Rio 2096 - Institut Notre

Transcription

Rio 2096 - Institut Notre
Rio 2096 : une histoire d’amour et de furie.
Uma historia de amor e furia
Film proposé par le Cinéclub « Un autre regard »
Dans le prolongement du festival du film brésilien de Luxembourg
Et pour les
du cinéclub
Le 27 novembre 2014 à 20h au cinéma Espace d’Arlon
5€
Recueil de documents autour du film
1. présentation du film
Fiche technique • Titre original : Uma História de Amor e Fúria • Réalisation : Luiz Bolognesi • Scénario : Luiz Bolognesi • Musique : Rica Amabis, Tejo Damasceno et Pupillo • Montage : Helena Maura • Producteur : Marcos Barreto, Lais Bodansky, Luiz Bolognesi, Caio Gullane, Fabiano Gullane, Débora Ivanov, Gabriel Lacerda et Helena Maura • Production : Buriti Filmes et Gullane Filmes • Distribution : Europa Filmes • Budget : 4 000 000 $ • Pays: Brésil • Langue : portugais • Durée : 75 minutes • Réalisation : Animation 2D traditionnelle • Techniques : Profondeur de champ, fondus enchaînés Résumé Film d'animation destiné à un public adulte retraçant la colonisation du Brésil du XVème siècle à nos jours. ”Rio 2096: Une Histoire d’Amour et de Furie”, est un film d’animation qui illustre l’amour ressenti par un héros immortel à l’égard de Janaína, la femme dont il est épris depuis 600 ans. Le long métrage de Bolognesi met en avant quatre étapes de l´histoire du Brésil ayant pour toile de fond cette passion: la colonisation, l’esclavage, la dictature militaire puis le futur, en 2096, quand il anticipe une guerre pour l’eau. Les deux héros luttent toujours aux côtés des plus faibles. Résumé proposé par le site du journal de cinéma « Première », http://www.premiere.fr/film/Rio-2096Une-histoire-d-amour-et-de-furie-3329408 (consulté le : 13/11/14)
2. Critiques
Remarque : comme le film n’est pas encore officiellement sorti dans les pays francophones, il est impossible de trouver des critiques dans les journaux habituels. Les deux critiques ci-­‐dessous proviennent de médias brésiliens. Malgré une révision du travail de Google, de petites erreurs de traduction sont possibles. Critique n°1 : elle présente le contexte et de nombreux aspects techniques du film Une histoire d'amour et de furie (2012): Le futur, le passé et le présent d'un pays est possible. Ce film d'animation brésilien raconte une histoire d'amour qui transcende le temps, avec comme sujet la lutte contre l'oppression et la famine au Brésil. Il est formidable de voir que le cinéma local ose s'aventurer dans l'animation avec un thème plus adulte qu’enfantin, on remarque cela encore plus lorsque ce sont des problèmes politiques et sociaux qui ont marqué l'histoire du Brésil qui sont abordés. Avec "Une histoire d’amour et de fureur", (…) l'auteur primé Luiz Bolognesi offre toute son expérience d'écrivain de "remue-­‐méninges" (2001), "Chega de Saudade" (2008) et "les meilleures choses dans le monde » (2010), et [propose] un film d'animation [qui] a tout pour devenir un point de repère dans le cinéma brésilien. Selton Mello et Camila Pitanga interprètent les deux protagonistes, un couple dont l'amour transcende le temps en quatre moments distincts de conflit armé brésilien. Le film commence durant la colonisation et 2 raconte une partie de l'histoire des Tupinambas qui furent décimés par les Portugais dans la région, qui est aujourd'hui celle de la ville de Rio de Janeiro; 200 ans après l'histoire raconte le début de la Balaiada, la révolte des esclaves en Maranhão [1838-­‐1841] qui a donné lieu à l'émergence de banditisme dans le nord du Brésil. Des années plus tard, le personnage de Janaina, Camila Pitanga, retrouve son bien-­‐aimé pendant la dictature militaire en mai 1968 et une fois de plus, leur amour est mis à l'épreuve à un moment où les prisonniers politiques sont en grande détresse. En 2096, l'accent est mis sur la lutte pour l'eau propre, ce qui permet de créer un contraste entre la milice qui applique la loi et l'ordre dans la commune et les personnes marginalisées que l'on cache aux classes sociales supérieures. Bien qu'il soit un film d'animation, la précision avec laquelle sont abordées les dernières guerres et l'oppression que subit le Brésil depuis des siècles est magnifique, il montre les personnes opprimées par ces luttes et non pas les généraux pour qui on a érigé des monuments en l'honneur de leurs actes alors qu'ils ont causé de grandes souffrances à une minorité. La direction artistique d'Anna Caiado se démarque particulièrement, elle montre la souffrance et l'émergence de plusieurs fronts révolutionnaires qui sont très rarement illustrés et qui rappellent l'histoire racontée dans des régions comme la ville de Caxias dans l'État du Maranhão, et Rio de Janeiro dans les années 60. L'ensemble de cette portion de l'histoire du Brésil est raconté à travers le point de vue du personnage interprété par Selton Mello et une histoire d'amour entre deux personnes qui luttent pour non seulement rester ensembles, mais aussi être libres. (…) Ce film d'animation contient des scènes fortes qui utilisent la 2D traditionnelle et la CGI, ainsi que des images en trois dimensions générées par ordinateur. Les séquences en CGI deviennent plus claires quand l'intrigue se situe dans le futur, ou même durant les scènes d'action et des mouvements rapides. Toutefois, lorsque l'animation est plus lente, ou quand il est nécessaire de se concentrer sur le dialogue, tous ces effets visuels disparaissent, et le film perd de la vitesse. Comme tous les films d'animation, la bande-­‐son a été créée avec la participation de groupes comme Zombie Nation, Otto, et le rappeur Rappin 'Hood. Les paroles contiennent toujours un contenu politique et une critique sociale avec un mélange de sons électroniques et des rythmes traditionnels régionaux pour accélérer les scènes d'action, et un texte plus poétique dans les scènes de romance entre les deux protagonistes. Cela est intéressant, puisque la musique met en évidence avec précision le temps de transition entre une époque et une autre. Le son futuriste à Rio de Janeiro en 2096 est mélangé avec les mélodies électroniques de bossa nova et les rythmes rapides durant les scènes d'action et les conflits. L'intrigue bien construite explique très clairement l'histoire du Brésil et ce film d'animation qui est bien architecturé montre un nouveau « domaine » qui nécessite une enquête plus approfondie dans notre pays. Adriana CRUZ, Uma historia de amor e furia, site de cinéma brésilien, « cinemacomrapadura »,
http://cinemacomrapadura.com.br/http://cinemacomrapadura.com.br/criticas/294850/uma-historia-deamor-e-furia-2012-passado-presente-e-possivel-futuro-de-um-pais/ (14/11/14), Traduit du portugais
par Alicia Schockert sur base de « Google traduction ».
NB : Adriana Cruz possède un diplôme en relations publiques de la Faculté de Technologie et de la
Communication Paulus (FAPCOM).
