La confirmation espérée

Transcription

La confirmation espérée
Francomanias
4
Samedi 22 mai 2004 • La Gruyère No 60
DARAN
BÉNABAR
Drôle de journée
La confirmation espérée
¥Printemps 2002: Bénabar, alors
peu connu, mettait le feu à l’Hôtel
de Ville. Il était la révélation de la
7e édition des Francomanias, grâce
à un concert inscrit dans le livre
d’or du festival. Mercredi soir, à
Espace Gruyère, beaucoup se
demandaient comment il allait
apprivoiser cette salle, plus grande,
plus bruyante, plus difficile. Tous
ont vite été rassurés: Bénabar a pris
de la bouteille, a su s’adapter à un
public nombreux, mais n’a rien perdu de sa verve. Plus d’effet de surprise mais la confirmation espérée:
ce gars-là est vraiment très fort.
D’une présence et d’un charisme
impressionnants, il a fait chavirer
Espace Gruyère.
Sautant sur place, souvent plié
en deux, bras écartés, Bénabar est
chez lui sur scène. Début en douceur avec Paresseuse, puis Vade
retro téléphone, deux titres de son
dernier album, Les risques du
métier. Il lance un «Bonsoir m’sieur
dames» énergique, égratigne les
obsédés de la santé, avec leur «sucre
désucrifié» (A notre santé). Lui préfère «le café et l’odeur du tabac», se
coucher tard la nuit et se lever tôt
l’après-midi. Bénabar aime la fête et
le public ne tarde pas à la faire avec
lui. Un public bon enfant, huant le
gouailleur insolent (qui répond par
des «ouhouhou» du plus bel effet
comique) lorsqu’il situe Bulle dans
l’est de la France, ou qu’il se dit
content d’être ici, en Belgique…
SANSEVERINO
photos B. Ruffieux
Le swing assassiné
Sans les consonnes
Avec ses six musiciens, Bénabar
a en outre la formation idéale, qui
lui permet de passer des airs de fanfare à l’intimité. Car le chanteur qui
s’adresse à Petit papa Raël sait aussi se montrer poignant. Par exemple
en enchaînant deux de ses plus
belles réussites, la «brelienne»
Majorette et Je suis de celles. Avant
de repartir en sautillant vers ces
sarcastiques repas du dimanche. La
force de Bénabar résumée en quelques minutes: l’art de mêler ten-
¥Daran se souviendra sans doute de ce jeudi maudit. Il était
0 h 40, quand il est enfin monté
sur la scène de l’Hôtel de Ville.
Avec humour, il a tenu à expliquer
lui-même: d’abord des problèmes
douaniers ont retardé le groupe,
ensuite une panne informatique
du système de claviers. C’est finalement avec ceux de Raphaël qu’il
a pu assurer son concert. A cause
de ce retard, le public s’était clairsemé. «Il y a plein de gens qui sont
restés alors que la plupart d’entre
vous travaillent demain… Je suis
fier de vous», a reconnu Daran. Du
coup, ils ont eu droit à ce privilège: l’impression de vivre un
concert privé.
Daran a assuré un set très rock,
porté par des guitares cinglantes et
sa voix puissante. Peu de temps
pour reprendre son souffle, entre
les refrains accrocheurs de ses derniers albums (Une sorte d’église ou
L’eau) et le plus gros tube de sa
carrière, Dormir dehors, dans une
version enflammée. Un concert
intense, malheureusement baigné
dans un excessif déluge de décibels.
EB
Bénabar: ce qui est arrivé de mieux à la chanson française depuis longtemps
dresse et humour, émotion et
ambiance explosive (avec notamment l’incontournable Y’a une fille
qu’habite chez moi). Celui aussi de
toucher par des éléments du quotidien, décrits avec un sens imparable
de la formule, qu’il s’agisse de ces
fêtes que l’on ne trouve pas (L’itiné-
raire) ou de cet ami venu pleurer ses
malheurs (Dis-lui oui). Le tout sans
se prendre au sérieux, la preuve
avec Le slow, parodie très drôle
où il se permet même d’entonner Je
te donne de Goldman. Avant de
faire chanter le public, sans les
consonnes…
Pour sa deuxième apparition
consécutive aux Francomanias,
Bénabar a donc de nouveau marqué
les esprits. Plus de doute: il est ce
qui est arrivé de mieux à la chanson
française depuis longtemps. Autrement dit, il revient quand il veut.
EB
RAPHAËL
OLIVIA RUIZ
Un frisson dans la nuit
Charmeuse et envoûtante
¥Un véritable assassinat sonore.
C’est à cela qu’a assisté le public
des Francomanias mercredi soir à
Espace Gruyère. La victime? Le
virevoltant Sanseverino. C’est bien
simple: on n’a absolument rien
entendu de sa prestation.
