Fiche 14 : La remise en cause de l`Etat providence

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Fiche 14 : La remise en cause de l`Etat providence
Fiche Cours
Nº : 25014
ECONOMIE
Série ES
LE TALENT C’EST D’AVOIR ENVIE
Fiche 14 : La remise en cause de l’Etat providence
Plan de la fiche
1. Notions de base
2. Problèmes économiques et sociaux
3.Théories et auteurs
4. Repères historiques
Après avoir été salué comme une formidable avancée du progrès social, l’Etat providence fait de nos jours l’objet de nombreuses
critiques. On lui reproche son coût excessif, on doute de son efficacité, on s’interroge même sur sa légitimité.
Notions de base
Les prélèvements obligatoires désignent le total des impôts et cotisations sociales que versent les agents économiques à l’Etat,
aux collectivités publiques et aux organismes de Sécurité sociale.
Le taux de prélèvement obligatoire mesure le montant des prélèvements obligatoires rapporté au PIB suivant la formule :
Taux de prélèvement obligatoire =
Impôts + cotisations
PIB
× 100
Il est passé, en France, de 33 % en 1960 à près de 45 % actuellement, traduisant ainsi l’accroissement de l’intervention économique
et sociale de l’Etat.
La protection sociale. Politique reposant sur le principe de la solidarité nationale et assurant, par l’intermédiaire de la Sécurité
sociale, de l’Unedic ou de l’Etat, le versement de ressources aux personnes qui en sont accidentellement privées par la maladie, la
vieillesse ou le chômage.
Cette politique est le symbole de l’Etat providence et a pour objectif de réduire les inégalités tout en assurant une plus grande
cohésion dans la société.
Elle s’appuie sur :
• le principe de l’assurance, qui couvre la majeure partie du système de la protection sociale et qui conduit chaque travailleur à
verser une cotisation obligatoire en fonction de ses ressources ;
• le principe de l’assistance. Même si une personne n’a pu verser de cotisations ou bien insuffisamment longtemps, elle bénéficie
quand même du ver­sement d’allocations par l’Etat. Ce sera le cas pour le minimum vieillesse, l’allocation de solidarité ou le Revenu
minimum d’insertion (RMI) par exemple.
La redistribution a pour objet de modifier la répartition des revenus dans une société.
On distingue :
• la redistribution horizontale qui, sur le principe de l’assurance, effectue par exemple le transfert de ressources des actifs vers
les retraités ;
• la redistribution verticale, sur le principe de la solidarité et de la correction des inégalités, qui transfère les ressources des
catégories aisées vers les caté­gories plus défavorisées.
Les minima sociaux désignent les allocations versées par l’Etat aux personnes les plus démunies. Cela concerne le RMI, le
minimum vieillesse ou l’allocation aux adultes handicapés.
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Problèmes économiques et sociaux
Les raisons d’une protection sociale
Dans la vie privée ou professionnelle, des risques divers peuvent occasionner de graves problèmes. Etre malade sans avoir les
moyens financiers de se soigner, perdre son travail sans avoir la possibilité d’en trouver un autre, ou arriver à la vieillesse sans avoir
constitué une épargne suffisante pour vivre décemment.
A la fin de la Seconde Guerre mondiale, l’Etat providence a eu pour mission d’assurer une protection de la collectivité nationale
contre tous ces risques qui se traduisent par une perte de ressources pour les individus. Reposant sur le principe de l’assurance et
celui de l’assistance, alimentée par les prélèvements obligatoires (impôts + cotisations sociales), cette protection vise également à
renforcer la solidarité et à réduire les inégalités sociales.
Aux fins d’assurer ce « welfare state » :
• le système fiscal est chargé d’effectuer une correction des inégalités avec la progressivité de l’Impôt sur le revenu des personnes
physiques (IRPP) et son exonération pour les foyers à faible revenu, près d’un sur deux en France ;
• le budget de l’Etat développe une fonction d’assistance auprès des personnes les plus démunies comme le versement des
allocations du RMI ;
• enfin, reposant sur le principe de l’assurance obligatoire, la Sécurité sociale (1945) et l’Unedic (1958), à partir des cotisations
perçues, assurent une redis­tribution horizontale pour aider les individus à faire face aux risques de la maladie, du chômage ou de
la retraite.
Il convient de noter cependant, en France, le développement d’une fiscalisation croissante, pour aider au financement de la
Sécurité sociale. L’année 1991 a vu l’instauration de la Contribution sociale généralisée (CSG) et, en 1996, la Contribution au
remboursement de la dette sociale (CRDS) a été créée.
La remise en cause de l’Etat providence
On assiste, depuis les années quatre-vingt, à une remise en question du système de la protection sociale qui symbolise l’Etat
providence. Ces critiques portent sur trois points.
