Un plastique dans la mare
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Un plastique dans la mare
Un plastique dans la mare Hervé Charton 2007 2 Un plastique dans la mare Liste des personnages Thomas, homme moyen Muche, clochard Morgane, femme de Thomas Cendrillon, une lle Le Passant, homme moyen H., J., V1, V2, P1, P2, A., les autres, des occasionnels ... Quelque part, au milieu de la ville. Pendant toute la pièce, à partir de son entrée, Muche soliloque, parle seul, est un contre-point de l'action principale, à la manière d'un fou shakespearien. Le soliloque-matière se trouve p. 34. 3 Prologue Thomas. Deux secondes encore deux secondes je - oui ! - suis resté deux secondes de plus dans ces draps - moi ! - draps chauds et puant l'odeur de, l'odeur de - que j'aime tant - oh ! l'odeur de l'amour ; on pourrait tant dire l'odeur d'amour, avec la pointe amère et toi Morgane que je viens de quitter, restée dans ces draps avec mes deux oui ! secondes collées à la peau - tu restes toujours et moi aussi je - oui ! le plus souvent reste aussi - j'ai... ces deux secondes, qui maintenant je le sais t'emplissent et te réconfortent tu sais bien que je reviendrai et qu'ensemble oui ! baisers, torsions, moiteur, étreinte, ces draps déjà refroidis lavés - tout à refaire - recouvreront l'odeur et la chaleur ces charmes qui retiennent Morgane passe discrètement, reste un peu à écouter. Thomas. Oui je reviendrai j'ai oui ! bien envie de revenir déjà, mignonne, et de te faire sentir que je ne suis pas - non ! - l'homme de deux secondes mais pas d'empressement - oh non ! il ne faut pas surtout jamais montrer de l'attachement - oh non ! pourrait se retourner contre, le genre - oh oui ! de truc à se retourner contre contre qui ? rester calme et distant - toujours ! - garder l'excitation fébrile, la petite excitation de roquet, pour la branlette et les discours qu'on fait quand on pisse contre un mur idem le sourire satisfait Mais j'en ai eu assez de toi oui ! ça m'arrive oui ! moi m'être repu de toi - d'alcool et de toi - et puisque dans ces moments-là de toi je ne fais que me repaître - oui ! - j'ai eu assez de toi j'ai eu l'angoisse, une amertume - la gueule de bois déjà ? - sur tes ancs couché comme à chaque fois, l'impression folle - oui ! - d'un mensonge quelque part, comme si étreinte, torsion, baisers - oui ! - et si c'était là tout ? demain, et si je prenais chair en toi ? il est trop tard déjà, il n'est plus l'heure de recommencer ça, l'amour, ce qu'il faudrait, l'amour - il faut redevenir l'enfant, l'homme, le mari - moi ! - celui qui t'aime en contrat de mariage, en ménage d'appartement, honneur et respect, on partage sa salle de bain oui coquine tu le crois ? Ô ma Morgane, imagine-moi, fou picoleur de tes charmes, assoié de ta peau, ivre de tes cheveux et de - oui ! toutes ces choses de femmes que tu as tout partout ma sublime, je t'aime et suis aimé de toi en cadre légal parfum de parquet, de litière de chat et bien des chiards en perspective Elle est partie. Thomas. Oh mais non ! pas envie je reviendrai, je t'ai dit que je reviendrai j'ai encore envie de âner, ne peux pas rentrer encore - faire passer odeur, cette douce chaleur faire passer - j'ai trop bu déjà oui ! - rester encore ici, 4 tourner un peu en ce lieu que je connais à peine - que les lumières s'éventent - ces rues, que je traverse le jour sans accroc et la nuit sans y lever les yeux aujourd'hui - cette nuit, m'arrêter un peu oui ! regarder mieux, voir un peu de ces pupilles alcoolisées où c'est-y que je - que nous vivons ma belle, voyons voir - j'ai ce lieu sombre inconnu - j'ai un peu peur de ce lieu là où je sens qu'il va m'arriver des trucs ... Morgane. Ben alors il est où ? 5 Muche. Moi poussant mon caddie Piqué au Champion, J'suis un papillon d'nuit Collé au (bando)néon. Quel con que j'ai été A vouloir m'allumer, A vouloir exister ! Maintenant je suis grillé. Que manger ce matin ? Je ne sais pas Je ne sais pas Je ne sais pas Rien. Moi le papillon d'nuit Collé au néon, J'ai pas d'autres habits Que des vieux chions. Quel con que j'ai été A vouloir m'habiller ! Maintenant regardez bien : J'ai l'air de quoi ? De rien. Que manger ce midi ? Je ne sais pas Je ne sais pas Je ne sais pas Que d'chi. Moi dans mes vieux habits, Dans mes vieux chions, Où c'est que j'dors la nuit ? Où je peux, mon bon ! Quel con que j'ai été A vouloir habiter Sous climat tempéré ! Maintenant je suis gelé. Que manger le soir ? Je ne sais pas Je ne sais pas Je ne sais pas Va savoir. Une fois entré et nie la chanson, il commence un soliloque, qui n'est pas sans interaction avec les autres personnages. Même si l'essence de Muche est d'être à part, pour la lecture, nous intercalerons des passages de son long monologue dans le cours de l'action, exhibant une part de possible... Voir p. 34. 6 1. Muche. Moi ma mère me disait que son père lui disait qu'il tenait ça de son grand-oncle mort au champ d'honneur et à la tara-trompette balbutiante des matinées de novembre et ma mère elle disait - oh ! disait quoi ma mère ? elle disait : vaut mieux ça que rien du tout, voilà ce qu'elle disait : vaut mieux tout que rien du tralala ! elle me disait pauvre mère.. elle aurait tant voulu oh ! elle avait tant de projets ben tiens ! et des beaux je te dis, bien accordés à la couleur de mes yeux tout ça, et moi vlan ! (pauvre mère) ... Cendrillon entre pour passer. En face Thomas est déjà revenu, perdu. Cendrillon. Toi là ! viens-moi je t'ai d'abord aperçu tu étais rigolo, tu n'étais pas bien beau (pas n) - je ne fais jamais ça tu semblais ivre de loin, de rêves ou de liqueurs, tu regardais les murs regarde-moi ! - en les pointant du doigt avant de leur parler ou les lâcher pour un pavé rien à foutre de moi ? mais mes pas talons d'aiguilles bientôt m'ont rapprochée de toi ma main cherchait déjà dans mes cheveux, sur ma joue, mes yeux, les restes de maquillage, ce qu'il restait de ma beauté, s'en faire une idée, du bout des doigts, tâter ce que la nuit n'a pas volé (pas encore) et m'estimer un peu machinale - m'estimer face à toi tu me regardais maintenant - furtif - je ne sais pas pourquoi j'aurais voulu fuir, retourner sur mes pas, la dizaine de pas accomplis dans cette ruelle maintenant plus longue mais... toujours je marchais, je calculais négociais chaque pas entre pavés et talons - maintenant ! tu as xé en douce le cambré de mes reins, j'ai cherché un sourire, une moue, quelque chose à passer discrètement quand j'étais sûre que nous nous croiserions dans un regard échangé je suis seule face à toi dans cette ruelle étroite où tout encore peut arriver Thomas. Oui d'abord au loin moi aussi je t'ai vue - tu hésitais à emprunter cette rue sombre où tiens ! je conversais déjà avec les murs - je ne réponds jamais aux être vivants d'habitude - mais ceux-là n'ont pas la converse à l'aise (ô vinasse !) tu hésitais et tu m'as regardé, je t'ai fait peur - j'ai cru t'avoir fait peur j'aurais dû - et pourtant tu t'y es aventurée dans cette ruelle étroite où tout aurait pu oui ! t'arriver et moi qui te vois à peine, je sais que tu es belle, que tu inspires de cette jupe et ces talons l'envie mâle comme on dit - ou comme on pourrait dire - alors ne te regarde pas trop pour ne pas donner l'air (dissimuler la bave) - oui ! mais je te regarde encore (furtif ) rien ne m'échappe : la courbe de tes seins, le défait de tes cheveux que tu as (je t'ai captée) entretenu, cette peau, ce maquillage qu'ont abîmés la nuit tu es oui ! - même fatiguée, ta démarche pleine d'eorts, tu restes belle à quelques pas de moi je devrais (je sais bien) j'aurais dû - c'est vrai - dire quelque chose, être drôle et sincère, comme ça que les femmes aiment non ? l'espace d'une seconde briser 7 le silence de cette ville la nuit - ce silence ! - être cinglant, placer ma réplique sur fond de sirènes et partir - c'est peut-être ça après tout - partir avec toi prendre un verre prendre un avion non ! je ne sais pas, drôle d'idée, vraiment - pourquoi ? je regardais droit les yeux sur le trottoir, tâchant de t'ignorer pour cette première fois car il n'est pas l'heure : je nous ne suis ou sommes pas prêt(s), je ne sais pas non nous belle croiserons le regard autre nuit autre heure et autre rue pavée étroite où tout peut arriver encore Morgane, habillée presque pas, comme au sortir ou à l'entrée du lit, coquine. Morgane. Salut beau gars Thomas. Tiens tiens tiens mais qui voilà ? Morgane. Te voilà viens-moi Thomas. Prends-moi je suis à toi, je suis là Cendrillon. J'hallucine Morgane. Mon homme - je faisais toujours ça, déshabiller les copains de mes poupées Barbies - je peux dis, je peux ? Thomas. Prends je te dis Morgane. Tu as bien failli t'égarer... mais je suis là, je t'ai retrouvé mon ange aux ailes tordues - tu es beau Thomas. Prote bien ! il n'est plus l'heure de nous ébattre, tu le sais, j'étais sorti prendre l'air Morgane. Prendre l'air, hein ? Cendrillon. Et pendant ce temps je fais quoi moi ? moi aussi j'avais des poupées Barbie, mais c'étaient elles que je déculottais Morgane. Il est à moi petite tu as entendu ? t'approche pas tu veux, reste à l'écart de celui-là - des douzaines comme ça il y en a, prends qui tu veux mais pas celui-là, dis-lui chéri dis-lui encore Thomas. Non Morgane. Thomas s'il Thomas. Non Cendrillon. Et après te plaît je leur arrachais les bras - comme elle était fâchée maman ! Morgane. Mais enn mon mignon.. juste un mot dis-lui, fais-moi conance - ça me ferait plaisir, un peu de sincérité dans ce monde de fous - faut qu'elle comprenne Thomas. Non tais-toi continue ma belle, douce Morgane Cendrillon. Vous fatiguez pas j'ai compris Thomas. Il n'est pas l'heure, l'air est presque froid Morgane. Thomas ! Thomas. Quoi ? Qui es-tu ? Qu'est-ce que tu fais là ? Tu me les bourres à la n - qu'est-ce que tu fais là ? Morgane. Pardon ? Cendrillon. Allez maintenant Thomas. Je ne comprends rien ils vont faire une scène - cassos - qu'est-ce que tu fais là comme ça en ce lieu trop sale pour toi ? nous ne nous voyons jamais en ce genre d'endroit - on est où ? 