Critique n°2 : contexte, aspects polémiques et public cible
« Rio 2096 » est un film d'animation brésilien de Luiz Bolognesi qui présente " une histoire d'amour et de rage « . Se déroulant sur six siècles et recourant àl'esthétique du manga etdu récit épique, ce film aborde en plusieurs épisodes, l'histoire des luttes sociales des Anciens présentée du point de vue des perdants . L’histoire commence en 1566 lorsque les colons portugais éliminent un peuple d’Indiens appelé : « les Tupinambas ». Un Indien immortel et sa compagne, Janaina, vont être les personnages-­‐clés du film car nous les retrouverons au cours de chaque épisode. 3 Le deuxième épisode se passe à Balaida où se déroule une révolte populaire contre la misère qui s’accroît de manière importante. Cette révolte populaire sera étouffée par le futur duc de Caxias. Le héros de l’histoire résurgit dans le troisième épisode sous les traits de Manuel Balaio, le principal « leader » du mouvement révolutionnaire. Les deux héros vus au cours des épisodes précédents se retrouvent au centre de la résistance armée contre la disctature militaire. Cette histoire se situe en 1968. Au cours du quatrième épisode, qui est certainement le plus controversé, notre héros est présenté comme un professeur, enseignant dans les bidonvilles qui en 1980 se retrouve impliqué dans une trafic de drogues. Dans ce contexte, des concepts tels que le retard dans la lutte sociale sont vraiment relativisés. Le dernier épisode propose un exercice de projection future . En 2096, Rio se transforme en une ville particulièrement protégée et « super contrôlée » par des milices privées qui protègent la population en échange de valeurs. Comme tout, en période de rareté, un bien rare devient précieux. L’eau provoque une guerre civile contre une compagnie étatique dénommée Aquabras et les Guerriers du mouvement appelé «de l’eau pour tous » qui ne sont pour ainsi dire pas des militaires. A côté de la controverse, il faut constater que le script est soigné et les dialogues sont importants, ce qui a eu pour conséquence de transformer le film en film d’adultes. Cependant, il n’est pas caché que le public cible de cette oeuvre est l‘adolescence pour qui est prévue une histoire d’amour entre les protagonistres de l’histoire. Alexandre AGABITTI FERNANDEZ, critique de « Une histoire d’amour et de furie », « la feuille de Sao
Paolo »,http://www1.folha.uol.com.br/ilustrada/1173882-critica-com-roteiro-agil-filme-revive-episodios-dahistoria-do-brasil.shtml,site consulté le vendredi 14 novembre 2014 à 20h54,
Traduction réalisée avec google par Pauline Jean
3. contexte historique/culturel
Le film comporte quatre épisodes de l'histoire du Brésil, du point de vue des vaincus. Trois d'entre eux sont réels : la guerre entre Tupiniquins et Tupinambás et les débuts de la colonisation portugaise, en 1565 ; la révolte qui a eu lieu en Maranhão , connue sous le nom de Balaiada en 1825 ; et la guérilla urbaine , pendant la dictature militaire en 1968. Le dernier épisode imagine ce que sera le Brésil en 2096 …
b) Les thèmes : 1. La colonisation Le rêve avorté d'une France antarctique
Le 10 novembre 1555, l'amiral français Nicolas Durant de Villegagnon (ou Villegaignon) relâche dans la baie de Guanabara, au Brésil. Il amène avec lui 600 colons. Villegagnon s'est battu en Méditerranée contre les Barbaresques et les Turcs. Chevalier de Malte, il est fait vice-­‐
amiral de Bretagne et se convertit au protestantisme. À 45 ans, il reçoit de l'amiral Gaspard de Coligny, qui a des sympathies pour la cause protestante, la mission de créer une colonie en Amérique du sud. Le roi de France Henri II met une flotte de trois navires à sa disposition. L'amiral, assisté de son neveu Legendre de Boissy, construit sur une île de la magnifique baie de Guanabara un établissement baptisé Fort-­‐Coligny. Il projette aussi sur la terre ferme une cité, Henryville, appelé à devenir la capitale d'une «France antarctique». À la différence des Portugais qui occupent d'autres parties de la côte, Villegagnon fait tout son possible pour établir des relations fraternelles avec les Indiens dans une communauté binationale. Mais son caractère rude et intransigeant lui vaut bien des déconvenues. Une partie de ses hommes se révolte et s'enfuit dans la forêt auprès des Indiens. L'amiral demande des renforts à Jean Calvin, alors maître tout-­‐puissant de Genève. Mais avant qu'ils n'arrivent, 4 Villegagnon revient à la foi catholique. Il ne manque pas de se disputer avec les nouveaux-­‐venus, d'un sectarisme calviniste à toute épreuve et en vient à les faire périr, s'en justifiant dans une lettre à Calvin. Après ce drame, en 1559, Villegagnon abandonne Fort-­‐Coligny et rentre en France où il prendra part aux guerres de religion, cependant que les calvinistes tentent d'implanter une nouvelle colonie sur la terre ferme. C'en est fini de l'utopie tropicale... Les Portugais, qui ont fondé dans la même baie la future capitale du Brésil colonial, Rio de Janeiro, détruisent le 20 janvier 1567 ce qui reste des établissements français. Leur chef, le capitaine portugais Estácio de Sá, perd la vie au cours de la bataille. Bien oubliée en France, l'expédition de Villegagnon a néanmoins permis aux Européens de découvrir le tabac (faut-­‐il s'en réjouir?). Elle a aussi permis à Montaigne, de façon indirecte, de nous apporter sa réflexion sur le cannibalisme : «Chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage» (Essais, Des Cannibales). C'est en effet par l'intermédiaire de son secrétaire, qui participa à l'expédition, que notre penseur bordelais aurait connu ces moeurs amérindiennes. Elles ont été par ailleurs décrites dans un ouvrage publié par un autre compagnon de Villegagnon, Jean de Léri, en 1573, en pleines guerres de religion.
Marie DESCLAUX, Le rêve avorté d’une France antarctique, site d’hhistoire Hérodote.net,
http://www.herodote.net/10_novembre_1555-evenement-15551110.php, page consultée le 14 novembre 2014 ;
2. Les tupinambas, peuple du brésil, alliés des portugais. Indiens de langue tupi qui habitaient au xvie siècle la côte du Brésil, de l'embouchure de l'Amazone à Cananéia, au sud de l'État de S ao Paulo. L'identité culturelle et linguistique des Tupinamba, malgré leur grande dispersion, témoignait d'une fragmentation relativement récente, comme le prouvent aussi les traditions historiques. Ce groupe ethnique est aujourd'hui disparu. Dans la seconde moitié du xvie siècle, de nombreuses tribus tupi furent obligées d'abandonner leur territoire sous la pression des Portugais. Vers 1540, plusieurs milliers de Tupinamba quittèrent la côte du Brésil et, après d'innombrables péripéties, arrivèrent en 1549 à Chachapoyas au Pérou. Les Tupinamba pratiquaient une agriculture de forêt (cultivant le manioc, la patate douce, le maïs) ainsi que la chasse et la pêche. Potiers et tisserands, ils construisaient aussi des canots. Les Tupinamba portaient des ornements voyants fabriqués avec des plumes de couleurs vives : diadèmes, bonnets et même longs manteaux composés entièrement des plumes rouges du guara rubra (ibis rouge). La guerre était toutefois l'activité essentielle destinée surtout à se procurer des prisonniers. Un jeune homme ne pouvait en effet se marier avant d'avoir tué rituellement un prisonnier, et les Tupinamba croyaient que les fils d'un homme qui n'aurait pas répandu le sang d'un ennemi ne pouvaient être que lâches et paresseux. De la guerre découlaient également prestige et pouvoir politique. Les prisonniers, après avoir été tués, étaient mangés par tous les membres du village sauf par l'homme qui les avait mis à mort. L'état de guerre permanente entre les villages, la haine mutuelle et le désir de venger leurs morts poussèrent beaucoup de Tupinamba à s'allier aux Européens pour lutter contre leurs ennemis. 2) l’esclavage, du milieu du XVIe siècle jusqu’à la loi d’Or de 1888 (qui abolit cette institution au Brésil) EXTRAIT DE L’ARTICLE DE L’ENCYCLOPEDIE LAROUSSE EN LIGNE SUR L’HISTOIRE DU BRéSIL (…) 2.1. Une colonisation dispersée Jusqu'au début du XVIIe siècle, la colonisation ne dépasse pas les plaines côtières, chacune formant un foyer isolé de colonisation, fondé par des explorateurs différents : João Ramalho dans la région de l'actuel São Paulo (1509), Aleixo Garcia, plus au sud (actuelle Santa Catarina) en 1526, etc. Cette dispersion est d'ailleurs favorisée par l'impossibilité pour les Indiens (→ les Tupis-­‐Guaranis) d'opposer une résistance efficace aux Portugais. Pourtant, à la fin du XVIe s., on compte à peine une dizaine d'établissements 5 habités de façon permanente, dont les plus importants sont ceux du Nordeste autour de Bahia (aujourd'hui Salvador) et de Pernambouc (aujourd'hui Recife). 2.2. Bois-­‐brésil, canne à sucre et esclaves Jean-­‐Baptiste Debré,Voyage pittoresque et historique au Brésil Après l'exploitation et le commerce du bois-­‐brésil – aux propriétés tinctoriales et qui aurait donné son nom au pays – la culture de la canne à sucre a débuté dès 1532, à la suite de l'arrivée des colons sous la direction de Martim Afonso de Sousa. L'importation d'une main-­‐d'œuvre d'esclaves noirs africains et un climat tropical favorable à cette culture spéculative feront de cette région le foyer de peuplement le plus important du Brésil jusqu'à la fin du XIXe siècle, alors que plus au sud, les centres portugais ne sont que de simples escales fortifiées, sans cesse menacées par les tribus indiennes. 2.3. Concessions et capitaines-­‐donataires L'intérêt porté par le roi du Portugal aux Indes orientales lui fait négliger jusqu'au milieu du XVIe siècle sa possession brésilienne, confiée à de grands seigneurs, les capitaines-­‐donataires. Ces derniers administrent avec des pouvoirs militaires et judiciaires douze capitaineries ayant de 180 à 600 km de façade maritime. Ce sont eux qui distribuent aux colons des terres en échange de leur aide militaire et du paiement de certains impôts. Le roi conserve un certain nombre de monopoles commerciaux. C'est à partir de ces concessions que se constituent de très vastes domaines sucriers, dont le centre est lacasa grande, où réside le possesseur du domaine, maître du moulin à sucre, et autour de laquelle se groupent les cabanes des Noirs formant la senzala. (…) 3.1. Chasseurs d'esclaves… Sans doute, dès 1554, les jésuites, en fondant São Paulo, avaient-­‐ils entamé la conquête de l'intérieur du pays afin d'évangéliser les indigènes. En fait, cette occupation des plateaux est au début l'œuvre d'aventuriers, les bandeirantes. Chasseurs d'esclaves au XVIIe siècle, ils pénètrent loin vers l'ouest, dans le sertão, en remontant les voies d'eau, et s'attaquent aux missions jésuites pour réduire les Indiens en esclavage. 