• L’importance du coût financier. Le ralentissement de la croissance économique s’est accompagné d’un ralentissement dans les
rentrées fiscales. L’augmentation du chômage a réduit le montant des cotisations sociales versées par les travailleurs, ce qui a accru
les charges pour financer son indemnisation. A terme, un développement important du chômage pourrait asphyxier le principe
même d’assurance de la Sécurité sociale.
Le vieillissement de la population accroît le remboursement des frais médicaux et le montant du coût de la retraite par
répartition.
Pour maintenir la solidarité et la cohésion sociale, l’Etat est de plus en plus appelé à intervenir alors que les rentrées fiscales et les
cotisations ne rentrent plus au même rythme. Il s’avérerait alors nécessaire de réduire le montant de la protection sociale.
• Une efficacité controversée. La protection sociale nuirait en premier lieu à l’efficacité de la croissance, selon les économistes
néolibéraux. Elle conduit à augmenter le coût du travail des entreprises, ce qui, dans le contexte de la libéralisation des échanges,
les rend moins compétitives ou les incitent à se délocaliser. Dans les deux cas, cela conduit à une augmentation du chômage. En
outre, l’alourdissement des charges peut amener l’entreprise à substituer le capital au travail.
D’autres critiques concernent la complexité des dossiers à remplir, complexité qui peut entraîner certains ayants droit à renoncer
à leurs allocations.
Enfin, cette politique n’apporterait qu’une faible réduction des inégalités. Ainsi, le plafonnement des cotisations sociales avantagerait
les catégories les plus élevées. En outre, ces dernières profiteraient davantage des régimes sociaux que les classes plus défavorisées :
en recourant beaucoup plus aux dépenses de santé et en disposant d’une espérance de vie plus longue que les catégories agricoles
ou ouvrières, elles bénéficieraient d’une retraite plus longue.
Comment par ailleurs expliquer, malgré l’instauration d’un système protecteur, la montée du chômage et de l’exclusion aggravant
la dualité de la société, si ce n’est par l’inefficacité ?
• Une légitimité contestée. Le développement d’un comportement de « free rider » ou passager clandestin amène les individus
à profiter des possibilités offertes par les systèmes sociaux. Ainsi, la faiblesse d’écart entre les bas salaires et les minima sociaux
désincite certains à rechercher un emploi, développant le phénomène de la « trappe à pauvreté ». D’autres n’effectuent que la
durée du travail nécessaire pour ouvrir droit aux indemnités chômage.
Enfin, vouloir recevoir ce que l’on a donné est contraire à l’idée de solidarité et remet en cause le principe même de la mutualité
de la dette sociale.
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La remise en cause des services publics
Le service public, sous l’autorité ou le contrôle de l’Etat, est un ensemble d’intérêt général qui assure aux citoyens des prestations
diverses : la poste, l’éducation ou les transports.
Indispensables à la cohésion sociale puisque ces services sont mis à la disposition de tous les citoyens, ils sont souvent en situation
de monopole ou de quasi-monopole.
L’intégration européenne, sous l’impulsion de la Commission, a conduit à remettre en cause ces monopoles au nom de
l’ouverture à la concurrence. Utilisant la notion de « service d’intérêt économique général », la Commission a développé une
politique de déréglementation dans les secteurs aussi variés que les transports, les télécommunications, la poste ou l’électricité.
Cette ouverture aux règles de la concurrence a été tempérée par l’introduction de la notion de « service universel ». Ce terme
qualifie l’engagement des Etats à fournir à chaque citoyen un service minimum à un prix le plus bas possible.
Mais cette déréglementation européenne des services publics tend à augmenter l’exclusion des catégories les moins favorisées
et à réduire la prise en compte du lien social. L’Etat providence recule devant l’Etat marchand.
Les réorientations de l’Etat providence
Le ralentissement de la croissance, joint aux critiques des économistes néolibéraux, a conduit la plupart des pays européens à
rechercher une réorientation de leur politique sociale. Cette recherche s’articule autour d’une triple préoccupation : alléger le coût
financier du système, le rendre plus efficace, tout en maintenant l’impératif de solidarité.
L’allégement du coût financier s’est opéré de multiples façons. En France, le système de la Sécurité sociale a vu une restructuration
régionale des hôpitaux, des enveloppes budgétaires à ne pas dépasser, une réduction du montant des remboursements pour
certains médicaments et la promotion des médicaments génériques moins coûteux. Malgré cela, le déficit record de onze milliards
et demi d’euros prévu pour 2004 devrait conduire à de nouvelles réductions des prestations.
Le système des retraites a vu l’allongement de la durée de cotisation (portée à quarante ans).
Depuis 1993 pour le secteur privé, le calcul des pensions repose à présent sur les vingt-cinq meilleures années au lieu des dix
meilleures précédemment, ce qui réduit le montant de la retraite à percevoir.
Pour tenir compte des critiques libérales sur le coût du travail, l’Etat a modéré les hausses des cotisations sociales et patronales en
augmentant en contrepartie la Contribution sociale généralisée (CSG), qui de 1,1 % en 1991 est passée à 7,5 % en 1998.
