L`accouchement naturel et ses bienfaits

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L`accouchement naturel et ses bienfaits
Naissance | Naître parents
© Isabelle Delhove
Isabelle
Delhove
◆
L’ACCOUCHEMENT
naturel
ET SES BIENFAITS
◆
Quand on a eu la chance de vivre un
accouchement naturel1, on ne peut
que souhaiter transmettre à d’autres
femmes l’envie de vivre une expérience
similaire. Quels sont les avantages d’un
accouchement naturel ? Pourquoi choisir
de souffrir éventuellement alors que
la péridurale est à notre disposition ?
En quoi une telle expérience peut-elle
nous transformer littéralement ?
« Les femmes qui osent aller dans cet inconnu, qui osent se faire confiance et croire qu’elles
pourraient bien être capables de vivre ce que tant de femmes avant elles ont vécu, ces femmes
en ressortent souvent fortes d’une puissance qu’elles ne croyaient pas détenir 2. »
C
hoisir un accouchement naturel, c’est faire ce
grand saut dans l’inconnu qui nous bouleverse
totalement, « s’ouvrir le cœur, le corps et l’esprit à
une grande transformation, à une étape importante de sa vie », comme le dit si bien Isabelle Brabant dans son magnifique livre Une naissance heureuse3. C’est choisir de porter la responsabilité de
son accouchement, ce dont la médecine occidentale
a privé les femmes en se donnant le droit de décider pour elles. C’est oser croire à son instinct, à ses
besoins, à ce que l’on ressent au plus profond de soi.
C’est reprendre sa place légitime dans le processus
de la naissance.
L’importance du sentiment de sécurité
dans le processus de l’accouchement
Il est essentiel, dès le début de la grossesse, de se
demander de quelle manière on souhaite accoucher, pour effectuer un choix en connaissance de
cause. Car, comme l’écrit Isabelle Brabant, « c’est
de ce rêve, du désir d’amour, d’intimité, de respect,
pour soi, pour l’autre et pour l’enfant à naître, que
viendront les actions concrètes qui rassembleront, en
temps voulu, les conditions propices à leur réalisation4. » Pour accoucher, il est primordial de se sentir
en sécurité. Il s’agit d’un réflexe de protection, commun à tous les mammifères. Durant le travail, ce sont
Grandir Autrement n° 46 ◆ Mai - Juin 2014 13
© Isabelle Delhove
Naître parents | Naissance
les structures cérébrales dites primitives qui sont à
l’œuvre ; elles sont responsables de la sécrétion des
endorphines, merveilleuses alliées qui contribuent
à engourdir la douleur. L’activité de cette partie du
cerveau peut toutefois être inhibée par la stimulation intempestive du néocortex (structure cérébrale
plus récente d'un point de
vue évolutionniste). En parlant à la future maman, en
la soumettant à une lumière
trop vive, en ne respectant
pas son besoin d’intimité,
en lui imposant des positions non physiologiques ou
inconfortables et des observateurs indésirables ou en
l’auscultant trop souvent, on empêche la progression d’un travail efficace, et on perturbe la production d’endorphines. Il est donc primordial de bien
protéger son espace d’intimité, de créer la « bulle »
où l’on se sentira à l’aise pour mettre son bébé au
monde. Comme l’explique si bien Michel Odent
dans son ouvrage Le bébé est un mammifère5, la pièce
où l’accouchement va avoir lieu doit être familière
et plongée dans la pénombre, et la femme ne doit
pas être déplacée durant le travail (tout le contraire
en somme de ce que vivent la plupart des femmes
lorsqu’elles accouchent à l’hôpital).
Se sentir en sécurité, c’est également faire confiance
à son corps, à ses forces et à ses capacités. Il y a une
part d’inconnu dans chaque naissance, et les moyens
technologiques et médicaux parfois mis en œuvre
ne constituent pas nécessairement une garantie de
sécurité, bien au contraire. La position imposée
par la péridurale (couchée sur le dos) est la moins
physiologique de toutes et
rend l’expulsion particulièrement difficile, ce qui justifie le recours si fréquent aux
forceps et autres ventouses,
à l’épisiotomie, quand ce
n’est pas à la césarienne. Il
est vraiment regrettable que
tant de femmes et de bébés
aient à subir de telles interventions, non dénuées de
séquelles tant physiques que
psychologiques, qui pourraient être évitées. Les
positions physiologiques qu’on est libre d’adopter
dans le cadre d’un accouchement naturel (à genoux,
à quatre pattes, etc.), en revanche, facilitent la progression du bébé et diminuent par conséquent le
risque d’intervention médicale.
Se sentir en sécurité,
c’est également
faire confiance
à son corps, à ses forces
et à ses capacités.
