La maison du pays de Bresse

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La maison du pays de Bresse
Source :
http://www.cmtra.org/spip.php?article613&var_recherche=bresse&recherche=bresse ,
pris sur le site www.cmtra.org
Propos recueillis par Yaël Epstein
Lettre d’info n° 41
Printemps 2001
La Maison du Pays de Bresse
Entretien avec André Laurent
CMTRA : Monsieur André Laurent, vous êtes l’un des initiateurs et responsables de
l’association de la Maison de Pays en Bresse. Comment est né ce projet associatif ?
A. L. : Notre association est née fortuitement, il y a plus une quinzaine d’années. Il y avait une
ferme typique du pays, la dernière en bon état, qui était menacée. On s’est dit qu’il fallait
travailler à sa sauvegarde. On a donc transféré cette ferme, "Les Mangettes", qui date de 1465.
Nous y avons reconstitué une habitation traditionnelle autour de la cheminée sarrasine. Ensuite,
l’association a acheté une autre ferme "La Claison" (XVIIe siècle), que nous avons également
déplacée et où sont exposés les outils des métiers d’autrefois, du mobilier
CMTRA : Quelles sont les particularités du "pays" bressan ?
A.L. : La Bresse est réellement un pays. C’est un pays parce qu’il y a des frontières assez
marquées et qu’il est différent des régions qui l’entourent. Aussi bien la Bresse de l’Ain que la
Bresse de Saône-et-Loire qui reposent sur un terrain très argileux et le climat est très humide.
Comme il n’y avait pas les matériaux nécessaires à construire des routes, il n’y avait que des
chemins. De ce fait, la Bresse a été pendant des siècles un pays très isolé. Il a fallu attendre 1850
pour avoir des routes réellement carrossables. Durant les différentes invasions, la Bresse a été
contournée, le long de la Saône. C’est un pays qui a vécu sur lui-même. Il y a une période
importante dans l’histoire de la Bresse, c’est celle de l’avènement du maïs. Ce sont les Espagnols
qui l’ont amené car l’Espagne se situait à quelques kilomètres d’ici Puisque la Franche-Comté était
espagnole !
L’Espagne a eu une grande influence sur la région. Le chapeau bressan, par exemple, avec ses
mantilles, est un chapeau espagnol. La langue du pays est le francoprovençal, qui est parlé depuis
le Rhône, le Dauphiné, la Savoie, jusqu’au nord de l’Italie et par une partie de la Suisse française.
Et puis la Bresse est un pays de traditions, de folklore et de fêtes. Depuis le côté religieux le matin
jusqu’au profane l’après-midi, beaucoup de chants, de danses particulières étaient pratiquées.
Il y avait toujours "Lou ménétri", le ménétrier, qui jouait autrefois de la cornemuse. Il y a
longtemps qu’elle s’est perdue, mais vers 1600, elle était très présente. C’est la vielle à roue qui
l’a remplacée. Il y avait beaucoup de vielleux, des fabricants de vielle dont on connaît encore les
noms. Actuellement la vielle est encore très pratiquée, et puis plus tard, la clarinette et
l’accordéon sont apparus.
CMTRA : Vous effectuez également un travail autour de la conservation et de la diffusion du
patrimoine linguistique et musical. Comment vous y prenez-vous ?
A.L. : En Bresse, il y a pas mal de gens de mon âge qui parlent patois. Alors rien que pour le plaisir
de le parler, on a commencé à se réunir. Au bout de quelque temps, certains s’étaient mis à écrire
des nouvelles qu’on écoutait lors des réunions. L’un avait écrit une scène sur les battages, un autre
racontait la foire
Un beau jour, on s’est dit qu’il fallait qu’on en fasse quelque chose. Alors on les a enregistrées sur
des cassettes puis on les a consignées dans un bouquin intitulé "C’était hier". Parallèlement, nous
avons entrepris un glossaire de patois. On a travaillé sur ce projet pendant deux ans, en écrivant
le patois phonétiquement. Je suis allé rencontrer Jean-Baptiste Martin, un spécialiste du
francoprovençal, qui m’a appris l’existence d’une manière homologuée de le transcrire. Pour que
tous les groupes se rencontrent et puissent communiquer, il fallait l’écrire de cette manière-là.
Alors on a recommencé à zéro
On a collectionné 5500 mots qu’on a classés par ordre alphabétique, avec explication à la clef.
Après cinq ans, on a pu publier notre premier glossaire. Ensuite on a publié un recueil de chants
bressans dans lequel on a sélectionné les meilleures chansons de la Bresse. On a aussi réalisé une
cassette. Ce n’est pas une oeuvre d’art, ce ne sont pas des chanteurs professionnels qui
interprètent les morceaux, mais simplement des gens du pays qui parlent le patois. Et comme le
patois, "ça ne va sûrement pas durer autant que les contributions", comme on dit chez nous, il
fallait profiter qu’il y ait encore des gens qui le parlent pour réaliser cet enregistrement.
CMTRA : Les chansons qui figurent sur cette cassette, sont celles que vous chantez lors de
ces ateliers ?
A.L. : Oui, ce sont des chansons connues par les personnes du groupe. On a repris un recueil qui
avait été publié, il y a quatre-vingt ans par le syndicat d’initiative de Bourg-en-Bresse, et qui était
tombé en désuétude. Les paroles et la musique y figuraient. Il y en avait une trentaine, on a gardé
les principales. Les archives en avaient d’autres, mais on a préféré interpréter celles qui se
chantaient le plus couramment.
CMTRA : Comment avez-vous choisi d’interpréter plusieurs chansons dans les deux
versions, française et patoise ? Est-ce que cela correspondait à une pratique réelle ?
A. L. : La plupart des gens ne comprennent plus le patois, alors si vous voulez rendre une chanson
compréhensible, il faut l’interpréter en français. Vraisemblablement, ces chansons avaient été
écrites en patois, mais on les a transposées en français pour l’enregistrement. Déjà dans le manuel
de chansons, il y avait la traduction en français de plusieurs chansons. Quand on allait à l’école, on
n’avait pas le droit de parler patois. _ Si vous le parliez, vous étiez admonestés. Il y avait des
directives de l’enseignement très claires à ce sujet. C’est comme ça que le patois s’est perdu.
CMTRA : Les musiciens intervenants sur l’enregistrement font-ils partie eux aussi de
l’atelier patois ?
A.L. : On a un vielleux avec nous, Pierre Basset. D’autres musiciens faisaient partie d’un groupe
folklorique. Une chorale de Saint-Denis-du-Bourg a également participé à l’enregistrement. Elle
est composée d’anciens qui ont accepté de chanter une ou deux chansons en patois, même si ce
n’était pas dans leur habitude. Ils ont eu beaucoup de mal, mais ils y sont arrivés. Les gens étaient
réticents au patois, mais petit à petit ça revient, on s’y intéresse de plus en plus.
Propos recueillis par Yaël Epstein
Les ouvrages "C’était hier" - "Quelle était riche notre langue !" - "Chants et airs du Pays de Bresse"
sont disponibles à La Maison de Pays en Bresse.
Les fermes et expositions du patrimoine bressan sont ouvertes d’Avril à Novembre, tous les jours
sauf le dimanche matin.
Contact
Maison de Pays en Bresse, 01370 St Etienne du Bois
Tél : 04 74 30 52 54

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