Mot à maux

Transcription

Mot à maux
Semaine 101
Mot à maux
Pour M.A,
parce que le maître a soufflé et l’oiseau s’est hasardé…
Ecrire. Pourquoi ? Parce que. Pour qui ? Pour toi. Peu importe.
Ecrire. Parce que les mots sont amoureux et enchanteurs. Parce qu'ils nous apportent de l’ivresse,
de la candeur, ils contiennent nos émotions, ils retiennent nos horizons.
Ecrire. Même si les mots sont farouches et hasardés, écrire pour tout, n'importe quoi. Juste comme
ça…
Parfois les mots franchissent les sommets souverains, arpentent les rues sinistres et silencieuses,
enjambent les ruisseaux, les torrents et les mers. Parfois ils s'envolent pour une éternelle croisade,
prennent leur temps, soulagent leur appétit vorace afin d’épouser le rivage. Ils se dévoilent,
émergent puis se noient dans l'oubli. Parfois les mots sont acerbes, acérés, assassins, si, si, si...
Parfois les mots sont justes. Parfois non. Des fois, on les guette depuis le seuil de notre enfance.
Ils nous narguent, nous humilient. Ils nous anéantissent. Parfois on songe les mots, on les
confectionne de nos doigts mutilés. Lorsqu'ils sont trop intenses, les larmes érodent les méandres
des visages éteints. Parfois les mots deviennent cruels. Afflictions et aveux ravagent notre corps
éphémère. Parfois les mots érigent d'autre maux...
Et si les mots devenaient souffreteux ou grotesques ? Et si seul le regard comprenait ? Comprendre
quoi, au fond ? L'amour, la haine ?
Si les mots ne soulagent plus et que les prunelles s’éclipsent dans l'oubli, que nous reste-t-il à vivre ?
Vivre quoi, au fond ? Les joies, les peines ?
Et si, et si, et si...
Les mots sont séducteurs, les maux sont fidèles. Les mots ravivent les maux quand l’œil devient
brumeux. Les mots sont las. Présents. Haletants. Ils brûlent et s'embrasent, des fois.
Les mots murmurent sans cesse, s'esquissent subtilement et s'inscrivent doucement.
Les mots sont là et attendent. Une plume, une âme, un corps. Un peu de tout parfois.
Ecrire. Des mots, des maux.
Pour qui ? Pour toi. Pour nous.
Pourquoi ? Parce que, parce que...
Camille Naef