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21 SEPTEMBRE 2015
De la fonte des glaciers aux bâtiments à énergie positive
Atelier animé par Claude Haegi
21 septembre 2015
Le meilleur endroit pour prendre la mesure de l’urgence à agir contre le réchauffement
climatique ? Face aux cimes enneigées et aux glaciers majestueux qu’on voudrait voir toujours,
jusqu’à la fin des temps, mais qui sont menacés d’extinction.
Voilà pourquoi, le parrain de l’Observatoire, Claude Haegi, par ailleurs Président de la Fondation
Européenne pour le Développement durable des Régions (FEDRE), avait décidé de parler des
bâtiments à énergie positive, si prometteurs dans la lutte contre la production de CO 2, à
2 500 mètres d’altitude au-dessus de Chamonix. Compte-rendu de cet atelier au sommet.
Le
Président
de
la
Fondation
Européenne
Développement durable des Régions (FEDRE),
pour
le
Claude
Haegi, assume d’être « l’Helvète de service » au sein du
club des parrains de l’Observatoire Énergies d’Entreprises.
Alors, quand il organise un atelier sur les bâtiments à
énergie positive, les Bepos, en tant que solutions efficientes
pour freiner le réchauffement climatique, il le met en scène
au milieu des montagnes : à 2 525 mètres, au-dessus de Chamonix, face à la Mer de Glace et à
l’étincelant Mont-Blanc. Histoire que les invités prennent la mesure des effets du changement du
climat qui affecte aussi la haute montagne.
Après une première partie sur des réalisations réussies de Bepos, en haute montagne et en
plaine, dans une salle de conférence à Chamonix, la soixantaine d’invités à l’atelier s’est fait
déposer en téléphérique à la cabane du Brévent pour une deuxième partie face aux cimes plus
éternellement blanches.
Bouleversés par la beauté du paysage de carte postale - le temps en ce 21 septembre était
splendide -, les participants à l’atelier de Claude Haegi ont été particulièrement réceptifs aux
différentes interventions.
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21 SEPTEMBRE 2015
* Avec la participation de :

Maxime Bousseaud, business developer Smartgrids & Smartcities, ABB France

Thomas Büchi, concepteur du Refuge du Goûter et ingénieur bois

François-Régis Chevreau, chef de groupement Unité de production Alpes chez EDF

Mathieu Dechavanne, PDG de la Compagnie du Mont-Blanc

Giuseppe Fent, architecte

Luc Moreau, glaciologue, membre associé au laboratoire EDYTEM CNRS de l’Université
de Savoie

Ludovic Ravanel, géomorphologue, chercheur associé au laboratoire EDYTEM CNRS de
l’Université de Savoie

