comparaisons descendantes à l’endogroupe pour se protéger. Un tel résultat est en accord avec
481
l’idée que l’invisibilité du stigmate des personnes privées d’emploi contrevient à leurs
482
possibilités de rencontres et partant aux occasions d’établir des comparaisons au sein de
483
l’endogroupe. Notons toutefois que dans le cas des chômeurs de longue durée c’est peut-être
484
plus la volonté de ne pas s’identifier à un groupe socialement dévalorisé qui est en jeu que la
485
difficulté à rencontrer d’autres demandeurs d’emploi. Les personnes qui connaissent une
486
situation de chômage à long terme ont en effet l’occasion de rencontrer des pairs lors des
487
formations et des regroupements proposés par les organismes et les associations prenant en
488
charge les demandeurs d’emploi. Cependant, comme le souligne Dupont (2003), pour
489
bénéficier pleinement des relations avec leurs pairs, les membres de groupes stigmatisés
490
doivent avoir une attitude positive vis-à-vis de leur stigmate. En d’autres termes, ils doivent
491
avoir développé une identité sociale positive en lien avec l’appartenance au groupe stigmatisé,
492
ce qui n’est peut-être pas le cas de nombreux demandeurs d’emploi, fussent-ils dans une
493
situation de chômage de longue durée.
494
Si une telle interprétation nous semble particulièrement pertinente au regard des résultats
495
de la littérature, on ne peut toutefois pas écarter une autre explication qui émane des résultats
496
de recherches expérimentales sur l’impact affectif des comparaisons sociales. Il existe en effet
497
aujourd’hui de nombreuses preuves empiriques qui indiquent que la comparaison descendante
21
Comparaisons et chômage de longue durée
498
à des personnes similaires à soi peut parfois être décourageante en conduisant les individus à
499
penser qu’ils vont tôt ou tard se retrouver dans la même situation que la cible de comparaison
500
(Buunk, Collins, Taylor, Van Yperen, & Dakof, 1990 ; Ybema, Buunk, & Heesink, 1996). Par
501
exemple, dans une étude expérimentale, Ybema et collaborateurs (1996) ont induit une
502
situation de comparaison descendante en présentant à des personnes récemment licenciées le
503
portrait d’un autre travailleur qui venait de subir le même sort et qui était particulièrement
504
désemparé face à la situation. Ces chercheurs ont constaté que ce type de comparaison
505
générait chez les participants un état affectif plus négatif qu’une comparaison avec une
506
personne présentant un mode d’ajustement plus adapté à la situation de chômage. D’autres
507
travaux indiquent que la comparaison descendante peut avoir des répercussions affectives
508
négatives si les individus pensent exercer peu de contrôle sur l’évolution de leur situation
509
(Buunk, et al., 1990). Or, les personnes qui sont dans une situation de chômage de longue
510
durée pourraient bien, au moins pour certaines d’entre elles, se trouver dans cet état de
511
résignation. Il est ainsi possible que les comparaisons descendantes à l’endogroupe exercent
512
pour certains chômeurs un impact délétère sur l’estime de soi alors qu’elles auraient un effet
513
protecteur de la valeur de soi pour d’autres, d’où l’absence de relation significative obtenue
514
entre ces comparaisons et l’estime de soi.
515
Comparaisons temporelles et estime de soi
516
En accord avec notre hypothèse, plus la fréquence avec laquelle les chômeurs de
517
longue durée estiment réaliser des comparaisons au futur ascendantes est élevée, plus ceux-ci
518
obtiennent des scores élevés sur la mesure d’estime de soi. Ce résultat rejoint celui obtenu par
519
Dif et al. (2001) sur une autre population stigmatisée, celle des étudiants handicapés. Cette
520
convergence suggère que la comparaison temporelle au futur pourrait bien offrir aux membres
521
des groupes stigmatisés un moyen pour protéger et maintenir un niveau d’estime de soi
522
satisfaisant, et par là-même un certain bien-être psychologique. Notons cependant que la
22
Comparaisons et chômage de longue durée
523
fréquence des comparaisons au futur descendantes n’est pas un prédicteur significatif du score
524
d’estime de soi contrairement à ce que nous avions supposé. Il est possible qu’une telle
525
absence de résultats soit la conséquence de la relative rareté des comparaisons au futur
526
descendantes qui seraient ainsi peu susceptibles d’exercer un impact tangible sur l’estime de
527
soi. Dans ce sens, une série d’études conduites par Newby-Clark et Ross (2003) montre que
528
les individus conçoivent le futur en des termes exclusivement positifs et qu’ils génèrent plus
529
rapidement des événements futurs positifs que des événements futurs négatifs. Un tel
530
phénomène semble être très général puisqu’il est aussi bien repéré chez de jeunes adultes que
531
chez des personnes âgées (Stremlaw, Newby-Clark, & Ross, 1998, étude non publiée citée
532
dans Newby-Clark & Ross, 2003). Les comparaisons descendantes au futur, qui supposent
533
d’imaginer un futur plus négatif que le présent, sont donc susceptibles d’être assez peu
534
fréquentes comparativement aux comparaisons ascendantes au futur qui amènent à concevoir
535
l’avenir plus positivement que le présent. Une étude récente de Summerville & Roese (2008)
536
menée auprès d’étudiants confirme d’ailleurs plus directement cette idée en démontrant à
537
l’aide d’une méthode de journal de bord (recueil aléatoire d’échantillon de pensées) que les
538
comparaisons temporelles au futur sont majoritairement (80 %) ascendantes.
