LES ALMORAVIDES

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LES ALMORAVIDES
Mise à jour Extrait de l’article. Editions Harnois. ©jonckheere Fabrice Juin 2011.
Maghreb et Andalousie au XI-XII siècles : géographie des conflits
L’Emergence des Mirabituns
I.
II.
III.
ETAT GEOPOLITIQUE et MILITAIRE DU MAGHREB ET EL ANDALOUS
NAISSANCE DU MOUVEMENT ALMORAVIDE (MURĀBITŪN)
UN ROYAUME EXOGENE/ L’EMPIRE DU GHANA
Le XIème siècle se caractérise par une période d’effondrement des grands ensembles de l’Islam
occidental au profit des Almoravides qui non content de régner sur Al Andalous, tournent leurs regards
vers l’empire Soninké. Voici un bref aperçu de la situation à l’orée du 12eme siècle
I. UN ETAT GEOPOLITIQUE et MILITAIRE DU MAGHREB ET EL ANDALOUS.
A) Un Maghreb divisé.
A l’orée du XIème siècle, les pays musulmans du bassin occidental de la Méditerranée étaient partagés entre
deux obédiences : Omeyyade de Cordoue et Fatimide du Caire. Ces dynasties, toutes deux rivales des
Abbassides de Bagdad, se disputaient le littoral de l’actuel Maroc. Elles comptaient parmi leur vassalité un
certain nombre de dynasties « locales » qui peu à peu s’émancipèrent(les Zirides en Algérie se détachèrent vers
1047 des Fatimides))
Les arabes n’étaient implantés au Maghreb que depuis le VIIIème siècle, grâce à l’intervention des armées des
Omeyyades contre les irrédentistes berbères. Jamais cependant ils ne parvinrent à se maintenir à l’intérieur des
terres et leur occupation se cantonna aux zones côtières.
Ces Berbères se divisaient en une multitude de clans,(cf Ibn Abi Zar, pp229 et ss) parfois hostiles les uns aux
autres, et qui , tout en reconnaissant généralement l’autorité nominale de l’un ou l’autre des Califats rivaux,
exerçaient une véritable autorité sur les principautés qu’ils avaient crées. Ils constituaient un véritable écran
entre le monde arabe méditerranéen et la zone sahélienne. Ils contrôlaient le commerce grâce à des villes
comptoirs qu’ils fondèrent, tel Awdaġūst ou Tadmakka. Siğilmāssa, aux mains des Berbères Zanāta était ainsi
le point de passage obligé des caravanes allant vers Ghana ou en revenant.
L’Afrique du Nord présentait ainsi, du fait des Berbères ; une certaine homogénéité ethnique et par conséquent,
refusait de se plier à toute stricte obédience orientale et arabe. Le Sunnisme n’y pénétra que sous la forme du
Malikisme tandis que le Chiisme y prit la forme du Kharidjisme et de l’Ibadisme. En effet, l’adoption de
certains rites hérétiques ou issus de la tendance rigoriste de la Sunna participait d’un rejet des formes de
domination qu’imposait le conquérant arabe. Al Bakri nous apprend de la sorte que Awdaġūst était peuplée de
Zanāta et d’arabes qui se haïssaient mutuellement, ce pour des raisons politiques et religieuses. Al yā’Kubi
indique clairement que dans le Bilād al-Sūdan central(sud de la Mauritanie actuelle) vivait une population
entièrement ibadite. Al Zuhri précise de même que « les Murābitūn (Almoravides) devinrent musulmans à
l’époque de Hisham b. ‘Abd al-Malik », soit en 743, mais qu’ « ils furent d’une secte qui les fit sortir de la loi »
. Une frange donc de la population berbère qui plus tard constitua une partie des forces almoravides, fut donc
islamisée par ses voisins ibadites et ne retourna au sunnisme malikite que vers 1076. Cette diversité des rites
tient une bonne place dans les rivalités qu’entretinrent entre elles les différentes tribus berbères. Il faut en effet
comprendre que ces dernières concevaient leurs pratiques religieuses comme une constituante même de leur
identité tribale et de leur indépendance politique. En outre, ce que V. Lagardère nous apprend sur l’islamisation
du Maġrib al-Aqsā montre qu’un fort paganisme berbère se maintint sous le voile de l’islamisation Ainsi face
aux tribus de rite malikite rencontrait’ on un islam teinté des différents courants religieux que la région ait
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connus : christianisme, judaïsme, islam chiisme, animisme (cf Lagardère,pp89-90). Pour les tenants de
l’orthodoxie (arabes sunnites et malikites berbères Sanhāğa.), ce syncrétisme était une aberration et ne leur
inspirait qu’une totale répulsion.