8 Morgane. Je suis restée (gure-toi) dégurée, tu sais dans mes draps, ces draps marqués par toi et ton odeur - plus longtemps encore que jamais, plus longtemps que Thomas. Moi aussi souvent je reste Cendrillon. Chienne de vie (ou : tous des couillons, chiens, salauds...) (A H. qui passe ) T'as du feu ? Morgane. je suis restée oui ! comme chaque fois, ne voulais plus rester là à t'attendre encore - dis, quand reviendras-tu ? - attendre la prochaine fois, envie de toi H. Non désolé. Thomas. Je ne comprends pas ce que tu fais là - comment m'as-tu trouvé ? rentre à la maison tu vas prendre froid, il n'est vraiment pas l'heure Cendrillon. Morgane. (chantonne ) Désolé désole ésope écope d'époque branloque là tu sais, je reste souvent des heures après sans te parler, je suis bien, je suis sauvage - mais là, toi parti, plus rien ; quelques secondes à peine, c'est fou tu me manquais déjà - j'ai cru, j'ai eu l'impression folle que je n'avais pas encore pris assez de toi Thomas. Rentre chez nous ; tu n'as rien à faire ici dans cet espace et mise comme ça Morgane. Que je n'avais pas assez proté... je t'ai vu avec cette lle là tu allais remettre ça hein ? dis je ne suis pas jalouse Thomas. Non Morgane. toujours prêt viens ! chichi y'a pas pour moi, comme ça que nous nous aimons, tu le sais bien : moiteur etc. renie-moi Thomas. Ce n'est pas ça, tu ne comprends pas Le Passant, (À H.). Morgane. Excusez-moi. La station de métro ? j'ai eu l'angoisse d'une dernière fois. je suis venu te chercher j'ai besoin de toi Thomas. Je ne peux pas rentrer H., (en réponse au Passant ). Morgane. Pas le temps là Et moi je ne veux pas - faisons ça (tu le veux) faisons-le ici même - j'ai envie de toi maintenant ! de ton corps, tes mains, ton absence me brûle, je soure dedans (il n'y a personne) viens ! sens Thomas. Non stop ! là oui comme ça, je ne peux pas - arrête ! non rentre chez nous oui, je rentrerai aussi, je reviendrai - mais en ce lieu maintenant stop ! je ne peux pas Il s'enfuit. Morgane. En ce lieu stop. rentre chez toi, rentre chez toi De quoi j'ai l'air ? me voilà bien Elle se rhabille et part. 9 Muche. Eh pouasse viens traîner ta jupe par ici, j'ai les fesses toutes propres eh ! toutes talquées, ça sent bon le miel - rien à voir avec le miel m'enn ça sent bon H. attrape Cendrillon. H. Attends ne bouge arrête ne bouge plus voilà débats ne te débats plus reste calme attentive apaisée regarde attends regarde mes yeux regarde-moi qui t'aime arrête oui t'aime aujourd'hui maintenant pour l'instant je te serre et te regarde attention regarde-moi comme je te regarde voilà c'est mieux regarde ce que tu m'as fait j'ai été frappé au visage déguré je suis devenu laid balafré de t'avoir regardé et d'avoir goûté non du calme reste calme maintenant goûté cette peau dont tu restes la maîtresse et tes lèvres arrête et toi toute entière là voilà si odieusement belle qu'il te faut oui si odieusement belle qu'il ne peut que t'être nécessaire calme-toi en ce monde une excuse antagoniste, un miracle d'immondices, une laideur dont tu es oui avec cette beauté que tu entretiens à longueur de journée la cause et la justication peut-être oui qu'en dehors tiens ! de cet instant où je oui suis à moi seul ton symétrique là oui ton antimatière, peut-être es-tu la mère du paludisme ou du sida, peut-être as-tu été conçue à l'unisson d'un attentat (Jouissance.) mais là que nos regards se sont croisés et que le monde a disparu, emporté par l'onde de choc de nos âmes connectées ton sourire je n'ai plus vu que ça il n'existait plus rien, plus de massacre, plus de guerre à t'opposer, rien que moi oui, moi tout seul et ce qu'en moi de plus violent et meurtrier 10 moi qui, tu vois, plutôt le mec cool sympa, séduisant pas meurtrier rien, aimant discuter et sortir au ciné ou en boîte et draguer gentiment de gentilles et jolies lles pour la nuit ou quelques mois proposant un verre puis de mettre une capote je ne suis plus rien de ça si je t'avais rencontrée là au milieu de gens perdus comme toi et moi mais perdus par tas, oui entassés et inertes, tu m'aurais aimé comme je t'aime aujourd'hui la même sauvagerie - je t'aurais peut-être séduite et peut-être même que je t'aurais épousée si tu veux mais en ce lieu - ne pleure pas dans ces rues noires oubliées du commerce à néons, ces rues qui résonnent de l'injustice qu'elles abritent où l'idée tu comprends l'idée grouille arrête quelque chose, l'idée rampe et s'accroche aux baskets que le mal est là quelque part qui n'attend qu'un signal pour nous prendre à la gorge qu'il faut prendre avant lui, n'importe quoi mais prendre à l'aveugle ces rues sales où se purgent les crimes de naissance là où ta beauté et ton sourire maintenant détruits par mon sacrice ne pouvaient que faner et provoquer l'atroce l'idée m'a pris et nous a consumé dans l'union de nos chairs union maudit tu comprends ? Il part. Elle reste. Un petit instant après. Le passant. Excusez-moi mademoiselle je passais : j'ai tout vu j'étais là, j'avais un peu peur forcément et pour ne pas vous mentir l'envie de vous venir en aide, j'avais cette envie parce que n'est-ce pas vous êtes jolie et que vous inspirez l'envie de lui - de vous venir en aide ok alors je nous voyais déjà l'homme (votre petit ami) à terre K.O. par le punch d'une droite uppercut bien placée - vus ces biceps que j'entretiens tous les matins devant mon miroir, sans plus savoir pour qui ni pour quoi - et nous serions partis main dans la main pour une vie de bonheur gélatiné, chromé partout comme ces couteaux cadeaux de Noël dans les grandes surfaces, vous voyez ? mais je restais là je voyais tout j'ai pensé à me branler mais non - j'ai appelé la police, c'est toujours ça de fait pour la plainte - et pensez dans la mesure du possible à ne pas vous laver avant de faire constater l'agression par un médecin agréé n'est-ce pas, ni faire pipi - j'ai pris des photos aussi, avec le téléphone portable ; on ne voit pas très bien, pas valeur d'une preuve, aucune chance qu'on reconnaisse le gars mais j'irai quand même les vendre demain aux magazines trashs et voyeurs, Techniques de, le titre : Techniques Techniques de - un lecteur lève le voile - la vie de nos jours ça arrondira ma n de mois - titre : de, bon : (pouvoir d'achat) voyez-vous je crois que j'ai été bloqué par une espèce de crainte mais croyez-moi : c'est mieux ainsi, vous et moi ça n'aurait pas marché, dans le pire des cas vous m'auriez aimé - car vous m'auriez aimé, mais savez-vous 11 pourquoi ? parce que je vous aurais sauvée/arrachée des mains de votre (petit copain) l'agresseur, vous vous seriez livrée de toute votre âme à mon agression - aimé, vous l'auriez quitté et vous m'auriez aimé juste parce que exhibé dans ma force maîtresse c'est un truc qui doit vous plaire ça non la force ? un type pareil, vraiment... vous m'auriez trop aimé, d'un amour que je n'aurais pas su vous rendre, ça n'aurait pas marché - ç'aurait été, allons dire, contre nature, contre l'ordre moral des choses consolez-vous d'autant que lorsqu'on prenait la peine comme je le faisais, comme j'en prenais la peine - car je peux parfois vous assurer qu'il s'agissait d'une peine - quand on se mêlait en quelque sorte de vous écouter mademoiselle, ces cris que vous poussiez je me disais : voilà qui n'est pas sérieux ! ce ne sont pas vraiment ! à proprement parler ! les cris que pousse une jeune lle ! correcte et belle ! que je ne peux pas douter que vous soyez - mais enn en pleine rue je ne connais personne qui oserait (même dans des circonstances certes extrêmes) crier ainsi - vous aimiez ça ? il faut se retenir, garder un peu de cette dignité qui fait de nous des êtres humains enn après ça je n'aurais jamais pu vous aimer, vraiment hein, croyez-moi pas votre genre de mec baraque, moi hein, et qu'aurait dit ma famille ? ramener une traînée, une catin, sortie du ruisseau n'ayez aucun regret mademoiselle car enn, ces cris j'y reviens mademoiselle - excusez-moi - ces cris que vous poussiez, vraiment, excusez-moi encore de n'avoir pas bougé et d'avoir fait sous moi mais j'ai cru vraiment - oui ! - j'étais persuadé que vous vous connaissiez ... Muche. Pour danser le ballet d'amour Faudrait que j'aime et sois aimé, Qu'une belle me joue des tours, Que je sois fou pour la charmer. Moi tous les tours qu'on m'a joué, Résonnent encor dans mes viscères ; Je pourrais être fou à lier, Crois-moi on n'm'y prendrait plus guère ! Pour danser le ballet d'amour Faudrait un soleil au couché, Une plage de Côte d'Azur (prononcé à l'espagnole), Et la mer à demi fâchée. Ma mer à moi c'est l'caniveau, Aux relents moins salés qu'amers, Et l'astre du jour dans ces vaux, Crois-moi on n'l'y connaît plus guère ! Je danse le ballet d'amour, J'aime et j'crois bien qu'aimé, je suis ; Une belle me joue des tours, Elle est charmée de ma folie. Elle tache, elle saoule elle me tient chaud, 12 L'épicier me la vend pas cher. Pourtant j'dis chaque jour au bistrot : Crois-moi on n'm'y prendra plus guère ! 13 2. Muche. Alors le collège pourtant joli euri et tout avec des profs et biens, je comprenais même souvent ce qu'ils disaient : la somme indivisible et pure des carrés de l'hypoténuse nationale sur le rapport du tiers de la longueur des cotés de l'hexagone je m'en souviens mon bien-aimé Tchebychev, et mieux encore les sanglots longs du vent mauvais saignent mon coeur à la baïonnette ... Morgane est toujours habillée comme au sortir du lit, mais cette fois c'est une femme prise au dépourvu, perdue, elle n'avait pas prévu de devoir sortir. Morgane. Deux heures oui deux heures je n'y croyais pas, ne voulais pas le croire et me suis endormie là - deux heures - à l'attendre pas possible et voilà ça y est plus de doute - ça devait arriver c'est arrivé, malgré moi, malgré tout : l'imbécile se sera perdu pour de bon - grand écart non ma douce Morgane ce soir je ne rentrerai pas et tu te feras du souci, et peut-être même que tu en mourras voilà - et oh la belle boule de stress dirons les métastases cette heure pas possible en ce lieu pas possible ça t'apprendra à tomber amoureuse, à rester amoureuse, à vouloir construire - comme on dit, construire quoi ? - travestir corps et âme pour que tout ça l'amour, le couple, le sexe, quoi encore au juste ? tout ça - eurisse, être à la fois la pluie et le soleil, la eur et le terreaux - j'ai plongé corps et âme dans la caricature de l'amour féminin - bravo ! ma mère me l'avait dit, sa mère le lui avait dit, de mère en lle depuis l'antiquité on se le dit... manquerait plus que je nisse femme au foyer j'ai peur Muche. J'étais un - ouais salope ! tu me cherches ? - un crack de cancre, toujours le radiateur aux fesses toutes talquées mais jamais collé, attention hein ! attention, jamais les profs ils me touchaient pas - et les curés non plus les curés moi l'enfant de cul Elle croise Cendrillon. Morgane. Vous je vous ai vue oui avec lui - vous ! eh minute cocotte ! voilà on s'arrête, on respire un peu et on cause : dites-moi où il est Cendrillon. Vous êtes une inrmière ? appelez la Morgane. Qu'est-ce que vous avez ? Cendrillon. Ah non hein ! pas de pitié, ne suis police ! plus une gamine ; je suis Cendrillon - je ne veux pas rentrer à la maison laissez-moi tranquille sorcière, oui ! Morgane. Calmez-vous regardez-moi dites-moi tout Cendrillon. Dites-moi oui, faut parler qu'ils disent toujours, on entend ça ne pas s'emmurer dans le silence, faire face à la réalité, combattre oui ! en tout cas parler pour pouvoir punir aussi parfois ; on aime ça, la vengeance et punir davantage encore en cas de récidive, oh les vilains garçons parler tant pis pour dire quoi comme allez : "..." 