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4REPÈRES ET TENDANCES
4CONJONCTURES
6DOSSIER
4 LIVRES ET IDÉES
DIX ANS DE SOCIÉTAL
MICHEL DRANCOURT
*
Sociétal
avant Sociétal
Les dix ans de sociétal sont l’occasion de rendre
hommage à l’un des pionniers de la revue, Patrice
Blank. Michel Drancourt en trace un portrait riche
et sensible, portrait d’une de ces personnalités
fortes et courageuses qui ont su, en des temps où
dominaient presque sans partage les idéologies
dirigistes, rappeler ce qui devrait être des évidences, à savoir la force et la puissance de l’économie
de marché, la seule à apporter la richesse dans la
liberté.
I
l se prénommait Aristide, mais se faisait appeler Patrice, Patrice Blank. Ce
trait illustre l’une des caractéristiques de
l’homme : très présent, mais souvent
insaisissable. Son tempérament l’y portait sans doute, mais l’expérience de la
Résistance l’y avait contraint.
Blank fut en effet dès 1940 – il avait
20 ans – l’un des résistants du 14 juillet.
L’aventure devait le conduire à participer,
en 1944, comme l’un des représentants
du Mouvement de défense de la France, à
la prise de contrôle de Paris-Soir, qui allait
devenir France-Soir. Ce résistant était plutôt à contre-courant du politiquement
* Économiste.
correct de l’époque. Formé à ce qui était
encore l’école libre des sciences politiques, il était convaincu de la qualité du
système libéral fondé sur l’initiative, la
propriété, l’échange, alors que le dirigisme
étatique était la règle et, pour une partie
importante de « l’élite », le communisme,
l’espoir. Il allait devenir homme de presse.
Mais pas exactement comme il l’avait
imaginé.
un PAtron DE PrEssE
DiscrEt Et EFFicAcE
S
ociétal fut son dernier-né. L’occasion
est bonne, dans ce numéro, de cam-
per le portrait d’un des patrons de
presse les plus efficaces de son temps.
Grand, massif, parfois aussi raide que la
célèbre statue du Commandeur, il pratiquait une politesse à l’ancienne, mais
devenait plus naturel quand la conversation s’engageait sur ses terrains de prédilection.
Dans ses entreprises, il préférait diriger
par délégation, mais était capable d’intervenir sans hésitation. Il n’aimait guère les
réunions officielles ou mondaines, se
sentant plus à l’aise dans des entretiens
en petit comité, de préférence chez lui.
Installé dans un vaste appartement de
l’avenue Victor-Hugo à Paris, tout marqué de symboles du Roi-Soleil (mais
dont les fauteuils étaient le domaine
réservé de ses superbes chats persans),
il commentait surtout l’évolution des
« affaires du monde ».
Discret sur son passé, il laissait apparaître l’importance dans ses souvenirs de la
banque familiale en Roumanie, balayée
par le nazisme puis le communisme.
Citoyen français par sa mère, il éprouvait
un fort attachement pour le pays de son
choix et les grandes heures de son histoire. La chute du rôle de la France ne
pouvait être compensée selon lui que
par l’avènement d’une Europe politiquement structurée, projet auquel il se
dévoua mais dont l’échec devait le
conduire à se brouiller avec de Gaulle.
Tous ceux qui l’ont approché ont en
mémoire le compte rendu qu’il faisait de
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sa conversation avec de Gaulle au
moment des débats sur la Communauté
européenne de défense (CED), véritable
projet d’unité européenne. « Mon général, nous sommes encore en mesure de
prendre la tête d’un projet qui nous hissera au rang des grands de l’avenir.
Demain il sera trop tard. L’Allemagne
aspire à sa réunification. Elle finira par
reprendre un grand poids et d’autres
que nous seront maîtres du jeu. »
Réponse du général : « Blank, vous ne
pensez pas que je laisserai la France se
fondre dans un amalgame au service de
l’Amérique »… « Dans ces conditions,
mon général, la messe est dite. » Depuis
cette entrevue, la dernière en tête à
tête, Blank ne cessera de souligner la difficulté pour la France, en dépit des
efforts de modernisation, d’exercer une
action mondiale comme elle avait pu le
faire dans le passé. Cela ne l’empêchera
pas de continuer à militer pour l’Union
européenne avec des amis comme JeanMarie Soutou et Joseph Rovan.
Quant à la direction de France-Soir, elle
lui échappa, au fur et à mesure que le
groupe Hachette y renforçait sa présence et avec l’arrivée de Pierre Lazareff,
pourtant rappelé par lui.Travaillant avant
la guerre dans l’équipe de Jean Prouvost,
le créateur de Paris-Soir, Lazareff possédait l’art de surfer sur l’actualité et de
transformer un fait divers en événement. Il avait, en revanche, une conception très relative de la gestion, y compris
dans l’usage des frais généraux. Blank, au
contraire, n’avait pas le goût des paillettes, mais considérait qu’une entreprise,
fût-elle de presse, devait, pour justifier
son existence, tendre à la rentabilité.