L’amélioration de l’efficacité s’est effectuée en France sous le signe de la délocalisation et du ciblage des prestations.
Ainsi, la création du RMI en 1988 s’est accompagnée d’un suivi d’insertion par le conseil général et le département. Dans un souci
d’efficacité, la politique de la ville, par exemple, cible les quartiers difficiles et cherche l’appui des associations et des communes
pour améliorer ses actions. Il convient de noter que cela s’oppose au principe beveridgien de l’universalité.
D’autres pays essaient de combiner allégement financier et efficacité. Si la Grande-Bretagne, en 1999, a institué un salaire horaire
minimum pour tenter d’endiguer l’augmentation de la pauvreté, elle a surtout développé, comme les Etats-Unis, le principe du
« workfare » plutôt que du « welfare ». L’aide sociale des indemnités chômage est en effet limitée dans le temps, et le bénéficiaire
doit accepter en contrepartie les emplois qu’on lui propose ou effectuer des travaux d’intérêt général. Les Pays-Bas ont également
instauré, en 1995, un revenu minimum garanti en réservant aux municipalités la possibilité d’imposer aux bénéficiaires un certain
nombre d’heures à travailler à des activités d’utilité sociale.
Les pays anglo-saxons ont également développé :
• la marchandisation de l’assurance sociale : l’individu se tourne auprès d’assureurs privés pour se protéger personnellement
des risques de santé ;
• la retraite par capitalisation : par le versement régulier de capital géré par des fonds de pension, chaque personne finance ellemême sa propre retraite. Mais dans ces deux cas, l’impératif de solidarité n’existe plus, ce qui génère une société à deux vitesses,
accentuant la « fracture sociale » du pays.
Théories et auteurs
Milton Friedman, né en 1912, fait partie des économistes néolibéraux qui remettent en cause les interventions de l’Etat providence.
Pour lui, le coût excessif de ces aides et leur inefficacité sont à l’origine des difficultés actuelles des Etats. Ainsi, une indemnisation
généreuse du chômage conduit les indemnisés à ne pas rechercher rapidement un emploi, ce qui aggrave le niveau du chômage
dans la société. L’existence de salaires minimaux ou le développement du syndicalisme affaiblissent la compétitivité des entreprises
et la croissance en général. Il convient de revenir au « laisser faire » des mécanismes du marché et de diminuer le montant des
prélèvements fiscaux pour réduire l’interventionnisme étatique.
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L’économiste américain Arthur Laffer, né en 1941, dénonce également la trop lourde imposition fiscale par l’Etat à travers la
célèbre courbe de Laffer. Cette courbe tend à démontrer qu’au-delà d’un certain taux d’imposition, les individus préfèrent diminuer
leur travail plutôt que de payer davantage d’impôts. Il en résulte une réduction de l’activité économique et une augmentation de
l’évasion fiscale. Dans les deux cas, on assiste à une diminution des recettes fiscales pour l’Etat car « trop d’impôt tue l’impôt ».
En revanche, une réduction de la fiscalité incite à travailler plus, ce qui relance l’activité économique, réduit la fraude fiscale, et donc
augmente les rentrées financières pour l’Etat.
Friedrich August von Hayek (1899-1992), économiste d’origine autrichienne, conteste l’intervention de l’Etat dans l’économie, qui,
selon lui, perturbe les mécanismes autorégulateurs du marché. Il s’oppose à la notion de service public au motif que les choix faits
par l’Etat peuvent ne pas correspondre aux souhaits de chacun. Pour Hayek, il est donc préférable de s’en remettre au marché pour
laisser se manifester les désirs des individus.
Repères historiques
Dans les années 1880, l’Allemagne du chancelier Bismarck a été le premier pays à instaurer un système de protection sociale en
faveur des ouvriers. Il repose sur le principe de l’assurance obligatoire et se caractérise par :
• des prestations proportionnelles au montant des cotisations versées ;
• une gestion autonome des caisses, indépendantes de l’Etat.
En 1941, c’est en Grande-Bretagne que William Beveridge expose, dans ses rapports, les bases de l’Etat providence qui, dans une
logique de solidarité, s’articule autour de trois principes appelés « les trois U » :
• universalité de la protection qui doit être assurée à tous les citoyens ;
• uniformité pour tous de la prestation, au contraire du système bismarckien ;
• unité du système financé par l’impôt et géré sous la tutelle de l’Etat.
La seconde moitié du XXe siècle verra se développer, dans l’ensemble des pays européens, une politique de la protection sociale
reposant sur une combinaison variable du principe de l’assurance et de l’assistance.
Parallèlement, on assiste à une augmentation des mesures pour améliorer cette protection. La France généralise en 1970 le système
de la Sécurité sociale pour tous. L’allocation de parent isolé est créée en 1976, le RMI en 1988, la Couverture maladie universelle
(CMU) en 2000 et l’allocation personnalisée d’autonomie pour les personnes âgées dépendantes en 2002.
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