Le sejour thérapeutique: une "méthode du temps soignant"
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Le sejour thérapeutique: une "méthode du temps soignant"
Le sejour thérapeutique: une "méthode du temps soignant" Véronique BEZIAU, Bernard CLAUDE Sylvette GUILLOTEAU, Didier PETIT Secteur IV - C.H.S. Ste Gemmes sur Loire Partir : C'est mourir un peu dit-on. Un séjour thérapeutique est une expérience singulière de rencontre des soignés et des soignants. On décide de partir. Il faudra revenir. Dans l'après coup du séjour, en reparlant entre soignants dans la préoccupation d'en écrire quelques traces, nous apparaissent des effets inattendus de sa réalisation chez ceux que nous accompagnons, mais aussi en nous-mêmes. Le séjour thérapeutique vient interroger notre "être avec" les soignés. I - Le temps du projet Le "Projet" : le mot est partout. Il rebondit dans tous les champs de l'action humaine, économique, sociale, etc... Le voilà qui, en psychiatrie, institue le soignant en position d'agir... Encore faut-il s'interroger sur ce que vaut ce concept dans le champ d'une action où est intéressé le devenir d'autrui. Mais enfin, le projet est lancé d'un séjour thérapeutique dans le secteur. Il accroche quelques soignants qui se parlent de soignés. Et c'est ainsi, à propos de ces soignés, que se dessine ce que pourrait être pour eux la fonction de ce séjour. Quelques soignés envisagent de sortir à terme plus ou moins rapide de l'hôpital, partiellement ou totalement. Ce séjour pourrait être un lieu d'expérience d'une vie hors du cadre de l'hôpital. Il aurait lieu en Auvergne : dans une autre région, en moyenne montagne, des moments de randonnée pourrait permettre à chacun d'éprouver son corps, de retrouver goût à sa mise en mouvement pour découvrir. Autour de cette idée se prépare avec eux le "projet" dans trois réunions où se disent des choses : - Il faut s'organiser pour partager les responsabilités. - Que ferons-nous ? ballades, randonnées, visites. Armelle note d'écrire au Syndicat d'Initiative. - Pour l'alimentation, quelques uns décident de participer aux achats de ce qu'on emportera. - Combien ça coûtera ? Nous établissons ensemble un budget. La participation du Comité Hospitalier est sollicitée. Celle de chacun est fixée. Il faut aller voir le tuteur, aller à la banque retirer de l'argent. Et puis, le groupe désigne un trésorier pour gérer l'argent pendant le séjour, enregistrer les dépenses, garder les tickets et les factures pour l'Administration. Ce sera donc Danièle. - Armelle et Simon sont d'accord pour écrire le journal du séjour. Beaucoup de sérieux autour de tout cela : chacun note ce qu'il a à faire. Danièle retranscrit ce qui est dit à la réunion pour Brigitte qui est absente. Danièle est venue à chacune des réunions à l'heure prévue alors qu'elle est souvent absente des moments de soin ou d'entretien décidés pourtant avec elle. Les réunions entre soignés et soignants autour de ce projet sont un moment essentiel de celuici. Le projet est, au départ, celui des soignants qui pensent un futur pour des soignés. Dans les réunions chacun, soigné, soignant situe déjà ce que représente pour lui, dès aujourd'hui, cette perspective de partir ailleurs. Et déjà, on peut pressentir que le futur pensé par les soignants dans ce projet n'en finit pas de se remodeler. Ce temps de travail du "projet" ne vient pas déterminer un cadre pré-contraint dont il serait possible, a posteriori, d'évaluer la pertinence par la simple mesure des effets attendus. Ce temps de travail du "projet", c'est plutôt le temps du "tâtonnement" dans la création d'une scène, d'un décor où nous aurons à accueillir le jeu inventé par les acteurs et ses effets inattendus. Cette scène, c'est un peu celle que construit l'auteur pour ses personnages en vue d'y rendre possible en eux, dans le jeu qui se déploie, des "résonances", ainsi que l'explique Paul Claudel à propos de sa pièce "le pain dur". "Sans cette harmonie autour d'elle, sans ces appels de l'extérieur qui font vibrer cette construction de résonateurs en elle dont aucun regard direct ne