Pierre Stremsdoerfer, ingénieur fluides et énergie du Refuge du Goûter
Coup de chaud en haute montagne
« Le milieu de haute montagne est particulièrement sensible
aux variations climatiques », annonce le géomorphologue
Ludovic Ravanel, chercheur associé au laboratoire EDYTEM
CNRS à l’Université de Savoie. Les 2°C de hausse de
température terrestre prévus d’ici à 20 ans s’observent déjà
en haute montagne. La température moyenne annuelle y a
augmenté de 2°C en 75 ans. La preuve en comparant le
massif du Mont-Blanc tel qu’il apparaît en ce 21 septembre 2015 à des cartes anciennes. Le
paysage a changé. Des éboulements de roches par mètres cubes l’ont redessiné. « La présence
de glace dans les fissures des rochers les faisait tenir en altitude. Depuis quelques années, cette
glace fond et les rochers s’écroulent », remarque Ludovic Ravanel, qui craint le pire pour l’avenir.
Et pour cause : « Ces éboulements ont tous eu lieu durant des périodes chaudes, ce qui atteste
de l’impact du climat sur les hautes cimes ». Des forages ont permis de constater qu’entre 3 100
et 3 500 mètres, les roches dégelaient en surface chaque année et s’érodaient. Sur le versant sud
de l’Aiguille du Midi, la roche dégèle jusqu’à 6 mètres de profondeur, contre 1,50 mètre sur le
versant nord. Résultat : le terrain devient instable, les pylônes bougent de plus en plus, les
avalanches et éboulements de terrain sont plus fréquents. Inquiétant. Sans compter les neiges
éternelles qui ne le sont plus pour longtemps...
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Il fut une époque où le Mont-Blanc était appelé mont Maudit par les habitants de la vallée de
Chamonix, car après chaque hiver, la langue de ses glaciers était plus grande et se rapprochait
des villages. Aujourd’hui, elle est révolue. Non seulement le toit de l’Europe rapetisse : de
nouvelles mesures ont établi que le Mont-Blanc culminait désormais à 4 803 mètres contre
4 810 mètres en 2013. Mais les glaciers du massif se rétractent : 10 mètres d’épaisseur perdus
depuis 2003. « Moins épais, les glaciers ne glissent plus autant et ne drainent plus les débris de la
montagne », explique Luc Moreau, glaciologue, chargé de recherche au laboratoire EDYTEM
CNRS de l’Université de Savoie. En conséquence, leur partie terminale s’amalgame aux débris et
noircit. Le temps des beaux glaciers blancs est en voie d’extinction.
Le captage d’eau sous-glaciaire est devenu difficile
Depuis les années 1960, EDF utilise l’eau de la fonte des neiges sous la Mer de Glace. Le
principe est simple : il s’agit de récupérer l’eau qui ruisselle sous le majestueux glacier du Mont Blanc pour l’acheminer vers une centrale de production hydraulique, la centrale des Bois qui
produit chaque année 115 millions de kWh, ce qui représente la consommation domestique de
50 000 habitants (environ la ville d'Annecy). « Au lieu d’avoir un barrage visible qui défigure le
paysage, on a un trou sous le glacier sans impact pour l’environnement », précise François-Régis
Chevreau, chef de groupement Unité de production Alpes chez EDF. Mais le recul du glacier s‘est
accéléré, menaçant le captage sous-glaciaire. En 2008, le creusement d’une galerie de dérivation
du captage vers l’amont du glacier, sous 100 mètres de glace, dans des conditions difficiles liées
à l’accès et à la glaciologie, a été entrepris. Entre 2008 et 2011, une solution transitoire a été mise
en œuvre, avec le percement d’une galerie de quelques dizaines de mètres débouchant sous le
glacier, qui a assuré l’alimentation en eau de l’usine jusqu’en 2011. Au printemps 2011, une
nouvelle installation, qui permet à la France de faire une économie de plus de 100 000 tonnes de
CO2 par rapport à une centrale au charbon, a été inaugurée. « Au total, on est remonté plus d’un
kilomètre au-dessus du captage historique qui est désormais sous les cailloux », souligne
François-Régis Chevreau. Le retrait du glacier laisse toutefois augurer qu’il faudra sans doute
monter plus haut encore dans un avenir pas si lointain.
Il faut sauvegarder le massif du Mont-Blanc : le bon exemple de la Compagnie du
Mont-Blanc
Le domaine du Mont-Blanc est un territoire qui attire chaque année des milliers de skieurs et
d’alpinistes. « Pour qu’il continue à faire rêver avec ses cimes blanches et son air minéral, la
Compagnie du Mont-Blanc, qui l’exploite, doit donner l’exemple », affirme Mathieu Dechavanne,
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PDG de la Compagnie du Mont-Blanc. De nombreuses actions sont entreprises pour produire
moins de CO 2 : développement de transports publics électriques à Chamonix (déjà six bus
hybrides et deux navettes 100 % électriques dans le centre-ville) ; moins de remontées
mécaniques dans le domaine skiable, mais mieux situées. « Avant, c’était la course à la station
qui développerait le plus de remontées mécaniques dans son domaine skiable », se souvient
Mathieu Dechavanne. « Aujourd’hui, on réfléchit sur la meilleure manière de remplacer deux
remontées mécaniques par une télécabine débrayable pour limiter à la fois la production de
carbone, mais aussi la quantité de câbles et de pylônes qui nuisent au vol des oiseaux,
notamment aux Grands Tétras ».