14 Mai - Juin 2014 ◆ Grandir Autrement n° 46
Se passer de la péridurale
L’accouchement naturel, c'est se sentir en sécurité
mais c’est aussi se passer de péridurale. Or cette
dernière est véritablement devenue la norme ; la
plupart des femmes n’envisagent pas de pouvoir
s’en passer et celles qui font le choix de ne pas y
recourir doivent souvent s’en justifier. Le travail est
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désormais vécu comme une agression dont il faut se
prémunir. La péridurale constitue bien entendu un
formidable outil lorsque les circonstances sont telles
qu’on ne peut en supporter plus, mais son usage systématique doit être remis en cause. Il est aberrant
de constater qu’il s’agit souvent de l’unique soutien
proposé. Notre système de soins de santé a préféré
privilégier l’aide pharmacologique par rapport à
une présence humaine chaleureuse tout au long de
l’accouchement, qui diminue pourtant considérablement le besoin d’anesthésie.
Le sens de la douleur de l’accouchement
Le message envoyé aux femmes est que la douleur de
l’accouchement est inutile, alors pourquoi la subir ?
Cette douleur a pourtant bien un sens. « À mesure
que l’on apprend à connecter ce qu’on ressent avec le
mouvement de notre bébé qui se fraie un chemin vers
sa naissance, et qu’on accepte qu’il le fraie à travers soi,
dans notre chair même, les contractions se prennent
mieux6 ». Lors de mes accouchements, cela m’a beaucoup
aidée de visualiser la progression de mon bébé ; je me
rendais ainsi compte que la
douleur si intense que je ressentais n'était pas un ennemi
à combattre, mais la sensation du passage de mon bébé
dans mon corps. À chaque
nouvelle contraction, je me
disais qu'il se rapprochait un
peu plus de mes bras.
Accoucher ne se limite pas
à donner la vie à son enfant ;
c’est aussi couper le cordon
avec sa vie d’avant, avec sa
propre mère, accepter de
perdre le bébé imaginaire
qu’on portait, se mettre au
monde soi-même dans son nouveau rôle de mère.
C’est tout cela qui est douloureux et c’est pourquoi
une anesthésie ne peut constituer un remède satisfaisant. Par ailleurs, je crois profondément que l’attachement que nous portons à notre bébé est tout
autre si nous l’accompagnons véritablement dans ce
chemin si difficile qu’il doit parcourir jusqu’à nous.
l’accouchement soit un processus incontrôlable ;
cependant, nous possédons toutes en nous les ressources nécessaires pour le vivre pleinement.
L’accouchement dans l’eau,
une possibilité intéressante
Pourquoi ne pas choisir d’accoucher dans l’eau ?
L’ eau contribue à se détendre, à atténuer fortement
la douleur et à réduire la période de dilatation du
col. L’immersion dans un bain est propice à l’état de
conscience recherché (se couper du monde extérieur). En cas d’accouchement à la maison, on peut
ainsi donner naissance à son bébé dans sa baignoire
(ou dans une piscine, même gonflable). Certains
hôpitaux offrent également la possibilité d’accoucher dans une grande baignoire, dans une salle dite
d’accouchement naturel.
Pour l’avoir vécu deux fois, je ne peux que recommander de plonger dans ce grand inconnu (et dans la
baignoire !) et de se faire confiance. L’accouchement
naturel ne comporte que des
avantages, pour soi-même
et pour le bébé. Cette expérience sans égale procure
une grande force pour les
autres événements de la vie,
et l’immense fierté d’avoir
repoussé ses limites. C’est
merveilleux de voir comme
la douleur, qui avait atteint
un paroxysme à peine soutenable, s’évanouit en une fraction de seconde à la naissance du bébé. On se sent
alors active, heureuse, forte
du grand moment que l’on
vient de vivre et de partager
avec son bébé. Cela favorise
l’attachement, la première
tétée précoce, le bon démarrage de l’allaitement, bref, des moments inoubliables
avec son bébé en perspective. ◆
Accoucher ne se limite
pas à donner la vie
à son enfant ; c’est
aussi couper le cordon
avec sa vie d’avant,
avec sa propre mère,
accepter de perdre le
bébé imaginaire qu'on
portait,...
Apprivoiser la douleur et lâcher prise
Si les femmes réclament généralement la péridurale
assez tôt dans le travail, c’est qu’elles n’ont pas eu le
temps d’apprivoiser la douleur, de s’y abandonner
et de la rendre ainsi plus supportable. D’où l’importance de bien comprendre les forces qui sont à
l’œuvre durant l’accouchement (la peur amplifiant
la douleur) et d’être bien accompagnée (une sagefemme ou une doula qui sait se faire discrète, douce
et rassurante, peut faire des miracles ; un conjoint
aimant également). Dans un monde où tout doit
être contrôlé en permanence, il faut accepter que
◆
1 On entend ici par « accouchement naturel » un accouchement
par voie basse, sans déclenchement ni péridurale, dans la position
choisie par la femme et sans intervention médicale (forceps,
ventouse, épisiotomie, etc.)./ 2 Une naissance heureuse, Isabelle
Brabant, Éditions Saint-Martin (2001)./ 3 Voir la chronique du
livre d’Isabelle Brabant parue dans le numéro 45 de Grandir
Autrement./ 4 Op. cit./ 5 Le bébé est un mammifère, Michel Odent,
Éditions L’Instant Présent (2011)./ 6 Une naissance heureuse, Isabelle
Brabant, Éditions Saint-Martin (2001).
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