formation continue - Rendez

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formation continue - Rendez
La kinésithérapie est
aussi préventive (suite)
Comme nous l’annoncions dans Kiné actualité N° 1114, le Comité national
de prévention de la kinésithérapie (CNPK) a choisi de mettre en valeur,
lors de son 4e congrès, des actions de prévention réalisées dans les
départements. En effet, de plus en plus de kinésithérapeutes enrichissent
leur activité d’interventions préventives. En voici quelques exemples.
par Julie Devillers
D.R.
formation continue
CNPK
Programme EquiliBreizh de prévention
des chutes chez les personnes âgées
D’APRÈS L’INTERVENTION DE JACKY ROBIN,
PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION KINÉ OUEST PRÉVENTION
Deux millions de personnes âgées de plus de 60 ans
chutent chaque année en France entraînant 9 000
décès et des pertes d’autonomie principalement liées
à la peur de rechuter.
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Fort de ce constat, l’association Kiné Ouest
Prévention, groupement de quatre CDPK (Comités
départementaux de prévention de la kinésithérapie)
bretons, réalise depuis 1999 des actions de prévention
Ka
des chutes chez les personnes âgées. Ces initiatives,
nommées Equilibr’Age, s’adressent à des personnes
de plus de 65 ans vivant à leur domicile et relativement
autonomes (GIR 5-6). Elles sont financées par
l’Assurance maladie, les conseils régionaux et les
collectivités locales.
Dans un premier temps, les membres de l’association
réunissent les partenaires locaux afin d’assurer la promotion et le bon déroulement de l’intervention à
venir. Une conférence de sensibilisation aux chutes
chez les personnes âgées est ensuite programmée
dans la commune concernée, accessible à tous (personnes âgées, personnel soignant, familles).A l’issue de
cette manifestation, les personnes intéressées ont la
possibilité de participer à un atelier -huit séances d’une
heure et demie-,réalisé par groupe de 10 à 14 personnes.
Ces interventions sont animées par des masseurskinésithérapeutes formés à cet effet. Une participation
de 15 euros est demandée aux participants.
Des résultats probants
L’objectif des actions Equilibr’Age est de diminuer la
fréquence, la gravité et les conséquences des chutes
et de concourir au maintien global de l’autonomie chez
les participants. Il s’agit aussi de dépister et traiter
précocement les troubles de l’équilibre. Ces actions
permettent aussi de sensibiliser la population à ce
problème et de constituer un réseau de professionnels
de santé sur ce thème.
Le premier des ateliers repose sur une évaluation de
chaque retraité par le biais de tests type Time up and
go, ou encore parcours Equilibr’Age (ensemble de dix
mises en situation chronométrées : franchissement
d’obstacles, demi-tour, marche en ligne droite…).
L’évaluation du parcours détermine la facilité et la
vitesse du participant. Les ateliers suivants comportent
un registre diversifié d’exercices qui ont pour but d’améliorer l’équilibre, de dédramatiser la chute et d’automatiser le relevé du sol.Au fil des séances, l’intervenant
conseille le groupe en matière d’activité physique,
d’hygiène de vie et d’aménagement de l’habitat.A nouveau
lors de la dernière séance, les participants se soumettent
à des tests pour évaluer leur progression et la pertinence de l’action.
Les résultats sont probants. Des évaluations extérieures, réalisées à la demande des organismes payeurs
en 2005 et 2007, attestent d’une diminution de 2/3 des
chutes médicalisées dans l’année suivant l’action, d’une
reprise de l’activité pour 1/3 des participants aux ateliers
et d’une amélioration sensible du score de confiance*.
Le programme EquiliBreizh a réalisé 177 conférences
et 230 ateliers au bénéfice de 9 500 retraités.
Sources : Icônes et Catalys conseil
*
Informations: www.kineouestprevention.com
Prévention des accidents du sport
D’APRÈS L’INTERVENTION DE TONY GUILMET, CDPK 72 (SARTHE)
Depuis huit ans, des interventions de prévention des
accidents du sport sont pratiquées par des masseurskinésithérapeutes du département de la Sarthe. Faciles
à mettre en place, elles s’adressent à l’ensemble de la
population, quels que soient l’âge et le sport pratiqué.
A l’initiative de ce programme préventif, quatre
masseurs-kinésithérapeutes.Partis d’un constat du Centre
d’éducation français pour la santé, ces derniers ont
pris conscience de l’importance des blessures liées à
la pratique sportive et des compétences du kinésithérapeute pour ces pathologies. Dans cette étude, les
jeunes français positionnaient, parmi tous les types
d’accidents, ceux liés au sport en 7e position de leurs
craintes. En décalage avec ces peurs, la réalité indique
pourtant qu’ils sont les plus courants.