539
De même, les fréquences des comparaisons temporelles au passé, qu’elles soient
540
ascendantes ou descendantes, sont des variables qui apparaissent non pertinentes pour prédire
541
l’estime de soi des personnes en situation de chômage de longue durée. La théorie de la
542
comparaison temporelle d’Albert (1977) fournit deux possibilités d’explication à ce résultat.
543
Premièrement, selon l’une des hypothèses de cette théorie, la tendance à comparer sa vision
544
de soi actuelle avec une vision de soi passée décroît lorsque la distance temporelle entre les
545
deux auto-descriptions augmente. Cette hypothèse découle du fait que la comparaison
546
temporelle serait selon Albert principalement destinée au maintien d’un sentiment d’identité
547
du Soi au cours du temps. Elle constitue le parallèle de l’hypothèse de Festinger (1954) sur la
23
Comparaisons et chômage de longue durée
548
comparaison sociale, selon laquelle, plus autrui est perçu comme différent de soi, plus la
549
tendance à le prendre pour cible de comparaison décroît. Les chômeurs interrogés dans notre
550
étude étant tous dans une situation de chômage de longue durée, il est possible qu’ils
551
n’utilisent plus la référence à leur passé de travailleur pour se définir et partant pour statuer
552
sur la valeur de soi. L’autre possibilité d’interprétation découle d’une des propositions
553
d’Albert d’après laquelle les comparaisons temporelles qui signent l’existence d’une
554
évolution positive au cours du temps seraient privilégiées alors que celles évoquant un déclin
555
seraient évitées. La référence au passé de travailleur est peut-être trop douloureuse pour les
556
chômeurs de longue durée qui réprimeraient donc autant que possible la remémoration de
557
cette période passée.
558
Comparaisons et activité de recherche d’emploi
559
Comme prévu, la fréquence des comparaisons ascendantes au futur contribue non
560
seulement à la prédiction de l’estime de soi des chômeurs mais aussi à celle de leur
561
investissement dans l’activité de recherche d’emploi : plus les chômeurs imaginent
562
fréquemment un futur plus favorable que le présent, plus ils rapportent s’investir dans
563
l’activité de recherche d’emploi. Un tel constat s’accorde avec des résultats antérieurs obtenus
564
par Holmes et Werbel (1992) auprès de personnes ayant récemment perdu leur emploi. Dans
565
cette étude, les chercheurs ont en effet observé que les personnes, qui étaient confiantes en
566
leur possibilité de retrouver rapidement un emploi, restaient moins longtemps au chômage
567
que leurs pairs initialement moins confiants. Par ailleurs, une série d’études d’Oettingen et
568
Mayer (2002) révèle que seules des attentes reposant sur des expériences passées et prenant
569
en compte la probabilité de survenue de l’événement attendu ont un impact positif sur les
570
efforts déployés et la réussite dans un domaine donné. Ainsi, la fréquence avec laquelle des
571
individus nourrissent des illusions fantaisistes et positives (projections dans le futur non
572
fondées sur des expériences personnelles passées et ne prenant pas en compte leur probabilité
24
Comparaisons et chômage de longue durée
573
de survenue) est négativement reliée aux efforts et à la performance future. Au regard de ces
574
résultats, l’obtention d’une relation positive entre la fréquence des comparaisons ascendantes
575
au futur et l’investissement dans la recherche d’emploi, suggère que ces comparaisons mettent
576
en jeu des attentes relativement réalistes et non de simples illusions ou rêveries à propos de
577
l’avenir (voir pour un raisonnement similaire, Redersdorff & Guimond, 2006). Autrement dit,
578
ces comparaisons pourraient traduire la mobilisation de « sois possibles » associés à des
579
stratégies d’action qui régulent la conduite.
