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Mardi 8 novembre 2011 18h
1911° séance
Présidence : Jean Claude Quéro - 77 participantsPrésentation : Jean François Heil
Conférence
Maurice et Katia Krafft
volcanologues
animée par
André Demaison
muséographe
« Les Diables des Volcans »
« Nous vivons au rythme des colères de la planète et, en douze ans de carrière, nous sommes
déjà centenaires, tant sont nombreuses les belles et fabuleuses éruptions volcaniques qui se
bousculent dans nos mémoires de volcanologues. Katia, moi et les volcans, c’est une histoire
d’amour. Notre passion est exclusive, dévorante, loin des hommes. J’aime les volcans parce
qu’ils nous dépassent, qu’ils sont indifférents à la vanité des choses humaines.
Si nous avons encore le courage de vivre dans notre société moderne, c’est grâce aux
volcans, aux joies qu’ils nous apportent par leur beauté, leur sérénité, leurs embrasements,
leur violence qui, peut-être un jour, aura raison de notre témérité. » Maurice KRAFFT
juin1981, extrait du livre : « Questions à un volcanologue » aux éditions Hachette.
En 1991, le mardi 3 juin, à 16h10, Maurice et Katia Krafft, volcanologues, disparaissent à 45 et 49
ans, emportés par le souffle brûlant d’une nuée ardente émise par le volcan Unzen, sur l’île de
Kyushu, au Japon. Ce jour là, l’Unzen fait 43 victimes, dont Harry Glicken, un collègue américain qui
avait échappé à l’éruption dévastatrice du Mont Saint Helens, en mai 1980.
Pendant un quart de siècle, Maurice et Katia vont étudier plus de 175 éruptions volcaniques,
parcourir toutes les grandes zones volcaniques du monde, exceptées l'ex Union Soviétique, interdite
d'accès à l'époque, et quelques archipels du Pacifique sud. Pendant cette période, ils vont rédiger
une vingtaine d'ouvrages dont certains traduits dans une dizaine de langues. Ils synthétisent les
connaissances scientifiques de l'époque sur le sujet, en les mettant à la portée du public, tout en y
ajoutant sensibilité, émotion, aventure vécue sur le terrain. Ils réalisent un travail véritablement
novateur de vulgarisation, à une époque ou celle-ci n'est pas encore considérée comme valorisante.
En 1969, Katia Krafft, première femme volcanologue au monde, remporte le Prix de la Fondation de
la Vocation, le prix Nobel de la jeunesse. Elle participe au grand mouvement de l’émancipation des
femmes et devient un exemple à suivre pour beaucoup d’entre elles. En 1975, Maurice et Katia
remportent le prix de l’exploration du Président de la République, remis par Monsieur Valéry Giscard
D’Estaing.
Ils mettent à la portée des enfants cet indéfectible amour de la Terre, à travers des livres qui peuvent
se lire dès l'âge de cinq ans, ce qui ne s'était jamais fait auparavant. Pour les besoins de leurs
conférences, ils produisent et réalisent cinq grands films d'une heure trente sur le volcanisme
planétaire. Ils diffusent ces images au travers de centaines de conférences, à plus de 4 millions de
spectateurs enthousiastes, séduits par le charisme de Maurice et la simplicité tranquille de Katia.
Toujours dans cette volonté de communiquer, de transmettre, de partager ils imaginent de nouveaux
lieux de communication où le volcan est à une place d'honneur. Ainsi naissent, sous leur impulsion,
des structures muséales ludiques entièrement consacrées au volcanisme comme le Musée du Piton
de la fournaise à l'île de la Réunion et Vulcania, parc européen du volcanisme en Auvergne.
Le destin ne leur permettra pas de les découvrir.
Indépendance, liberté, curiosité, créativité, transmission, action mais c'est surtout passion que l'on
retiendra en évoquant les noms de Maurice et Katia Krafft, une passion exclusive, dévorante,
poussée dans ses ultimes retranchements. Par leur courage, leur pugnacité, ils ont œuvré comme
les grands témoins privilégiés des embrasements de notre planète, de cette deuxième moitié du
ème
siècle. Dans une société où l'on fait de la spécialisation la plus haute marche du
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professionnalisme, Maurice et Katia Krafft ont eu cette vision globale et planétaire de leur sujet.
Vision sans à priori, qui leur permit de s'intéresser à tout ce qui touche, de près ou de loin, au
fascinant monde des volcans. Ils constituèrent une collection unique d'objets liés au volcanisme pour
en montrer non seulement la beauté, mais aussi la violence. Ils collectèrent avec patience et
jubilation, tableaux de maîtres, gouaches napolitaines, gravures originales, cartes postales
anciennes, bandes dessinées, objets d'arts ou de la vie quotidienne, ouvrages anciens, publications,
tout ce qui a trait, de près ou de loin, au volcanisme, tout ce qui relie, de près ou de loin, l'Homme et
les volcans. A une période où l'on dissocie pour étudier, ils rassemblèrent pour mieux comprendre.
En vingt cinq ans de carrière, ils constituèrent la plus grande bibliothèque, la plus grande
iconothèque au monde sur le volcanisme. Par leur action de vulgarisation, ils ne se contentèrent pas
d'être de simples témoins, mais des acteurs incontournables dans la prévention des risques
volcaniques auprès des gouvernements et des populations. Quelques jours après leur disparition,
leur cassette sur la prévention des 7 grands risques volcaniques, diffusée par l’Unesco, fut présentée
aux autorités philippines. Elle participa à la décision d'évacuer les flancs du volcan Pinatubo, sauvant
ainsi des milliers de vies humaines.
Maurice et Katia Krafft s'inscrivent dans cette grande lignée d'hommes et de femmes qui se sont
attachés, de tout temps, à aimer, à comprendre, mais surtout à transmettre l'objet de leur passion.
Aujourd'hui, la place reste vacante et c'est bien triste. Beaucoup tentent de prendre leur succession
mais personne ne l'a fait jusqu'à présent, avec autant de simplicité, d'humilité, de désintéressement,
de compétence, d'audace, de persévérance mais aussi de panache et d'humour, dans l'étude, la
compréhension et la transmission des connaissances de ces phénomènes qui dépassent largement
le cadre de l'étude scientifique et de l'entendement humain.
Les volcans, ces montagnes turbulentes, ont perdu leurs plus ardents prosélytes auprès des
hommes.
Au cours de conférences, il arrivait que le public pose à Maurice des questions sur sa philosophie de
la vie. Maurice répondait alors très sérieusement, après avoir longuement médité en regardant ses
chaussures, que la vie était la seule aventure dont on ne sortait jamais vivant, cruelle injustice, que
l’endroit le plus dangereux sur Terre était le lit car, 85% des gens y mouraient. Maurice en concluait
alors qu’il était beaucoup moins dangereux d’assister à une éruption volcanique. Il terminait son
propos en incitant ses interlocuteurs à se rendre sur le terrain assister au plus beau spectacle que
puisse nous offrir la nature, spectacle dépassant largement l’entendement humain.
Alors résonnait dans la salle le rire clair et sonore de Maurice.
« La vie ne vaut d'être vécue que tant qu'elle vous consume » Maurice Krafft
communiqué du conférencier
Un merci, très chaleureux, à André Demaison pour ce moment de partage, compagnon de Maurice et
Katia Krafft pendant 19 ans, le conférencier entraîne son auditoire avec émotion.
Martine Gachignard
Secrétaire