14 Muche. je n'étais pas encore pubère et tant de cailloux vlan ! dans les mollets et vlan ! dans les ancs et clan ! dans le crâne encore Cendrillon. Parlez / vomissez cochons ce qui torture en dedans que l'on se lèche les doigts - miam ! - repaître encore oui ! de toutes ces logorrhées, c'est fou ce qu'on aime entendre ça - vas-y parle : "..." Muche. et bouge plus l'insusant cardiaque - crève, toi qui pas possible de faire un tour de piste, t'as des hormones ou merde ? maman, une bonne nouvelle le matin et vlan ! une moins bonne le soir toujours ça qu'elle disait, chienne qu'a pas pu manquer à la reproduction faut que ça se passe les chaleurs au ventre salope ! coït quoi tout ça Cendrillon. ça sort pas - j'ai beau tout donner, rien que des conneries, pas possible, pas pratique pour faire une déposition ne pas rester bloquée en l'état, faut chercher un sens à la vie, y'a que ça ne suis pas Cendrillon vieille sorcière, suis la citrouille qu'on écrase à minuit en revenant du bal il faut que je parte (supporte pas votre tronche) m'en vais Morgane. Vieille ? je ne suis pas si vieille petite conne - regarde-moi : tu crois pouvoir comme ça me le piquer, à la sauvette, c'est ça ? (Cendrillon s'évanouit, baisse de tension.) ça va ? Cendrillon. Oui ça va, ça va - et toi ? je vais surmonter tout ça, enjamber la rivière : l'eau me lavera l'entrecuisse, et quand sous les ponts susamment coulé elle aura sous mon sexe aussi, bonne idée non ? Morgane. Oui, je n'en sais rien, je ne comprends pas, ne veux pas compren- dre, c'est votre aaire - la mienne c'est de le retrouver vous n'êtes pas bien, quand même, vous voulez que j'appelle (je ne sais pas) une ambulance ou quelque chose ? Cendrillon. Non vais bien merci pimpon quelque chose tout ça pas pour moi ne veux pas ne doit rien - j'ai rééchi - ne doit rien être su chut (surtout pas), personne ne doit savoir, sinon plus rien pour toujours, marquée à vie dans la boue à copuler avec les cochons mais je vaux mieux que ça - regardez-moi ! - cheveux mal foutus / fringues dégueulasses / j'ai même quelques égratignures / des hématomes et congestions maxillaires diverses pourtant, hein, comme elle est belle la petite - elle est pas belle ? et le sourire vous avez vu le sourire ? Morgane. C'est bien ce qui m'emmerde il est prompt à la séduce, il l'a tou- jours été, ne l'ai tenu qui sait par quel miracle, le charogne, et vous Cendrillon. Je suis une princesse vieille sorcière, princesse des barres d'im- meubles, mon royaume tient ferme sur la CAF je ne peux tout de même pas retourner au château comme ça (j'ai un drôle d'air dans la culotte) - souillonne ! - pas crier : les princesses ne crient pas en revenant du bal, elles se jettent dans la piscine avec la robe sur le dos, comme Ophélie, j'aurais dû savoir ça j'ai oublié comme ça pas bien pas - chut - elle va se taire oui ! que vont-ils penser hein les parents maman et les gens autour hein ? derrière la haie de leurs maisons mitoyennes moi princesse, moi correcte et belle, juste un peu distraite parfois - laisse échapper des sons, pardon - princesse et citrouille crabouille sur la route dans 15 le même simple mouvement c'est moi ! Morgane. J'appelle la police - ou plutôt une ambulance ? Cendrillon. Yep taratata choubidou c'est moi ! Morgane. J'appelle la police Cendrillon s'enfuit. Morgane. C'est Muche. maman, quoi le numéro déjà ? fous-moi du talc au cul, regarde ton pauvre enfant je veux qu'on m'enferme au cinquième étage d'un immeuble en ammes caporal ! je vous casserai les couilles pour que vous pétiez ma gueule Morgane renonce à appeler la police. Morgane. Mais enn l'abruti l'enfant pourquoi n'est-il pas rentré, pourquoi cette malice à me faire m'inquiéter ? des heures pas possibles en des lieux pas possibles - s'égarer un peu d'accord mais là où j'aurais cru oh tu es là chéri Thomas. Eh qui va là ? (il chante, air de Louis Armstrong ) hello darling, oh hello darling Morgane. et moi qui te cherchais partout, je me suis fait un sang d'encre - comme ça qu'on dit - un sang d'imprimante laser couleur du tonnerre tu imagines ? Thomas. Tatata, qu'est-ce que tu fais là ? M'attendais un peu à tout, à me faire poignarder par un voleur ou matraquer par la police.. mais pas à toi belle surprise ! - et habillée à peine aussi (coquine) je ne te connaissais pas Morgane. Arrête j'ai juste pas eu le temps Thomas. Oui oui oui pas le temps Morgane. Je t'ai cherché partout Thomas. C'est hello dolly, oh hello dolly (reprend la chanson ) Morgane. toute la nuit je t'ai cherché - j'ai même failli téléphoner (tu vas rire) à la police justement Thomas. Pour qu'ils me matraquent traîtresse ! Morgane. Pour autre chose mais j'étais si inquiète Thomas. Pour autre chose mais eux ils m'auraient matraqué ; en ces lieux et cette heure on le sait tous les chats sont gris, je suis saoul et vlan ! Morgane. j'ai dû rêver je ne sais pas - je dormais chez nous - j'ai fait un rêve horrible Thomas. C'est ni maintenant tout va bien - je suis là - viens rentrons c'est ce que tu veux ? moi aussi je le veux maintenant darling, je crois - rentrons : baisers, torsion, moiteur - non ? - suis encore pompette un peu Morgane. Prends-moi dans tes bras - il arrive tellement de trucs... encore ce soir à la télé on n'entend que ça - on dit l'Irak mais c'est partout - ce que j'ai froid Thomas. Tout va bien tiens juste un peu besoin de prendre l'air - d'ailleurs je crois toujours un peu besoin, tu vois, tu peux rentrer tranquille, ça va aller - je te rejoindrai - en Irak ! Morgane. Viens avec moi Thomas j'ai besoin de ta présence ; j'ai peur et froid maintenant d'être sortie seule comme ça dans le noir Thomas. Ok alors je viens avec Morgane. (soulagement ) Thomas. Je te raccompagne un toi peu tu verras : la peur, pas de raison c'est de 16 la fantaisie tout ça Morgane. Et de la fantaisie encore si je veux que tu rentres avec moi ? Viens Thomas baisers, douceur, chaleur... monte avec moi Thomas. Non enn tu n'es plus une enfant - peur dans le noir, c'est ça ? je ne peux pas rentrer maintenant, je n'ai pas ni Morgane. Tu n'as pas ni quoi ? tu es bizarre ce soir - je n'en peux plus, je veux me reposer, et si tu ne rentres pas je ne pourrai pas non plus ; on peut bien se passer de jouer à cache-cache dans les rues à cette heure pas possible, non ? Thomas. Bien sûr on peut se passer de tout Morgane. Comme tu as dis ça bizarrement - mais de quoi tu parles ? de quoi veux-tu te passer ? c'est donc ça que tu cherches ? tu m'inquiètes, tu me fais peur, j'en ai froid dans le dos - je ne veux pas... je vais jouer - tiens oui ! on va jouer - mais ni le cache-cache, on joue en face, prenons nos rôles un peu, jouons un peu : je suis ta femme, regarde-moi bien - je vais jouer - je suis ta femme, et toi, gure-toi bien, tu es le mari de moi, ta femme tu vois quelqu'un d'autre c'est ça, hein, c'est ça dis-le-moi - je le sais - tu vois quelqu'un en cachette Thomas. Oui peut-être Morgane. Ah ben ça... non si tu veux quoi ? Attends - lâche ! - regarde-moi en face qu'est-ce que ça veut dire ça ? quel grand con ! "oui peut-être non si tu veux" qu'est-ce que ça veut dire ? et tout ce que tu racontes depuis tout à l'heure partout à tous ces pavés qui s'en foutent, à ces murs qui dégoulinent de pisse, c'est de la poésie ? du théâtre - ah ! oui je t'ai entendu oui je t'ai suivi - reviens tout de suite et explique-toi Thomas. Rentre chez toi tu n'as rien à faire ici - tu m'as retrouvé je vais bien pas de quoi s'inquiéter - mauvais rêve tout ça sera vite passé, rentre chez toi Morgane. Chez nous - qui c'est je la connais ? dis-moi qui tu te tapes enfoiré dis-le-moi - je le savais ! : j'ai épousé un bonobo qui court à la guenon quand bobonne est au boulot fourneau clito-solo Thomas. Tu délires personne d'autre que toi - maintenant va-t-en laisse-moi ou c'est moi qui m'en vais, va-t-en je compte attention - pas la peine je m'en vais, rentre chez toi Morgane. Chez nous - dis-moi reste dis-moi qui et quand et où - et si personne dis quelque chose au moins, explique - je ne peux pas rester là à haïr (ne t'en va pas) haïr un grand ou voilà parti et la femme (comme toujours) la femme reste là, ses angoisses au ventre et ce noeud d'incertitude qui à tous les coups se change en cellulite Muche. vingt dieux faut pas non, faudrait pas ouf ! l'air mauvais : Je n'ar- racherai plus les doigts de mes camarades de classe, je n'arracherai plus les doigts de mes camarades de classe, je n'arracherai plus les doigts de mes camarades de classe ni de mes professeurs, cent fois de Melouza à Constantine en chantant comme Yves Montand Morgane. Je n'abandonnerai pas. Elle se met dans un coin sombre, s'arrange et se maquille de façon excessivement racoleuse. 