3.2. …puis chercheurs d'or et de pierres précieuses Les bandeirantes. se font chercheurs d'or et de pierres précieuses au XVIIIe siècle, après la découverte de l'or dans le Minas Gerais, à Ouro Preto (1694), dans le Mato Grosso (1718), dans le Goiás (1725). Le Brésil est alors le premier producteur d'or du monde : des villes surgissent près des mines (Diamantina [1728], Sabará) ; de grandes exploitations agricoles, les fazendas, consacrées aux cultures vivrières se constituent à proximité de ces agglomérations ; des pistes muletières sont tracées de loin en loin ; des gîtes d'étapes fixent la population. (…) 6 3.4. Essor de l'élevage Au cycle du sucre (XVIe-­‐XVIIe siècles) et au cycle de l'or et des pierres précieuses (XVIIIe siècle) succède celui de l'élevage. Sans doute la densité du peuplement, liée aux activités pastorales, reste faible, mais elle est homogène et assure, à partir du Nordeste dès le XVIIe siècle, et à partir du Sud à la fin du XVIIIe siècle (appel aux colons des Açores), une occupation continue et régulière des territoires brésiliens englobant les pays miniers, les dépassant même. La liaison entre les vastes estancias d'élevage et les centres de consommation est réalisée par les boiadas,chemins ouverts par les troupeaux de bovins dont les maîtres (les vaqueiros), avides de liberté et d'espace, se maintiennent le plus possible à l'écart des régions soumises aux autorités officielles, et édifient cette curieuse civilisation du cuir, fondée sur le commerce de la viande sur pied et des peaux, remplacé dès la fin du XVIIIe siècle par celui de la viande sèche. 3.5. La plaine amazonienne Quant à la plaine amazonienne, si elle reste en dehors de l'espace économique brésilien, elle est en fait intégrée à la colonie portugaise, grâce, surtout, aux efforts évangélisateurs des jésuites, qui se heurtent aux colons à propos de la suppression de l'esclavage des Indiens, et grâce à l'intervention du gouvernement de Lisbonne, qui fait construire en 1669 un fort (à l'emplacement de l'actuelle Manaus), au confluent du rio Negro et de l'Amazone, point de convergence des tentatives de pénétration néerlandaises (à partir de l'Orénoque), espagnoles (depuis le Pérou), françaises (en remontant le cours du fleuve). (…) 4.1. Une colonie prospère La prospérité du Brésil à cette époque est solidement établie ; le traité de Methuen, en le rendant solidaire de l'économie britannique, lui a permis de donner un nouvel essor aux cultures du riz, du tabac, des plantes tinctoriales, et surtout de la canne à sucre, qui pénètre alors dans les provinces de Rio et de São Paulo ; celle du coton est entreprise depuis le Maranhão jusqu'au Goiás ; celle du cacao, depuis le Pará, gagne la région de Bahia. 4.2. La politique de rénovation du marquis de Pombal Sous Joseph Ier (1750-­‐1777), le marquis de Pombal entreprend au Brésil, comme au Portugal, une politique de rénovation, visant à la fois à réduire le rôle des grands propriétaires, à réprimer la corruption des fonctionnaires et à améliorer la production agricole et minière. À cette fin, il organise l'immigration, les travaux publics, l'enseignement et, s'il abolit l'esclavage des Indiens (1775), il fait un appel accru à la main-­‐d'œuvre servile originaire de l'Angola. Des compagnies à chartes sont constituées pour favoriser le commerce, dont le Portugal, en application du Pacte colonial, sera, avec l'Angleterre, le grand bénéficiaire, malgré l'échec partiel de cette dernière entreprise, les monopoles commerciaux n'ayant pu être appliqués qu'aux bois de teinture, au sel, aux pêcheries et aux boissons. Seules quelques difficultés naissent de l'expulsion des jésuites, auxquels les colons reprochent, surtout dans le Sud, l'appui offert aux Indiens (villages indigènes, etc.). 4.3. Un équilibre politique et social menacé Malgré cette expansion économique, l'équilibre politique et social du Brésil colonial est menacé. Sans doute les Indiens, peu nombreux, refoulés dans la forêt amazonienne et dans les campos du Mato Grosso, sont-­‐ils peu dangereux. Il en va différemment de la masse de la population, constituant une société très composite, où le brassage des races a abouti à la création d'un type d'hommes nouveau, le métis (mulâtre, caboclo, cafuzo) essentiellement paysan, parfois mineur, toujours misérable. Sa condition est d'autant plus lourde à supporter, dès le XVIIIe siècle, qu'il vit dans un monde où grands planteurs et commerçants habiles édifient rapidement des fortunes considérables ; les lourdes charges que fait peser sur lui l'administration et la crise minière qui sévit sur les plateaux du Minas Gerais, à la fin du XVIIIe siècle, aggravent son mécontentement. 4.4. Les prémices de l'indépendance Un courant révolutionnaire se crée, parallèle à celui qui est alimenté chez les élites par la lecture des œuvres politiques et philosophiques françaises ; mais la révolution est évitée. Le mérite en revient moins aux autorités, 7 pourtant énergiques dans la répression (exécution de Tiradentes en 1792), qu'à certains éléments créoles ou aux métis et mulâtres aisés, qui canalisent, dans le sens national, les énergies brésiliennes. Ce nationalisme brésilien se cristallise lors du transfert à Rio de Janeiro de la famille royale et de la capitale portugaises, en 1808, à la suite de l'occupation de la métropole par Napoléon Ier. Rio devient une véritable capitale avec toutes les institutions administratives et culturelles lui permettant de remplir son rôle. Le régent, devenu en 1816 le roi Jean VI, abolit le régime du monopole et proclame la liberté industrielle. Mais le traité qu'il a signé avec l'Angleterre en 1810 fait du Brésil une colonie économique de l'Angleterre et empêche l'industrialisation. 4.5. Proclamation de l'indépendance Quand Jean VI regagne l'Europe en 1821, rappelé par la révolution portugaise de 1820, il laisse à son fils cadet, dom Pedro, la régence du Brésil. Ayant fait l'apprentissage de la liberté de 1808 à 1821, cet État refuse de redevenir une simple colonie portugaise, et dom Pedro accepte de devenir le défenseur perpétuel du Brésil, dont l'indépendance est bientôt proclamée (« cri d'Ipiranga », 7 septembre 1822). Dom Pedro en devient l'empereur le 12 octobre, sous le nom de Pierre Ier. « Histoire du Brésil », extrait de l’article de l’Encyclopédie Larousse (en ligne) ;
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Br%C3%A9sil_histoire/186946, page consultée le 14 novembre 2014
3) Chronologie politique depuis l’indépendance du Brésil. La Vie politique du Brésil à partir de la colonisation : -­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
-­‐
Période coloniale : 1500-­‐1822 Indépendance et Empire : 1822-­‐1889 « Vieille République » (Etat fédéral à l’Américaine, très conservateur): 1889-­‐1930 • Constitution de la première République promulguée le 24 février 1891. • 1914 : le Brésil devient la première puissance de l’Amérique latine. • 1917 : Le Brésil entre en guerre aux côtés des alliés. La « nouvelle République » • 1930, un coup d’état renverse la vieille République et permet la montée de la classe moyenne. Getulio Vargas, l’homme du sud renverse le président en exercice avec l’appui d’une fraction armée et se fait par la suite élire président. En 1937, il devient dictateur • 1945 : Il est déposé par un groupe de généraux. • 1946 : Nouvelle constitution démocratique et fédéraliste. • 1951 : Getulio Vargas redevient président avec 48% des voix. • 1960 : Inauguration de Brasilia, la nouvelle capitale du Brésil. • De 1961 à 1964, le président João Goulart entreprend une politique de réforme sociale. Un coup d’état le renverse en 1964. 1964-­‐1985 : dictature militaire répressive. • 1967 : Une nouvelle constitution est adoptée. Les partis politiques traditionnels sont interdits. Le président reçoit des pouvoirs exceptionnels au détriment du congrès et du sénat. • Jusqu’en 1985, les présidents sont tous des militaires. 1985-­‐2002 : démocratie (premier président de cette période choisi par le Congrès en 1985) • 1989 : Fernando Collors de Mello est élu président. • 1990 : Modernisation du pays. • 1994 : Election de Fernando Henrique Cardoso, candidat du parti social-­‐démocrate brésilien. • 1999 : Premiers signes de rétablissement économique. • 2002 : Luiz Inacio Lula da Silva remporte les élections présidentielles avec 61,2% des voix. Il est le premier président de gauche depuis l’instauration de la République du Brésil en 1889. 8 -­‐
-­‐
-­‐
2006 : Luiz est réélu président. Octobre 2011 : Dilma Rousseff, candidate du PT et de la coalition gouvernementale sortante, activement soutenue par son mentor Lula dont elle fut le chef de cabinet, arrive en tête du premier tour de l’élection présidentielle avec 46,9 % des suffrages devant José Serra (PSDB, 32,6 %) et Marina Silva du parti Vert, formation qui crée la surprise avec 19,3 % des voix. 2014 : Second mandat de Dilma Rousseff et manifestations contre la coupe du monde et le système politique en place. Mme Roussef devra redresser l’économie et faire face à la corruption. Chronologie réalisée d’après :
« Brésil, vie politique depuis 1889 », article de l’encyclopédie en ligne Larousse,
http://www.larousse.fr/encyclopedie/divers/Brésil_vie_politique_depuis_1889/187315, page consultée
le 16 novembre 2014
« Histoire du Brésil », article de l’encyclopédie en ligne Wikipedia,
http://fr.wikipedia.org/wiki/Histoire_du_Brésil, page consultée le 16 novembre 2014. (Attention, ce
dernier article, ne site pas suffisamment ses sources.)
