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La kinésithérapie est aussi préventive (suite) Comme nous l’annoncions dans Kiné actualité N° 1114, le Comité national de prévention de la kinésithérapie (CNPK) a choisi de mettre en valeur, lors de son 4e congrès, des actions de prévention réalisées dans les départements. En effet, de plus en plus de kinésithérapeutes enrichissent leur activité d’interventions préventives. En voici quelques exemples. par Julie Devillers D.R. formation continue CNPK Programme EquiliBreizh de prévention des chutes chez les personnes âgées D’APRÈS L’INTERVENTION DE JACKY ROBIN, PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION KINÉ OUEST PRÉVENTION Deux millions de personnes âgées de plus de 60 ans chutent chaque année en France entraînant 9 000 décès et des pertes d’autonomie principalement liées à la peur de rechuter. 18 / Kiné actualité / n° 1117 / jeudi 3 juillet 2008 Fort de ce constat, l’association Kiné Ouest Prévention, groupement de quatre CDPK (Comités départementaux de prévention de la kinésithérapie) bretons, réalise depuis 1999 des actions de prévention Ka des chutes chez les personnes âgées. Ces initiatives, nommées Equilibr’Age, s’adressent à des personnes de plus de 65 ans vivant à leur domicile et relativement autonomes (GIR 5-6). Elles sont financées par l’Assurance maladie, les conseils régionaux et les collectivités locales. Dans un premier temps, les membres de l’association réunissent les partenaires locaux afin d’assurer la promotion et le bon déroulement de l’intervention à venir. Une conférence de sensibilisation aux chutes chez les personnes âgées est ensuite programmée dans la commune concernée, accessible à tous (personnes âgées, personnel soignant, familles).A l’issue de cette manifestation, les personnes intéressées ont la possibilité de participer à un atelier -huit séances d’une heure et demie-,réalisé par groupe de 10 à 14 personnes. Ces interventions sont animées par des masseurskinésithérapeutes formés à cet effet. Une participation de 15 euros est demandée aux participants. Des résultats probants L’objectif des actions Equilibr’Age est de diminuer la fréquence, la gravité et les conséquences des chutes et de concourir au maintien global de l’autonomie chez les participants. Il s’agit aussi de dépister et traiter précocement les troubles de l’équilibre. Ces actions permettent aussi de sensibiliser la population à ce problème et de constituer un réseau de professionnels de santé sur ce thème. Le premier des ateliers repose sur une évaluation de chaque retraité par le biais de tests type Time up and go, ou encore parcours Equilibr’Age (ensemble de dix mises en situation chronométrées : franchissement d’obstacles, demi-tour, marche en ligne droite…). L’évaluation du parcours détermine la facilité et la vitesse du participant. Les ateliers suivants comportent un registre diversifié d’exercices qui ont pour but d’améliorer l’équilibre, de dédramatiser la chute et d’automatiser le relevé du sol.Au fil des séances, l’intervenant conseille le groupe en matière d’activité physique, d’hygiène de vie et d’aménagement de l’habitat.A nouveau lors de la dernière séance, les participants se soumettent à des tests pour évaluer leur progression et la pertinence de l’action. Les résultats sont probants. Des évaluations extérieures, réalisées à la demande des organismes payeurs en 2005 et 2007, attestent d’une diminution de 2/3 des chutes médicalisées dans l’année suivant l’action, d’une reprise de l’activité pour 1/3 des participants aux ateliers et d’une amélioration sensible du score de confiance*. Le programme EquiliBreizh a réalisé 177 conférences et 230 ateliers au bénéfice de 9 500 retraités. Sources : Icônes et Catalys conseil * Informations: www.kineouestprevention.com Prévention des accidents du sport D’APRÈS L’INTERVENTION DE TONY GUILMET, CDPK 72 (SARTHE) Depuis huit ans, des interventions de prévention des accidents du sport sont pratiquées par des masseurskinésithérapeutes du département de la Sarthe. Faciles à mettre en place, elles s’adressent à l’ensemble de la population, quels que soient l’âge et le sport pratiqué. A l’initiative de ce programme préventif, quatre masseurs-kinésithérapeutes.Partis d’un constat du Centre d’éducation français pour la santé, ces derniers ont pris conscience de l’importance des blessures liées à la pratique sportive et des compétences du kinésithérapeute pour ces