17 Muche. je vais pas montrer mon cul, pas vrai, suis comme un carton Smoby celui yep ! d'la voiture télécommandée, propre droit, coloré et coriace à la brûlette - et la blondasse toujours ça lap dance sur la pomme de pin (doit irriter la chatte) m'enn non : juste en pierre le banc, qui l'eut cru ? je demande un peu, et en hiver J. sourit à Morgane qui ignore. Il insiste. J. Tous les jours je vends des sandwichs döner kebab frites (salade tomates et sans oignon) avec amour et Rochdi, mon pote de la zone, et proter des odeurs de viande grillée et d'huiles sales - j'en rajoute au building de la boue en stress celle-là qui serre le ventre et qui tient même pas chaud Morgane. Qu'est-ce que vous me voulez ? J. Cette nuit je l'ai perdue avec des potes sur un parking : on se chamaille tu vois et on discute, il y a de la bière mais moi je n'en bois pas - on fume Morgane. Voulez-vous bien me lâcher ? Lâchez-moi J. Je t'ai lâchée gamine pleure pas ! mais je te croise et te souris comme ça pure bonté de ma part, putain pourquoi tu souris pas ? Morgane. Ça va je sais ce qui s'en suit avec des types comme toi, suis pas une gamine ; un sourire ou même rien et c'est parti : du sparadrap J. Ok vas-y je suis pas comme ça moi je suis un mec cool Morgane. ... J. Tu vas où ? va pas par là tu vas où ? je viens avec Morgane. Si ça t'amuse J. Et toi alors tu fais quoi ? c'est quoi ton taf ? je parie un - tu vas où ? truc class, c'est pas tes fringues mais la démarche, ça se voit quand même - putain pourquoi t'es fringuée comme ça ? t'as un copain ? Morgane. Non - tu sais quoi ? reste là, va ailleurs, bouge-toi sur un autre chemin ; tu vois la poubelle ? elle t'appelle - ça m'angoisse et j'ai à faire J. Oui mais tu vas où ? parce que je connais l'endroit y'a rien, pas un bistrot rien, et pas très sûr tu vois genre le parking de mes potes et moi - et sûr que tu crèches pas par là viens t'as du chien tu me plais viens, je te tire te paie un coup excuse, elle est bonne - pas vous je veux dire - si - putain j'enchaîne Morgane. C'est un festival je t'ai croisé tu allais par là-bas alors moi je vais là-bas où tu n'allais pas, vois-tu, et le reste ne te regarde pas ; laisse-moi maintenant J. Je ne vais plus par là-bas maintenant que je t'ai croisée, parole, tu vois si je me couche c'est déjà demain / c'est déjà les kebabs et l'odeur de graisse Morgane. Alors moi j'y vais - non l'imbécile putain je ne peux pas partir merde ! l'idiot d'enfant - pas vous - laissez-moi J. Je te fais peur hein, un peu n'est-ce pas ? tu as peur de moi à cause de je-sais-pas-quoi, tu m'as pas bien vu : la nuit tout ça, ces rues et puis aussi, faut dire, les sirènes de ics, les journaux télévisés tu t'en souviens non ? tu les entends, c'est eux qui te disent qu'il faut avoir peur des gens comme moi, genre racaille - le mot - croisés par hasard la nuit - oublie pas je t'ai à peine vue aussi hein, pas able ces lumières de rue, je cours le risque du boudin ; alors viens boire un verre quoi Morgane. Je ne suis pas de ton âge 18 J. Ah si l'astrologie s'en mêle - sérieux, un bar où on sert le krupnik à côté, viens je t'emmène tu connais ? de la vodka au miel un truc polonais ou je sais pas quoi c'est beau ça un mec comme moi qui emmène une femme comme toi pas de son âge boire un truc d'ailleurs ; c'est le monde d'aujourd'hui ça Morgane. J. Respect Morgane. Je suis mariée alors, mais viens quand même, on va juste causer Oh et pour quoi, pour qui je m'obstine moi ? Je ne sais pas - je t'ai regardé un peu maintenant, mais non je ne peux pas vraiment, désolée je dois y aller une autre fois ? J. T'as un portable ? 06 12 28 97 15 tu notes ? putain tape ton vent Muche. mais moi, sur banc les mains froides à perdre les bouts, vraiment te laisse pas faire mon gars, moussaillon tiens ! encore lui ah, et puis ben y'a des choses comme ce petit sergent : résultats scolaires prometteurs, est né dans la bousaille et se retrouve sur un banc à contempler les tirelires malpropres et tout, et regarder les ombres que ça fait comme un chapeau de gaulois - veut pas savoir pourquoi ? ben dis-le ! non ne, ah tais-toi Thomas. Toi ! - te revoilà maintenant je te connais je t'ai cherchée tu sais, enn retrouvée là où - sûrement - nous nous étions déjà croisés (c'est bien probable) nous n'avons fait qu'un tour ou deux - je tourne en vrai depuis des heures - pas envie de retourner chez toi non plus ? et en repassant par la case départ, par là, voilà que nous revoilou - dans cette rue comme dans toute autre rue, par ces coins un peu sombres et sentant l'urine (quelques tags bâclés aux murs) - oui ! - ces coins d'un autre romantisme, pas ailleurs que nous nous sommes croisés mais je t'emmènerai loin de ça - toi ! on dit, il paraît que sur les fumiers naissent les plus belles roses, mais quand déjà nées et qu'il ne reste plus qu'à s'épanouir, arroser, faire s'ouvrir et laisser faner c'est dans des pots tout ça - je nous mettrai dans un pot veux-tu ? j'ai un appartement qui ressemble un peu à ça sans l'humidité, lumière blanche, bombes contre les cafards et repro de Picasso dans le salon tu ne veux pas ? moi non plus - ça va pas ? ces murs trop blancs m'oppressent, je le sens bien, et toi à peine poussée, fraîche et limpide, comme l'eau vive, j'irais te planter là ? je te fais cette proposition comme à revers la passe - c'est une drôle d'envie bancale ça se sent, mais envie quand même, elle est là devant moi dans cette rue étroite il m'a fallu tout ce temps pour m'y décider, loin de cette rue ou d'une autre (je ne sais pas bien) cette ruelle sombre, la même tu l'as reconnue ? où nous nous sommes déjà croisés tu sais - tout ce temps pas si court où tout aurait pu nous arriver et m'est arrivée cette décision (ma révélation) un nouveau départ comme on dit - oui ! - avec toi partir à nouveau là où j'ai toujours demeuré : chez moi !, mais non, ailleurs, où tu voudras aujourd'hui ce soir alors que je le sais maintenant et ne l'ai pas cru d'abord il n'est pas trop tard Cendrillon. Je te reconnais là-bas de l'autre côté - comme tu parais loin ! 19 peut-être était-ce même c'était peut-être la même rue, les mêmes pavés et les mêmes murs auxquels tu parlais tu te souviens ? pas moi, c'était le temps d'avant - comme sur un événement butoir ma mémoire bu / comme sur le jour de ma naissance mes souvenirs se bloquent, rien ne traverse plus rien ne pénètre - eh oui ! me reviennent pourtant des images de toi et quelques sentiments oui, quelques sentiments encore ? non, ce n'est pas ça, quelque chose d'autre : mon ressenti pétrié - n'arrive plus à me souvenir comment c'était quand je te désirais pas encore eu le temps de digérer, un je-sais-pas-quoi qui m'est arrivé dans ce temps loin de cette rue ou cette même rue... impossible à savoir, ce temps si court, si soudain choquée, peut-être suis-je un peu sous le choc sous lui, comme si - oui ! - le choc avait un poids et non surtout une inertie je ne comprends pas ce qui m'a mise ici et cet état de lotus en dedans ma beauté voilà ! ce que je ne savais pas n'aurais pas pu jamais savoir, cette beauté que depuis toute gamine je façonne et cultive comme mon unique chance, mon ticket de sortie pour ailleurs que ces rues noires : miroir mon beau miroir roi des salles de bain - je suis belle ! il paraît, ce qu'on a toujours dit - ma beauté comme un seau de merde splach ! et ne le savais pas non plus toi à baver encore sur moi défaite, tu l'apprends ce soir : beauté = merde tu veux te vautrer dans la boue ? et moi toujours à la porter à la vomir - toujours - sans en cracher la bile, c'est ainsi maintenant faut croire - et je à toi aurais été tout à l'heure dans cette rue ou toute autre qu'importe ? cette ruelle étroite où tout aurait pu m'arriver encore - mais l'autre (pas toi) l'ignoble m'est arrivé : quelqu'un m'a prise et ne me retrouve plus il est trop tard Thomas. Chienne de vie (ou encore : toutes des salopes, des putes, des...) Vous voudriez pas du feu ? J'en ai. Une fille. (qui passe rapidement ) Non merci Le Passant. (toujours à chercher son chemin ) Muche. Ce plan ne me parvient pas. tiens, causait pas tant le gamin, ça peut jamais fermer sa gueule et les autres là, niveau sonore de poules, pompe à vélo dans l'oesophage et pas encore les mages, ben tiens Deux voleurs, avec des cutters. V1. V2. V1. V2. V1. V2. V1. V2. V1. V2. V1. V2. V1. Pardon mon frère Pas l'intention de déranger Pas l'ombre d'une envie d'importuner Tu n'aurais pas une petite pièce mon frère ? Quelques billets cousin ? C'est pour téléphoner, y'a une cabine là-bas Elle marche encore par pièces et prend les billets, c'est dingue J'ai besoin de téléphoner ; passe-moi ton téléphone portable Juste un coup de l mec Entre hommes hein, tu vois de quoi je parle - juste un petit coup de l Juste un coup de l, le-lui ton téléphone portable Enn quoi c'est juste pour ce qu'on dit téléphoner Juste un petit coup de l avec un téléphone sans l, oui c'est dingue 20 V2. Il prend les photos ? Photo souvenir man de mon pote et moi, on l'envoie à ma copine V1. V2. V1. V2. V1. V2. V1. Ouais moi et mon pote allez quoi ma copine Prends la photo dude et après tu sais quoi tu nous l'envoies par mail Il peut pas faire ça Que je te dis on lit les mails et tout ces machins T'es con tu le regardes comment ton mail après ça ? J'attends un mail urgent ; tu as la 3G à me coup de ler non ? Panique pas respire compte jusqu'à trois plonge la main dans ta poche : envoie ton téléphone portable Thomas. Je n'ai pas de téléphone portable V2. Il n'a pas de téléphone portable Thomas. Je l'ai laissé à la maison V1. C'est dingue V2. On en croise encore des comme ça V1. Pas l'air réel - et alors nous c'est fort V2. Nous on cause comme ça à se justier et lui V1. Et lui c'est dingue ! pas de téléphone portable V2. N'en reviens pas non plus V1. Faut le mettre en vitrine celui-là V2. Musée Grévin pour des types pareils V1. Ouais la grève V2. A pas pensé à nous le dire plus tôt ? V1. A pas supposé que tout ces trucs ça nous fatigue la voix ? V2. A fallut qu'on s'égosille V1. Ah qu'on s'arrache des sons rauques V2. Attends t'as bien quelque chose pour nous mon gars Thomas cède son portefeuille. V2. Par exemple V1. Merci cousin c'est un plaisir V2. Merci mon frère t'es un pote Thomas. Prenez l'argent rendez-moi les papiers V2. Niet on a tous un ami clandestin V1. Mais mec, ton téléphone portable garde-le sur toi, de nos jours c'est es- sentiel V2. V1. V2. V1. Pour rester en contact Allez va Merci mec T'es un chef Ils partent. Il reste. Presque immédiatement après. Le Passant. Excusez-moi monsieur j'ai tout vu j'étais là dans un coin, je me faisais tout petit parce que je me trouve trop grand - et pensez bien je ne voulais pas que vos collègues me voient et qu'il s'en suive, qu'ils me menacent à mon tour avec tout ce que ça implique et charrie de désagréments il paraît que ce n'est pas bon pour le c÷ur toutes ces choses vous ne saviez pas ? sans parler de l'impact sur le moral, la peur des autres et souvent des gens de couleur - je l'ai lu quelque part - moi je suis un peu fragile du c÷ur, salope ! - vous voyez, alors les agressions merci très peu pour moi 21 d'autant qu'en fait pour dire les choses avec exactitude ils ne vous ont pas vraiment agressé, vos camarades, non sans quoi - pensez bien ! - que je serais intervenu, et hélico (ni une ni deux oui) illico, c'est ça - je me serais précipité à votre secours tel supercopter (on n'en démord pas) - ah ! pour aider un compatriote contre les hordes barbares j'en aurais eu du c÷ur, vous pouvez bien me croire (c'est la moindre des choses) mais là, sincèrement je n'allais pas engager les hostilités, ce n'était pas mon rôle moi qui ne suis qu'un passant catégorie tiel héros potentiel sauveur - poten- même, alors si vous n'êtes pas en danger ostensible je