4) le régime militaire : 1964-­‐1985 (dans le cadre de la guerre froide) a) 1964 – 1985 : La dictature militaire au Brésil, article publié le 6 avril 2014, par Filomena Iooss L’année 2014 est dense pour le Brésil. Si l’attention des médias se tourne plutôt vers la Coupe du Monde qui débute dans ce pays au mois de Juin prochain, il est fondamental de rappeler qu’il y a juste cinquante ans, un coup d’État militaire instaurait, pour plus de vingt ans, un régime dictatorial particulièrement répressif. Pour la première fois depuis la proclamation de la République en 1889, l’armée allait réussir à priver progressivement la société civile de tous ses droits. Celui à la culture en particulier. BREF SURVOL HISTORIQUE SUR CES ANNÉES NOIRES… Années soixante au Brésil : on est dans le contexte de la guerre froide entre l’Orient communiste et matérialiste et l’Occident de tradition chrétienne, auquel ce pays continent se rattache. La notion de « sécurité nationale » envahit les domaines politiques, économiques et psychosociaux brésiliens. Cette idéologie intègre donc la doctrine de la guerre froide familière à une grande partie des officiers, sortie de l’École supérieure de guerre créée avec l’aide des Américains. Elle incorpore aussi les stratégies antisubversives construites par l’École de guerre française confrontée aux luttes anticoloniales. Mais, bien entendu, elle est également ancrée dans des éléments à caractère national, hérités du positivisme et du tenentismo. Sous prétexte d’anticommunisme, et pour éviter que la « subversion » transforme le Brésil en un nouveau Cuba, la « ligne dure » des putschistes du 31 Mars 1964, qui avaient destitué le président João Goulart, forme une junte autour du maréchal Artur da Costa e Silva. Elle décrète, le 9 avril suivant, un Acte institutionnel (AI) prévoyant l’élection par le Congrès d’un président de la République chargé de modifier la Constitution. Le 11 Avril 1964, après avoir épuré le Congrès et les forces armées d’une centaine de leurs membres jugés subversifs, Castelo Branco devient Président du Brésil. Dans les semaines suivant le coup d’État, les libertés civiles ne cessent de se réduire. Malgré la dénonciation par la presse du recours à la torture par les militaires, ces pratiques sont niées et s’accentuent en toute impunité. Le 13 juin 1964, les militaires créent le Service national de renseignement (SNI : Serviço Nacional de Informações), dont le siège est à Brasília. De nouveaux Actes institutionnels, cette fois numérotés, renforcent la répression. Aussi l’AI-­‐2, du 27 octobre 1965, dissout-­‐il les partis politiques et retire-­‐t-­‐il l’élection du président du suffrage universel direct. En 1967, Costa e Silva devient lui-­‐même président. (…) Le pouvoir militaire se place au-­‐dessus de la société civile et de la Constitution. Toute personne considérée comme « dangereuse pour la sécurité nationale » doit être bannie hors du Brésil. Plusieurs artistes, comme Caetano Veloso, Chico Buarque, Gilberto Gil s’exilent en Europe. La prison perpétuelle ou la peine de mort sont prévues en cas de « guerre extérieure, psychologique, révolutionnaire ou subversive ». Le SNI surveille les fonctionnaires, met sur écoute toutes sortes de citoyens, collabore avec les services secrets 9 occidentaux. Avant de devenir présidents de la République, les généraux Emílio Médici et João Figueiredo ont été chefs du SNI. L’Armée de terre, l’Armée de l’air et la Marine possèdent à leur tour leurs propres Services de renseignement. De multiples prisonniers « disparaissent » sans laisser de trace. Face à la mobilisation étudiante de plus en plus importante au cours de l’année 1968, la guerre contre « l’ennemi intérieur » est renforcée. Les nombreuses provocations à l’encontre des étudiants fichés par la police incitent certains jeunes à passer dans la clandestinité. La censure des moyens de communication, l’expulsion d’un grand nombre d’intellectuels, l’interdiction de centaines d’ouvrages, films et pièces de théâtre nourrissaient peu à peu l’obscurantisme. À São Paulo, en 1969, l’armée et la police deviennent solidaires dans l’« Opération Bandeirantes » (OBAN). Le redoutable commissaire Sérgio Fleury, chef présumé de l’« escadron de la mort », y joue un rôle majeur. Ils ont carte blanche pour démanteler toute organisation clandestine et lutter contre le « terrorisme ». Cette Opération est prolongée par les CODI, Centres d’opération de défense intérieure. Ceux-­‐ci dirigent en particulier les DOI (Détachements d’opérations internes), équipes habillées en civil et agissant sous pseudonyme, chargées d’« enlever » les suspects dans des véhicules banalisés. La peur s’installe. Pendant ces « années de plomb », le PIB brésilien connaît une croissance annuelle moyenne extraordinaire, le taux d’inflation reste raisonnable. C’est la période du « miracle économique », qui fait du Brésil le meilleur exemple de décollage d’un pays du tiers monde. Les entreprises étrangères sont incitées à venir s’y installer. Le faible coût de la main-­‐d’œuvre, un ordre politique garantissant la sécurité des investissements, un marché prometteur, tout cela a attiré au Brésil de nombreuses firmes dans les domaines de l’automobile, de la construction électrique, de l’électroménager, de la chimie-­‐pharmacie, de l’agro-­‐alimentaire. General Motors, Ford, Chrysler rejoignent Fiat et Volkswagen à São Paulo. Le nombre des entreprises publiques augmente également. Le gouvernement crée dans l’État de São Paulo l’entreprise brésilienne d’aéronautique, Embraer. Il met en place Telebrás, pour le téléphone. Les exportations agricoles se diversifient. La production d’éthanol s’intensifie, dans le but de limiter la dépendance du Brésil de ses importations pétrolières. La dictature militaire fait construire le barrage d’Itaipú, le plus grand du monde avant l’inauguration du barrage des Trois Gorges en Chine, en 2006. (…) La troisième victoire de la Selecção et les exploits de Pelé sont récupérés par le régime, qui créé de nouvelles chaînes de télévision au service de la communication gouvernementale. « Si le Brésil avait été ce que ce prêtre gauchiste devenu fou décrit, jamais il n’aurait pu présenter ces athlètes invincibles dont l’énergie combative s’identifie à l’énergie nationale qui a fait l’unité de ce colosse en marche à grandes enjambées vers le futur », voilà ce que l’on peut trouver sur l’éditorial de O Estado de São Paulo, « Dom Helder e a copa do mundo », du 30 juin 1970. Il y est question de l’action de l’évêque Dom Helder Câmara, défenseur reconnu des droits de l’Homme au Brésil, qui, dans ses conférences à l’étranger, dénonce la violence de la dictature brésilienne. Les choix de l’État sont tournés vers les investissements productifs, au détriment de l’investissement social (santé, éducation, habitat, transports), ce qui affecte lourdement les conditions de vie des plus défavorisés. La question sociale n’est cependant pas entièrement négligée pendant ces années-­‐là. Les domestiques, les ouvriers agricoles et les travailleurs indépendants acquièrent le droit de s’affilier au régime de la Sécurité sociale brésilienne, l’INPS, créée en 1966. Médici se propose de déplacer « les hommes sans terre vers les terres sans hommes », à travers un Plan de colonisation de la région amazonienne par des migrants, à qui on promet de multiples avantages. Les fièvres et les maladies, ainsi que les conflits entre squatters et grands propriétaires, mettent à mal ce projet. Le « miracle économique » s’arrête brutalement en 1973. La Banque mondiale accuse le Brésil de mener une politique aboutissant à la concentration des revenus et à l’accroissement des inégalités sociales. Le déséquilibre géographique s’accélère. La région industrielle du Sud-­‐Est s’enrichit, les régions du Nord et du Nordeste s’appauvrissent. Le général