Chronique littéraire Fred Uhlman. L`ami retrouvé. Stuttgart

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Chronique littéraire Fred Uhlman. L`ami retrouvé. Stuttgart
Chronique littéraire
Fred Uhlman. L’ami retrouvé.
Stuttgart, Allemagne, février 1932.
Hans Schwartz est étudiant au Karl Alexander Gymnasium, lycée très renommé.
Son père est un médecin très apprécié dans la ville. Il est juif. Un après-midi, le
professeur fait entrer un nouvel élève : Conrad Graf von Hohenfels, issu d’une
vieille famille aristocratique du sud-ouest de l’Allemagne. Tout dans son allure
impressionne : ses vêtements de bonne coupe, le tissu dont ils sont faits, le
maintien. Hans et Conrad sont du même âge, 16 ans, et sont timides de nature.
Ils sont tous deux enfants uniques et n’ont pas d’amis. Pourtant Hans s’entend
bien avec ses camarades, mais il est trop exigeant en amitié. Hans se sent attiré
par Conrad et veut devenir son meilleur ami. Pour cela, il trouve des moyens
pour l’attirer : il participe à de grandes discussions en classe sur la littérature et il
apporte des spécimens de sa collection de monnaies en classe. Deux choses qui
suscitent la curiosité de Conrad.
Et voilà que le 15 mars, Conrad aborde Hans sur le chemin de retour de l’école.
Cette date est mémorable pour Hans, car c’est le début de nombreuses rencontres
où ils ont de bonnes discussions. Puis un jour Hans invite Conrad à venir chez
lui. Hans ne veut pas présenter son nouvel ami à ses parents : il veut le garder
pour lui, mais il n’a pas le choix, ses parents sont là. Accueil naturel de la part de
la mère, accueil plus guindé de la part du père (qui connaît l’histoire de la famille
Hohenfels). Les 2 garçons deviennent inséparables. Conrad prend l’habitude de
venir 4 fois semaine chez Hans. Cependant, il s’écoule plusieurs mois avant que
Conrad invite son ami chez lui et toutes les fois les parents de Conrad sont
absents. Hans trouve cela bizarre… d’autant plus qu’il a cru voir une photo
d’Adolf Hitler sur une commode dans une des chambres.
Des rumeurs de perturbations politiques à Berlin entre nazis et communistes
circulent, mais Stuttgart est éloigné et cette agitation n’inquiète pas vraiment les
gens qui sont si fiers de leur ville… ville d’art où la musique est très présente.
Lors d’une soirée à l’opéra, Conrad fait mine de ne pas voir Hans. Les parents de
Conrad sont richement parés : diadème de diamants pour madame et décorations
étoilées pour monsieur. Hans pense que son ami a honte de lui. Le lendemain,
Hans questionne Conrad et celui-ci avoue que sa mère hait les Juifs et elle ne voit
pas d’un bon œil la relation d’amitié entre les 2 adolescents. Conrad ne lui a pas
dit de peur de le blesser! Peu à peu les visites de Conrad s’espacent.
Après les vacances d’été, des signes apparaissent dans leur ville : affiches contre
les Juifs, contre les communistes, des croix gammées… Le père de Hans décide
de l’envoyer aux USA chez un cousin pour qu’il y fasse ses études universitaires,
car il soupçonne que son fils est sujet à des insultes au lycée. Ce qui est le cas.
C’est ainsi qu’en janvier, Hans quitte seul l’Allemagne. Avant de partir, il a reçu
une lettre de Conrad où il lui dit toute son amitié. Conrad a confiance en Hitler
pour protéger l’Allemagne du bolchevisme. Hitler saura différencier les bons
Juifs des mauvais. Il pense que son ami pourra revenir dans quelques années. Il
espère le revoir.
Trente ans plus tard : Hans est devenu un brillant avocat gradué de Harvard. Il
n’est jamais retourné en Allemagne. Il s’est marié et est père d’un enfant. Il
reçoit une lettre de son ancien lycée d’Allemagne, le Karl Alexander Gymnasium :
campagne de fonds pour l’érection d’un monument aux morts à la mémoire des
élèves du lycée tombés lors de la 2e guerre mondiale. La liste des victimes (400)
suit en ordre alphabétique. Tout d’abord, il ne veut rien savoir, mais à vrai dire il
a peur de savoir ce qui est arrivé à Conrad. Il saute la lettre H pour finalement se
décider et lire : VON HOHENFELS, CONRAD IMPLIQUÉ DANS LE COMPLOT
CONTRE HITLER. EXÉCUTÉ.