ne peux rien faire pour vous d'autant que je n'aurais rien pu faire seul, j'avais besoin de savoir si vous pouviez me suivre : vous auriez dû attaquer un peu, vous, tant pis pour les cutters, vous n'auriez pas dû céder si facilement, tester un peu leur volonté, leur résistance, si ces lamelles de métal tranchant n'étaient pas en plastique vous avez vérié ? c'est possible - hein ! - du blu tout ça ces vermines ça n'a pas le quart du courage que ça prétend et ils veulent nous faire peur - laissez-moi rire ! je rigole ! y'a de quoi se marrer ! non mais vraiment tenez-moi les côtes ! merci on est d'un peuple qui a gagné des guerres et contre des plus féroces vous m'écoutez ? c'est pas des cutters qui vont pouvoir quoi que ce soit dans le monde d'aujourd'hui, faut pas prendre les gens pour tenez tout ça pour dire qu'il ne faut pas les laisser faire hein, vous n'auriez pas dû leur donner votre portefeuille ça va les encourager - et encore heureux que vous n'aviez pas de portable enn monsieur soyons raisonnables il faut bien l'avouer - vous leur souriiez presque - et excusez-moi vraiment mais niveau signalement du danger excusezmoi - encore - de n'avoir pas bougé, de m'être tapi et d'avoir fait sous moi mais j'ai cru vraiment - oui ! - j'étais persuadé que vous vous connaissiez ... Muche. Les patrouilles me foutent la trouille, Les sapeurs j'en ai horreur, J'ai le roof des maroues Et l'aversion des trouons. Quand j'ai le trac, patatrac, Quand je m'aole, je m'étiole, Je me trémousse pour une frousse, Et la pétoche, ça m'amoche. J'ai la bêtise en hantise, J'appréhende les réprimandes, Quand on m'astique, je panique, Yeah je suis lâche, j'ai le trache. J'ai les entes en épouvante, La moindre poisse, ça m'angoisse, J'ai le vertige quand je pige Que je suis couard jusqu'au lard ! 22 La justice me terrorise, J'ai le beroi en eroi J'vais d'étude en inquiétudes, Les toubibs c'est une phobie. J'ai la bêtise en hantise, J'appréhende les réprimandes, Quand on m'astique, je panique, Mais si je trime c'est pour la rime ! 23 3. Muche. alors moi grand beau fort (ah ! chienne de femme) danseur de tango, tel que je fus yep ! pas encore José Mauro de Vasconcelos qu'a découvert l'Amérique en 33 secondes après petit Jésus, ça tombe bien c'est Noël par dichotomie et pourtant moi Casanova jusqu'au numéro 1798 de l'aire de jeu, entre parapluie et faucon maltais - à votre commandement ! serrez les genoux sur les pistes à ski, j'avais zappé les gamelles à la montagne, mais faudrait pas croire, non et jamais ! sinon c'est qu'un puceau pourrait vous saigner j'en connais qui bon, Ave Maria (merci mon gars) et qu'il lui tire l'oreille, parce qu'encore ... Cendrillon est là. Morgane passe en courant presque. Muche. Une femme qui court avec des Morgane. Si je porte des talons hauts talons haut c'est l'air con monsieur ! c'est que comme qui dirait j'aime bien ça, ça fait ressortir les fesses, ça les bombe un peu voyez-vous, et les hommes regardent - ça si je pouvais faire que des moins baveux me regardent ! - on se sent plus femme, si vous voyez pas ce que je veux dire Muche. N'empêche que c'est l'air con Morgane. Si je cours comme ça monsieur ! c'est que je suis pressée et je vous emmerde Elle s'en va. Muche. plus qu'un soir, y'avait tout, y'avait les gitans, et Notre-dame la Seine, et les quais, les bateaux-mouches et les lles oh oui ! toutes les lles qui sont belles, et non d'un petit caporal, belles de sensualité et leurs jupes froufrou, leurs grandes et volages chienne de jupes (comme des entonnoirs inversés) et moi ! pas toucher à ça, non encore l'Antonin Jeanneton prend sa faucille, et s'en va couper les chats Arrivent deux femmes. Elles s'adressent à Cendrillon. P1. P2. P1. P2. P1. Eh gamine qu'est-ce que tu fais là ? Ici c'est occupé. Barre-toi on prend possession du lieu, là-bas ça ne mordait pas. Alors on change la barque de place. Qu'est-ce que t'attends petite va-t-en. Attends elle a pas l'air bien. Tu peux rester. C'est vrai quoi dans un coin comme ça elle gêne pas. Mais nous on travaille. Elle a pas l'air bien. P2. V'là un gars. Cendrillon. Je le connais je ne peux pas rester Elle reste. P1. P2. P1. P2. P1. P2. P1. P2. Viens... Viens ! Mon doux Mon mignon Viens. Allons viens ! Aime-moi.. Viens à moi chéri. 24 P1. P2. P1. P2. P1. P2. P1. Tu sais ce qu'on te veux Pas moyen de mentir Tu sais ce qu'on te vend Pas moyen d'escroquer Viens un peu voir maman Tantine t'attend tendre fou - je me vends Je te vends la douceur des femmes, leur peau, le goûter deleurs lèvres et le lait de leurs seins - viens mon lapin, viens sans méance P2. La violence, je te vends la violence des femmes, ce qu'il y a de bestial, ce que tu veux de sanglant dans l'amour et ton corps en leur corps, je te vends l'animal - viens mon loup, viens sans tempérance P1. Toi l'instruite ! Tu peux toucher, viens. P2. La pute. Touche avant d'avoir payé et je t'explose. Thomas. Ne vous fatiguez pas - le sexe et la douceur, la violence et l'amour, il me sut d'une seule femme P2. Et tu la connais ? Thomas. Je la connais. P2. Aaire foutue l'amoureux, ciao. P1. Attends. Et qu'est-ce que tu fais là, à traîner dans ces coins perdus ? Pourquoi es-tu sorti ce soir ? Thomas. Je suis sorti prendre l'air et je me suis perdu P1. À d'autres P2. Qu'est-ce que tu ches ? P1. Chut, je tente le coup. Vous vous êtes disputés ? Thomas. Toi ! là encore toi dans ces rues décidément toutes pareilles où nous nous croisons sans cesse - qu'est-ce que tu fais là ? va rentre chez toi de quoi est-ce que tu as peur ? plus rien ne peut t'arriver : l'ignoble déjà t'est arrivé (tu l'as dit) va-t-en - ouste ! j'en ai marre de te croiser P2. Dis-donc mon gars tu vas lui parler mieux P1. C'est une des nôtres un peu - viens par là n'aies pas peur Cendrillon. Ça va Thomas. Une des vôtres ? P2. Nous l'adoptons, femmes de la rue - ça se voit qu'elle fait partie de nous, elle est marquée Cendrillon. P2. Marquée Marquée moi ? marquée par quoi ? vous vous trompez je te dis - marquée par le malheur ; je ne sais pas pourquoi ni comment mais ça se sent Cendrillon. Le foutre t'entartre le tarin, le malheur ne m'aura pas viens toi prends-moi ! - tu le voulais (je le sais) prends-moi pour de bon, emmène-moi dans ce pot dont tu me parlais - gros naud - allons hors de ces lieux où rien ne peut advenir, aucun futur (je n'y veux pas rester) emmène-moi loin d'ici viens ! que je fane un bon coup Thomas. Allons tout à l'heure tu ne voulais pas, tout à l'heure il était trop tard Cendrillon. Tout à l'heure je ne savais pas, tout à l'heure je n'avais pas compris - si je reste en l'état rien d'autre qui m'attend que ce que tu vois là P1. P2. Pauvre gamine La ferme 25 Cendrillon. devenir vieille et grosse et la peau bousillée par trop de cosmé- tique P2. Un peu de respect l'oisillon Cendrillon. ou devenir machine à garder la cadence et grapiller la dignité dans les vestiaires d'usine P2. Gamine respecte tes aînées, respecte ces femmes au travail, elles n'ont pas la vie facile Cendrillon. Je ne veux pas d'une vie qu'on respecte, je veux d'une vie que j'aime - prends-moi, tu peux m'orir tout ça, je le vois, emmène-moi ! - vivre c'est simple, qui c'est qui a dit l'inverse ? envole-moi Thomas. Je Cendrillon. ne peux plus rien pour toi, je n'ai plus de vie - rentre chez toi Je ne peux pas rentrer - prends-moi ! je suis à toi et vois comme je suis belle - alors prote couillon ! Thomas. Rentre chez toi je ne veux plus de toi Cendrillon s'en va. P2. P1. P2. P1. P2. P1. P2. P1. Alors toi ! On récapitule : une femme quelque part qui t'attend que tu aimes Il ne l'a pas dit, comme les autres : pas de foi Une lle ici, quoi, mignonne ? Conne mais canon Amochée mais belle qui te saute au cou Que tu désires mais que tu jettes ah ! malpropre Et les deux plus chouettes prostituées de Paname pour toi tout seul en ces nuits désolées - mazette ! qu'est-ce que tu fais là ? Thomas. Puisqu'elle ne veut pas de vous, adoptez-moi P2. J'y suis : ta mère vient de mourir - ah les mecs ! P1. Quand je disais viens voir maman, rien qu'une façon de parler, c'était ÷dipien tu sais Thomas. Je suis sorti prendre l'air et je me suis perdu - je te l'ai dit, c'est vrai - comment est-ce que je pourrais maintenant retrouver le chemin de chez moi ? celle qui m'attend ce soir comme tout autre soir, qui me cherche, celle qui m'aime et que j'aime (tu vois je le dis) je pourrais même le crier mais je chuchote, c'est privé : je l'aime Morgane, je l'aime tendre femme qu'après tant de temps je porte encore en moi - nous avons créé, nous avons inventé, nous sommes les maîtres et les seuls proteurs d'un monde sans murs aux rivières d'huiles essentielles - comment retrouver ça maintenant ? oh rien n'a changé vraiment, aucune révolution ; je suis sorti ce soir prendre l'air et rien de copieux ne m'est advenu, une rencontre parfois, une vague agression et cet homme seul parmi tant d'autres qui s'excuse d'avoir manqué de courage et ne le comprend pas - moi non plus je ne le comprends pas, cet homme comme tout autre par une nuit comme une autre je suis sorti - donc me voilà maintenant, décalé, tout imprégné de la température de ces lieux et tout ça ne colle plus très bien avec mes habits P1. Retourne alors chez toi, prends une douche, mets-toi tout nu tu seras bien - les hommes comme toi on ne croirait pas à les voir qu'ils puissent avoir un sexe, et que ça puisse bander, même moi ça m'étonne encore Thomas. Ce n'est pas chez moi qu'il me faut mettre à nu P2. Un exhibitionniste, ne manquait plus que ça - t'entends ? 