Il avait pourtant l’air bien, le
set de Sanseverino. En tout cas,
l’homme et ses musiciens n’économisent pas leur énergie pour
dérouler un swing manouche des
plus endiablés. Si seulement on
avait pu ouïr autre chose que l’infecte bouillie sonore que crachaient les baffles…
Le spectacle n’était peut-être
pas adapté à une salle aussi grande, mais quand même… Après la
traumatisante expérience des
Valentins – qui ont traversé le
même enfer voilà deux ans – on
n’imaginait pas revivre cela. Les
musiciens sont paraît-il sortis de
scène très fâchés. Tu m’étonnes! Le
public n’était pas particulièrement
content non plus.
PP
De l’eau sous la scène
On a frôlé l’incident mercredi
lors du concert de Tryo à Espace
Gruyère. Pour rafraîchir la foule,
des seaux d’eau sont régulièrement
remplis à l’aide de tuyaux. L’un d’eux
n’a pas été fermé et l’eau s’est
répandue sous la scène. Seule conséquence: Tryo a été privé durant
quelque temps de retour. Ce qui
n’a pas empêché les quatre joyeux
drilles de continuer comme si de
rien n’était.
L’OM sans commentaire
L’univers musical complexe de Raphaël n’a pas laissé
les Francomaniaques indifférents
¥Complexe et audacieuse, la
musique de Raphaël. En tout cas pas
faite pour plaire à tout le monde.
Pas plus que son timbre de voix
étrange et haut perché. Une voix
plaintive qui sert magnifiquement
les ballades désabusées où «l’ange
rebelle» – aujourd’hui calmé, assure-t-il – raconte son adolescence
tourmentée.
Jeudi soir, le public de l’Hôtel de
Ville s’est rapidement laissé prendre
dans les filets de Raphaël. Il faut
dire que celui-ci s’est montré très
proche de lui, très à l’aise, allant jusqu’à descendre dans l’arène pour
prendre un bain de foule. Les
(jeunes) filles ont, semble-t-il, tout
particulièrement apprécié cet élan
du beau ténébreux aux yeux verts.
Torse nu sous son blouson, bière et clope à la main, Raphaël s’est
ensuite fendu d’une reprise plutôt
bien torchée du Passenger d’Iggy
Pop. Rock’n’roll attitude… Mais la
plupart des gens étaient là pour l’entendre pousser son tube Sur la route (gna gna gna). Ils auront été comblés lors du rappel, qui s’est achevé
avec une version de Des mots à faire frissonner n’importe qui.
PP
Olivia Ruiz s’est mis le public dans la poche sans abuser de son charme
¥Sympa. C’est le premier qualificatif qui vient à l’esprit au sortir du
concert d’Olivia Ruiz, qui s’est produite jeudi soir à l’Hôtel de Ville.
C’est sûr, la demoiselle n’est pas
qu’une ex-candidate de la Star Ac’.
Nourrie au rock alternatif et à la
chanson réaliste, la belle n’a pas
grand-chose en commun avec les
nunuches du château… Prohom,
Juliette ou Néry – qui ont participé
à l’écriture de son premier album –
ne s’y sont pas trompés.
Sur scène, Olivia Ruiz se montre
déjà très à l’aise, usant (mais n’abusant pas) de son charme naturel.
Mais l’atout majeur de la jeune fem-
me, c’est indéniablement cette voix
de petite fille si particulière. Voix
qu’elle ne maîtrise pas encore complètement. Mais quel bonheur de
l’entendre reprendre le rock érotique de Vian: «Johnny, fais-moi
mal, moi j’aime l’amour qui fait
boom»!
Envoûté, le public a réservé un
triomphe à une Olivia Ruiz visiblement très émue. «Je reviens quand
tu veux», a-t-elle lancé au patron
des Francos à l’issue de son spectacle. Gageons que la proposition
n’est pas tombée dans l’oreille d’un
sourd.
PP
Dominique Rime, directeur des Francomanias, est un fan de l’Olympique
de Marseille. Mercredi, pour présenter le concert de Bénabar, il est
monté sur scène avec son maillot de
l’OM, qui jouait au même moment sa
finale de la Coupe de l’UEFA. A la fin
du concert, aucun commentaire sur
le résultat du match, mais le maillot
avait disparu…
Trop sympa, Voulzy
Ce n’est pas seulement par son
concert que Laurent Voulzy aura
marqué cette huitième édition. Touché par l’accueil du public, il est resté
jusqu’à 3 heures du matin, dans la
Grand-Rue, pour signer des
autographes. En voilà un dont la
réputation de gentillesse n’est
pas usurpée.