Ainsi il apparaît que l’unités des premiers siècles de l’expansion de l’islam s’est peu à peu dissoute dans les
querelles tribales et religieuses.
B) Situation de L’Andalousie
Cet émiettement de l’autorité centrale se retrouvait aussi en El Andalous après l’effondrement du Califat de
Cordoue (1031) et l’émergence d’une multitude de principautés appelées les Taïfas. Leurs gouvernants étaient
Arabes ou Berbères : dans plusieurs villes de l’Andalousie occidentale et méridionale (Grenade, Ronda, Huelva
), le pouvoir avait été délégué à des chefs berbères maghrébins par Suleymân al-Musta‛în, l’un des prétendant
omeyyade au Califat en échange de leur bienveillance face à son compétiteur al-Mahdî, lui aussi omeyyade(P.
Guichard). Les nouveaux maîtres ne cessèrent dès lors d’étendre leurs royaumes au détriment de leurs voisins
musulmans moins puissants. Pierre Guichard nous indique qu’ainsi, durant la seconde moitié de XIème siècle
ne demeuraient plus que quelques principautés tenues soit par des Berbères ( les Zirides de Grenade, les
Aftassides de Bajadoz jusqu’en 1094, soit par des Arabes (les ‘Abbadites de Séville et depuis 1069, de
Cordoue, les Tudjîbides de Saragosse et de Tortosa, les Banū Sumadîh d’Alméria et les Banū Ι-Aftas de
Bajadoz à partir de 1094)).
Ces Taïfas, de tailles très variables, se retrouvaient alors pour des raisons liées à leurs querelles intestines, en
position d’infériorité par rapport aux royaumes chrétiens du nord de la Péninsule. En effet, ces émirats
n’entendaient pas se dessaisir, même nominalement, de leur autorité en faveur des deux seules grande forces
islamiques en présence susceptibles de contrer l’avance chrétienne, à savoir le Califat chiite des Fatimides ou le
Califats sunnite des Abbassides de Bagdad. Le souvenir de la période omeyyade persistait au delà de la
disparition du califat de Cordoue et donnait un argument aux princes des Taïfas pour ne point faire allégeance à
toute autre autorité « étrangère » à la péninsule et de surcroît, hérétique. Ibn al-Khâtib nous en parle ainsi : ces
souverains sont des « Berbères importés, soldats haïssables que l’armée enrôle, gens sans envergure sociale ni
distinction. Aucun n’appréciait qu’on le traitât de rebelle ou de (souverain) illégitime. » Ici se trouve abordé un
aspect fondamental du rôle des berbères en El-Andalous au début du XIème siècle. En effet, à la fin du Xème
siècle et parallèlement à ce qui s’était passé en Orient avec l’arrivée des Sedjoukides, les armées du califat
n’étaient plus constituées, à quelques exceptions notables, d’éléments arabes. Les derniers califes puis les
potentats locaux qui lui succèdèrent délaissèrent la charge militaire à des éléments exogènes, soit des
mercenaires chrétiens, soit des Berbères maghrébins. Le premier a avoir enclenché une telle évolution fut AlMansour qui s’appuya sur des contingents berbères considérés par les autochtones comme barbares et grossiers.