Outre cette fréquence élevée, les accidents du sport
présentent aussi un coût pour la société. Sur l’ensemble
des personnes accidentées du sport, 78 % consultent
un médecin, 6 % sont hospitalisés et 17 % bénéficient
d’un arrêt de travail. Consciente de ces dépenses,
l’Urcam (Union régionale des caisses d’assurance maladie)
des Pays de Loire finance les interventions du CDPK
72 dans le cadre de “budgets de prévention des accidents
de la vie quotidienne”, se limitant toutefois aux actions
chez les jeunes.
Le principe des 4E
Les interventions se déroulent dans les écoles et les
clubs sportifs. Une conférence a lieu, dans un premier
temps, où sont invités les éducateurs et membres du
club ou de l’établissement, ainsi que les familles.
L’intervenant kinésithérapeute y présente les bienfaits
de la pratique sportive, interpelle les sportifs, chiffres
à l’appui, sur le nombre d’accidents et leurs
jeudi 3 juillet 2008 / n° 1117 / Kiné actualité /
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incidences. Il précise les notions d’hygiène de vie
(alimentation,sommeil,conduites addictives),l’importance
de la qualité et de l’adaptation de l’équipement. Il développe et insiste ensuite sur l’importance de ce que les
créateurs du programme nomment les “4E” : échauffement, équilibre, étirements actifs (avant la compétition
ou l’entraînement) et étirements passifs (après la compétition ou l’entraînement).
A la suite de la conférence, une première séance sur le
terrain est consacrée aux tests d’équilibre et d’extension
musculaire, associés à un questionnaire d’hygiène de
vie. Trois autres séances s’attachent ensuite à la mise
en place sur le terrain des “4E” en présence de l’éducateur, chargé de les pérenniser. Enfin une dernière séance
reprend les mesures des tests afin de pouvoir élaborer
une comparaison et permettre l’évaluation de la pertinence de cette action.
A ce jour, les kinésithérapeutes préventeurs sont
intervenus dans une vingtaine de clubs sportifs et dans
des collèges. Sur 178 enfants testés, des progrès
proprioceptifs sont observés dans 72 % des cas et une
meilleure extensibilité musculaire dans 54 % d’entre
eux.
Contact: [email protected]
Recommandations gestuelles
et modes opératoires industriels
D’APRÈS L’INTERVENTION DE PHILIPPE BIDET, CDPK 63 (PUY-DE-DÔME)
Rencontrée en 2007 sur un salon Préventica, l’entreprise suédoise Trelleborg a fait appel au CDPK 63 pour
intervenir sur son site de Clermont-Ferrand. Désireuse
de réduire les accidents de travail et les maladies professionnelles, le leader européen de tuyaux pétroliers
offshore a choisi de former, dans un premier temps,
8 chefs d’équipe de l’atelier “gros tuyaux”. Objectif :
faire passer des messages d’hygiène gestuelle qui seront
ensuite transmis aux nouveaux embauchés.
Pendant un an, Philippe Bidet s’est rendu une dizaine
de journées au sein de l’entreprise. En premier lieu,
il a rencontré les membres de la direction du site et
précisé avec eux leur demande. Ensuite, il s’est rendu
sur le terrain pour évaluer les gestes des salariés dans
leur environnement. Ce stade primordial d’observation
a bénéficié de l’œil exercé d’un kinésithérapeute sur le
geste et la connaissance fonctionnelle de l’anatomie.
Les capacités du professionnel ont permis de discerner,
au cours d’un geste, les articulations possiblement mises
en danger. Un support vidéo a ensuite montré aux
salariés leurs gestes et défauts en images.A l’aide d’outils
pédagogiques simples et d’un squelette, l’intervenant
leur a apporté des notions d’anatomie et de mouvement.
Par la suite, le kinésithérapeute préventeur a décortiqué
l’ensemble des séquences gestuelles nécessaires à la
fabrication d’un tuyau dans l’atelier concerné pour
n’en garder que douze. Il en a analysé trois d’entre
elles avec les stagiaires pour les guider vers une certaine
autonomie d’analyse. Le mois suivant, les salariés se
sont exercés seuls sur les neuf autres séquences au
cours de leurs journées de travail.
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Au-delà des grands principes de prévention, Philippe
Bidet insiste sur la liberté gestuelle. La gestuelle est
intime et individuelle, elle ne doit pas être bridée.