Autre mesure : impliquer les professionnels du domaine
skiable, notamment les dameurs, dans une réflexion sur la
protection de l’environnement. Ceux-ci ont participé à des
stages d’éco-conduite et à l’analyse des pistes pour ne
damer que les indispensables. « Ces professionnels sont
attachés à leur territoire, ils sont donc ouverts pour remettre
leurs pratiques en question ».
Bref, les idées de la Compagnie du Mont-Blanc en faveur de l’environnement ne manquent pas :
on peut citer encore le travail de nettoyage des montagnes (400 tonnes de déchets ramassés par
an, 250 tonnes de vieilles ferrailles récupérées) et la sensibilisation des jeunes générations à la
préservation des paysages, qui passe par celle de la faune et de la flore. « Nous avons convaincu
le conseil départemental de nous soutenir dans la construction d’un centre d’étude sur les glaciers
et le climat d’un budget de 5 millions d’euros, à destination notamment des écoles de Haute Savoie », se réjouit Mathieu Dechavanne. Ce lieu d’exposition de 370 m2 devrait ouvrir ses portes
d’ici à 2018.
Un refuge au sommet à énergie positive
L'ascension du Mont-Blanc attire chaque année des milliers d’alpinistes. Jusqu’en 2013,
beaucoup faisaient une halte à 3 817 mètres, dans l’ancien Refuge du Goûter qui était chauffé et
où on cuisinait au charbon et qui rejetait ses eaux usées dans la montagne. Depuis 2013, ils
peuvent s’arrêter dans le nouveau Refuge du Goûter, situé 200 mètres plus au sud, à
3 835 mètres, qui avec ses 250 m2 de panneaux photovoltaïques pour capter l’énergie solaire, sa
capacité à utiliser la neige pour ses besoins en eaux, à recycler la chaleur et à traiter ses eaux
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usées constitue un magnifique exemple de Bepos. L’énergie thermique y est couverte à 86 % par
les capteurs solaires thermiques, et à 14 % par un groupe de cogénération bi-énergies, fuel/huile
de colza, régulé en fonction des besoins électriques. L’énergie électrique est, quant à elle,
assurée à 59 % par le photovoltaïque et à 41 % par la cogénération. « Les caractéristiques du
refuge, dues à son altitude (températures extérieures pouvant descendre jusqu’à – 30°C, rafales
de vent pouvant dépasser les 300 km/h, absence d’eau à l’état liquide, 40 % de pression
atmosphérique en moins et 40 % d’oxygène en moins par rapport au niveau de la mer), ont
nécessité la mise en œuvre de solutions, dont plusieurs sont des premières mondiales », relève
Pierre Stremsdoerfer, ingénieur fluides et énergies du Refuge du Goûter. Un exemple ? Les WC
dits « humides », car ils sont à aspiration sous vide et équipés d’une unité compacte de traitement
biologique à filtration membranaire, dérivée de technologies employées dans la marine.
En résumé, le bilan carbone de ce Bepos d’altitude, de 700 m 2, qui peut accueillir
120 personnes est exemplaire. « En 50 ans, il ne produira pas plus de CO 2 qu’un petit pavillon de
quatre pièces, exploitation et transport des matériaux compris », se réjouit Pierre Stremsdoerfer.
« Ce refuge a valeur d’exemple. Si on peut concevoir un Bepos dans des conditions extrêmes, il
n’y pas plus d’excuse pour ne pas en fabriquer en plaine », remarque Claude Haegi.
Il est venu le temps des bâtiments à énergie positive
Cependant, en plaine, les Bepos restent rares. C’est
rageant, quand on sait que 50 % de l'énergie électrique et
de l'énergie fossile sont la conséquence du bâti. Comment
bousculer cet état de fait ? En nous mettant « à penser
global mais à agir local », comme le suggère Thomas Büchi,
concepteur du Refuge du Goûter et ingénieur bois. C’est-àdire en étudiant un projet dans sa globalité, production de
CO2 compris, et en réfléchissant à la manière de le réaliser avec des matériaux locaux de
proximité, comme le bois indigène. Car à portance égale, il consomme 10 fois moins d’énergie
grise que le béton ou l’acier. Et bien sûr, en misant sur les enveloppes des bâtiments (façades,
fenêtres et murs) ayant des indices d'isolations très performants comme les façades actives
bois/verre avec une épaisseur de seulement 25 cm. Aujourd’hui, villas, immeubles, théâtre,
opéras, et bien-sûr bâtiments industriels peuvent se concevoir, voire se convertir, en Bepos. « La
certitude que le prix de l’énergie augmentera devrait inciter les entreprises à réfléchir Bepos. C’est
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la garantie de se prémunir contre la hausse de leurs charges de fonctionnement », souligne
Thomas Büchi. Qui rappelle que les retours sur investissements sont immédiats.
Le boom des façades actives
Sachant que nous n’avons besoin que de 12 % de l’énergie qui nous parvient du soleil pour vivre
confortablement, et même recharger la batterie de sa voiture électrique, la construction de
bâtiments à énergie positive qui capteraient et stockeraient l’énergie solaire afin de devenir
énergétiquement autonomes paraît une évidence. D’autant qu’il existe des technologies
astucieuses pour capter l’énergie solaire : les façades dynamiques qui utilisent le rayonnement
solaire pour limiter les déperditions thermiques et apporter de l’énergie au bâtiment.
L’architecte suisse Giuseppe Fent, passionné par les Bepos depuis les années 1990, en a inventé
trois sortes :