Dépité, Blank se lance dans les affaires
avec la ferme intention d’en tirer des
ressources suffisantes pour assurer sa
liberté, animé, de plus, d’une volonté de
revanche, sa première épouse l’ayant
quitté pour un banquier connu pour sa
richesse. Il vécut afin d’y parvenir une
véritable existence d’aventurier capitaliste, à la manière des pionniers américains, réussissant une première fois dans
le commerce des métaux rares, trébuchant sur une faillite, rebondissant avec
succès, et cela souvent loin de France, en
Amérique latine ou aux états-Unis.
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Mais l’attirance pour le journalisme et
l’édition n’a jamais cessé de le travailler.
Dès qu’il en eut les moyens, il s’intéressa
à ce qu’il appelait des « petits moulins »,
journaux modestes mais très spécialisés,
par exemple dans les activités agricoles,
dans les transports, les équipements
industriels, la presse, les ressources
humaines, la fiscalité.
geant des équipes nombreuses et présentes un peu partout dans le monde ;
trop risqué parce que la langue française
n’évoque pas les activités financières,
économiques et internationales ; trop
problématique en raison de l’accumulation de données nécessaires pour réaliser
un véritable journal de référence situant
les faits dans l’espace et dans le temps
(The Economist a été fondé, comme on le
sait, pour appuyer les libre-échangistes
unE PrEssE DE crénEAux
anglais en 1848, l’année de la publication
lus tard, en 1980, alors qu’il se consadu Manifeste du parti communiste de Karl
cre pleinement à ce qui est en train
Marx). à défaut, Blank n’hésitera pas à
de devenir un groupe de presse rentable,
appuyer des initiatives beaucoup moins
il acquiert Liaisons sociales, qu’il fera, non
amples, mais destinées cependant à favorisans peine, largement
ser en France, l’esprit
sortir du rouge, et qui
d’ouverture sur le
Réaliser en France
lui donnera une forte
monde. D’où l’appui
l’équivalent de The
assise. Il a mené une
direct ou indirect qu’il
politique de « créa apporté à la revue
Economist est impossible en
neaux » qui permet
Commentaire comme
peu de temps : trop cher
de s’appuyer sur des
à la Fondation Saintparce qu’exigeant des
abonnés
généraleSimon. D’où, surtout,
ment fidèles une fois
la quête d’opportuéquipes nombreuses et
qu’ils ont été conquis,
nités à saisir ou de
présentes un peu partout
et d’attirer une publiformules inédites à
dans le monde ; trop risqué
cité très ciblée, donc
lancer.
efficace. Une réussite,
parce que la langue
donc. Mais quand on
Blank, à qui on attrifrançaise n’évoque pas les
ne cesse de s’intéresbuait des moyens
activités financières,
ser aux affaires du
importants et qui, seul
monde, de tisser des
propriétaire de son
économiques et
liens avec des milieux
groupe, pouvait preninternationales ; trop
économiques, finandre des décisions sans
problématique en raison de
ciers, intellectuels, aux
attendre l’avis de difféétats-Unis, en Europe
rents conseils, excepté
l’accumulation de données
ou en France, quand
ceux dont il estimait
nécessaires pour réaliser un
on garde le souci
avoir besoin, voyait
véritable journal de
d’exercer une action
s’accumuler sur son
pour promouvoir la
bureau les dossiers de
référence situant les faits
société libérale, on
magazines et de jourdans l’espace et
ne peut pas se
naux, connus ou non,
dans le temps.
contenter d’être le
en mal de capitaux.
patron du quasi-jourOn lui demandait
nal officiel des spéciagénéralement de saulistes sociaux ou le conseiller indirect de
ver la publication sans bousculer les syndiceux des agriculteurs qui ont une mencats et la rédaction, autrement dit
talité d’entrepreneur. On se dit que si, en
d’apporter des fonds et de ne rien chanplus, on pouvait piloter un périodique
ger. Il n’était pas homme à se prêter à cet
qui rappellerait The Economist, dont on a
exercice. Mais il poursuivait un projet qui
fait sa lecture obligée, on pourrait élargir
ne cessait de l’attirer : celui du journal sur
vraiment le champ de son influence.
mesure.