Ernesto Geisel, un proche de l’ex-­‐président Castelo Branco, est élu en 1974. Alternant l’assouplissement et l’austérité, il réveille la société civile. Les « métallos » paulistes se mettent en grève : leur leader est Luís Inácio Lula da Silva. Geisel renforce alors la répression envers tout ce qui est jugé comme « repaire progressiste ». En octobre 1975, on annonce la mort par suicide du journaliste juif Vladimir Herzog. Personne ne croît à la 10 version officielle. Les relations du Brésil avec les États-­‐Unis se détériorent. Le recours au terrorisme est utilisé par les plus radicaux des agents de sécurité pour mettre fin à l’« ennemi intérieur » redéfini en permanence. Face à la crise du dollar et à la crise pétrolière, la dette extérieure du Brésil et le taux d’inflation s’envolent. L’État est au bord de la faillite. En 1981, le pays connaît sa première récession depuis 1945. En l’absence de tout système d’allocation-­‐chômage, l’effondrement de l’emploi créé une situation de panique nationale. Lorsque João Batista Figueiredo, président depuis 1979, s’apprête à quitter le pouvoir fin 1984, l’inflation brésilienne est de 223% et la dette externe est proche des 100 milliards de dollars. De nouvelles formations politiques voient cependant le jour : -­‐ Le PDS (Parti social-­‐démocratique, regroupant les partisans du régime) -­‐ Le PMDB (Parti du mouvement démocratique brésilien) -­‐ Le PDT (Parti démocratique travailliste) -­‐ Le PT (Parti des travailleurs) Les premières élections libres ont lieu le 15 novembre 1982 : 45 millions d’électeurs se rendent aux urnes pour choisir les gouverneurs, les députés et les sénateurs fédéraux. La majorité de la chambre des députés est alors acquise à l’opposition mais le PDS réussit à garder la majorité au sénat et la moitié des États de la Fédération. Tous les efforts de l’opposition se concentrent sur les élections de 1985. Tancredo Neves (PMDB) est désigné comme leur candidat à la présidence. José Sarney (ancien PDS, sénateur du Maranhão) devient candidat à la vice-­‐présidence. Le 15 janvier 1985, ces deux hommes obtiennent 480 voix sur les 686 du collège électoral, ce qui permet à l’alliance conservatrice de l’opposition et à l’aile libérale de la dictature d’assurer la transition vers la démocratie. Hospitalisé 12h avant la passation des pouvoirs, Tancredo Neves décède le 21 avril de la même année. C’est donc José Sarney, ex-­‐dirigeant du parti des militaires, qui est propulsé à la tête de l’État, devenant le premier Président civil du Brésil depuis 1964. C’est à lui que l’on demandera de mettre en place un nouvel ordre démocratique… DEVOIR DE MÉMOIRE ET DE VÉRITÉ Les crimes de la dictature brésilienne (1964-­‐1985) ne sont que très progressivement dévoilés. En 1992, par exemple, un ancien agent des services d’information de l’armée interviewé par l’hebdomadaire Veja, a décrit des pratiques consistant à achever les détenus, torturés au préalable, avec des injections destinées à des chevaux. Selon lui, des cadavres avaient été découpés et dispersés. Au nom de la réconciliation générale, la loi d’amnistie de 1979 a placé sur le même plan les opposants au régime et les tortionnaires. Elle continue encore à protéger les militaires et à obstruer en partie le travail de la Commission nationale de la vérité (CNV), créée par la présidente Dilma Rousseff dans le but d’enquêter sur les violations des droits de l’homme, en particulier pendant la période de la dictature militaire. Selon le journal brésilien O’Globo, la CNV devrait communiquer ses rapports en mai 2014. Filoména LOOS, 1964 – 1985 : La dictature militaire au Brésil, le 6 avril 2014, site Brazilazur.com,
http://www.brasilazur.com/2014/04/1964-1985-la-dictature-militaire-au-bresil/Page consultée le 17/11 .
Le site brazilazur.com est réalisé avec la collaboration de nombreux universitaires. Filomina Loos est
professeur agrégée du supérieur et docteur ès lettres (Sorbonne)
11 b) Dictature au Brésil La vérité en marche CHANTAL RAYES, SAO PAULO, DE NOTRE CORRESPONDANTE, libération.fr, Remarque : Ce document est un article de journal reprenant les témoignages de victimes de la dictature brésilienne de 1964-­‐1985. Ils montrent aussi que le Brésil commence à faire œuvre de mémoire pour cette terrible période. FACEBOOK GRAND ANGLE. Ils ont été enlevés, assassinés. Et oubliés. Longtemps après l’Argentine et le Chili, l’Etat brésilien a créé une commission sur la répression des années 1964-­‐1985. Echos des témoignages recueillis ces dernières semaines à São Paulo. Leurs photos en noir et blanc défilent sur l’écran. Lara Iavelberg, morte en 1971. Ieda Delgado, disparue en 1974. Il y a aussi Lola, Carmen, Catarina… Cinquante femmes qui ont lutté contre la dictature militaire au Brésil, entre 1964 et 1985, et l’ont payé de leur vie. La Commission nationale de vérité (CNV), chargée de faire la lumière sur les exactions commises pendant les années de plomb, tient ici, à l’assemblée de l’Etat de São Paulo, une audience publique pour leur rendre hommage et donner la parole aux survivantes. Cheveux courts et dégaine d’ado, Maria Amélia Teles, 68 ans, se lève. Ancienne prisonnière politique, elle témoigne des violences sexuelles dont elle et d’autres ont été victimes : «Encore aujourd’hui, j’ai du mal à en parler. Le jour de mon arrestation, ils ont aussi embarqué mes enfants de 4 et 5 ans. Ils les ont fait entrer dans la salle de torture… J’ai reçu des chocs électriques sur les mamelons, dans le vagin, dans l’anus. Devant eux.» Une autre survivante lui caresse l’épaule. La salle est pleine. Amanda, une jolie brune, étudiante en anthropologie, prend minutieusement des notes dans un grand cahier. Elle prépare une thèse sur le deuil des victimes de la dictature. Amanda ne manque pas une audience de la commission : «C’est un processus pédagogique. A l’école, on ne nous parle presque pas de la dictature.» Depuis l’installation de la CNV, il y a un an, la parole se libère au Brésil. Plus d’un quart de siècle après la fin de ce qu’on appelle ici le «régime militaire». 20 000 PERSONNES TORTURÉES Mine studieuse et lunettes rondes, Silvania, une autre étudiante, se réjouit que le tabou saute. «Jusque récemment, on ne pouvait pas évoquer les années de plomb. Comme si la peur avait traversé les générations.» Contrairement à d’autres armées d’Amérique latine, l’institution militaire brésilienne n’a jamais fait son mea-­‐
culpa pour les exactions commises. «Depuis le retour à la démocratie, aucun président, fût-­‐il de gauche, tels Lula ou Dilma Rousseff, ne l’a poussée à un aggiornamento, regrette le chercheur Eliézer Rizzo de Oliveira. Tous ont cherché au contraire à la ménager, pour éviter un conflit.» La transition vers la démocratie s’était voulue sans esprit de «revanche». D’autant que le bilan du régime est moins lourd qu’en Argentine ou au Chili : 426 morts et disparus, mais tout de même 50 000 arrestations arbitraires, 20 000 personnes torturées, 2 400 dissidents jugés, 10 000 poussés à l’exil… Ce n’est qu’en 2011, sur ordre de Dilma Rousseff, ancienne militante d’extrême gauche emprisonnée et torturée, que l’armée a cessé de commémorer la «révolution rédemptrice» du 31 mars 1964, comme elle désigne le coup d’Etat qui a déposé le président João Goulart, au nom de la lutte contre le «péril communiste». Le Brésil devenait alors le premier pays sud-­‐américain livré à une junte militaire. Il est parmi les derniers à entamer un travail de mémoire. L’Argentine, le Chili et l’Uruguay ont installé leur commission de vérité peu après le retour à la démocratie. «Chaque pays a son rythme, plaide Paulo Sérgio Pinheiro, membre de la CNV. Après la fin de la dictature, l’Etat brésilien n’a mis que dix ans pour reconnaître -­‐ en 1995 -­‐ sa responsabilité dans les exactions commises. Nous avons été le premier pays à verser des