La façade Lucido, en verre devant, et lames de bois derrière, qui absorbe la chaleur et
favorise son accumulation dans des matériaux ad hoc (laine de bois, cellulose ou laine de
roche), ce qui permet d’assurer entre 80 % et 90 % du chauffage.

La façade Lucido +, en verre équipé de capteurs photovoltaïques, qui récupère l’énergie
générée dans la façade pour produire les KW nécessaires aux besoins de la maisonnée.

La façade Solino dont le fonctionnement est sophistiqué. « On fait entrer la chaleur qui
passe derrière la vitre dans un collecteur d’air chaud pour produire de l’eau chaude »,
explique Giuseppe Fent.
Des solutions technologiques, il y en a. Reste à changer les réflexes de construction.
Des Bepos, oui, mais par intermittence
Pour Maxime Bousseaud, business developer Smartgrids & Smartcities chez ABB France (leader
mondial dans les technologies d'énergie et d'automation), un Bepos ne doit pas être forcément un
bâtiment qui ne consomme pas d’énergie, ni produit de CO 2. « Car ce bâtiment coûte cher à la
construction », remarque-t-il. « On peut aussi envisager un Bepos comme un bâtiment qui
consomme peu d’énergie et produit peu de CO 2. Il y a un équilibre à trouver ». Pour y parvenir, il
suffit de connecter le bâtiment aux nouvelles technologies, notamment aux smartgrids. Cela
permet d’établir une corrélation entre les usages, les besoins énergétiques et les ressources
disponibles. Ainsi, peut-on raccorder un bâtiment au réseau électrique certains jours et le
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déconnecter du réseau pour le connecter au soleil certains autres jours. « Recouvrir un bâtiment
de capteurs photovoltaïques durant une seule journée de soleil permet de couvrir les besoins en
énergie du bâtiment pour huit jours », relève Maxime Bousseaud. Mais pour que cette alternance
soit possible, il est nécessaire que les habitants/usagers soient formés à une culture énergétique
et qu’ils aient conscience de leur consommation énergétique. « Pour espérer une généralisation
des Bepos, trois leviers importants doivent être levés », remarque Maxime Bousseaud. « Le levier
technologique, le levier sensibilisation et implication des usagers et le levier cadre réglementaire ,
qui doit être favorable ». À suivre donc...
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