La colocation selon Klapisch

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La colocation selon Klapisch
CMJN
GRAND ÉCRAN
VENDREDI
5 JUILLET 2002
L’EXPRESS
PAGE
20
La colocation selon Klapisch
«L’auberge espagnole» ! Le sixième film du réalisateur français est son meilleur.
Une comédie irrésistible sur des étudiants en «vacances» à Barcelone
Propos recueillis par
Stéphane Gobbo
La colocation est un sujet
qui se prête bien à une comédie de fiction. Mais on peut
penser qu’il y a une part autobiographique
dans
votre
film...
Cédric Klapisch: Il y a un
peu des deux. Il y a une dizaine
d’années, je suis parti à Barcelone pour y voir ma sœur qui
suivait un programme d’échange. J’ai alors vécu dans un
appartement qu’elle partageait
avec sept personnes qui parlaient chacune une langue
différente. Ce que j’ai vu pendant cette semaine m’a tellement fait rire que j’ai toujours
voulu en faire un film. Je l’ai
fait seulement maintenant
parce que Romain Duris avait
le bon âge pour le rôle. Le film
est finalement un mélange de
ce que j’avais vécu chez ma
sœur, d’expériences plus personnelles issues d’un séjour à
New York et de renseignements
que j’ai pu obtenir sur les
échanges universitaires.
Vous avez écrit le rôle principal pour Romain Duris.
N’est-ce pas dangereux de
travailler en ayant déjà en tête
l’acteur qui incarnera un personnage?
C. K.: Je ne construis pas
mes films de manière arrêtée,
tout est continuellement en
mouvement. Il arrive par
exemple que j’invente un texte
pour Romain le matin. Je me
laisse avoir une fraîcheur à son
égard. Je suis suffisamment
spectateur de la nature humaine et du travail avec les acteurs pour savoir qu’on ne peut
pas prévoir ce qu’un acteur va
faire. C’est ce qui est absolument génial dans la direction
d’acteur. Il n’y a rien de prévisible. L’idéal, c’est justement
quand l’imprévu arrive. Le fait
de trop prévoir n’est donc absolument pas un danger pour
moi.
Comment avez-vous travaillé pour créer l’osmose
entre ces personnages de
différentes nationalités?
C. K.: J’ai écrit les personnages en fonction des acteurs.
J’ai d’abord organisé des castings dans plusieurs capitales
européennes, où j’ai à chaque
fois auditionné une trentaine
d’acteurs. Après avoir trouvé le
bon, j’écrivais alors son rôle. Ce
sont les acteurs qui m’ont inspiré. J’ai préféré ne pas partir
d’idées préconçues sur chaque
nationalité. C’est en fait Romain qui a servi de filtre. Il m’a
assisté durant les castings et j’ai
ainsi pu voir comment chaque
personne fonctionnait avec lui.
Romain a été le lien, ce qu’il est
d’ailleurs également dans le
film.
Plusieurs influences sont
discernables dans votre film:
le roman d’apprentissage du
XIXe siècle, la comédie sociale, le vaudeville...
C. K.: Ce film a la volonté
d’être un bric-à-brac, un puzzle
fait de multiples personnages
et histoires dont le lien est établi en voix-off par le personnage de Romain. C’est vrai
Une auberge
recommandée
D
Petites histoires de la jeunesse.
aussi que j’ai voulu aller assez
loin dans l’emprunt de styles
différents, comme le boulevard, la sitcom ou le polar. Le
film a par conséquent une apparence de «non-stylisation».
Et en même temps, je colle au
sujet puisque je parle de dispersion.
Vous avez tourné «L’auberge espagnole» en numérique, à l’aide d’une nouvelle
caméra HD. Est-ce pour cette
raison que vous vous êtes
amusé à truffer le film d’effets
comme des écrans multiples
ou des incrustations?
C. K.: J’ai eu ces idées avant
de savoir que j’allais tourner
en numérique. J’avais l’impression que ce film était vraiment
sur la schizophrénie, la dispersion. Ce côté mosaïque lui
convenait ainsi parfaitement.