Une liberté gestuelle
L’objectif de ces interventions ne consiste pas à reproduire le geste du démonstrateur, mais plutôt à respecter
le principe mis en avant -se rapprocher de la tâche,
s’abaisser, augmenter la surface de contact au sol, etc.en tenant compte des particularités de son corps.
“Il semble y avoir une perte du savoir-faire gestuel. Les
jeunes d’aujourd’hui ont vécu leur adolescence sur les
bancs de l’école et n’ont pas acquis le même ressenti de
leur corps que les générations précédentes, qui marchaient
et participaient beaucoup plus aux tâches de la maison.
Ainsi à leur arrivée en entreprise, le risque de blessure est
plus important”, explique le kinésithérapeute.
Dans le cadre d’un suivi du groupe de travail, Philippe
Bidet se rend encore régulièrement sur le site afin de
répondre aux éventuelles problématiques rencontrées.
Ce projet se poursuit aujourd’hui dans un autre secteur
de l’entreprise, celui de l’expédition. Le CDPK 63 a
formé depuis 12 ans une quinzaine d’entreprises, hôpitaux, établissements scolaires et maisons de retraite.
Un tel projet de prévention ne peut toutefois se
concevoir qu’avec l’implication active de la hiérarchie
et l’appropriation du projet par les personnes formées
qui, à leur tour, éduqueront ensuite en interne les nouveaux embauchés.
Contact: [email protected]
Ka
Réflexions sur la place du kinésithérapeute
au sein d’une action globale de prévention des TMS
D.R.
D’APRÈS L’INTERVENTION DE BRUNO GAVINET,
CDPK 44 (LOIRE-ATLANTIQUE) - KINÉ LOIRE FORMATION
L’augmentation des TMS (troubles musculo-squelettiques) et la sensibilisation de la population à ce fléau
aboutissent à une recherche effrénée de solutions de
la part des entreprises. Face à cela, les différents
acteurs de la prévention ont des représentations
diverses de l’origine des TMS et donc de leurs moyens
de prévention.
Souvent seuls, les aspects biomécaniques et l’engagement
corporel sont retenus par les professionnels paramédicaux. Pourtant, majoritairement portés sur les membres
supérieurs, les TMS ont des facteurs déclenchants et
favorisants multiples : organisation du travail, ergonomie,
contexte psychosocial, etc. L’addition de ces contraintes
réduit la marge de manœuvre de l’opérateur et met
son corps sous tension, le rendant plus vulnérable aux
pathologies.
Dans ce contexte, le kinésithérapeute propose diverses
formes de prestations : actions gymniques, éducatives,
“ergonomie de proximité”, etc. Cet éventail d’action trop
large et peu cohérent finit par rendre ces interventions
difficilement cernables aux yeux des partenaires.
Aider à trouver sa propre
régulation physique
En janvier 2008, l’Agence nationale pour l’amélioration
des conditions de travail (Adapt) publie un rapport sur
les TMS. D’après ce dernier, pour les actions tournées
vers l’opérateur, les entreprises prônant la standardisation du “bon geste” dans un but de prévention efficace
nient la variabilité du travail et les compétences indivi-
duelles et collectives. Des formations type Gestes et
postures, pourtant fréquentes en entreprise, recevraient
des résultats décevants. En revanche, d’autres outils de
formation existent tels que RREM (Respiration, Ressenti,
Etirement, Mobilité), utilisé par Kiné Loire Formation
et Kiné Ouest Prévention. Celui-ci fournit une approche
intéressante permettant de définir un référentiel physique individualisé. Cette formation vise à renouer un
dialogue entre l’opérateur et sa structure - autant physique que celle de l’entreprise pour laquelle il exerce.
Plutôt que de proposer une solution gestuelle type, il
semble donc plus adapté d’aider chaque personne à
trouver sa propre régulation physique face aux contraintes.
Le kinésithérapeute préventeur serait ainsi moins celui
qui sait tout, que celui qui dispose de la compétence à
organiser et animer les “disputes” professionnelles, à
valoriser les espaces et stratégies existants, comme le
préconise l’Adapt.
Jouissant d’une image de professionnel compétent en
la matière et populaire, ce professionnel a incontestablement sa place dans le domaine de la prévention des
TMS. Cependant, selon Bruno Gavinet, il doit veiller à
ne pas limiter sa vision et à prendre en compte toutes
les composantes d’apparition des TMS pour participer
à leur prévention. A cette même fin, il doit aussi se
doter d’outils d’animation et de compétences sur le
monde du travail qui renforceront la pertinence et la
pérennité de son action.
Contact: [email protected]
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