Certains, à l’instar de Ibn Hayyān, reprochaient à « cette fitna berbère affreuse et ténébreuse » l’éclatement du
pays « en détruisant une domination solidement établie ». Ces nouveaux arrivants étaient même regardés d’un
mauvais œil par les Berbères anciennement établis qui cherchaient à se fondre dans l’ancienne aristocratie
arabe. Pour paraphraser P.Guichard, nous pouvons constater qu’au XIème siècle, « la conservation d’un mode
de vie tribal dans le cadre d’un groupe culturellement refermé sur lui-même apparaissait clairement comme une
exception »ce qui ne manqua pas de mettre en exergue le caractère rustique et brutal des Berbères nouvellement
arrivés et de créer une scission dans la communauté.
Le souffle des conquêtes des premiers siècles de l’Islam n’était plus assez puissant pour cimenter ces
populations en vue de l’extension de Dār el Islām (la maison de l’islam) et El Andalous se retrouva en une
position défensive, voire tributaire des royaumes chrétiens. Car ce n’est pas tant la taille de certaines de ces
principautés qui posait problème (nombre de Taïfas demeuraient suffisamment puissantes pour s’opposer aux
chrétiens )que les dissensions entre elles et leur besoin permanent d’argent. Cette pénurie fiduciaire chronique
procédait de trois éléments : la fragmentation territoriale qui réduisit les rentrées fiscales, le service de
mercenaires qui revenait très cher aux émirs, enfin la confiscation du patrimoine foncier et monétaire par les
grandes familles au pouvoir. Cette mainmise eut pour conséquence un appauvrissement des rendements
agricoles, entraînant la diminution des revenus de l’Etat. Et les souverains chrétiens, pour prix de leur alliance
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ou du prêt de leurs soldats à tel ou tel émir, exigeaient en échange des tributs réguliers en argent, les Parias, ce
qui ne manqua pas d’alourdir la fiscalité dans les Taïfas et de provoquer la colère du peuple et des ulémas pour
qui ces impôts étaient contraires aux lois de l’Islām. Bien des contemporains imputèrent la responsabilité de ces
phénomènes à des princes considérés comme étrangers, « voleurs » de surcroît selon les mots de Ibn Hazm.
Cette situation, qui contenta temporairement et pour des raisons d’autonomie gardée, certains princes des
Taïfas, créa un grand mécontentement parmi les juristes malikites qui y virent la honte de l’Islam. Ainsi
déploraient-ils l’abandon du djihâd au profit d’intérêts particuliers. A titre d’exemple, Ibn Hazm désigne les
éléments qui altérèrent le concept et la pratique de la guerre sainte : les guerres entre musulmans, comprenant
en cela les alliances avec les infidèles, et la prédominance des finalités politiques et territoriales sur les
questions religieuses. La vigueur de la notion de djihâd ne fut jamais moins importante en El-Andalous qu’à ce
moment précis car mêmes les nouveaux venus, c’est à dire les contingents berbères mercenaires du Maghreb,
n’avaient la volonté de relancer le guerre pour des raisons purement idéologiques. Il était en effet plus
intéressant pour ces derniers de se vendre au plus offrant, quitte à s’allier pour un temps aux rois chrétiens du
nord de la péninsule. Toutes ces éléments expliquent ainsi l’affaiblissement religieux et militaire des émirats en
ce milieu de XIème siècle et l’appel, peu de temps après, aux guerriers almoravides.
A l’opposé de ces terres d’islām, les royaumes chrétiens d’Aragon, de Castille et de Catalogne achèvent leur
construction identitaire. Le mot « frontière » est ainsi employé pour la première fois dans le testament du roi
d’Aragon, Ramire Ier en 1059. Cette mention qui ne concerne que les zones séparant les musulmans et les
chrétiens, témoigne d’une conscience tournée vers son propre émetteur et contribue à donner une « vocation »
de reconquête à ces entités de plus en plus sûres d’elles mêmes. Ainsi, la justification nationale de ces
dernières a pour principal objet l’expansionnisme au dépens des voisins musulmans. En dépit de ce tournant
idéologique, il ne faut pas croire, ainsi que l’a souligné P. Guichard, qu’il existe un front continu et hermétique
entre ces deux civilisations et qu’aucun échange n’aurait eu lieu. En ce domaine, comme souvent, l’idéologie
s’accommode d’un certain pragmatisme politique.