pathologies. Dans cette étude, les jeunes français positionnaient, parmi tous les types d’accidents, ceux liés au sport en 7e position de leurs craintes. En décalage avec ces peurs, la réalité indique pourtant qu’ils sont les plus courants. Outre cette fréquence élevée, les accidents du sport présentent aussi un coût pour la société. Sur l’ensemble des personnes accidentées du sport, 78 % consultent un médecin, 6 % sont hospitalisés et 17 % bénéficient d’un arrêt de travail. Consciente de ces dépenses, l’Urcam (Union régionale des caisses d’assurance maladie) des Pays de Loire finance les interventions du CDPK 72 dans le cadre de “budgets de prévention des accidents de la vie quotidienne”, se limitant toutefois aux actions chez les jeunes. Le principe des 4E Les interventions se déroulent dans les écoles et les clubs sportifs. Une conférence a lieu, dans un premier temps, où sont invités les éducateurs et membres du club ou de l’établissement, ainsi que les familles. L’intervenant kinésithérapeute y présente les bienfaits de la pratique sportive, interpelle les sportifs, chiffres à l’appui, sur le nombre d’accidents et leurs jeudi 3 juillet 2008 / n° 1117 / Kiné actualité / 19 formation continue incidences. Il précise les notions d’hygiène de vie (alimentation,sommeil,conduites addictives),l’importance de la qualité et de l’adaptation de l’équipement. Il développe et insiste ensuite sur l’importance de ce que les créateurs du programme nomment les “4E” : échauffement, équilibre, étirements actifs (avant la compétition ou l’entraînement) et étirements passifs (après la compétition ou l’entraînement). A la suite de la conférence, une première séance sur le terrain est consacrée aux tests d’équilibre et d’extension musculaire, associés à un questionnaire d’hygiène de vie. Trois autres séances s’attachent ensuite à la mise en place sur le terrain des “4E” en présence de l’éducateur, chargé de les pérenniser. Enfin une dernière séance reprend les mesures des tests afin de pouvoir élaborer une comparaison et permettre l’évaluation de la pertinence de cette action. A ce jour, les kinésithérapeutes préventeurs sont intervenus dans une vingtaine de clubs sportifs et dans des collèges. Sur 178 enfants testés, des progrès proprioceptifs sont observés dans 72 % des cas et une meilleure extensibilité musculaire dans 54 % d’entre eux. Contact: [email protected] Recommandations gestuelles et modes opératoires industriels D’APRÈS L’INTERVENTION DE PHILIPPE BIDET, CDPK 63 (PUY-DE-DÔME) Rencontrée en 2007 sur un salon Préventica, l’entreprise suédoise Trelleborg a fait appel au CDPK 63 pour intervenir sur son site de Clermont-Ferrand. Désireuse de réduire les accidents de travail et les maladies professionnelles, le leader européen de tuyaux pétroliers offshore a choisi de former, dans un premier temps, 8 chefs d’équipe de l’atelier “gros tuyaux”. Objectif : faire passer des messages d’hygiène gestuelle qui seront ensuite transmis aux nouveaux embauchés. Pendant un an, Philippe Bidet s’est rendu une dizaine de journées au sein de l’entreprise. En premier lieu, il a rencontré les membres de la direction du site et précisé avec eux leur demande. Ensuite, il s’est rendu sur le terrain pour évaluer les gestes des salariés dans leur environnement. Ce stade primordial d’observation a bénéficié de l’œil exercé d’un kinésithérapeute sur le geste et la connaissance fonctionnelle de l’anatomie. Les capacités du professionnel ont permis de discerner, au cours d’un geste, les articulations possiblement mises en danger. Un support vidéo a ensuite montré aux salariés leurs gestes et défauts en images.A l’aide d’outils pédagogiques simples et d’un squelette, l’intervenant leur a apporté des notions d’anatomie et de mouvement. Par la suite, le kinésithérapeute préventeur a décortiqué l’ensemble des séquences gestuelles nécessaires à la fabrication d’un tuyau dans l’atelier concerné pour n’en garder que douze. Il en a analysé trois d’entre elles avec les stagiaires pour les guider vers une certaine autonomie d’analyse. Le mois suivant, les salariés se sont exercés seuls sur les neuf autres séquences au cours de leurs journées de travail. 