Mais c’est vrai que le numérique m’a permis d’aller encore plus loin dans cette direction. C’est un format qui permet de tourner avec moins de
lumière, avec moins de prépa-
Bouh! fais-nous rire…
Festival ! Deux affreux jojos du cinéma d’horreur sont les invités
d’honneur du 2e Festival du film fantastique de Neuchâtel
Par
Frédéric Maire
I
ls promènent leurs dégaines souriantes depuis mercredi dans les rues de Neuchâtel. Et l’intégralité de leurs
films est présentée dans les
salles de la ville. Leurs noms:
Stuart Gordon et Brian Yuzna.
Un cinéma ré-animé
Depuis les années 80, l’un et
l’autre, tour à tour scénaristes,
réalisateurs, producteurs, ont
commis quelques-uns parmi les
films les plus marquants du
genre fantastique aux EtatsUnis. En commençant, en 1985,
par le célèbre «Re-animator»,
où un savant (fou?) zurichois in-
vente un sérum qui réanime les
morts… Mélange détonant
d’horreur, de sang et d’humour
(noir), le film remporte un
énorme succès qui met son réalisateur-scénariste (Gordon) et
son producteur (Yuzna) sur orbite à Hollywood!
Ensemble ou séparément,
les deux compères peuvent ensuite donner (presque) libre
cours à leurs délires, entre les
poupées tueuses de «Dolls»
(1986), le dentiste fou furieux
de «The Dentist» ou les «sequels» de «Re-Animator».
Cinéphiles avertis, ils rendent
volontiers
hommage
au
cinéma de leurs pères (F.W.
Murnau pour «Nosferatu» ou
James Whale pour «Franken-
stein») et à la longue tradition
de «comics» du fantastique et
d’horreur.
Des morts-vivants
chez Disney
Ils n’hésitent pas non plus à
œuvrer à des projets plus commerciaux, comme le troisième
opus de la série initiée par
George Romero «La nuit des
morts-vivants», ou encore, pour
Disney, le célèbre «Chérie j’ai
rétréci les gosses» de Joe Johnston, qui sera présenté samedi
après-midi lors d’une séance
spéciale pour les enfants organisée en collaboration avec la
Lanterne Magique.
En 1999, déçus par Hollywood qui ne leur laisse pas as-
sez de liberté créatrice, ils s’installent à Barcelone où ils fondent la «Fantastic Factory», une
usine d’art et de liberté qui souhaite devenir un pôle de création du genre en Europe, notamment à travers la production de jeunes talents, de vrais
auteurs, et la continuation de
leurs propres projets, notamment «Faust» ou «Dagon», leur
dernière création.
Avec la présence de ces deux
poids lourds du cinéma de
genre, la 2e édition du Festival
international du film fantastique de Neuchâtel (le Nifff
pour les intimes) s’est payé
une bonne et fort belle
tranche de sang et de rire
(jaune)! / FMA
Horreur, humour et SF
C
Un «Re-animator» à réveiller les morts...
ompétition internationale de longs métrages,
compétition de courts
métrages suisses, rétrospective,
films d’ouverture et de clôture,
avant-premières, deux jurys,
des expos, des événements spéciaux, une nuit de l’horreur
zombie, de l’animation, le 2e
Festival neuchâtelois a tout
d’un grand. D’ici à dimanche,
films fantastiques, d’horreur ou
de science-fiction vont se battre
pour obtenir la récompense suprême. On pourra voir notam-
PHOTO SP
ment en compétition deux
films espagnols, dont le premier imaginé par l’agressive
équipe de théâtre catalan «La
fura dels Baus», deux œuvres
japonaises, dont la dernière
création du cinéaste de l’extrême Miike Takashi, ainsi que
des pellicules venues d’Allemagne, de la Corée du Sud ou
de Grande-Bretagne. Une manière de démontrer que les
Etats-Unis n’ont plus le monopole des effets spéciaux et de
l’imaginaire! / FMA
PHOTO FRENETIC
ration et surtout plus rapidement. On est donc plus proche
des acteurs, de «la vie». On arrive même parfois à surprendre tout le monde par la
rapidité de prise de vues, on
peut capter «le réel» d’une manière différente qu’avec une
caméra plus lourde qui crée
une barrière à cause des préparatifs qu’elle impose. /SGO
/ROC-La Liberté
Neuchâtel,
Studio;
La
Chaux-de-Fonds, Scala 1; 2h.
e «Riens du tout»
(son premier longmétrage tourné en
1992) à «Chacun cherche
son chat» (1996), en passant par «Un air de famille» (idem), Cédric Klapisch a trouvé son ton, sa
petite musique à lui, entre
gravité légère et fausse
ingénuité.