C) Un voisin encombrant : l’Empire du Ghana
Au sud du Sahara domine l’Empire noir du Ghana, entité puissante et animiste qui, bien que considérant avec
bienveillance les musulmans, n’entendait pas se laisser dicter sa conduite ni laisser les berbères musulmans
étendre leur territoire jusqu’à ses frontières. Appelé Ghana par les arabes, Wagadou par les Soninké qui en
furent les véritables fondateurs, cet empire s’est épanoui en plein Sahel, au contact des zones sahariennes et
soudanaises, au nord des deux boucles divergentes des fleuves Sénégal et Niger. Il comportait essentiellement
l’Aouker (nord), le Hoth (sud), habité par des pasteurs berbères.(Cf Ki-Zerbo, pp107-108) Il tenait dans sa
vassalités divers royaumes et principautés : le Tekrour ( ouest), peuplé de Peuls, le Sosso et les territoires de
Walata et d’Awdaghost. (al Ya’Kubi), principautés berbères Cette dernière domination répondait au soucis de
contrôler la route du sel et de l’or qui passe par Awdaġūst. Il avait également établi son protectorat à l‘ouest, sur
le royaume du Tékrour, entité peuplé de Sudan (noirs)musulmans. Il avait donc des proportions importantes
puisque s’étendant du Tagant au Haut-Niger et du Sénégal à Tombouctou
Le Ghana était une entité bien constituée et puissante mais qui se trouvait confronté à certaines tensions
internes qui furent permanentes à compter de la prise de pouvoir par les Cissé, vers 790 ap JC.. En premier lieu,
il nous faut mentionner les confrontations avec les Peuls. En effet, le premier roi noir de Ghana, issu du clan
Cissé, détrôna les princes de race blanche que M Delafosse rattache au groupe ethnique dont sont issus les
Peuls. A cet égard existait un tabou qui concerne les Wages (nobles du royaume de Ghana) : ces derniers ne
peuvaient se marier avec un(e) Peul(e) ( à l’inverse des Soninkés du Sosso pour qui une telle alliance n’était
l’objet d’aucun interdit). Ces Peuls furent refoulés par les Soninkés et constituèrent le royaume du Tekrour,
vassal du Ghana. Une de ces ethnie Peul, les Manna ,se convertit à l’Islam et se rallia aux Almoravides.
En second lieu il nous faut souligner des tensions avec les Berbères du Nord. Ces deniers, pasteurs itinérants,
transhumaient régulièrement vers le sud. Ils se trouvaient donc sous la souveraineté nominale des rois animistes
du Wagadu, situation que ces Berbères puritains n’entendaient pas souffrir indéfiniment.
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Il n’en demeure pas moins que, tout au long de son histoire le Ghana entretint de manière générale de bonne
relations que ce soit avec les membres de la communauté musulmane ( Berbères ou des Peuls). Ainsi, Al Bakri
nous indique que l’Empereur recrutait ses ministres, interprètes et son trésorier parmi les musulmans (Ki-Zerbo,
p 110). Toujours selon Al Bakri, nous savons que Koumbi, la capitale, était divisée en deux agglomérations :
l’une musulmane, habitée de marchands et de savants arabo-berbères et qui comportait douze mosquées dont
tout le personnel était salarié de l’Empereur. (Zerbo, p 111), l’autre animiste. En outre, les Soninkés, tout
comme les Peuls et les Malinkés,, descendraient des Bafour, peuple noir qui fut repoussé par l’expansion
Berbère jusqu’aux rives du Sénégal. En effet, une partis des Bafour métissée avec des Berbères auraient formé
les Soninkés. L’autre partie serait à l’origine des Peuls. Ces peuples avaient donc consciences de leurs origines
communes et de leurs fortes affinités culturelles, ce qui permit d’éviter de trop grandes tensions entre ces
communautés.