580
En revanche, l’hypothèse selon laquelle l’estime de soi médiatiserait partiellement l’effet
581
positif de la comparaison ascendante au futur sur l’activité de recherche d’emploi (cf.
582
Herman, 2007, Kanfer, Wanberg, & Kantrowitz, 2001), n’est pas vérifiée. Alors que la
583
comparaison ascendante au futur est associée positivement à l’estime de soi cette dernière est
584
reliée négativement à l’activité de recherche d’emploi, ce qui exclut la possibilité d’une
585
médiation partielle. L’impact négatif de l’estime de soi sur l’activité de recherche d’emploi
586
peut, à notre sens, s’interpréter en tenant compte du fait que les participants de cette étude
587
étaient tous des chômeurs de longue durée ayant de ce fait vécu de nombreux échecs
588
successifs dans leurs démarches de recherche d’emploi. Or, bien que plusieurs études aient
589
mis en évidence un impact positif de l’estime de soi sur la persistance après un échec
590
(McFarlin, Baumeister, & Blascovich, 1984 ; Shrauger & Sorman, 1977), des travaux
591
conduits par Di Paula et Campbell (2002) invitent à nuancer cette idée. Les résultats de leur
592
recherche indiquent en effet que dans une situation où la possibilité d’un but alternatif existe,
593
une estime de soi élevée est associée à plus de persistance après un échec mais à moins de
594
persistance après plusieurs échecs successifs. En d’autres termes, il semble que, comparés aux
595
individus dont l’estime de soi est faible, ceux qui présentent une estime de soi forte sont plus
596
susceptibles de se désengager vis-à-vis d’un secteur dans lequel ils échouent de manière
597
récurrente dans la mesure où ils ont la possibilité de se valoriser dans un autre domaine. Les
25
Comparaisons et chômage de longue durée
598
chômeurs de longue durée présentant une estime de soi forte pourraient donc être plus enclins
599
que les autres à abandonner l’activité de recherche d’emploi pour s’investir dans des
600
domaines extra-professionnels susceptibles de les revaloriser. Il existe toutefois une autre
601
possibilité d’explication à cette relation négative entre estime de soi et activité de recherche
602
d’emploi selon laquelle les personnes ayant le plus activement recherché un emploi au cours
603
des dernières semaines sont aussi celles qui ont probablement été confrontées au plus grand
604
nombre de refus de la part des employeurs, autant d’expériences d’échec qui risquent d’avoir
605
affecté négativement l’estime de soi ( voir McKee-Ryan, Song, Wanberg, & Kinicki, 2005 ;
606
Warr, Jackson , & Banks, 1988, pour une argumentation similaire). Ces deux interprétations
607
ne sont toutefois pas mutuellement incompatibles et les deux mécanismes explicatifs
608
pourraient fort bien expliquer conjointement la relation observée.
609
Pour finir, nous avons constaté, contrairement à nos attentes, que la fréquence des
610
comparaisons ascendantes à l’exogroupe des actifs n’avait pas d’effet positif sur
611
l’investissement dans l’activité de recherche d’emploi. Ce constat suggère que les personnes
612
actives ne constituent pas des modèles efficaces pour les individus en situation de chômage de
613
longue durée. L’inefficacité de tels modèles pourrait être liée au fait que leur situation est
614
perçue comme inaccessible par des personnes privées d’emploi depuis trop longtemps
615
(Lockwood & Kunda, 1997). De ce fait, la comparaison ascendante aux personnes actives ne
616
serait pas motivante mais décourageante comme en témoigne d’ailleurs la relation négative
617
observée entre la fréquence de ces comparaisons et l’estime de soi.