pourrait lui donner l'intelligence, aucune personnalité humaine ne saurait connaître ses possibilités. Ce sont les circonstances extérieures qui lui permettent de se révéler, ou, comme le dit profondément le langage courant, de se produire, de produire, bien souvent à sa profonde surprise un être entièrement nouveau qu'elle ignorait" . Voilà peut être au fond ce dont il s'agit pour nous dans notre travail autour du projet de séjour : mettre en place ensemble un espace structuré, des circonstances qui permettent au sujet de se produire en réponse à la requête de l'évènement, en "résonance" aux autres. N'est-il pas là, d'une certaine manière, question des conditions d'émergence et de repérage du transfert . N'est-ce pas aussi s'adresser au lieu précis de la difficulté propre au psychotique : "son impuissance à entrer en résonance avec le temps du monde" . II - Le gite au présent Nous voilà en Auvergne, sur le lieu de ce séjour : un gîte rural dans un petit hameau au bord de la Sioule. Voilà le lieu de notre vie quotidienne pour six jours. Chaque soir, nous notons ce que nous vivons dans la proximité des six personnes soignées qui y participent : Armelle, Danièle, Simon, Brigitte, Raymond et Lucien. Quelques extraits de notes prises au jour le jour, premières impressions des soignants partageant ce vécu : - deuxième jour : "sans que se constituent d'une manière organisée des groupes précis, chacun participe aux tâches. Danièle s'occupe ce midi du poulet, de la cuisson au découpage. Armelle l'aide. Simon prépare l'entrée de tomates. La vaisselle se fait rapidement après le repas : nous partons marcher autour d'Orcival". "Cette randonnée prévue d'une durée de deux heures inquiète un peu. Durer dans l'effort n'est pas évident et le raccourci pris par erreur est le bienvenu ! Danièle peine. Brigitte n'est pas rassurée sur certaines pentes. Peu de commentaires sur le paysage qui s'offre à nous... Désigner la chaîne des Puys, dire la beauté du site nous revient, comme s'il manquait les mots pour dire le plaisir de voir, la saveur de l'instant présent..." "Le soir Danièle n'est pas bien. Là, il est question de son sentiment de ne pas s'intéresser aux choses, comme avant..." "Armelle, dans le compte rendu qu'elle rédige le soir, recherche le mot le plus juste pour exprimer l'effet de ces moments passés, dans la randonnée, à regarder les animaux rencontrés : ils égaient, ou plutôt, conclue-t-elle, ils encouragent notre marche. - quatrième jour : "au lac Chambon, il fait beau. Il y a de l'espace, chacun peut se faire sa place au soleil... Brigitte et Danièle s'en donnent à coeur joie sur les balançoires, comme si se réveillaient là de bienheureuses sensations enfantines..." "Et là, les uns et les autres se regroupent et s'échangent des histoires drôles et des devinettes : moments rares de rires, de complicité, de jeux de mots : Raymond y excelle dans le genre de l'humour noir et raconte, pince sans rire, sans se faire prier, beaucoup d'histoires. Simon est bien présent. Armelle rit fort mais, parfois, avec un temps de retard". "Le soir, Danièle pleure, se met à l'écart. Elle qui a tant investi la préparation de ce séjour ! Le présent du gîte, le passé immédiat, le futur proche paraissent n'avoir pour elle aucune épaisseur. Elle confirme notre impression par cette formule : "entre le passé et l'avenir, il n'y a rien, il n'y a que du creux". "Brigitte est heureuse d'être là, souriante. Elle s'accorde des moments de calme, à l'écart, mais participe volontiers à ce qui se passe". La relecture, après coup entre nous soignants de ces notes journalières du présent du gîte, nous met en position d'accueil de ce qui s'est vécu là. Relire, ensemble, nous fait apparaître et souligner comment chacun des participants s'inscrit dans la temporalité vécue du séjour, comment chacun met là en jeu un mode singulier de rapport au présent : participation spontanée, difficulté à s'intéresser, réveil de souvenirs, moments de complicité ou au contraire d'isolement; incapacité à vivre le présent, etc... La vie de groupe est marquée par l'accord plus ou moins