Il ressort de ce tableau que l’Islam en ce début de XIème siècle se trouva divisé face à des royaumes et empires
puissants qui ne partageaient pas les mêmes confessions religieuses et qui tendaient à profiter de cet
émiettement pour s’imposer (avancée des chrétiens en Andalousie et des Soninkés sur Awdaġūst).
2) LA NAISSANCE DU MOUVEMENT ALMORAVIDE (MURĀBITŪN)
Le renouveau de l’orthodoxie musulmane en ces contrées du Maġrib al-Aqsā vint, non des tenants traditionnels
de la religion et d’une politique assujettie au commandeur des croyants sunnites, le Calife abbasside de Bagdad,
mais de convertis récents et de surcroît, non arabes : les Berbères Sanhāgă. Almoravide est l’adaptation latine
du terme « Murābitūn » qui signifie « du ribāt ». Al Bakri nous a laissé son témoignage : « Ce sont ces tribus (
les Sanhāgă ) qui après 440/1048 lancèrent l’appel pour la vérité, la réparation des injustice et l’abolition des
taxes injustes (…). Celui qui leur ouvrit la voie , les appela au ribāt et à l’action pour la vérité fut ‘Abd Allāh
b.Yasīn. ». Le mot « ribāt » évoque le lieu de rassemblement des combattants de la foi, le lieu où l’on rassemble
les montures pour la sainte chevauchée, le lieu où l’on défend le territoire contre les infidèles. C’est donc à la
foi un monastère et une forteresse. At-Tadili écrit à la fin du XIIème siècle que Wâjaj ben Zallû al-Lamti (le
maître du fondateur du mouvement almoravide) a fondé une résidence qu’il baptisa « Dār al-Murābitūn », c’est
à dire « Résidence des aspirants à la connaissance ». Nous touchons là l’essence même du phénomène
almoravide : une confrérie religieuse rigoriste qui entend rétablir au Maghreb et en Andalousie, si nécessaire
par la force armée, l’orthodoxie des préceptes islamiques. Leur devise témoignait de leur programme :
« Propager la Vérité, réprimer l’injustice, abolir les impôts illégaux ».Par ce truchement, ils pensent pouvoir
ramener l’Islām sur la voie de la Sunna et entendent mettre fin aux désordres structurels et idéologiques qui s’y
sont immiscés.
La naissance du mouvement procède de la rencontre de trois hommes aux talents remarquables : le lettré ‘Abd
Allāh b.Yasīn, prêcheur acharné du malékisme le plus rigoureux , et deux émirs Ğuddāla, ( Berbères de la
famille des Sanhāgă), les chefs de guerre Yaya Ibn Omar et son frère Abou Bakr. L’initiative vint de Yayya qui,
revenant de la Mecque et suivant les cours d’un grand maître malékite, se rendit compte de son ignorance des
choses de la foi et du caractère superficiel de l’Islām de ses compagnons de tribus. Désireux de fonder un lieu
d’apprentissage dirigé par un homme de foi, il demanda à ce qu’on lui indique quelle personne serait
susceptible de remplir cet office.Le Ğuddāla Abd Allāh b. Yasīn lui fut désigné. L’objectif premier de ce
dernier était à ses débuts des plus modestes au regard du destin exceptionnel qui attendait la confrérie : délivrer
les Sanhāgă sunnites des hérétiques Zanāta et les fédérer autour d’un projet commun et d’une devise. (cf infra)
propre à réunifier et à fortifier l’Islām en ces terres de désordre.