20 / Kiné actualité / n° 1117 / jeudi 3 juillet 2008 Au-delà des grands principes de prévention, Philippe Bidet insiste sur la liberté gestuelle. La gestuelle est intime et individuelle, elle ne doit pas être bridée. Une liberté gestuelle L’objectif de ces interventions ne consiste pas à reproduire le geste du démonstrateur, mais plutôt à respecter le principe mis en avant -se rapprocher de la tâche, s’abaisser, augmenter la surface de contact au sol, etc.en tenant compte des particularités de son corps. “Il semble y avoir une perte du savoir-faire gestuel. Les jeunes d’aujourd’hui ont vécu leur adolescence sur les bancs de l’école et n’ont pas acquis le même ressenti de leur corps que les générations précédentes, qui marchaient et participaient beaucoup plus aux tâches de la maison. Ainsi à leur arrivée en entreprise, le risque de blessure est plus important”, explique le kinésithérapeute. Dans le cadre d’un suivi du groupe de travail, Philippe Bidet se rend encore régulièrement sur le site afin de répondre aux éventuelles problématiques rencontrées. Ce projet se poursuit aujourd’hui dans un autre secteur de l’entreprise, celui de l’expédition. Le CDPK 63 a formé depuis 12 ans une quinzaine d’entreprises, hôpitaux, établissements scolaires et maisons de retraite. Un tel projet de prévention ne peut toutefois se concevoir qu’avec l’implication active de la hiérarchie et l’appropriation du projet par les personnes formées qui, à leur tour, éduqueront ensuite en interne les nouveaux embauchés. Contact: [email protected] Ka Réflexions sur la place du kinésithérapeute au sein d’une action globale de prévention des TMS D.R. D’APRÈS L’INTERVENTION DE BRUNO GAVINET, CDPK 44 (LOIRE-ATLANTIQUE) - KINÉ LOIRE FORMATION L’augmentation des TMS (troubles musculo-squelettiques) et la sensibilisation de la population à ce fléau aboutissent à une recherche effrénée de solutions de la part des entreprises. Face à cela, les différents acteurs de la prévention ont des représentations diverses de l’origine des TMS et donc de leurs moyens de prévention. Souvent seuls, les aspects biomécaniques et l’engagement corporel sont retenus par les professionnels paramédicaux. Pourtant, majoritairement portés sur les membres supérieurs, les TMS ont des facteurs déclenchants et favorisants multiples : organisation du travail, ergonomie, contexte psychosocial, etc. L’addition de ces contraintes réduit la marge de manœuvre de l’opérateur et met son corps sous tension, le rendant plus vulnérable aux pathologies. Dans ce contexte, le kinésithérapeute propose diverses formes de prestations : actions gymniques, éducatives, “ergonomie de proximité”, etc. Cet éventail d’action trop large et peu cohérent finit par rendre ces interventions difficilement cernables aux yeux des partenaires. Aider à trouver sa propre régulation physique En janvier 2008, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Adapt) publie un rapport sur les TMS. D’après ce dernier, pour les actions tournées vers l’opérateur, les entreprises prônant la standardisation du “bon geste” dans un but de prévention efficace nient la variabilité du travail et les compétences indivi- duelles et collectives. Des formations type Gestes et postures, pourtant fréquentes en entreprise, recevraient des résultats décevants. En revanche, d’autres outils de formation existent tels que RREM (Respiration, Ressenti, Etirement, Mobilité), utilisé par Kiné Loire Formation et Kiné Ouest Prévention. Celui-ci fournit une approche intéressante permettant de définir un référentiel physique individualisé. Cette formation vise à renouer un dialogue entre l’opérateur et sa structure - autant physique que celle de l’entreprise pour laquelle il exerce. Plutôt que de proposer une solution gestuelle type, il semble donc plus adapté d’aider chaque personne à trouver sa propre régulation physique face aux contraintes. Le kinésithérapeute préventeur serait ainsi moins celui qui sait tout, que celui qui dispose de la compétence à organiser et animer les “disputes” professionnelles, à valoriser les espaces et stratégies existants, comme le préconise l’Adapt. Jouissant d’une image de professionnel compétent en la matière et populaire, ce professionnel a incontestablement sa place dans le domaine de la prévention des TMS. Cependant, selon Bruno Gavinet, il doit veiller à ne pas limiter sa vision et à prendre en compte toutes les composantes d’apparition des TMS pour participer à leur prévention. A cette même fin, il doit aussi se doter d’outils d’animation et de compétences sur le monde du travail qui renforceront la pertinence et la pérennité de son action. Contact: [email protected] jeudi 3 juillet 2008 / n° 1117 / Kiné actualité / 21