P
Malheureusement, réaliser en France l’équivalent de The Economist est impossible
en peu de temps : trop cher parce qu’exi-
Homme de presse écrite, il imaginait un
système d’abonnements multiples par
lequel un abonné sélectionnerait des
« SOCIÉTAL » AVANT « SOCIÉTAL »
rubriques ou des thèmes les plus susceptibles de l’intéresser. Il s’agissait en
réalité d’une sorte d’agence de presse
personnalisée. C’est finalement ce vers
quoi tendent de plus en plus des groupes de presse économique et financière
tout en proposant des services complémentaires et l’accès à des sites Internet.
Blank aurait certainement pu développer ces techniques à partir de ses journaux de base, notamment dans le
domaine social, où la déclinaison des
spécialités avait commencé. Mais, à la fin
de sa vie, il s’intéressait surtout aux rapports de force et d’influence entre les
peuples, les sociétés, en rappelant les
constances de leur histoire tout en observant les changements en cours. Les
propensions françaises au socialisme
conservateur et corporatiste et à l’autosatisfaction l’inquiétaient. Il observait que
la manière dont étaient traitées les
informations dans de nombreux médias
contribuait à enfermer l’opinion française dans des certitudes illusoires et
des ambitions périmées. Frappé par les
signes d’un déclin français bien avant que
l’évidence s’en répande, il pratiquait ce
pessimisme actif dont Paul Valéry disait
qu’il était l’une des caractéristiques des
Européens. D’un côté il prévoyait l’effacement français et européen, faute
d’union. Cela ne voulait pas dire que
dans son esprit des savants, des entreprises, des artistes, des experts n’ont
aucune chance de compter dans le
monde, mais signifiait, selon lui, le recul
du rôle des pays européens dans l’histoire qui se fait. D’un autre côté il se
disait qu’il fallait, pour éviter la dégringolade, développer une information partant des faits et provoquer par ce moyen
la prise de conscience des réalités.Voilà
l’esprit qui a préparé la naissance d’un
périodique dont Blank souhaitait qu’il
soit une référence pour les problèmes
qu’il traiterait.
DE lA sEDEis à SoCiétAL
L’
occasion se présenta sous la forme
des chroniques de la Sedeis. Pour la
comprendre il faut faire un détour par
une assez longue histoire largement marquée par les rapports qui ont existé
entre Patrice Blank et Bertrand de
Jouvenel, qui fut un grand « voyageur
dans le siècle ». Blank avait pour Jouvenel
Patrice Blank, informé, décida de racheune réelle admiration, partagée par des
ter la société sur ses propres fonds, en
hommes comme François Dalle, avec
comptant s’appuyer sur les abonnés reslequel il devait acquérir sa bibliothèque.
tants pour asseoir un nouveau projet.
Bertrand de Jouvenel s’était vu confier,
Mais l’argument décisif pour lui fut ceren 1954, la direction de la Société d’étutainement la possibilité de rendre, une
des et de documentation économique,
fois encore, hommage à la mémoire de
industrielle et sociale (Sedeis), conçue
Bertrand de Jouvenel.
pour réaliser des études économiques et
des notes de conjoncture intéressant à la
Le rachat de la Sédéis imposait de mener
fois les responsables des entreprises, des
à bien un projet concret pour être en
administrations et du monde universimesure de servir les abonnés. Blank ne
taire. Ces études étaient souvent inspipartait pas de rien. Les brouillons furent
rées par la recherche de la productivité,
d’abord des projets de lettres spécialithème majeur de la France
sées dans différents secd’alors. Elles bénéficiaient de
teurs, mais assez générales
Blank évoquait
l’appui des organisations
pour intéresser des responun libéralisme
patronales représentées par
sables économiques, politiPatrice Leroy-Jay, le père
ques et sociaux, ou des
qui n’avait pas
Joseph du CNPF, et surtout
enseignants – un peu sur le
peur de
de la Fondation Ford.Aux étumodèle des Quatre Vérités
s’affirmer,
des et aux notes devaient s’a(entre 1973 et 1985) et de
jouter une note sur les livres
La Lettre de Saint-Gobain, réainsistant sur
et revues et, à partir de 1960,
lisée par Albert Merlin, traile rôle de la
des monographies tirées
tant d’économie au travers
propriété du
des travaux lancés dans le
des réalités industrielles et
cadre du comité international
des disciplines de l’entrecapital, sur la
Futuribles sur l’avenir des
prise. Les projets furent suiresponsabilité
institutions politiques. Donc
vis par la recherche d’un
et les droits de
coexistaient sous le titre de
système
de
veille
Bulletin de la Sedeis quatre
technologique, économique,
l’entrepreneur.
séries de textes. Trois d’entre
sociale et politique permetelles furent réunies à partir de
tant de souligner l’impor1966 dans la revue Analyse et prévision,
tance de certains signaux faibles, idée
dirigée par Bertrand de Jouvenel.