réparations financières à ceux qui ont perdu leur emploi à cause de leurs opinions politiques.» Quelque 30 000 des 70 000 demandes de réparation ont déjà été traitées. Il faudra cependant attendre 2009 pour que l’idée d’une commission de vérité fasse son chemin. Alors en fin de mandat, Lula répond in extremis à cette revendication des victimes et de leurs familles. La CNV, dont la création a été approuvée par le Congrès, n’a que deux ans -­‐ mais une rallonge de six mois est envisagée -­‐ pour élucider les crimes du régime et enquêter sur des aspects aussi divers que les exactions en milieu rural ou contre les Indiens (qui pourraient alourdir le bilan), le financement de la répression par les milieux d’affaires, ou encore le rôle du Brésil dans l’«opération Condor», une coordination des dictatures du Cône sud dans les enlèvements de militants à partir de 1975. Elle fera également des recommandations pour mettre fin aux violations des droits de l’homme -­‐ torture et exécutions sommaires -­‐ qui visent désormais les criminels de droit commun. Dix-­‐sept Etats du Brésil ont créé 12 leur propre commission de vérité pour l’aider. Celle de São Paulo est très active. Son coordinateur, Ivan Seixas, a épluché les rares registres encore disponibles des entrées au Département de l’ordre politique et social (Dops), redoutable centre de répression où il fut lui-­‐même détenu entre 1971 et 1973. Il y a découvert un visiteur assidu: Claris Halliwell, ancien attaché politique au consulat des Etats-­‐Unis à São Paulo. Entre 1971 et 1974, le diplomate américain s’est rendu une cinquantaine de fois au Dops… Pour quoi faire ? La commission exige des explications de Washington qui avait soutenu le coup d’Etat. «JE LES AI ENTENDUS EXÉCUTER VOTRE PÈRE» Cet après-­‐midi-­‐là, dans l’auditorium de l’Assemblée de São Paulo, on évoque le cas Virgilio Gomes da Silva, qui fut à la tête du plus beau coup de la guérilla : l’enlèvement, à Rio en 1969, de l’ambassadeur américain, Charles Elbrick. Le «commandant Jonas», son nom de guerre, a été arrêté peu après. Sa veuve, Ilda Martins, n’a eu confirmation de son décès qu’en 2004. Les recherches pour retrouver son corps n’ont toujours pas abouti. D’apparence humble, Ilda Martins est là avec deux de ses enfants. Ancien prisonnier politique, Antonio Carlos Fon se tourne vers eux. Ses propos sont crus. «Votre père a été torturé juste après moi. J’ai entendu ses cris, je les ai entendus l’exécuter.» Petit homme maigre au catogan poivre et sel, Fon a fourni à la commission une photo de 1971. Il indique fébrilement un visage cerclé de rouge. «Voici l’un des assassins de Jonas, dit-­‐il. L’ex-­‐
sergent de police, Paulo Bordini. Il était surnommé Risadinha [petit rire, ndlr], à cause de son rire hystérique quand il torturait. Aux dernières nouvelles, il coule une paisible retraite en province.» La veuve est trop émue pour parler. Sa fille Isabel, qui n’avait que quelques mois à la disparition de son père, ne dit rien non plus. C’est son frère qui prend la parole. «Mon nom est Virgilio Jr, commence-­‐t-­‐il. J’ai 51 ans. Je vais essayer de dire quelque chose. Cette commission joue un rôle historique. Le Brésil va enfin pouvoir écrire les pages les plus sombres de son histoire.» «Virgilinho» tente de contenir son trouble pour dire sa «révolte» : «Les criminels de la dictature sont toujours en poste dans la fonction publique, ou bien à la retraite aux frais du contribuable, au lieu d’être jugés.» A l’instar de la quarantaine de commissions de vérité installées dans le monde, la CNV n’est pas un tribunal. Et la loi d’amnistie qui couvre les actes des dissidents met également à l’abri des poursuites les hommes du régime. Adoptée par le Parlement en 1979, dans le cadre d’une transition «négociée», cette loi, pilier de la réconciliation nationale pour beaucoup, a été validée en 2009 par la Cour suprême. «Nous n’aurons ni justice ni vérité, craint Victoria Grabois, de l’association Tortura Nunca Mais («Plus jamais la torture»). La commission interroge, certes, les anciens tortionnaires, mais elle n’arrivera à rien tant que l’armée refusera d’ouvrir ses archives. Pourquoi notre Présidente n’a-­‐t-­‐elle pas le courage de lui ordonner de le faire ?» Quant aux archives aux mains de particuliers, la CNV n’a pas compétence pour les saisir. Cela ne l’empêche pas de promettre d’apporter un démenti à la version de l’armée. «Avec ou sans archives, nous allons démontrer que la torture, les disparitions forcées et les assassinats étaient une politique délibérée, décidée aux plus hauts échelons du pouvoir, et non des actes improvisés par tel ou tel officier sadique», s’enflamme Paulo Sérgio Pinheiro. «Il faut croire à cette commission», renchérit Marlon Weichert, l’un des procureurs qui ont milité pour sa mise en place. «Elle aurait pu avoir davantage de moyens, d’effectifs et de pouvoirs, mais l’état-­‐major a fait pression pour qu’il en soit autrement.» Les chefs des trois armées avaient menacé de démissionner si Lula ne modifiait pas le projet de loi instituant la CNV. L’ex-­‐Président avait alors accepté de rallonger la période des exactions à examiner (entre 1946 et 1988), dans une tentative de «noyer» la période de la dictature. DES RUES AU NOM DES VICTIMES Un autre changement devait également ouvrir la voie à l’examen des actes de la guérilla. Il n’aura finalement pas lieu, sous pression cette fois de la gauche. Pourtant, une telle démarche aurait pu rendre service à celle-­‐ci, défend Habib Nassar, professeur de justice de transition au Hunter College de New York : «Loin de justifier la répression ou de mettre sur un pied d’égalité victimes et bourreaux, évoquer les actes de la guérilla montrerait au contraire qu’ils n’étaient pas comparables à ceux du régime.» La CNV, en tout cas, fait bouger les choses. Des écoles commencent à s’intéresser à la dictature. Des jeunes nés après la fin du régime manifestent devant le domicile ou le lieu de travail des tortionnaires pour les dénoncer. Ils rebaptisent du nom des victimes de la répression les rues qui rendent hommage aux collabos. Mais, ce sursaut citoyen reste limité. De nombreux Brésiliens ne savent même pas qu’il y a eu une dictature. C’est pourquoi Dilma Rousseff voudrait que la CNV suscite une «commotion nationale». Or, ses travaux manquent de 13 «visibilité», critiquent les proches des victimes. Pour y remédier, la commission a décidé d’ouvrir au public certains interrogatoires de tortionnaires entendus jusqu’ici à huis clos dans l’espoir de les amener à coopérer. Elle vient de dresser un bilan à mi-­‐parcours de ses activités. Pour Eliézer Rizzo de Oliveira, certains hommes de la dictature, dont beaucoup sont encore en vie, risquent de finir sur le banc des accusés : «Les révélations de la CNV pourraient créer un contexte favorable à une tentative de révision de la loi d’amnistie par le Congrès.» Le parquet essaie déjà de contourner cette loi. La cour interaméricaine des droits de l’homme l’a en effet jugée incompatible avec la convention de l’Organisation des Etats américains sur le sujet. De plus, dit encore le parquet, la disparition forcée est un crime qui n’est pas prescrit pas tant que le corps n’est pas retrouvé. Certains juges se sont laissé convaincre par cette thèse : ils ont déjà mis en examen cinq ex-­‐militaires ou policiers impliqués dans ces exactions. Chantal RAYES, correspondante de Libération à Sao Paulo, Dictature au Brésil, la vérité en marche,
Libération.fr, 29 MAI 2013 À 19:06 , http://www.liberation.fr/monde/2013/05/29/dictature-au-bresil-laverite-en-marche_906678 site consulté le 17/11 à 17h30
c) Thème annexe (pas dans le film) : En pleine dictature, quand une équipe de football fait l’expérience de la démocratie. Spécial Brésil : Sócrates, le footballeur qui faisait la révolution
Par Laurent Rigoulet, pour Télérama.