3) LES FORCES EN PRESENCE
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A) Le Ghana
Le Ghana : un empire tourné vers la guerre
Le premier roi du clan Cissé recevait le patronyme de « Sis » (cavalier). La devise des Cissé-Karesi (clan le
plus digne qui donna les chefs suprêmes) : « cavaliers, guerriers, courageux, nobles du Wagadou » (le nom de
Wagadou signifie « pays des Wage », c’est à dire pays des nobles. En effet, les Wage étaient les nobles de
l’Empire). (227 et alii, Ghana)
Le titre« Nana » : donné aux chefs militaires signifiait « énergique, qui ne recule pas » (227 ghana)
Notons la grande importance du cheval, figure sacrée du Ghana. Chaque année étaient offerts au Dieu tutélaire,
Dinga, des chevaux issus du haras royal. Djâbé Cissé, fils du fondateur du Wagadu, vulgarisa l’élevage des
chevaux. A cet égard, la cavalerie, était le fer de lance de l’armée royale et les combattants, de nobles wagé,
formaient des groupes de chevaux de même robe.
Les bardes, les gesere, chantaient à leur propos :
« Le cheval était leur propriété exclusive,
La guerre leur principale activité, L’exercice du pouvoir leur héritage, leur raison d’être »
L’Empereur ne pouvait faire la guerre ni porter les armes ni aller au combat (81 Ghana). En effet, l’intégrité du
prince ne peut être mise en péril et à l’instar de nombreux autres peuples africains, le souverain ne doit pas être
victime de l’évaporation de ses pouvoirs (cf Bruyas, pp172-184). « C’était une conception très commune que
le sang sacré d’un roi ne pouvait être répandu sans libérer des forces mystérieuses et redoutables » (idem,
p174).
Organisation militaire
Effectifs : 200.000 cavaliers et 40.000 archers selon al Bakri, composaient cette armée. Le nombre de
fantassins nous est inconnu. Il est cependant peu probable qu’il y eut autant de cavaliers, même si on y intègre
les éclaireurs car la cavalerie était arme de la noblesse. Il faudrait donc en ce cas de figure, ce qui est peu
probable , considérer que l’infanterie, réservée aux « plébeiens » et donc naturellement composée de plus
d’unités que la cavalerie était formée de plus de 200.000 hommes.
a)
b)
c)
d)
e)
la cavalerie
les fantassins archers
les porteurs de lances
les chars
la marine
La cavalerie,
Une arme maîtresse des forces du Wagadu
Les chevaux avaient la croupe, épaules et cuisses teintes au henné. Une bride à une muserolle, deux montants,
un frontal et une bretelle courant sur le chanfrein. Autour de l’encolure, un collier non fermé et un collier garni
de multiples petits grelots à lèvres.: de petite taille (al Bakri). Présence de rênes et d’éperons de fer. Filet orné
de franges de cuir qui retombent devant les yeux et le chanfrein. La selle reposait sur un coussinet de coton.
(ghana, p52)
Tenues des grands guerriers : Les guerriers portaient soit un bandeau rouge de coton dont les pans
retombaient sur la nuque. et qui étaient ornés de franges. , soit un bonnet à cimier et à mentonnière Une
amulette protectrice était insérée dans un nœud de la bande placée sur le front (Ghana, p51 et p39)
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Le pantalon pour guerroyer ,demi-long, était fait de cuir et est décoré d’une bande de peau à chaque victoire.
(idem) On retrouve cette description plusieurs siècles après la fin de Ghana, chez al Umari, en 1349 au sujet du
successeur du Ghana, l’Empire du Mali.(L’empereur revêt en effet les héros d’un ample pantalon dont la
largeur s’accroît proportionnellement aux actes de bravoure. RdSarabes, p270).
Enfin on retrouvait un justaucorps ceinture et un gilet en peau, ou en bous de kapokier.
Sur son avant-bras, un bracelet de cuir supportant un coutelas logé dans un fourreau. Le carquois était attaché
au bras.