618
Limites de l’étude et directions de recherche futures
619
La méthode choisie dans cette étude pour appréhender l’activité comparative consiste à
620
demander aux participants de rendre compte globalement de la fréquence des comparaisons
621
qu’ils réalisent avec telle ou telle cible de comparaison. Or, comme toutes les options
622
méthodologiques, celle-ci est l’objet d’un certain nombre de critiques (pour une revue, voir
26
Comparaisons et chômage de longue durée
623
Wood, 1996). Premièrement, elle suppose que toute activité comparative soit nécessairement
624
consciente ce qui n’est sans doute pas le cas (Blanton & Stapel, 2008). En demandant aux
625
participants de rapporter la fréquence des comparaisons qu’ils réalisent, on exclut la prise en
626
compte des comparaisons réalisées sur un mode automatique. Ajoutons à cela que certaines
627
comparaisons, en raison de leur faible incidence sur la vie du sujet, pourraient être
628
consciemment réalisées mais devenir très vite inaccessibles en mémoire, d’où là encore une
629
absence de prise en compte lors du rapport global du participant. Deuxièmement, toutes les
630
formes de comparaisons ne sont peut-être pas à égalité en termes de désirabilité sociale. Dans
631
ce sens, les résultats de plusieurs études suggèrent qu’il est plutôt mal vu socialement
632
d’avouer que l’on se compare aux autres (Brickman & Bulman, 1977 ; Schoeneman, 1981) 5.
633
Les individus pourraient ainsi avoir tendance à sous-estimer la fréquence des comparaisons
634
sociales et à sur-estimer celle des comparaisons à soi-même dans le temps (Wood & Wilson,
635
2003). Il faut toutefois relever que dans notre étude, le biais de désirabilité sociale a sans
636
doute été minimisé par la procédure de complétion anonyme des questionnaires (voir Wood,
637
1996). Enfin, la mémoire des événements passés étant sélective et reconstructive (Conway &
638
Pleydell-Pearce, 2000; Moberly & MacLeod, 2006), il est vraisemblable que les auto-
639
estimations globales de la fréquence des comparaisons réalisées s’en trouvent quelque peu
640
biaisées.
641
Une autre limite de cette étude repose sur son caractère transversal et corrélationnel.
642
Ainsi, bien qu’il soit théoriquement justifié de supposer que les comparaisons exercent un
643
impact sur l’estime de soi et l’investissement dans la recherche d’emploi, nos résultats sont
644
également compatibles avec d’autres patterns de relations. Il n’est, par exemple, pas exclu que
645
l’estime de soi puisse influencer le choix des comparaisons comme en témoignent certaines
646
recherches quasi-expérimentales (Wayment & Taylor, 1995). En conséquence, l’hypothèse
5
Remarquons cependant, que si certains chercheurs ont bien trouvé une corrélation positive entre des mesures de
désirabilité sociale et d'auto-estimations des comparaisons sociales, d'autres n'en ont pas mis en évidence (voir
Wood & Wilson, 2003, pour des références).
27
Comparaisons et chômage de longue durée
647
d’une relation bi-directionnelle entre les variables de comparaison et l’estime de soi semble
648
être particulièrement pertinente et mériterait d’être éprouvée.
649
Les recherches futures devront donc s’employer à pallier les problèmes
650
méthodologiques soulevés ici, en croisant les résultats obtenus par le biais de plans
651
expérimentaux, quasi-expérimentaux et de suivis longitudinaux. A notre sens, l’approche
652
longitudinale devrait être particulièrement privilégiée dans la mesure où elle permet, tout en
653
préservant la validité écologique de la recherche, de tester un modèle d’influence bi-
654
directionnelle entre les variables considérées et d’appréhender le vécu psychologique du
655
chômage dans sa dimension dynamique. Enfin, même si elle ne règle pas tous les problèmes
656
évoqués plus haut, l’utilisation de la méthode du journal de bord pour recueillir les
657
comparaisons effectuées quotidiennement par les chômeurs, les activités de recherche
658
d’emploi réalisées et leur état affectif, serait à notre avis une technique opportune pour pallier
659
les difficultés inhérentes au recueil des estimations globales de l’activité comparative par les
660
participants (Wheeler & Miyake, 1992).
