Eux présidents», les scénarios de 2017 : tabula rasa
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Eux présidents», les scénarios de 2017 : tabula rasa
«Eux présidents», les scénarios de 2017 : tabula rasa (épisode 1/2) Et si Marine Le Pen… était la nouvelle présidente? FICTION POLITIQUE – 17 mai 2017. À l’Élysée, François Hollande se prépare à la passation des pouvoirs avec Marine Le Pen, élue chef de l’État quinze jours plus tôt. «Eux présidents»: jusqu’au 26 août, Philippulus imagine ce que pourraient être les 100 premiers jours des uns et des autres. Chacun a droit à deux épisodes pour convaincre, ou non… Julie, dis-moi. À ton avis, comment dois-je m’habiller ? Et penses-tu que je doive préparer une phrase historique pour bien marquer l’énormité du moment ? Un truc du genre: “ Adieu ma France”. Je sais, c’est un peu grandiloquent, mais je ne peux pas partir comme ça, comme si de rien n’était.» Nous étions le 17 mai 2017, à quelques heures de la passation des pouvoirs entre François Hollande et Marine Le Pen. Assis à une table blanche disposée sur la terrasse des appartements privés du Palais de l’Élysée, le chef de l’État sortant et son amie de cœur comptaient les minutes qui les rapprochaient du funeste moment. «François, tu mets ton costume noir et ta cravate noire. Comme si tu allais sur les lieux d’un attentat. Tu lui serres la main si elle te la tend, puis, quand tu descends les marches du perron, tu vas vers les journalistes et tu lis ceci.» La grande comédienne sortit alors un bout de papier sur lequel elle avait griffonné deux vers. Le président sortant lut: «À l’heure où mon pays choisit un triste cours, qu’il sache que j’irai toujours à son secours.» «C’est de qui ? Du Corneille ? Du Racine ?», s’enquit maladroitement François Hollande. «Pfffffff… Non, c’est du Gayet. C’est de moi. Sur ce, je te quitte et file par la grille du Coq. Après tout, on n’est pas mariés. Je n’ai aucune raison de vivre ce moment si pénible à tes côtés. Tu m’appelles. Ciao.» Sur ce, Julie Gayet se leva et quitta le palais présidentiel, suivie par le labrador Philae. Lequel comprit alors qu’il ne pourrait probablement plus gambader de sitôt dans un jardin privé au cœur de Paris. Trois heures plus tard, François Hollande fut raccompagné sur le perron par Marine Le Pen, qui l’avait sèchement battu (55/45) à l’issue d’un second tour où le «front républicain» avait volé en éclats. La présidente élue était entrée dans la cour de l’Élysée suivie, à quelques pas, de son père, lequel marchait lentement en s’appuyant sur une canne. Jean-Marie Le Pen, qui s’était réconcilié avec sa fille le soir de son élection, lui avait dit: «Ma fille, ta victoire, c’est ma victoire! J’exige d’entrer à l’Élysée avec toi! Si tu dis non, je sors une énormité tous les trois jours pendant tout ton quinquennat. Sur la Wehrmacht, l’Indochine, l’Algérie, tu choisis! Alors, c’est oui ?» Marine, émue de retrouver ce père infernal après tant d’années de fâcheries, avait dit oui. Au grand désespoir de Florian Philippot, nommé premier ministre, et dont la passation des pouvoirs avec Manuel Valls dura très exactement 45 secondes. Le nouveau chef de gouvernement eut juste le temps de glisser à son prédécesseur: «Monsieur, comme vous, j’ai commencé à gauche, avec Jean-Pierre Chevènement, que vous appréciez je crois, et me voici aujourd’hui!» Comme il ne souhaitait pas s’époumoner rageusement jusqu’à plus soif, le premier ministre de François Hollande choisit abruptement de mettre un terme à la conversation sans livrer aucun secret d’État à Florian Philippot, si ce n’est celui-ci: «Sachez que moi, Manuel Valls, petit-fils de républicain espagnol, je prends le maquis dès ce soir et vous combattrai hasta la muerte!». Comme le lecteur s’en doute, de ses yeux jaillissaient des éclairs. «Nous allons faire table rase du passé!» Sur le perron de l’Élysée, après avoir serré la main de Marine Le Pen mais refusé de la tendre à son père, François Hollande descendit les marches et alla tout droit vers les caméras de BFM-TV, i-Télé, LCI et France 24. Et il déclama, solennel: «À l’heure où mon pays choisit un triste cours, qu’il sache que j’irai toujours à son secours.» Par manque de chance, c’est à ce moment précis que Marine Le Pen, en haut des marches, son père à son côté, réclama des micros car elle avait une déclaration importante à faire. Tous les cameramen se détournèrent soudainement de François Hollande, de sorte que le second vers de Julie Gayet, il est vrai de piètre qualité, fut perdu pour l’éternité. «Françaises, Français», s’exclama la nouvelle présidente de la République. «Vous avez choisi de modifier totalement le cours des choses, et je vous en remercie. Sachez qu’à partir de ce moment, tout sera fait pour que la France reprenne le fil de sa grande et belle histoire. Rien ne ressemblera plus à ce que l’on nous a