Armes : . Témoignage par la tradition orale des gesere : « descendants des porteurs de la grande lance et du
grand sabre de guerre, vous êtes bien braves
guerriers ont : épées courbes( al Bakri ds recueil sources arabes : p100) dont certaines en or pour la garde de
l’Empereur. Idem pour les boucliers. Al Zuhri p84 ds Ghana), lances (idem), arcs et flèches empoisonnées
(ghana p83 + ibn saïd Takrur) aux pointes de fer (Ghana, p 52)faites de roseau (ibn saïd Takrour), boucliers
taillés ds troncs de cailcédrat et passés au feu et huilés. (ghana, p 52). Masses de bois, d’ébène (ibn saïd
Taktour),. lances.
Delta intérieur du Niger Mali Soninké
Figure équestre
Terre cuite et pigments
H.: 69 cm
XIII - XIV siècle
Ancienne collection
Boudoin de Grunne
Musée Dapper, Paris
Les chars
Le fondateur de l’Empire, Dinga, utilisait des chars que l’on retrouve chez les peuples sahariens comme les
berbères). Ici se retrouvent mêlées la légende et l’Histoire. Il y a en effet confusion entre les récits arabes qui
font remonter les débuts de la dynastie Cissé aux VIII-IXèmes siècles et la tradition des Soninkés qui relata
l’arrivée du premier Cissé, Dinga, à une époque beaucoup plus haute. Nous savons que le premier empire du
Ghana, fondé par des éléments métissés de berbères et de Bafour a vu le jour au IIIème ou IVème siècle. De
fait, plusieurs rois furent dénommés « Dinga » par la tradition orale. Il est donc fort possible que l’usage de ces
chars de combat utilisé par Dinga n’ait pas perduré au delà des premiers siècles de notre ère. ( disparaissent à
une époque difficile à déterminer, peut-être au XI-Xème siècle car furent abandonnés quand provinces pacifiées
(cf Ghana pp80 et alii). Un guerrier par char. Ces derniers ressemblent aux chars des zones sahariennes utilisées
dans l’antiquités par les peuples protoberbères comme les Garamantes. (cf Ghana+ M. Hachid : les premiers
berbères) : supportant un seul homme et tiré par un seul cheval, ce char possédait 4 rayons par roues , les jantes
étaient ceinturées par des lanières de cuir et la plate-forme était recouverte de cuir.
Navires
En effet, au Xième siècle (Ghana, p101) l’Empereur de Ghana disposait d’embarcations faites dans des troncs
d’arbres creusés et taillés. al Dimashki en 1329 parle encore d’un arsenal. Cette flotte permettait de combattre
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les potentats locaux qui règnaient le long des rives des deux fleuves ainsi qu’autour des marais et bras du
fleuve.
L’organisation militaire : répartition du commandement
-18 généraux Nana : chefs de guerre
9 montent chevaux roux, 9 des blancs.
-12 gouverneurs militaires Fado : responsables des provinces
-12 Hida : officiers supérieurs.
-18 éclaireur
Il apparaît, lorsque l’on étudie la répression de la première révolte du Sosso par le Wagadu, ( XIIème) que les
différents spécialisations militaire correspondaient à des ethnies spécifiques : les cavaliers étaient Soninkés, les
archers étaient Bobo et les lanciers Peuls ou Maures.
Stratégie
Nous n’avons pas de récit direct de la stratégie employée au XIème siècle par les troupes du Wagadou.
Néanmoins, nous avons dans la légende de Dinga, le fondateur Cissé du Ghana, des éléments sur la stratégie
utilisée à l’époque : (ghana, p84)
-ennemi prévenu par les tambours
-éclaireurs envoyés
-cavaliers et/ou les chars encerclaient le village ou les troupes adverses en tournant dans le sens contraire des
aiguilles d’une montre pour que le monteur puisse tendre son arc de la main droite.
-arrivée des archers à pieds et des fantassins.
Lors des batailles frontales avec des forces militaires conséquentes, il semblerait, au regard des témoignages
relatifs à la révolte du Sosso, (certes un peu plus tardifs que les évènements qui nous occupent), que les archers
et lanciers entamaient la bataille par des tirs nourris puis que les cavaliers chargeaient et tentaient d’enfoncer les
lignes ennemies.
.