Etat nation et autres gaudrioles du Lundi

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Etat nation et autres gaudrioles du Lundi
Réflexions philosophiques sur L’Etat nation et
autres gaudrioles du Lundi
De nombreux lecteurs me reprochent de manifester un parti pris constant en faveur des EtatsUnis et d’être très dur avec notre « cher et vieux pays ». Dans la pratique de tous les jours, ce
n’est pas faux, mais la raison de cette préférence est profonde et tient aux principes
philosophiques qui sous tendent les organisations sociales, économiques et politiques de ces
deux pays.
Les lignes qui suivent sont donc une tentative d’explication de ce qui peut apparaitre comme un
préjugé de ma part.
Toute notre civilisation actuelle vient d’Europe et pendant des siècles deux idées centrales ont
lentement muri, chacune dans les deux plus vieilles Nations de notre continent.
En France, est née l’idée de l’Etat Nation.
En Angleterre, l’idée de la Liberté individuelle.
A la fin du XVII eme et pendant tout le XVIII eme siècle, nous avons eu une effervescence
intellectuelle incroyable dans ces deux pays, qui s’est traduite par trois révolutions politiques
En Grande Bretagne, nous avons eu la « glorieuse révolution de 1689 » suivie par les révolutions
américaines et françaises à peu prés un siècle après ,la révolution américaine n’étant que la fille
légitime de la révolution anglaise.
Les révolutions Anglaise (et donc Américaine) se sont organisées autour d’un principe
philosophique de base, la primauté de la Liberté Individuelle, antérieure et supérieure au pouvoir
de l’Etat (John Locke, Adam Smith et tous les « pères fondateurs » des Etats Unis). Dans ces deux
pays, la Liberté prime tout, l’Etat est un mal nécessaire qu’il convient de contraindre par la
séparation des pouvoirs et des élections fréquentes Le principe de base de l’économie est la
Liberté encore une fois, c’est a dire le Marché. Le but de l’organisation sociale est que règne si
possible l’égalité « ex ante » mais le résultat est qu' »ex post », de grandes différences peuvent
exister entre les citoyens en fonction de la façon dont chacun a exercé sa liberté individuelle tout
au long de sa vie. En termes simples, chacun accepte l’idée que la société puisse être inégale. Les
idées fondamentales sont donc la Liberté individuelle comme principe central, la Démocratie
élective la plus rapprochée possible du citoyen dans le domaine politique, le Marché libre comme
principe d’organisation économique, et l’acceptation de l’inégalité comme principe moral,
tempéré par une pratique très forte de la charité individuelle pour ceux qui n’ont pas eu de
chance.
La révolution Française quant à elle s’est organisée de façon de toute à fait différente, la clé de
voute étant la primauté de la Nation sur l’individu (guerres révolutionnaires, invention de la
conscription, invention du génocide en Vendée, persécutions religieuses). Pour que la Nation
puisse survivre et prospérer, il faut que l’Etat ait pré éminence sur les individus et que la Liberté
individuelle lui soit seconde. De ce fait, l’organisation politique tend à être technocratique et
concentrée dans la capitale, les élections n’ayant guère d’importance, puisque le monde
politique a été capturé par le monde technocratique, la séparation des pouvoirs plus formelle que
réelle, le système économique aux ordres du système politique. Cette technocratie recherche
avec ferveur l’égalité « ex post”, puisque toute réussite individuelle anormale est une insulte au
pouvoir sans partage de la technocratie. Les principes de base sont donc la suprématie de l’Etat
sur l’Individu, la technocratie comme moyen politique, la marche « dirigé » comme outil
économique et la recherche de l’égalité ex post comme principe moral, l’Etat se substituant à
toute forme de charité individuelle.
On retrouve ces deux systèmes de pensée dans les grands Saints emblématiques que se sont
choisis chacun de ces deux pays quand ils veulent raconter aux enfants l’Histoire Nationale.
En Grande Bretagne, les eux grands Saints sont Thomas Moore et Thomas Beckett, tous deux
martyrisés par le pouvoir politique parce qu’ils soutenaient que la Liberté Individuelle était antérieure
et supérieure à l’Etat.
En France, nous avons Jeanne d’Arc qui a rétabli l’Etat Français en déconfiture et Saint Louis rendant
la justice sous son chêne symbole puissant de l’Etat en majesté.
De même que les Etats Unis sont l’enfant légitime de la Grande Bretagne, de même l’URSS était
la fille légitime de la Révolution Française, ce qui explique la coupable indulgence de toutes les
élites françaises pour ce régime monstrueux et pour tous ses avatars (Cambodge, Vietnam,
Cuba…)
Dans l’ADN américain, on repère en premier lieu les gènes de la Liberté. Dans les gènes
françaises, sautent à la figure les gènes Etatiques. De temps en temps l’un ou l’autre de ces deux
pays s’écarte de son patrimoine génétique, mais c’est en général pour revenir à la première
difficulté
Quand le mur de Berlin est tombé, j’ai eu une grande bouffée d’espoir.
J’ai pensé que nos élites allaient faire amende honorable et comprendre qu’elles avaient fausse
route.
Point du tout.
Nos élites ont décidé dans leur grande sagesse que le problème n’était pas que la technocratie
ne marchait pas, mais que les technocrates Russes avaient été nuls et qu’il était urgent pour
contrer l’essor du pays de la Liberté de créer un autre Etat qui pourrait enfin s’opposer à lui, un
Etat Européen, bien technocratique et ou les individus n’auraient pas plus leur mot à dire que
dans la France Napoléonienne.
Et en France, nous venons d’élire un gouvernement qui revient aux racines mêmes de l’exception
française, prééminence de l’Etat, asservissement des individus (par la pression fiscale), refus du
marché, recherche de l’égalité ex -post.
La conjonction de ces deux tentatives, toutes deux vouées à l’échec et pour les mêmes raisons va
être intéressante.
La dernière phrase de mon premier livre « Des Lions menés par des Anes » était la suivante
« Attachez vos ceintures. Le pilote de l’avion est fou. Il pense qu’il conduit une locomotive alors
qu’il est aux commandes d’un 747 »
Et voila pourquoi j’ai tendance à dire du bien des Etats-Unis:
Parce que je préfère la Démocratie à la Technocratie