inculqué, pour notre malheur, depuis un demi-siècle. Nous allons tout reprendre à zéro.» À cet instant, Jean-Marie Le Pen, appuyé sur sa canne à côté de sa fille, lui glissa deux mots à l’oreille: «Tabula rasa». «Tabula rasa ! Nous allons faire table rase du passé! Je vous remercie.» « C’est paradoxal, mais pour la première fois depuis longtemps, j’ai l’impression qu’il y a un mec à la tête de ce pays ! » Les jours qui suivirent furent tonitruants car Marine Le Pen lança aussitôt la campagne des législatives, tandis qu’à Berlin, à Bruxelles, en Italie, au siège du FMI, de la Banque mondiale et autres vénérables institutions, on mettait en garde les Français, comme on l’avait fait, mais en vain, entre les deux tours de la présidentielle. La perspective d’une sortie de l’euro fit chuter toutes les Bourses, tandis que Standard & Poor’s menaça de dégrader très sérieusement la note de la France. Cependant, à Washington et à Moscou, Donald Trump et Vladimir Poutine se signalèrent par des propos plutôt aimables sur la nouvelle présidente de la République française, le patron du Kremlin allant même jusqu’à assurer lors d’une conférence de presse: «C’est paradoxal, mais pour la première fois depuis longtemps, j’ai l’impression qu’il y a un mec à la tête de ce pays!» Et il était parti d’un grand rire qui semblait venir des étendues âpres et sauvages du Kamchatka. À l’exception de celles qui se déroulèrent à l’Élysée et à Matignon, il n’y eut pas de cérémonies de passation des pouvoirs, les ministres socialistes du gouvernement Valls ayant fait savoir dans un communiqué commun «qu’à l’heure où la France choisit une orientation mortifère, nous ne saurions nous prêter à la comédie qui consiste à serrer la main de gens chez qui tout nous révulse.» Marion Maréchal-Le Pen (ministre de l’Éducation, de la Famille et du Catholicisme), Louis Aliot (ministre de l’Intérieur, de la Sécurité, de l’Ordre et de la Justice), Steeve Briois (ministre des Événements extérieurs), David Rachline (ministre de l’Assimilation républicaine), Robert Ménard (ministre du Verbe), Bernard Monot (ministre de l’Économie, des Finances, des Nationalisations et des Privatisations), et Bruno Gollnisch (ministre du Redressement moral) ne trouvèrent donc personne pour les accueillir lorsqu’ils arrivèrent dans la cour de leur nouveau domicile. À vrai dire, ils s’en soucièrent peu et se mirent aussitôt au travail. «Marine Le Pen me paye comme Hollande payait son coiffeur ! » Jean-Marie Le Pen s’installa à l’hôtel de Marigny, qui jouxte l’Élysée, après avoir demandé à sa fille de lui trouver une fonction à l’appellation assez ronflante pour justifier l’occupation d’une telle demeure. En réalité, il l’avait déjà en tête, et il faut avouer qu’elle sonnait bien. «Grand Ordonnateur». Marine avait tenté de protester, craignant qu’un tel titre lui fasse de l’ombre, mais elle s’était inclinée – malgré les récriminations de Florian Philippot -, ne souhaitant pas engager une nouvelle guerre avec son père. Elle se promit donc d’inclure dans la très vaste révision constitutionnelle qu’elle préparait la création d’une fonction de «Grand Ordonnateur», nommé par le chef de l’État, sans avis des deux assemblées, et rémunérée à hauteur de 10.000 euros par mois. Ce qui fit dire à Jean-Marie Le Pen, qui souhaitait davantage: «Elle me paye comme Hollande payait son coiffeur!» Quelques jours après la passation des pouvoirs, la présidente recevait son père à l’Élysée. Nous étions à une semaine du premier tour des élections législatives – qui semblaient acquises d’avance pour le FN tant le choc du 7 mai avait pulvérisé la droite et la gauche – et, surtout, à la veille du sommet européen. Muni de dans la garde à marches sa canne, Jean-Marie Le Pen traversa l’avenue de Marigny et entra cour d’honneur de l’Élysée, où des gardes républicains firent un vous au passage du futur «Grand Ordonnateur». Il monta lentement les qui conduisent au bureau présidentiel et y retrouva sa fille. «Comment vas-tu, Marine ? Tu te prépares pour aller voir tous ces nains?» «Oui, papa. Tu sais bien que demain c’est la réunion du Conseil européen. Crois-moi, ça va chauffer! Je vais leur dire que la France éternelle est de retour! Cet idiot de Juncker doit déjà trembler!» Jean-Marie Le Pen s’avança vers les fenêtres qui donnent sur le parc de l’Élysée et observa la végétation du mois de juin. Puis, il murmura: «Justus Lipsius .» » RETROUVEZ DEMAIN: «JUSTUS LIPSIUS» » RETROUVEZ L’INTÉGRALITÉ DES ÉPISODES Cet article est publié dans l’édition du Figaro du 10/08/2016. Accédez à sa version PDF en cliquant ici La rédaction vous conseille : «Eux présidents», les scénarios de 2017: le rêve de Roxane (épisode 1) «Eux présidents», les scénarios de 2017: Premier (et dernier) contretemps (épisode 2) Source :© Le Figaro Premium – «Eux présidents», les scénarios de 2017 : tabula rasa (épisode 1/2)