Remarque : Socrates est né en 1954 et mort en 2011.
Son père le voyait devenir leader politique. Sócrates fut bien plus que cela : une idole romantique. Disparu en 2011, l'ancien milieu offensif de la Seleção a durablement marqué le pays. Raí Souza Vieira de Oliveira a pris ses quartiers à l'abri du tumulte. Il reçoit au calme d'un vallon de verdure, dans les rues ombragées qui serpentent sous les avenues saturées du centre de São Paulo. En début de soirée, le soleil est encore chaud, l'ancienne star du Paris Saint-­‐Germain et de l'équipe du Brésil ouvre une bière sur une table de jardin pour évoquer le souvenir de son père. Il lui semble impossible de ne pas commencer par lui. Un homme du Nordeste qui a choisi les prénoms de ses trois premiers fils en hommage aux philosophes et stratèges grecs de l'Antiquité (Sócrates, Sófocles et Sóstenes) mérite tous les égards. « Enfant, je dormais à côté de son bureau, dit Raí, le plus jeune de ses six garçons. Je me souviens d'avoir toujours vu la lumière passer sous la porte. Il lisait sans discontinuer. Sa famille était très pauvre, il était autodidacte, et il a étudié toute sa vie. A 50 ans, il commençait encore un cursus à l'université ! » En 1954, le fils aîné est baptisé Sócrates Brasileiro (le Socrate brésilien). Il partage les lectures de son père, qui rêve d'en faire un penseur politique, un leader, un élu... Le père n'est pas tombé loin. Avec ses yeux noirs, ses allures de chat efflanqué et son style unique (il a fait de la talonnade tout un art), Sócrates, dit « le Maigre », est devenu une figure charismatique du football brésilien. Une idole romantique, dont le visage mangé de barbe orne badges et T-­‐shirts comme celui de Che Guevara. « Un libertaire et un libérateur », dit Juca Kfouri, chroniqueur vedette de São Paulo, qui fut son intime jusqu'à sa disparition, en 2011, à l'âge de 57 ans. L'esclavage moderne du football Diplômé en médecine, militant de gauche plutôt extrême et milieu de terrain de la dernière équipe « magique » du Brésil, celle de la Coupe du monde 1982 (anéantie par le réalisme italien), Sócrates n'est pas une simple 14 figure du passé. Un vaste mouvement de révolte des joueurs brésiliens, le Bom Senso Football Club, s'inspire aujourd'hui de ses idées et s'attaque à la gabegie financière des équipes du pays, où l'argent s'égare et où les salaires restent souvent impayés. « Son porte-­‐parole, Paulo André, est un héritier direct de Sócrates, dit Juca Kfouri. Il était lui aussi joueur des Corinthians de São Paulo, il l'a beaucoup fréquenté et a bu toutes ses paroles... » Dans les années 1970, le « docteur » Sócrates, qui se présentait comme un « enfant de la dictature », s'élevait contre l'« esclavage moderne » du football : « 90 % des joueurs ont une condition inhumaine, leurs dirigeants sont paternalistes ou autoritaires... » Les militants du Bom Senso Football Club se font l'écho de cette pensée dissidente. Ils sont nombreux et motivés, même si leur lutte est plus sage, cadrée par les négociations salariales et la remise en cause d'un calendrier exténuant : « Ils sont plus pragmatiques et moins romantiques, dit Raí. Mais ils s'attaquent au système, et Sócrates leur a montré la voie. Sa détermination et son courage étaient phénoménaux. Dans le milieu du football, il était complètement atypique. C'était bizarre d'être son jeune frère : la première fois que je suis entré dans un vestiaire, on ne m'a pas demandé à quel poste je jouais, mais à quel parti j'appartenais...» Pour s'imposer, être créatif Sócrates manquera au Brésil exalté et explosif de la Coupe du monde. « Il en aurait partagé la passion et la colère, dit Juca Kfouri. Et il n'aurait pas été le dernier à allumer l'incendie... » Les deux hommes avaient commencé une drôle de biographie à quatre mains, qui balançait entre le dialogue philosophique et l'improvisation jazz. Le « docteur » est parti trop vite. Trente heures d'enregistrement dorment dans les dossiers du journaliste, qui se contente pour l'heure de raconter la saga de vive voix avec une intensité admirable. Il était lui-­‐même militant de la gauche clandestine pendant la dictature militaire et, pour expliquer comment son ami footballeur s'est retrouvé à la tête d'une équipe rebelle de São Paulo, il s'offre le luxe de quelques digressions du côté de la révolution cubaine ou des luttes de pouvoir entre Staline et Trotski : « Sócrates a profité des hasards de l'histoire. Il a rejoint les Corinthians, l'équipe la plus populaire de São Paulo, à l'époque où celle-­‐ci battait de l'aile, en deuxième division, et où on avait confié sa direction à un sociologue barbu, Adilson Monteiro Alves, qui ne connaissait rien aux affaires du football. » Lors de sa présentation aux membres de l'équipe, le jeune dirigeant joue franc jeu : « Je ne comprends rien à ce sport, mais ce que je sens, c'est qu'il va mal ! » La discussion, qui devait durer quinze minutes, s'étire sur plusieurs heures. Elle ne retombera pas. Les Corinthians deviennent un étrange laboratoire politique où les joueurs prennent le pouvoir et expérimentent l'aventure de l'autogestion. Toutes les décisions sont soumises au vote. De la composition de l'équipe aux trajets en car. Il y a de fortes têtes aux Corinthians. Un arrière syndicaliste, Wladimir, ou un attaquant allumé, Walter Casagrande, mais Sócrates s'impose naturellement comme le leader de ce qu'on appellera la « démocratie corinthienne ». Il parle comme il joue, avec malice, autorité, élégance : « J'ai étudié la médecine pendant mes premières années de footballeur, expliquait-­‐il. Pour m'imposer sur un terrain, je n'avais pas d'autre solution que d'être créatif. » Il a des idées tranchées et les fait triompher. Les rassemblements d'avant-­‐match tiennent pour lui de la logique « concentrationnaire » : il les fait abolir. Un joueur est plus libre et plus heureux s'il vit sa vie avant d'entrer sur le terrain. Pour se préparer, les Corinthians ont d'autres occupations : ils invitent des musiciens, philosophes ou cinéastes à échanger avec eux. Ils se rendent aux concerts ou aux meetings politiques. Ils sont aux côtés de Lula quand celui-­‐ci fonde le Parti des travailleurs à São Paulo en février 1980. Protège-­‐tibias jaunes Raí a longtemps regardé Sócrates comme « un héros intouchable ». Mais il n'a mesuré qu'après coup le courage dont son aîné a fait preuve pour jouer un rôle décisif contre la dictature : « Il a commencé par porter des protège-­‐tibias jaunes. La couleur du mouvement pour la démocratie. Il n'avait pas peur... » En 1982, lors des premières élections régionales depuis le coup d'Etat, les Corinthians entrent sur le terrain avec un maillot barré du mot « Votez ». Ils ne disent pas pour qui, mais les supporteurs savent les comprendre. D'autant que les Corinthians se sont mis à gagner. Comme si l'engagement leur donnait des ailes. Mais cela pose un problème. Ruineront-­‐ils la lutte politique s'ils en viennent à perdre ? Ils en discutent. Et le jour de la grande finale de l'Etat de São Paulo, en 1983, au plus chaud de la lutte pour le suffrage universel, ils se présentent avec une immense banderole qui dit : « Gagner ou perdre, mais toujours en démocratie. » Ils gagnent. 