harmonieux de ces temporalités singulières. Le gîte au présent, c'est la manière dont résonne cet accord pour chacun. Ainsi, se révèle étonnante, quand on les voit vivre dans le pavillon à l'hôpital, la spontanéité avec laquelle Armelle et Lucien participent au temps du groupe. Déroutés, déconcertés, nous le sommes par Danièle qui s'installe dans un contretemps de plus en plus marqué par rapport à la vie du groupe. Présente à l'heure précise à chaque réunion de préparation, elle est ici en décalage. A l'heure de vivre le présent qu'elle a tant préparé, c'est comme si elle s'interdisait d'en jouir. elle dit ne pas "s'intéresser". Elle évoque la vacuité de ce présent coincé entre un passé idéalisé et la projection dans un futur inaccessible. L'injonction "il faut que tu t'y mettes" qui répète dans sa tête une phrase dite il y a longtemps par une enseignante, vient s'imposer là, au point où elle est incapable de présent. La présence de Raymond se manifeste là dans son expressivité empreinte d'humour. Lui, si silencieux dans les temps prévus pour parler (réunions de l'appartement thérapeutique où il passe une nuit par semaine, par exemple) est ici un observateur subtil de la vie du groupe : il distille maintes remarques plaisantes et rit à gorge déployée des histoires qu'il raconte spontanément. Libéré des angoisses massives des échéances quotidiennes de la vie hospitalière, Lucien, ici, bouge, rit dans le groupe, "en mesure" par rapport à ce qui se passe autour. Serein, Simon dit son bonheur d'être là et son inquiétude du retour. Et la présence de Brigitte est soucieuse de la souffrance de Danièle. Elle vient nous dire qu'elle pleure. Par ses allées et venues entre nous et Danièle, elle semble tenter de combler la distance que cette dernière installe entre elle et le groupe. L'accueil de cette vie quotidienne partagée là, dans le séjour, les étonnements que cet accueil suscite en nous, nous ouvrent à une dimension du soin peut être mal repérée par nous dans notre pratique habituelle : la dimension de la temporalité. Que met en jeu, de ce point de vue, le temps du séjour ? III - Les sejour thérapeutique : une "méthode" de temps soignant En relisant le vécu du gîte nous mesurons, en contrepoint, combien nous vivons "naturellement" à l'hôpital, selon une temporalité que l'on pourrait qualifier de "cadencée" et perçue comme allant de soi. Le séjour thérapeutique "suspend" cette évidence, ouvre une parenthèse dans cette temporalité cadencée qui s'impose d'elle-même. Il intervient là, pourrait-on dire, comme un équivalent de l'épochè , de la réduction phénoménologique : une position méthodique d'accueil de la modalité singulière selon laquelle chaque sujet ex-iste le temps et y habite un monde. Il ouvre ainsi le soignant à cette dimension constitutive de la subjectivité dans son rapport au monde et aux autres qu'est la temporalité . Du même coup, il crée pour les soignés des conditions propres à l'appropriation subjective du temps, des conditions favorables à la mise en jeu de sa présence parmi les autres. Cela se fait de manière douloureuse pour Danièle, dans la joie et parfois les rires pour Raymond et Simon, dans le souci de l'autre pour Brigitte, dans la recherche du mot juste pour restituer la qualité de ce vécu dans le journal pour Armelle. Chacun peut là "répéter" sur une scène accueillante son jeu personnel, sa tentative singulière d'être là. Dans cette expérience peut-on relever quelques repères qui pourraient caractériser cette "position méthodique" et qui font du temps du séjour un temps soignant ? Il nous a semblé qu'ils pouvaient être articulés autour de deux passages : - le passage de la "cadence" au "rythme", - le passage du "temps devancé au temps partage". - De la "cadence" au "rythme" "la vie quotidienne au gîte, rappelle l'une d'entre nous, est structurée mais pas avec des horaires imposés. Les décisions sont prises en commun. Nous sommes disponibles. Il n'y a plus d'horaires fixes et cela change les choses : Lucien toujours angoissé par rapport aux horaires vit au gîte dans un rythme en harmonie avec la vie du