L’auteur
du
«Péril
jeune» (1994) est aussi
l’un des rares «jeunes»
cinéastes français à avoir
renoué avec un comique
de l’observation digne de
ce nom. Son dernier film,
«L’auberge espagnole» est
bien dans cette veine et
fait oublier le faux pas de
«Peut-être» (1999) qui péchait par excès d’ambition.
A 25 ans, Xavier (Romain Duris) quitte temporairement sa fiancée pour
aller à Barcelone achever
ses études dans le cadre du
programme
européen
«Erasmus». En quête d’un
logement, il trouve refuge
dans un appartement partagé par 7 étudiants de nationalités différentes. De
cette situation, Klapisch
tire moult gags qui, de la
jeunesse, esquissent un
portrait joliment véridique. /VAD
Un Neuchâtelois au final
Court-métrage ! Le gagnant
du Narcisse 2000 récidive
Par
Vincent Adatte
H
eureux lauréat du Narcisse décerné au meilleur court-métrage de
la première édition du Festival
international du film fantastique de Neuchâtel avec «Le
temps de Nyenne», Olivier Béguin, deux ans plus tard, n’en
revient toujours pas: «Je ne m’y
attendais pas du tout, car certains
films, à mon sens, étaient de bien
meilleure qualité, surtout au niveau
du scénario». Fidèle à une manifestation qui lui a apporté une
première renommée, Béguin
présentera en grande première
«Si vous le voyez, tuez-le de ma
part», son petit dernier (à peine
terminé) dans le cadre de la
soirée de clôture du Festival.
«Faire plus simple»
Pour ce second court-métrage de 13 minutes, Béguin a
derechef adapté une nouvelle
d’un ami d’enfance, Vivian Robert. Sur une trame qui rappelle «La jetée» (1963) de
Chris Marker, le jeune cinéaste
joue habilement du paradoxe
temporel pour nous narrer sur
le mode de la comédie
grinçante les aventures d’un
petit malin qui a la faculté de se
projeter dans l’avenir et qui en
profite. Au grand dam de son
meilleur ami! Entre son premier court (un film de fin d’études réalisé dans le cadre de la
«London Film School») et ce
deuxième essai, Béguin estime
avoir progressé: «Surtout au niveau de la compréhension de l’histoire et du montage. J’ai appris à
faire plus simple.»
Sous les auspices de Lynch
et Cie
Déclencheur de rires plutôt
jaunes, «Si vous le voyez, tuez-le
de ma part» est un film sardonique qui n’a pas peur de manipuler le verbe et les images,
ce qui le distingue de manière
heureuse des courts-métrages
suisses bien trop souvent
frappés de mutisme. «C’est dû à
mon expérience de monteur à la
Télévision suisse romande, où je
dois sans cesse marier les mots et les
images.» Un plus grand professionnalisme caractérise aussi
cette nouvelle tentative soutenue par la Ville, le Canton et la
Loterie romande: «Pour un budget de 50.000 francs, nous avons
tourné en 35mm, entièrement à
Neuchâtel et dans ses environs, en
accordant un soin particulier aux
décors, à la figuration».
Admirateur de cinéastes
«fantastiques» comme David
Lynch, Terry Gilliam ou David
Cronenberg, Olivier Béguin
vous donne rendez-vous dimanche soir aux Arcades, juste
avant de vous faire dévorer par
les araignées voraces de «Eigth
Legged Freaks». Une bonne
entrée en matière! /VAD
Neuchâtel, Arcades, 13’.