1-­‐0. But de Sócrates. La dictature n'en a plus pour longtemps. En 1984, cinq cent mille personnes descendent dans les rues pour que le Congrès amende la Constitution et permette l'élection du président au suffrage universel direct. Sócrates prend la parole pour annoncer qu'il renoncera à s'installer en Italie si l'amendement est adopté. « On lui 15 proposait des millions, raconte Juca Kfouri. Ce jour-­‐là, il est sans doute le seul Brésilien à avoir fait un tel pari. Il ne l'a pas gagné, il est parti, mais les dernières résistances étaient entamées... » (Le retour à la démocratie s'opère l'année suivante.) De Florence, Sócrates appelle ses amis au milieu de la nuit, en pleurs parfois. Il se sent « en exil », le Brésil lui manque. Il déborde d'idées pour le pays qui va renaître. Et, d'abord, il parle de réinventer le football, qui donne un supplément d'âme à sa terre natale. Il critique le jeu moderne et l'uniformisation du pays. Passe un doctorat d'Etat, où il défend l'idée que le football doit se jouer à 9. Histoire de couper l'herbe sous le pied des athlètes surpuissants et de rendre à son sport espace, mouvement et liberté. « Il allait au bout de tous ses engouements, dit Juca Kfouri. Il ne pouvait pas vivre autrement. Il a eu huit femmes, des enfants avec trois d'entre elles. Il a prénommé un de ses fils Fidel en hommage à la révolution cubaine, je lui disais "Magro [le Maigre], tu es fou ! Ça ne te suffit pas que ton père t'ait appelé Socrate ?" » Il fait du théâtre, de la musique, ouvre une salle de cinéma... Certains le voient embrasser la carrière politique, mais il est trop difficile à cadrer. Il disparaît souvent sur les routes, au fin fond du pays. Et on le voit ressurgir dans les cafés de São Paulo où il a ses habitudes. Il pousse la fièvre romantique jusqu'à s'autodétruire consciencieusement, fume et boit à n'en plus finir et ne voit pas pourquoi ça s'arrêterait (« Pourquoi lutter contre soi-­‐même ? ») Le Brésil n'oubliera pas Sócrates. Lui ne se souciait guère de la postérité. « Mon pays pense au présent, éventuellement au futur, pas au passé... » Laurent RIGOULET, Spécial Brésil : Sócrates, le footballeur qui faisait la révolution ; Télérama,
http://www.telerama.fr/monde/special-bresil-socrates-footballeur-revolutionnaire,111689.php
Télérama, Publié le 12/06/2014. Mis à jour le 14/06/2014 à 14h34, page consultée le 13/11/2014 à
22h24
4) les problèmes environnementaux. a) Les problèmes relatifs à l’environnement urbain et les stratégies de planification dans les villes brésiliennes Les problèmes relatifs à l’environnement urbain au Brésil découlent de plusieurs causes dont la gravité est proportionnelle à l’inefficacité du gouvernement à adopter une véritable politique de développement durable. À l’échelle du pays, 81,25% des quelques 170 millions d’habitants vivent dans les villes et 41% des 5 560 municipalités doivent composer avec des problèmes dont certains peuvent être qualifiés de désastres environnementaux. Un tel état de fait hypothèque la qualité de vie des personnes et peut même, parfois, entraîner des pertes de vie humaines (IBGE, 2005) (IBGE, Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística. 2005. Pesquisa de Informações Básicas Municipais. Perfil dos Municípios Brasileiros: Meio Ambiente). L’insalubrité compte parmi les problèmes récurrents qui affligent les municipalités brésiliennes. La canalisation des eaux usées à ciel ouvert constitue une menace pour 1 031 villes (18%), alors que 948 villes (17%) subissent les conséquences de feux de forêt et que les maladies à transmission vectorielle touchent 896 villes (16%). Ces problèmes touchant l’environnement urbain au Brésil sont, par ordre d’importance, les inondations, les glissements de terrain, la sècheresse et l’érosion. Entre 2000 et 2002, un total de 2 263 villes brésiliennes (41%) ont déclaré avoir été victimes d’un sinistre environnemental tel que des glissements de terrain (16%) ou des inondations (19%). Parmi les 1 954 villes (35%) qui ont indiqué une dégradation du paysage, 676 (35%) ont recensé l’érosion du sol (IBGE, 2005). Les gouvernements tardent à mettre en place des mesures de protection de la qualité de l’environnement, notamment en matière d’eau et d’assainissement ainsi qu’à offrir une aide destinée aux couches défavorisées privées d’un logement décent et abordable. De telles actions permettraient de freiner la croissance de quartiers de taudis dans les zones vulnérables et prévenir des désastres environnementaux. Les villes ont depuis toujours joué un rôle primordial dans la diffusion des problèmes environnementaux. La croissance historique des villes qui renvoie à la concentration démographique, à la production industrielle et aux milieux urbanisés, contribue à la pollution diffuse, à l’épuisement des ressources naturelles ainsi qu’à la perte de la biodiversité. Les chercheurs internationaux s’accordent à dire que les facteurs de risque de la vulnérabilité socioenvironnementale sont directement liés aux problèmes environnementaux tels que les inondations, l’érosion du sol, la déforestation, les glissements de terrain, la pollution de l’air et de l’eau, l’eutrophication et la sédimentation des masses d’eau, etc. (…) 16 Source :Delphine CAVALLO, Les problèmes relatifs à l’environnement urbain et les stratégies de planification
dans les villes brésiliennes, « Calenda », le Calendrier des lettres et sciences humaines et sociales, le 4
décembre 2008, http://calenda.org/196126, page consultée le 14 novembre 2014
Delphine Cavallo (master en économie et en sciences politiques, doctorat en sciences poltiques) est chargée de
communication scientifique, rédactrice en chef de Calenda et responsable du pôle Information scientifique du
Cléo (Centre pour l’édition électronique ouverte).
b) Le Brésil rationne l’eau de 142 villes touchées par une sécheresse jamais vue PAR LEJOURNALDUSIECLE le 21 FÉVRIER 2014 • Plus de 140 villes brésiliennes ont été poussées à rationner l’eau au cours de la pire sécheresse jamais enregistrée. L’eau est rationnée dans 142 villes à travers le Brésil, affectant près de 6 millions de brésiliens. Les sociétés d’approvisionnement en eau ont déclaré au journal Folha de São Paulo que les réservoirs, les rivières et les ruisseaux du pays n’ont jamais été aussi asséchés depuis 20 ans. Certains quartiers de la ville de Itu dans l’Etat de São Paulo (qui représente un quart de la population du Brésil et un tiers de son PIB), ne reçoivent que 13 heures d’eau une fois tous les trois jours. Sur son site internet, la société de distribution d’eau du Brésil Sabesp indique que le système d’eau de Cantareira (le plus important des six qui fournissent de l’eau à près de la moitié des 20 millions de personnes vivant dans la région métropolitaine de São Paulo) est à moins de 17,9% de sa capacité d’un millier de milliards de litres. La société a décrit la situation à Cantareira comme « critique » : la quantité de pluie enregistrée au cours du mois de Janvier a été la plus base en 84 ans. Selon l’association de l’eau PCJ Consorcio, il faudrait 17 millimètres de précipitations par jour pendant deux mois pour que le niveau des eaux de Cantareira soit à 50% de sa capacité. Le niveau des réservoirs dans les régions du sud-­‐est et du centre-­‐ouest, qui représentent jusqu’à trois tiers de la production d’énergie hydroélectrique du Brésil, est tombé à 41% de sa capacité à la fin du mois de Janvier. Janvier 2014 a été le mois le plus chaud jamais enregistré dans certaines parties du pays. La chaleur, en plus d’une grave sécheresse, a soulevé des préoccupations quant aux pénuries d’eau et aux dégâts sur les cultures. Selon l’Institut Météorologique National du Brésil (INMET), la température moyenne quotidienne maximale à São Paulo en 2014, jusqu’à présent, a été de 31,9 C°, soit un degré de plus que le record précédent des mois de Janvier et Février 1984. Les rendements de la culture du café pour 2014-­‐2015, qui seront recueillies dans les États du sud de Minas Gerais et de São Paulo à partir de mai, seront probablement mauvais suite au temps sec de Janvier, selon la Fondation PROCAFE. Ce manque de précipitations pourrait également diminuer les rendements des cultures d’orange. Cette sécheresse aura donc un impact économique pour le Brésil, premier exportateur mondial de soja en grains, de café, de jus d’orange, de sucre et de viande bovine. Et un impact économique mondial. Le journal du siècle est un journal d’information en ligne français.
6. Sources
Les sources détaillées se trouvent en-dessous de chaque document. Merci de vous y reporter.
17 18 2