26 Thomas. Je suis sorti ce soir prendre l'air et j'ai vu ce monde que je ne voulais plus voir - on le sait, on le connaît un peu, on y marche on le voit, et la télé nous en parle toujours, mais chaque mendiant qu'on ignore est un pan du décor qu'on eace (et tout devient ction) P1. Ce monde que tu as vu n'est pas le tien rentre chez toi Thomas. Pas le mien, et pourquoi ? s'il existe, si j'ai pu le voir, c'est que je l'ai voulu, peu importe comment - et retourner chez moi ? non mais j'irais y faire quoi ? moi ! cette femme, Morgane, ma femme, la regarder encore et la trouver belle (impossible d'y couper), m'envoûter, et plonger avec elle dans l'amour, vivre dans un fantasme, nous croire immortels, bâtir des murs d'ignorance et de vide entre nous et ce qu'on croise chaque jour sans y lever les yeux, tout ce qu'on peine à contrôler, en nous-mêmes aussi, en nous encore plus profondément, qui peut frapper, prendre à la gorge à chaque instant, changer en un clin d'÷il la lumière de notre monde parfait en un liquide vaseux ? la livrer elle et nous et nos progénitures, nos doux bébés, à cette mascarade de peurs et de renoncements ? les y instruire ? P1. Ce monde que tu crois voir ce soir tu le fantasmes autant Thomas. Durcissez les lois, doublez les eectifs de police, les gardiens de la paix devenus forces de l'ordre, envoyez des CRS jusque devant les maternelles, posez toujours plus de serrures, levez des grilles, sécurisez les halls d'immeuble, barricadez tant que vous pourrez, installez des caméras aussi, contrôlez jusque dans les gènes les moindres gestes de chaque individu, fermez vos portes, restez chez vous, et quand on crie dans la rue, quelqu'un, surtout restez couchés, restez assis, ne perdez pas votre calme mais restez inquiets, et si vous vous levez que surtout ce soit pour boucher les trous, que le son jamais plus ne passe, et continuez, colmatez les brèches, univers de mastic derrière lequel ça grouille, moi je ne peux plus P2. Et tu veux quoi à la n ? Thomas. Moi je veux voir le monde, le prendre à la P2. Regarde-nous putain c'est quoi ce que tu veux ? gure ce sont des murs de soie ceux que tu veux quitter - des murs dont on rêve, nous autres, des murs où se dessine un horizon, celui d'un avenir serein - on ne demande pas plus que la sécu, mais combien de nous ont quitté leur pays, d'Asie, d'Afrique ou d'Argentine, guidées par ce rêve ? Thomas. Rêvez mieux, femmes - n'importe quel écran plasma 16 :9 dessine l'horizon d'un avenir serein (et les matchs de rugby - tout en un !) - non, tout homme est une bête féroce qui réclame justice, justice pour lui-même face aux autres, justice parfois pour lui-même et ses semblables, et peut se rebeller jusqu'à tuer, jusqu'à commettre le crime, la vengeance, quand il ne l'obtient pas - et cette soie dont tu parles, cocon de trouille et de complaisance, insulte l'animal de justice Muche. faut me foutre un sein, allô-gree service rapide, à la place du pif, inspecteur - déjà loin tout ça oui ! P1. Et un animal ça refuse une baise ? P2. Tu perds pas le nord Thomas. Merci je pars P1. Qui aurait cru qu'en venant là ce soir Arrivée de Morgane. on nous en dirait tant ? 27 Morgane. Attends P1. Tiens une nouvelle ! Thomas. Je ne bouge plus comment je le pourrais face à toi ? celle qui me dit d'attendre on se connaît non ? Morgane. Des hommes de ta gueule des douzaines y'en a la nuit qui P2. On peut savoir ce que tu fais là cocotte ? Thomas. J'étais un animal domestique, si je suis passé un jour c'était passent attaché par une laisse à la main de ma maîtresse - pas possible que je te reconnaisse P1. Hey l'anarchiste tu veux t'éloigner un peu ? Faut qu'on papote entre lles P2. Entre copines Morgane. Et tu t'es échappé pauvre chiot ? les poils tout fripés par l'air froid Thomas. Je me suis perdu. Morgane. Viens je t'adopte. Thomas. Non je ne joue plus P2. Viens avec nous toi P1. Laisse-la, tu ne vois pas qu'ils se connaissent ? Morgane. Attends encore un peu - joue encore un peu, veux-tu ? tu as raison, tu n'es jamais passé par là - même en collier de cuir je t'aurais remarqué - et j'aurais arrêté ton pas comme je l'ai fait maintenant on ne voit jamais du genre de ta gueule par ici et tu sens bon à des kilomètres - qu'est-ce que tu fais là ? ce n'est pas toi qui passe, ce n'est pas ton pas que j'arrête (c'est absurde) ce sont les pas de mes jours, les matins, de mes matins où pas encore couchée à la fenêtre ou dans mon lit, n'importe où mais toujours plus ou moins la tête entre les mains et les yeux vides (air rêveur) - tu connais ça sûrement : j'ai déjà été une de ces femmes qui te anquent un torticolis en pleine rue quand tu te retournes dans l'espoir idiot de les apercevoir encore Thomas. Oui tu l'as été et tu l'es Morgane. Je rêve en te voyant, toujours tu es une image de moi, de ma vie dans laquelle je me sens bien, dans tes yeux je regarde l'horizon en face et je n'ai plus peur ne pars pas déjà / ne pars pas encore, je ne veux que prolonger le rêve - tu es bizarre Thomas. Es-tu ma femme une bonne citoyenne ? Morgane. Qu'est-ce que tu dis ? Thomas. Je demande, car si tu es une bonne citoyenne, tu iras me chercher maintenant dans une urne. Morgane. Tu ne vas pas bien Thomas, rentrons, tout ceci n'a que trop duré. Thomas. Peut-être - ce n'est pas toi que je fuis, non ! pour toi et pour moi avec toi il aurait mieux valu que nous soyons (je ne sais pas) nés nus au milieu des champs, une lyre à la main, tu nous vois ? tu as raison je ne vais pas bien qui c'est qui nous a chu en l'air l'Éden, hein ? mais voici moi, voici toi, voici le monde autour pendant tout ce temps je n'ai eu de cesse de couvrir ton chemin de bourres de coton, d'apposer des rideaux bleus sur tes chagrins, d'être ton trépied d'ouate, et tu volais (comme ça que je le voulais) là-dedans légère, et moi ange je te regardais, nous étions bien mais pour que tu ne prennes pas l'eau j'avais les pieds dans la boue ; un tourbillon, je chavire, et toi tends la main, je t'en remets au vent Morgane. Attends je viens avec toi 28 Thomas. Tu ne pourras pas Morgane. Et tu pourras toi ? après ça, après la première nuit d'entre toutes ces nuits où tu t'es écroulé chancelant de plaisir, après toutes celles où dans mon sein tu as dormi comme l'enfant que promettait l'acte, après ces jours de bonheur patient appris l'un à l'autre comme après ce premier jour de notre rencontre nous n'avons pas cessé de nous apprendre, tu pourras ? Elle reste, sous le choc. Muche. j'te dit y'avait même un mec maman avec une serviette rose et vlan ! enroulée autour de la tête (toute nue dans sa serviette) et ces cons de gitans et le clodo de l'Est qu'est paumé par là, reconnaît plus rien le goze, pas sa ville eh non ! et là retrouve du slavard, l'envie de danser, l'envie de bouger, sans gène parce qu'il faut survivre, sans gèle, l'était beau le gars - et parce qu'on doit s'aimer ah ! chienne qu'est-ce que tu fous ? pas là, viens-moi ! mais faut que les lles émoustillent et que les mecs - tapatap - faire rigoler : ils se tapent aux jambons et que ça vole la jupaille Le Passant. Monsieur vous pourrez peut-être me renseigner Muche. Là-bas les toilettes Le Passant. Je ne cherche pas les toilettes je Muche. T'as une gueule à aller aux toilettes vas-y : les toilettes te diront tout, les toilettes sont ton avenir Le Passant. Muche. Les Le Passant. Monsieur la rue toilettes ! La rue ! la rue... j'en peux plus ... Des hommes s'avancent vers Morgane. A. Oh, oh, oh, Madame, mes hommages. - (répété pour chacun ) Mes hommages. Morgane. Messieurs. Jolis masques, c'est A. Nous avons beaucoup hésité, certains carnaval ? plus d'envie de rire voulaient mettre des masques de Mickey. Et pourquoi pas Ronald McDonald's ! Les Autres. (en ch÷ur ) Pourquoi pas Ronald MacDonald's ! Morgane. Faut que j'y aille, pas d'humeur, bonne soirée à vous gentlemen. A. Madame ma s÷ur, où donc allez vous ? Restez un peu nous gratier de votre escamotante présence, nous allons quelque peu discutailler mes amis et moi. Vous êtes invitée. - Invitée ouais. Morgane. Je ne sais pas je vais rentrer, A. Tut tut tut. J'ouvre le procès, ô mes il est tard frères. Quelqu'un veut-il prendre la parole ? - Moi ! - Objection ! A. Retenue. Mon frère l'avocat de la défense n'aura droit à la parole qu'une fois le jugement rendu. Justice ! Qui d'autre ? - Moi ! Je requiers la peine capitale contre le A. J'aime, j'aime ! Accordé. Qu'on lui coupe Morgane. Bon jeunes gens tout cela est prévenu. la tête ! 29 - Oui ? A. Laisse mon ami, petite s÷ur veut jouer aussi. Saisissez-vous de l'accusée ! Greer mon frère, quels sont les chefs d'accusation ? - L'accusée ici présente s'est rendue coupable des exactions suivantes : mise en valeur exagérée, inadéquate et pouacreuse de ses lèvres les plus visibles ainsi que des principaux traits de son visage par l'entremise du maquillage, de deux de ses excroissance mammaires et d'autant de ses rotondités fessières par le fait du vêtement ; - Racolage passif, hein. Morgane. Ah non ! A. Tut tut tut, on écoute ma s÷ur, beaucoup à apprendre du vieux singe. - enlade au pied droit ainsi qu'au gauche de chaussures chirales de même taille et modèle, surélevées sur talon aiguille, et nuisances sonores conséquentes à ce dispositif ; - Tapage nocturne, hein. adoption d'une démarche, ainsi que d'un comportement du regard et des lèvres sans rythme et vulgaire, visant à l'évidence à capter l'attention des hommes gagnés par la bassesse qui passe à portée. - Oh oh, prostitution, hein. Morgane. Mais enn A. Taratata, tout ce que vous Morgane. Mais A. et les autres direz sera retenu contre vous, ma s÷ur. (air Le Clairon, musique militaire ) On grimpe, on court, on arrive, Et la fusillade est vive, Et les autres sont adroits. Quand enn le cri se jette : " En marche ! A la baïonnette !" Et l'on entre sous le bois. A. Rien d'autre ? - Elle a tué mon petit chat ! - Le petit chat est mort ? - Le petit chat est mort ! A. Ah ma soeur votre compte est bon. Bourreaux mes frères, saisissez-vous de la condamnée ! Je ne rends pas de jugement, vous trouverez bien tout seuls. (Au Passant.) Vous n'auriez pas une cigarette mon frère ? Le Passant. Oui. Muche. z'auriez pas une petite cigarette, une gitane en vrai, maïs ou blé et tout le truc au cancer agrant A. Merci mon frère. Muche. z'auriez pas une pièce ou deux ? juste un whisky-biscuit mou je ne sais pas, boudoir, j'aimais bien Charlotte A. Monsieur, permettez-moi de vous demander, car il faut le demander : que pensez-vous du monde où nous vivons ? Rien, bien sûr. Vous n'en pensez rien, et c'est bien naturel, je ne vous en veux pas. Eh bien laissez-moi vous dire : c'est un monde immoral, abject, indigne, dégoûtant, laid, sans fond, puant, sans forme, sans ligne droite, sans ligne du tout, courbe, sinueux, insinueux, discontinu, à chaque pas un goure nous menace. De la publicité en pagaille, le sexe omniprésent, l'image des femmes 30 dévoyée, la violence banalisée, toute éthique pervertie ; quel est ce monde ? Ce que j'aime le moins, c'est qu'on manque de respect aux femmes. Trop c'est trop. Ah non j'en ai vraiment marre ! Ces chères femmes, maman sainte mère. Mais vous savez ce qui me met vraiment hors de moi ? Qu'elles manquent de respect pour elles-mêmes, qu'elles se fourvoient, qu'elles se jouent, qu'elles se moquent de leur propre richesse. Ne peut-on au moins sauvegarder ce que les hommes ont d'innocent et pur ? (siement d'un de ses camarades ) Je dois partir. Les aaires. Rentrez-bien mon frère, faites attention sur la route, on y croise des gens ; ils ont une