intimite data storage - Fondation eve la vie

du 12 au 28 mars 2013
INTIMITE DATA STORAGE
où comment les nouvelles technologies font et défont les fils de nos destinées
Texte de Antoinette Rychner
Mise en scène Jérôme Richer
Intimité Data Storage ou «comment depuis toujours, les parents font ce qu’ils estiment être
le mieux, c’est-à-dire qu’ils font à leurs enfants le meilleur des torts» et comment ces derniers
parviennent ou non à démêler les fils de cet héritage. Cette tragédie - qui finit bien ! - retrace
le parcours libérateur d’une famille marquée par un deuil difficile.
Lisa T. la nouvelle compagne de Frank, le fils de la famille Tauber, va venir pertuber l’équilibre
familial. Quelques années plus tôt une autre Lisa, la soeur de Frank, s’est suicidée. Mazer, la
mère, a érigé une barrière entre elle et le monde pour conserver le secret de la mémoire de sa
fille. Le père, Fazer, est tombé en catatonie. Et Frank, tout autant incapable de gérer le deuil,
accuse sa mère d’être seule responsable de ce drame familial.
Le point de départ d’Antoinette Rychner a été de se rendre compte qu’il est fréquent que nous
ayons encore dans nos répertoires de téléphones portables le numéro de personnes décédées. Cette réflexion autour des nouvelles technologies et des changements qu’elles induisent dans notre rapport à la mort
a été un des premiers moteurs d’écriture pour l’auteure.
- La place des téléphones portables dans nos vies,
leur influence sur nos comportements sociaux
Les téléphones portables, plus particulièrement les smartphones, tendent à devenir des excroissances de nous-mêmes. De
plus en plus ils recèlent des informations
qui concernent nos vies. Ils sont des supports de notre mémoire. Dans la pièce,
c’est en «fouillant» dans le téléphone de
Frank, que Lisa, sa compagne, découvre
qu’il lui cachait une lourde partie de son
passé.
- La place de la mort dans nos vies
Aujourd’hui la mort est omniprésente dans les différents
médias mais elle n’a jamais été aussi peu présente
dans nos vies. La mort est tenue à distance alors qu’elle
explose sur nos écrans. Comment ce phénomène transforme notre rapport à la mort ? A sa réalité effective ?
- Les réseaux sociaux et leur rôle d’agora moderne
Aujourd’hui, les réseaux sociaux et en particulier Facebook sont devenus des outils
extrêmement prisés pour que des individus, qui parfois ne se connaissent pas, entrent
en contact les uns avec les autres. Ils jouent véritablement un rôle
rassembleur, où toutes les sensibilités peuvent s’exprimer. Le corolaire est que la séparation entre ce qui ressort du public et du privé
est de plus en plus flou. Toute une scène de la pièce est construite
là-dessus où de nombreux «personnages» qui se cachent sous des
pseudonymes interviennent et donnent leur avis sur ce qui se passe dans la famille
Tauber.
- Le pouvoir libérateur de la parole
Une grande partie des personnages de la pièce ont du mal à dire, à exprimer ce qu’ils
ressentent réellement. Ils se sont construits des protections. Soit ils font silence sur
leur passé, soit ils réinventent des souvenirs. La pièce développe un discours autour de ces difficultés à dire. Elle les met en scène. La pièce comme dans la tragédie
antique joue un rôle de catharsis pour les spectateurs. Elle a une fonction exemplaire.
- Extrait
Fonctions internes : Lisa 2 079 534 22 11
Lisa T. – 079 534 22 11. Ça, c’est moi.
Tu m’as sauvée sous « Lisa 2 », mon amour ?
Frank. – Comment tu réagirais si je fouillais dans ton portable, hein ?
Lisa T. – Il y a deux Lisa dans ton répertoire.
Moi, je suis « Lisa 2 ».
Frank. – Si je fouillais…
Lisa T. – Si je suis « Lisa 2 ». C’est que l’autre…
Frank. – C’est toi, ma Lisa number one.
Lisa T. – Ta carte mémoire me dit autre chose.
Et tu sais ce que je vais faire ? Je vais l’appeler. La Lisa d’origine.
Frank. – Tu ne peux pas.
Lisa T. – « Lisa 2 » ne manque pas de couilles.
Frank. – Je sais, mais tu ne peux pas. Elle ne peut plus te répondre.