COMMENTAIRES
Un tout petit livre, mais quel contenu!!! Avant tout, c’est un livre sur l’amitié
entre 2 ados et cette amitié n’a duré qu’une année… mais comme cette amitié a
été forte! Cette complicité dans les lectures (surtout des auteurs classiques de
toute nationalité et poètes), ces discussions à n’en plus finir, ces promenades
dans les belles montagnes du Wurtemberg (sud-ouest de l’Allemagne), ces
escapades les fins de semaine dans les auberges anciennes de la Forêt-Noire ou
au lac de Constance ont fait leur bonheur. Personne ne pouvait entrer dans leur
bulle!
C’est aussi un livre à saveur historique si on a la curiosité d’en savoir plus sur la
famille Hohensfels, sur Frédéric premier de Hohenstaufen dit Barberousse, sur la
Souabe, sur l’ancien état du Wurtemberg, sur la ville de Stuttgart que l’auteur
décrit avec beaucoup d’amour comme étant une super de belle ville où les arbres
fruitiers poussent en pleine ville, où les collines regorgent de vignes. La nature
est beaucoup présente dans ce récit. Ces descriptions et l’attachement des
citadins à Stuttgart donnent le goût d’aller visiter cette région de l’Allemagne. Et
bien sûr, pour finir la montée du nazisme à travers le pays en 1932.
J’ai compris seulement à la dernière phrase du livre pourquoi l’auteur avait
donné le titre « L’ami retrouvé » à son récit. J’ai beaucoup, beaucoup aimé et son
écriture (concise) et sa façon de traiter le sujet de l’amitié à l’adolescence.
P.S. Stuttgart a été détruite au ¾ lors de la 2e guerre mondiale.
BIOGRAPHIE DE FRED UHLMAN
Né en 1901 à Stuttgart en Allemagne et mort en 1985 à Londres. Il est avocat en
Allemagne lorsqu’Hitler arrive et il la quitte en 1933 pour échapper au sort qui
attend les Juifs. Sa famille sera exterminée. Il se rend en France où il fréquente
les artistes ayant lui-même un talent certain pour la peinture. Il se rend ensuite
en Espagne où la vie est moins chère. Il y rencontre sa future épouse, fille d’un
membre du Parlement anglais. Comme cela coïncide avec les premiers signes de
la guerre civile, les Anglais doivent rentrer en Angleterre. Il s’adapte bien au
pays. Sa maison devient un centre pour les réfugiés intellectuels et pour la
gauche espagnole. En juin 1940, il est arrêté et emprisonné sur l’Ile de Man par
les Britanniques, considéré comme suspect vu son origine allemande. Il y a été
bien traité. À sa libération, il continue de peindre, est naturalisé britannique.
Ses œuvres :
-Captivity, Londres, Jonathan Cape, 1946
-The making of an Englishman, Londres, Victor Gollancz, 1960; publié en
français sous le titre Il fait beau à Paris, Paris, Stock, 1985
-Eating and Drinking, Londres, Victor Gollancz, 1960
-Reunion, Londres, Adam Books, 1971; nouvelle édition avec une introduction
d’Arthur Koesler, Londres, 1977; publié en français sous le titre L’ami retrouvé,
Gallimard, 1978. Ce récit est le sujet d’un film paru en 1989 sous son titre
anglais : une production franco-germano-britannique.
--Beneath the Lighting and the moon,Londres, Duckworth, 1984; publié en
français sous le titre Sous la lune et les étoiles, Paris, Stock, 1986
-No Coward Soul and No Resurrection, please 1985 publié en français sous le
titre La lettre de Conrad suivi de Pas de résurrection, s’il vous plaît, Paris, Stock,
1986
Ginette Scarpino, membre du club de lecture de la Bibliothèque Annie-StArneault

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