groupe. Armelle dort mal dans le service. Elle attend toujours qu'on lui rappelle les horaires des activités, de la prise des médicaments, etc... Au gîte elle n'a pas de problème de sommeil. Elle se lève spontanément et participe à la préparation du petit déjeuner". Le lien est ici établi entre la perte des horaires fixes, l'oubli de la "cadence" et un autre mode de vivre ensemble, de "rythme en harmonie" dont on note les effets sur tel ou tel soigné. Qu'est-ce qui se passe donc là ? La "cadence" est la forme dominante de la vie collective, notamment à l'hôpital. Elle s'impose en se justifiant de l'organisation nécessaire de la collectivité, des conditions de travail, des horaires. Les heures des repas, les heures des médicaments sont des temps structurants de cette "cadence". Ce qui ne se plie pas à cette cadence risque rapidement d'être vécu comme une transgression d'un ordre nécessaire. Quand un soigné n'est pas au "repas cadencé" la question est posée de le remettre au pas. Là, dans cette question, se dit quelque chose de notre position habituelle de maîtrise du mode selon lequel le temps doit se dérouler pour eux. En mangeant son repas, en avalant ses médicaments, le patient intériorise d'une certaine façon cette cadence imposée de l'extérieur. A la faveur de la parenthèse du séjour, abandonner la "cadence" comme mode de déroulement du temps, c'est pour le soignant "lâcher prise", c'est renoncer à la maîtrise du temps et permettre ainsi au soigné d'imprimer son propre "rythme" , de l'ajuster à celui des autres et d'exister comme sujet. - du "temps devancé" au "temps partagé" Dans les notes prises au cours du gîte, des remarques anodines désignent un autre déplacement de notre position dans le temps : "Le mardi matin notre lever est échelonné. Lucien et Raymond sont les premiers debout..." "Le jeudi matin, Danièle sera la première levée : elle est déjà allée s'approvisionner auprès du boulanger ambulant de croissants qui seront appréciés avant le départ en promenade..." "Le dernier jour, le lever est très échelonné. Danièle est la première levée et a préparé le café. Nous déjeunons avec elle, tandis que les uns et les autres arrivent tranquillement..." Banalités que ces remarques qui évoquent pourtant un déplacement significatif de notre position : nous sommes précédés dans le temps et dans certains gestes de la vie quotidienne. A l'hôpital, en effet, de jour comme de nuit, le soigné est veillé. Quelle que soit l'heure de son lever, il est précédé. Il rencontre le regard déjà là du soignant déjà debout. Pendant le séjour, nous ne sommes plus "déjà debout", ni "déjà là". S'évanouit alors le fantasme de la permanence du regard infirmier et, avec lui, celui d'un temps précédé, devancé, déroulé par d'autres. Et à travers des gestes simples : acheter des croissants, préparer le café, Danièle peut se poser dans un temps partagé où une initiative est possible, où une décision peut précéder la parole du soignant. IV - Du "projet" à l'"ouverture" Le concept du "projet" a inauguré la réflexion sur ce séjour thérapeutique. Mais nous nous sommes rapidement interrogés sur sa pertinence dans le champ d'une action dont le centre d'intérêt est le devenir d'autrui. En nous situant du point de vue de l'accueil de l'expérience vécue des soignés pendant le séjour, nous est apparue alors l'importance de nous ouvrir à la manière propre à chacun de s'inscrire dans la temporalité et, parfois, à la difficulté de vivre un présent où puisse advenir l'horizon d'un futur. Le recueil de l'expérience vécue pendant le séjour nous a conduits à un véritable retournement : si le séjour thérapeutique peut être une "méthode de temps soignant", c'est que s'y produit de la part des soignants un double renoncement : - renoncement à maîtriser le temps des soignés, - renoncement à devancer le temps des soignés. Ce double renoncement rendu possible par la scène construite au cours de nos réunions préparatoires crée en nous soignants une réceptivité, une ouverture - à l'accueil de l'expérience vécue par les soignés d'un rythme personnel où peut émerger le