tête mais rien n'y tourne rond. Ils partent. Elle est étendue à terre. Quelques instants plus tard. Le Passant. Excusez-moi madame - madame ? je passais j'ai tout vu j'étais là je chiais vraiment de peur et, pour ne vous rien cacher (puisque d'emblée me voilà dans le ton de la condence et de l'intimité) j'étais un peu désireux de vous venir en aide parce que - n'est-ce pas ? vous avez l'air aimable et sympathique (vous étiez belle aussi) vous inspiriez l'envie de vous venir en aide, j'aurais vraiment aimé j'ai toujours rêvé de faire ça secourir la veuve et l'orphelin - vous seriez pas veuve ? orpheline ? J'appelle une ambulance - mais c'est quoi le numéro déjà ? Alors je me voyais déjà : les agresseurs (vos copains là) en fuite et les ics qui arrivent après la bataille, les journaux et mon chat qui ronronnent de erté mais je n'osais pas et je restais là, je voyais tout, j'ai même lmé - demain j'irai vendre la vidéo oui ! à qui la voudra : à la télé ils la garderont pour les élections, à la radio ça les fera marrer, et peut-être que grâce à ça on les arrêtera (malgré les masques oui !) faut que ça passe à la télé pour que les gens sachent, c'est important d'être au courant de ce genre de trucs, ça nous guérit et vite fait de l'envie de sortir dans la rue (qu'est-ce que je fous là ?) - et la sécurité, hein, à quoi servent nos impôts ? pas à éduquer les gens, c'est sûr que non, y'a qu'a voir les budgets, et puis y'a la télé alors autant que oui ! ça serve à exterminer les vermines ! et puis merde enn, c'est dans les gênes tout ça, c'est pas mes gosses quand j'en aurai qui vont faire des trucs pareils même si oui ! j'avoue je suis volontiers violent ; je peux pas boire un peu de whisky que tous, là, tous, ils se mettent à ressembler illico à d'insupportables cons - et vous alors madame ? elle perd beaucoup de sang... et moi pauvre con, pas de brevet de secourisme, pourquoi ? la emme, l'inertie, la cagne et puis là quoi on discute mais vous merde quoi vous pourriez faire attention, non mais c'est vrai ! les gens de nos jours, les gens j'en ai vu qui avaient de drôles de jeux : et que je te bastonne dans la rue, et que je te crie dans tous les sens, et que je te fouette et que je te mords et que je t'enfonce du verre pilé dans l'anus - tout ça pour rire ! non mais vraiment en plus excusez-moi merde ! mais vous avez vu comme vous êtes habillée, hein, pouasse ; on aurait pu croire comme ça dans le noir et de loin oui ! que vous étiez (je ne sais pas) ouverte à ce genre de pratiques - ou même payée pour faire ça - et les gens, bref, ces gens ont de ces jeux (guili guili !) ou alors j'y pense encore un bon truc pour échapper à la culpabilité tiens oui ! des règlements de compte personnels, voilà qui ne sauraient en rien me regarder, une aaire de drogue d'alcool et de prostitution, ça arrive comme ça dans les lms et moi ! pas vouloir d'emmerdes 31 je ne suis pas un héros tout seul, qu'est-ce que j'aurais pu faire ? je ne sauve pas des gens que je ne connais ni d'Abel ni de Caïn enn madame - vous, là comme ça ici et maintenant, madame oui ! madame ? (madame) excusez-moi - excusez-moi vraiment de n'avoir pas bougé et d'avoir fait sous moi, d'avoir compris trop tard tenez bon l'ambulance arrive mais madame j'ai cru oui ! - vraiment - j'étais persuadé que vous vous connaissiez ... Muche. J'déambulais sur le trottoir A la recherche d'un bon p'tit coup, J'avais passé le soir à boire Et je souais dans mon biniou, Voilà donc que j'croise un icard A la recherche d'un mauvais coup, Taper un peu dans un clochard, Ca calme , et fait chanter les fous. J'm'étais assis, j'broyais du noir A compter et trier mes poux, J'avais passé le soir à boire Et j'soupirais dans mon biniou, Voilà donc que passe un gros loir Et son caniche de sac à poux, Pour le croiser faire un écart Rassure et fait chanter les fous. J'dormais, il étais déjà tard, Pas besoin de regarder où, J'avais passé le soir à boire, Et je ronais sur mon biniou. J'suis réveillé par une fanfare, J'suis secoué par tous les bouts, Viens t'en jouer de ton canard, Mon pote, nous on chante comme des fous. Que c'est beau la vie de clochard, C'est des surprises à tous les coups ! 32 Épilogue Muche. soliloque (voir ci-dessous) ou chante encore. Thomas. s'approche de lui, l'écoute un peu. Un temps. Il défait sa veste, l'enlève, la lui donne. Muche. (s'interrompt ) Qu'est-ce qu'il veut ? qu'est-ce qu'il me tend ? qu'est- ce que c'est que ça ? qu'est-ce que ça fout là ? pas normal ça, non pas normal - moi on me la fait pas - c'est joli ça monsieur, oui da ! Il la prend. Il a repris son soliloque. Un temps bref. Thomas., doucement, va chercher une couverture, des cartons, ce qui traîne par là et qui pourrait lui faire une sorte de nid. Sans s'interrompre dans son soliloque Muche. essaie de l'en empêcher, marque son territoire. Thomas. défait ses chaussures et les lui donne. Muche. Qu'est-ce qu'il me veut ? peux(t) pas me foutre la paix ? je comprends pas, je comprends pas - n'en veux plus de ses chaussures, ces jolies chaussures ? - ça tient même pas chaud ça, veux(t) me les refourguer - même pas à ma taille, ben tiens ! ouh c'est joli Thomas. va se coucher là où il peut, il commence à parler seul, un peu - reprend le soliloque de Muche.. Muche. Ah ben voilà pas - on me l'aurait dit - voilà t'y pas - non mais tout vu alors là tout vu - mais voilà donc que j'ai un, oui, un, comment c'est qu'on dit ? un compagnon, ben si ! un petit toutou, quelque chose dans le genre - un voisin je veux pas de ça là - allez ouste ! tu dégages un peu sale clope ! non mais vrai et ma mère dans tout ça, ma mère t'en fais quoi - pauvre mère ! Thomas. continue à se coucher, machinalement, il défait son pantalon, sa chemise, se déleste de tout et les pose dans un coin. Il s'enroule dans une couverture ou n'importe quoi qu'il aura trouvé. Muche. Il se met tout nu ! y'a pas il est fou, taré, complètement barré - dans le bocal, hein le bocal, petit vélo ! - dommage plus de bibine voilà qui paf ! l'aurait remis les pendules à midi vers quatorze heures ça (Il va voir un peu le pantalon et la chemise.) c'est qu'on en voit pas tous les jours des comme ça - on sait pas ce qu'il croit qu'il fait ce type là, mais bon sang il le fait ! Ca vous gêne pas ? ben non il en a rien à cirer - eh mon gars si tu veux coucher dans la rue va falloir apprendre à dormir tout habillé - il croit quoi ? pas de pyjama eh eh (il trouve les clés dans le pantalon ) on dirait que je vas me faire une petite toilette moi - carnaval ! Muche. se change, il enle tout, pantalon, chemise, veste, chaussures, rien ne lui va, il a l'air ridicule. Il chante, le temps que ça lui prend : Muche. Ça sent la rose, oh-oh, Et le purin, oh-oh, Parti c'matin, oh-oh, 33 Dans le métro pour le turbin. Parti c'matin, oh-oh, Dans le métro, oh-oh, J'vois, mon poteau, oh-oh, Une belle de jour à beau chapeau. J'vois mon poteau, oh-oh, Une belle de jour, oh-oh, J'dis C'est mon jour, oh-oh, J'lui chope les choses j'lui fais l'amour. J'dis C'est mon jour, oh-oh, J'lui chope les choses, oh-oh, Instant grandiose, oh-oh, Ça sent l'purin, ça sent la rose. Muche. Même pas une petite aque pour se mirir - t'as vu toi l'artiste ? il est pas beau, hein ? va peut-être même baiser poulette, vas-y viens-y dans un petit coin l'Tintin - regarde Arthur ! il ressemble à rien, rompchit rompchit dans un petit coin, nouveau voisin - qu'il est laid debout cadavre qu'est-ce que tu fous là ? t'es con, y'a pas t'es con Il s'en va en chantant. Cendrillon revient. Cendrillon. Toi l'impropre, le clochard tu pourrais peut-être me regarder encore et me trouver belle ? baver ? j'ai croisé deux hommes tout à l'heure qui te ressemblaient : l'un par les vêtements et l'autre par l'air de m'aimer un peu 34 Le soliloque de Muche . Muche. soliloque pendant toute la durée de la pièce, quand il ne chante pas ou ne raconte pas des histoires. Muche. est un électron libre, en marge de la représentation autant que le personnage qu'il représente est en marge de la société. Le texte qui suit est destiné à donner de la matière à ce soliloque, sans pour autant vouloir le ger, car il est fondamentalement mouvant, et réagit à ce qui se passe sur scène et dans le public. Ce personnage, pourtant essentiel à la pièce, est à l'entière disposition du metteur en scène et de l'interprète. Muche. Moi ma mère me disait que son père lui disait qu'il tenait ça de son grand-oncle mort au champ d'honneur et à la tara-trompette balbutiante des matinées de novembre et ma mère elle disait - oh ! disait quoi ma mère ? elle disait : vaut mieux ça que rien du tout, voilà ce qu'elle disait : vaut mieux tout que rien du tralala ! elle me disait pauvre mère.. elle aurait tant voulu oh ! elle avait tant de projets ben tiens ! et des beaux je te dis, bien accordés à la couleur de mes yeux tout ça, et moi vlan ! (pauvre mère) elle m'a aimé, elle m'a mis des couches et tout le tintouin, la grande totale ouh là ! j'avais même droit au talc que ça me salope ! l'avait que ça à faire ma pauvre mère eh pouasse viens traîner ta jupe par ici, j'ai les fesses toutes propres eh ! toutes talquées, ça sent bon le miel - rien à voir avec le miel m'enn ça sent bon et encore qu'il me disait - qu'elle me disait ma mère, tiens pauvre mère soufée au Père-Lachaise maman, regarde ton pauvre ls : pas encore mort, déjà pourri, et comme toi poussière et vent et pourtant hein ! chienne tout donné pour la croissance, y'avais tout : Banania dans le biberon jusqu'à cette saloperie de dixième annnée et après paf ! direct l'armée dix-huit ans et des ronds de banane eh ! les potes ouais alors le collège, pourtant joli euri et tout avec des profs et biens, je comprenais même souvent ce qu'ils disaient : la somme indivisible et pure des carrés de l'hypothénuse nationale sur le rapport du tiers de la longueur des cotés de l'hexagone je m'en souviens mon bien-aimé Tchebychev, et mieux encore les sanglots longs du vent mauvais saignent mon coeur à la baïonnette m'en ramènent à ton souvenir Agathe pouasse ! aujourd'hui aussi excitante qu'une barrière de jardin privée j'étais un - ouais salope ! tu me cherches ? - un crack de cancre, toujours le radiateur aux fesses mais jamais collé, attention hein ! attention, jamais les profs ils me touchaient pas - et les curés non plus les curés moi l'enfant de cul j'avais des bonnes notes et même que j'étais premier du régiment - ah ! madame, vous avez les oreilles qui dépassent je ne veux pas être bel homme ou alors juste un peu ou il sentait pas bon oui le curé