661
CONCLUSION
662
S’il est indéniable que la problématique du chômage de longue durée est avant tout
663
d’ordre économique (marché du travail saturé, inadéquation entre les offres et les demandes
664
d’emploi,..), on peut toutefois souligner à l’instar de Roques (1995) que la perception et le
665
vécu de cette situation dépendent pour partie de processus psycho-sociaux susceptibles de
666
favoriser ou au contraire d’inhiber la mise en œuvre d’actions pour recouvrir un emploi. Dans
667
ce sens, les résultats de cette étude suggèrent l’intérêt de considérer les comparaisons
668
ascendantes au futur dans la régulation de l’estime de soi et de l’activité de recherche
669
d’emploi. Le fait d’envisager une amélioration future de sa situation professionnelle pourrait
670
participer au maintien d’une bonne estime de soi grâce à l’anticipation de la réintégration du
671
groupe des actifs, tout en motivant la mise en œuvre de démarches pour parvenir à cet
28
Comparaisons et chômage de longue durée
672
objectif. Si une telle interprétation se trouvait confirmée par la réalisation de suivis
673
longitudinaux, elle pourrait avoir quelques implications pratiques en termes d’interventions
674
psychologiques auprès des chômeurs de longue durée. La mise en place d’ateliers les aidant à
675
formuler des sois possibles professionnels positifs et à envisager les stratégies
676
comportementales associées pourrait ainsi se révéler être un mode d’action particulièrement
677
pertinent. Notons d’ailleurs que des programmes d’intervention de ce type ont déjà été testés
678
dans le domaine scolaire où ils ont montré leur efficacité tant sur la motivation que sur les
679
performances des élèves (Hock, Deshler, Schumaker, 2005). En outre, dans le domaine de la
680
recherche d’emploi, Eden et Aviram (1993) ont mis en évidence l’effet positif d’un
681
programme visant à accroître le sentiment d’auto-efficacité sur l’obtention d’offres d’emploi
682
par des personnes en situation de chômage de longue durée. Or, le sentiment d’auto-efficacité
683
qui renvoie ici à la croyance de l’individu en sa capacité de retrouver un emploi est un
684
concept qui implique la mise en œuvre d’une comparaison future ascendante.
685
29
Comparaisons et chômage de longue durée
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Tableau I. Exemples d’items mesurant la fréquence des comparaisons temporelles et
sociales.
Table I. Examples of items measuring temporal and social comparisons frequencies.
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Tableau II. Indices de validité convergente de chaque variable latente réflective.
Table II. Indices of convergent validity for each reflexive block.
Indicateurs
1ère valeur 2ème valeur
manifestes de
propre
propre
CTPA
1,992
0,838
CTPD
1,773
0,728
CTFA
1,960
0,678
CTFD
1,632
0,840
CSEnA
2,354
0,778
CSEnD
1,833
0,939
CSExA
2,390
0,809
CSExD
2,783
0,932
Estime de Soi Globale
-
AVE
0,50
0,52
0,65
0,54
0,58
0,44
0,59
0,54
0,50
r
0,80
0,79
0,85
0,78
0,85
0,77
0,85
0,83
0,81
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Note : 1ère et 2nde valeurs propres de l’analyse en composantes principales des indicateurs
manifestes de chaque variable latente ; variance moyenne extraite (AVE) ; indice de
concordance mesuré par le r de Dillon-Goldstein (N = 89).
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881
Note : 1st and 2d eigenvalues of the principal component analysis of observed variables for
each block; averaged variance extracted (AVE); composite reliability as measured by DillonGoldstein r (N = 89).
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CTPA
R2 = 0,365
CTPD
CTFA
Estime
de Soi
Globale
CTFD
CSEnA
R2 = 0,388
Recherche
d’emploi
CSEnD
CSExA
CSExD
Sexe
883
884
885
886
887
888
889
890
891
892
893
894
895
896
897
898
899
900
Figure 1 – Modélisation PLS des relations entre comparaisons temporelles (CTPA : au passé
ascendante ; CTPD : au passé descendante ; CTFA : au futur ascendante ; CTFD : au futur
descendante), comparaisons sociales (CSEnA : endogroupe ascendante ; CSEnD : endogroupe
descendante ; CSExA : exogroupe ascendante ; CSExD : exogroupe descendante), Estime de
Soi Globale (ESG) et Activité de Recherche d’Emploi (ARE). Les estimations (en gras, p
entre parenthèses) sont des coefficients de régression PLS. Aux pistes en trait
fin correspondent des coefficients statistiquement significatifs, à celles en trait pointillé des
coefficients non significatifs (p > 0,05).
Figure 1 – PLS path modeling of relationships between temporal comparisons (CTPA : past
upward ; CTPD : past downward ; CTFA : future upward; CTFD : future downward), social
comparisons (CSEnA : ingroup upward ; CSEnD : ingroup downward ; CSExA : outgroup
upward ; CSExD : outgroup downward), self-esteem (ESG) and job-search activity (ARE).
The estimates (in bold, p between brackets) are PLS regression coefficients. Significant
coefficients correspond to thin arrows whereas non significant coefficients correspond to
dotted arrows (p > 0,05).
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