sujet, - à l'accueil de leur tentative d'accéder à un temps partagé qui permet l'initiative. "Du projet à l'ouverture, écrit MALDINEY, la différence est absolue" . Peut être faut-il mettre en perspective, dialectiser ces deux concepts. A lui seul, en effet, le premier nous soumet à la "tentation de tout pouvoir", de la maîtrise. A lui seul, le second nous installe prématurément dans la "contemplation". C'est peut être la rencontre du "proche", pourrait-on dire en poursuivant d'emprunter à la thématique évangélique, qui nous donne accès à un chemin d'accompagnement soignant. Qui est ce proche, ce soigné ? Autrui, ce soigné dont le visage se manifeste à nous dans la rencontre, déborde, excède la représentation que nous en avons, aussi instruite soit-elle de nos connaissances. L'action que nous menons, quant à elle, en présence d'autrui, ne mesure pas non plus toutes6 ses conséquences. "En entreprenant ce que j'ai voulu, j'ai réalisé tant de choses dont je n'ai pas voulu, écrit LEVINAS, l'oeuvre surgit dans les déchets du travail" . "Toute volonté, poursuitil, se sépare de son oeuvre. Le mouvement propre de l'acte consiste à aboutir dans l'inconnu... L'inconnu ne résulte pas d'une ignorance de fait. L'inconnu où débouche l'acte résiste à toute connaissance, ne se place pas dans la lumière, puisqu'il désigne le sens que l'oeuvre reçoit à partir de l'autre" . C'est d'autrui, de celui vers lequel s'oriente notre projet que nous recevons, finalement, le sens de l'action engagée. Ce n'est qu'à prendre sur soi la souffrance de l'autre à laquelle s'adresse notre soin que nous pourrons mettre en dialogue le projet et l'ouverture. Si le projet nous met en marche, nous "arrache" à nous-mêmes et nous "emporte au loin" pour ouvrir un horizon à un dessein, pour "rendre possible le possible" , il nous faut dans le même temps décentrer notre regard du lieu des effets attendus et nous mettre en position de "réceptivité" des effets inattendus qui surviennent en surplus de notre intention. Car ces effets inattendus nous renvoient le sens que l'action a produit chez l'autre. De cette "réceptivité", MALDINEY dit "qu'elle n'est pas de l'ordre du projet mais de l'accueil, de l'ouverture, et qui n'admet aucun a priori, qui, attendant sans s'attendre à quoi que ce soit, se tient ouverte par delà toute anticipation possible" . Peut être alors pourrons-nous dire que l'action que met en oeuvre le projet, en s'orientant vers l'autre, n'est possible que dans la patience, c'est-à-dire dans le renoncement à voir triompher sa propre cause pour se laisser transporter dans le temps de l'autre, pour laisser affecter son être-dans-le-temps par l'être-dans-le-temps de l'autre. N'est-ce pas là une manière de retrouver, d'évoquer le contre-transfert ? RETOUR Le chemin suivi dans cette relecture du séjour thérapeutique nous a ouverts au vécu propre de la temporalité de Lucien, Raymond, Brigitte, Simon, Danièle et Armelle dans le déroulement de la vie quotidienne du séjour thérapeutique. En partant ainsi à leur rencontre sur les chemins d'Auvergne, c'est nous-mêmes qui sommes interrogés et conduits de notre souci d'agir, de notre projet, à l'interrogation sur notre ouverture, sur notre "réceptivité". "C'est seulement en abordant autrui que j'assiste à moimême" écrit justement LEVINAS . Le temps du séjour thérapeutique reste un moment exceptionnel dans le parcours des soignants et des soignés et dans leur rencontre. Le retour nous réinscrit les uns et les autres dans certains traits parfois inévitables de la temporalité hospitalière. Mais ce moment exceptionnel nous éveille au préalable qu'il faut bien qualifier d'éthique de l'action soignante : le soigné, autrui, échappe à notre volonté. Il résiste à la maîtrise que voudrait exercer la mise en oeuvre du "projet". Et c'est finalement de lui que nous aurons à recueillir ce que l'action, à notre insu, produit. Accepter cette résistance, c'est reconnaître l'altérité, c'est reconnaître le statut de sujet. "La résistance de l'autre ne me fait pas violence, n'agit pas négativement ; elle a une structure positive : éthique" .