jamais compris ça m'a confessé et comme ça d'un coup m'a conrmé alors que y'a pas de quoi führer ! et cette bande de cons sur les bancs du préau face au grand sec à tamagoshi, et moi maman, fous-moi du talc au cul, regarde ton pauvre enfant je veux qu'on m'enferme au cinquième étage d'un immeuble en ammes caporal ! je vous casserai les couilles pour que vous pétiez ma gueule 35 une enfance heureuse à l'air pur, Gabrielle pas encore pubère et ouaiche ! l'avenir en plein devant soi grâce à les cours de techno jolis (la petite loupiote au porte-clé rouge diode électroluminescente) vingt dieux faut pas non, faudrait pas ouf ! l'air mauvais : Je n'arracherai plus les doigts de mes camarades de classe, je n'arracherai plus les doigts de mes camarades de classe, je n'arracherai plus les doigts de mes camarades de classe ni de mes professeurs, cent fois de Melouza à Constantine en chantant comme Yves Montand maman, dissoute au cimetière du Montparnasse, je me casse, m'en vais me tire, me fais la malle, mastique le bitume du pied et merde ! au tournant des calendes, vers Lavans pas un curé non mais un Land Rover récupéré dans une décharge je n'étais pas encore pubère et tant de cailloux vlan ! dans les mollets et vlan ! dans les ancs et clan ! dans le crâne encore, et bouge plus l'insusant cardiaque - crève, toi qui pas possible de faire un tour de piste, t'as des hormones ou merde ? maman, une bonne nouvelle le matin et vlan ! une moins bonne le soir - toujours ça qu'elle disait, chienne qu'a pas pu manquer à la reproduction - faut que ça se passe les chaleurs au ventre salope ! coït quoi tout ça et banc de bois, maison blanche et bleue en extérieur comme une odeur de pin je vais pas montrer mon cul, pas vrai, suis comme un carton Smoby celui yep ! d'la voiture télécommandée, propre droit, coloré et coriace à la brûlette - et la blondasse toujours ça lap dance sur la pomme de pin (doit irriter la chatte) m'enn non : juste en pierre le banc, qui l'eut cru ? je demande un peu, et en hiver alors moi les bouquins Tintin et le lac aux gardons (ça fait trop peur) mais la couverture tient chaud, un peu, pas que le pinard - pas toucher à ça moi, ouh là ! et comme un saint conrmé par l'orteil à toujours taper dans les cailloux, qui n'en peut plus jamais, exode sur un gèle-cul (car il est malpropre tirelire) pas un kopeck à foutre dans la fente, pas moyen non ! mais m'en fous moi, y'en a gaiement savoir plein de trucs et pour rien, sans même avoir à jouer avec Dieu et : gamin, pas les couilles de l'orage - et ouf ! dans le grêlon oui, rien que ça, mourût salé alors moi grand beau fort (ah ! chienne de femme) danseur de tango, tel que je fus yep ! pas encore José Mauro de Vasconcelos qu'a découvert l'Amérique en 33 secondes après petit Jésus, ça tombe bien c'est Noël par dichotomie moi, toujours le cul au gèle sur le banc et pas moyen vraiment de reconnaître oui, serine à cause des tresses et tout : l'Alsacienne z'auriez pas une pièce ou deux ? juste un whisky-biscuit mou je ne sais pas, boudoir, j'aimais bien Charlotte mais moi, sur banc les mains froides à perdre les bouts, vraiment te laisse pas faire mon gars, moussaillon tiens ! encore lui ah, et puis ben y'a des choses comme ce petit sergent : résultats scolaires prometteurs, est né dans la bousaille et se retrouve sur un banc à contempler les tirelires malpropres et tout, et regarder les ombres que ça fait comme un chapeau de gaulois - veut pas savoir pourquoi ? ben dis-le ! non ne, ah tais-toi tiens, causait pas tant le gamin, ça peut jamais fermer sa gueule et les autres 36 là, niveau sonore de poules, pompe à vélo dans l'oesophage et pas encore les mages, ben tiens attention camarade, qu'est-ce qu'il fout c'lui là dans son sang ? pas l'air n, tiens mais oui, mais encore faut bien brailler alors : bonheur là ! et tous les copains inouïs, nos serpents en rognons macérés à la poêle sur feu de bois du côté de Nantes, va digui digui don, vlan digue, vlan digui digui dong qu'est-ce que moi y'en a foutre là ? sale putain de gosse avec un soue au ventre ou je sais pas alors moi, tranquille hein, pur tranquille et sans serviette et tout, posé sur mon banc, rone rone mon gland endormi - le touche pas, con, c'est pas pour la température z'auriez pas une petite cigarette, une gitane en vrai, maïs ou blé et tout le truc au cancer agrant ; pas que ça à foutre ouais de l'occuper moi, à fumer 20 ans pour anquer 10 encore après adjudant oui ! je peux le faire : tacatacata, qu'est-ce que j'ai pas fait ? me suis sauvé oui ! encore mais juste à la déconne hein, et m'exploser le short et bouer des trues en chocolat mais toujours rien, vraiment rien, besoin qu'été que d'être youpla pas seul hein, voilà besoin que de ça et pourtant moi Casanova jusqu'au numéro 1798 de l'aire de jeu, entre parapluie et faucon maltais - à votre commandement ! serrez les genoux sur les pistes à ski, j'avais zappé les gamelles à la montagne, mais faudrait pas croire, non et jamais ! sinon c'est qu'un puceau pourrait vous saigner j'en connais qui bon, Ave Maria (merci mon gars) et qu'il lui tire l'oreille, parce qu'encore faut me foutre un sein, allô-gree service rapide, à la place du pif, inspecteur - déjà loin tout ça oui ! y'a fallu qu'elle baise pour tout, ça toutes des jument, mais encore la fente, m'enfuis : découvre le net et vlan ! youpi surf en tout point émancipé, le père soué et toujours plus qu'un soir, y'avait tout, y'avait les gitans, et Notre-dame la Seine, et les quais, les bateaux-mouches et les lles oh oui ! toutes les lles qui sont belles, et non d'un petit caporal, belles de sensualité et leurs jupes froufrou, leurs grandes et volages chienne de jupes (comme des entonnoirs inversés) et moi ! pas toucher à ça, non encore l'Antonin Jeanneton prend sa faucille, et s'en va couper les chats - j'te dit y'avait même un mec maman avec une serviette rose et vlan ! enroulée autour de la tête (toute nue dans sa serviette) et ces cons de gitans et le clodo de l'Est qu'est paumé par là, reconnaît plus rien le goze, pas sa ville eh non ! et là retrouve du slavard, l'envie de danser, l'envie de bouger, sans gène parce qu'il faut survivre, sans gèle, l'était beau le gars - et parce qu'on doit s'aimer ah ! chienne qu'est-ce que tu fous ? pas là, viens-moi ! mais faut que les lles émoustillent et que les mecs - tapatap - faire rigoler : ils se tapent aux jambons et que ça vole la jupaille, regarde-moi ! ses yeux et elles crient, elles exultent comme elles peuvent des boyaux délivrés, ce sont des cris de bêtes, de bas cris de bestioles belles de peau ben tiens, ça te gueule et v'là qu'on aime leurs intestins, c'est que ça mange autant que ça crache dans un seul de ces putain de bons sons - amène ton cul la Marie eh ! ces jupes qui virevoltent et légères oui on peut penser non, le droit de penser oui ! et nos ancêtres en plein dans le caleçon, déjà tout qui se soulève les jupes, eh con, qu'il croit n'y reste plus qu'à enlever (c'est si doux) c'est si doux ces froufrous 37 et les jambes par-dessous, c'est si doux il paraît, je ne sais pas, je sais pas - pas de lèvres non, rien toujours vlan ! et que ça dure, plus c'est dur plus c'est bon, qu'on dit encore maman, t'en as mangé hein, dis c'est pas possible t'as une de ces tronches, l'amour du vent et qu'ils remettent ça les deux, alors se triturer le gland d'ennui... vive youpi ! le multimédia plus vrai que nature et surfeur comme dit Teuf, pas qu'une viande d'obsession tagada, cadeau : de la morve ah non alors, et puis z'auriez pas une petite pièce ? ou peut-être pas seulement une pièce, peut-être un ensemble et tailleur pour dame your tailor is rich, isn't he ?, ou peut-être pas seulement pour dame, j'aime bien les dames ou juste montée pièce montée encore, avec des petits choux mignons comme à la communion, mon gars ! que le général était par là même ouais ou encore, ben tiens ! t'aurais pas un caddie ? toujours rêvé d'avoir ça moi, avec la pièce enchée dedans, elle sert à rien mais elle est là sûr, et sans ambiguïté. n'en bougera pas - le caddie c'est l'épargne du pauvre oui ! z'auriez pas une caisse ? même en pièces détachées ? m'en fous moi, ou juste la tête de delco ça aide à couler (ce qu'on dit) par là-bas, de l'autre côté et moi y'en a couler glouglou en creux, c'est tout en rigolant, pourtant pas de quoi, hein mon gars, et vlan ! z'auriez pas une éponge que je la jette ? toujours voulu faire ça, au sens propre - d'autant que le sens propre c'est mieux pour une éponge - un peu de liquide d'aisselles, hein Bob, sa mobylette dans les rouons pas de virées Tchebytchev, rester coller aux bancs y'a que ça de vrai, et même la tête en asque sur les nichons, rien à faire tant que y'a le cul y'a le cul, rien à reprocher et encore on dit : mais non ! y'a pas sur le banc, la chaise et tout le reposetrain du monde mais non ! j'ai été champion de foot moi ne me quitte pas eh ! gamin tu sens - il se moque il s'en va, il maugrée Dites-moi, dites-moi, qu'il est parti pour un autre que moi mais pas à cause de moi vous voulez pas ? pas de charité dans ce monde de lois tiens ! plus d'hospitalité, espace privé, bonne foi pour toute et pâtes bouillies d'eau bénite à gros sel mais c'est qu'elle peut pas fermer sa gueule une fois ça sut pas ? m'enn faut que jeunesse se passe et moi pimpant à peine 20 ans, et pas derrière les barreaux Sing Sing juste un mur qui anche et le véto qui s'en suit z'auriez pas une petite pièce de trop mes frères ? dans votre 6 pièces un petit lit à me tortiller derrière l'omelette - Boudu oui ! alors vlan ! et moi si près des vaches maintenant, comme à la Monique ouais ma soeur, alors peur du véto moi, me planque derrière la nuit, tard le noir et de la poussière dans le ventre - ç'aurait été à la rigueur dentiste non et aujourd'hui des chirurgiens partout et les rayons électromagnétiques du FBI encore, faut pas croire, et tous les soirs besoin comme ça : t'as pas une plaque ? sclérose sociale, telle est le mot, à ce point d'asphyxie et les quartiers vieux, faut éteindre ton téléphone portable à ton âge et plus de cancer à craindre vlan ! demi-douzaine de déjà vaincus : clope, whisky, UV, excès de viandes grillées, de coliques ouais, tu pues on m'a viré mes dents, faut voir comme il tirait son tas de PQ et quelle allure, 38 servir du caviar il aurait fait pareil, idem, et pas du polochon, aïe ! polochon crions mes amis ! je suis seul - oh tel, crions ! et en courant, silence tout nu dans les couloirs oui, et des hordes de ics à boucliers-téléphones "allô mon coeur ?"