mise aujourd’hui en pratique par Vigie
dans le cadre de Futuribles. La montée en
Au début des années 1970, la Sédéis
puissance du magazine Alternatives éconoconnut, après le décrochage de la
miques, de plus en plus influent dans les
Fondation Ford, de sérieuses difficultés.
milieux de l’enseignement, donnait aussi
Elles eurent pour effet la reprise de
à réfléchir. Les antilibéraux français
contrôle par le CNPF, qui en confia la
avaient trouvé leur Economist. Depuis la
direction à Jacques Plassard, alors direcdisparition de Réalités et d’Entreprise, que
teur de Rexeco (centre d’analyse éconoBlank avait vus naître, se développer et
mique, devenu depuis Rexecode). La
s’éteindre, publications qui avaient joué
revue Analyse et prévision fut arrêtée. Elle
un rôle actif dans l’animation des Trente
sera relancée un an plus tard par Hugues
Glorieuses, comme plus tard L’Express et
de Jouvenel, fils de Bertrand, sous le titre
L’Expansion, dont la situation financière
de Futuribles, dans le cadre de ce qui
avait décliné, le libéralisme manquait de
devint le groupe Futuribles.
périodiques pour le soutenir à côté de
quotidiens comme Les Échos. Blank évoLes chroniques de la Sédéis et un bullequait un libéralisme qui n’avait pas peur
tin rendant compte de livres étrangers,
de s’affirmer, insistant sur le rôle de la
l’une des grandes spécialités de Bertrand
propriété du capital, sur la responsabilité
Cazes, vécurent cahin-caha grâce en paret les droits de l’entrepreneur, rejetant
tie au soutien de l’Institut de l’entreprise
les dérives fréquentes des Français cherjusqu’en 1994, où Jean Gandois, devenu
chant souvent à mâtiner le libéralisme de
président du CNPF, voulut s’en séparer.
socialisme et d’interventionnisme public.
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Nul doute que ses convictions en la
matière avaient joué indirectement un
rôle dans la rupture brutale avec
Raymond Soubie, dont il avait fait son
associé opérationnel et son successeur
vraisemblable. La brouille survint à l’occasion d’un projet de quotidien du type
Les Echos, mais tourné vers le social.
Raymond Soubie en annonça le lancement sans s’être assuré, semble-t-il,
que le « capitaliste » avait pleinement
accepté le plan budgétaire – ce que les
Anglo-Saxons appellent le business plan.
Or, pour Blank, il était évident que celui
qui finance est celui qui décide en dernier ressort.
Une fois cette certitude reconnue il
exprimait ses vues, posait des questions,
évoquait des faits qui le frappaient, mais
dès que le cadre d’un journal ou d’un
dossier était défini d’un commun accord
entre lui et ses partenaires, il « laissait
faire » tout en faisant comprendre
ensuite ce qu’il avait aimé, par ses propos
enthousiastes, ou ce qu’il avait moins
aimé, par ses silences éloquents. Il lui arrivait parfois de tresser des couronnes à
certains auteurs dont on n’imaginait pas
qu’ils pouvaient être proches de lui.
Finalement, après des semaines de
recherche, l’idée prit corps d’un périodique remplissant à la fin du XXe siècle, en
France, un rôle un peu comparable à
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celui de Réalités après 1945, c’est-à-dire
d’un organe de presse partant, comme le
nom l’indique, des réalités économiques
et politiques internationales pour apprécier leurs effets sur la société, notamment la société française. Le titre de
Réalités était tentant. Malheureusement il
avait été racheté par le groupe Valeurs
actuelles et n’était de ce fait pas disponible. Blank ne s’arrêta pas pour autant
dans la mise en œuvre du projet. Décidé
à le financer, il voulait le confier à un
responsable qui ne serait pas lié au
groupe Liaisons. Ce fut Albert Merlin
qui, par un heureux hasard, préparait son
après-Saint-Gobain, et dont on a vu que
la lettre qu’il réalisait avait contribué à
inspirer le projet.
Quant au titre Sociétal, je l’avais suggéré
à plusieurs reprises. Il fut adopté après
des études techniques et juridiques
sérieuses. Le mot « sociétal », désormais
usuel, l’était beaucoup moins dans les
années 1970, où nous fûmes, Octave
Gélinier et moi, parmi les premiers à
l’employer en France, alors qu’il venait
d’apparaître aux états-Unis.
La structure de Sociétal doit beaucoup à
Albert Merlin. Mais dans sa première
version son évolution était liée à l’appui
financier de Blank, qui avait vendu son
groupe à la société hollandaise Wolters
Kluwer plutôt qu’à Bertelsmann, mais
avait gardé Sociétal. Sa disparition brutale, le 2 octobre 1998, modifiait complètement l’espoir d’un enracinement
progressif pour atteindre la rentabilité. Il
fallut chercher rapidement un autre
appui. Ce fut l’Institut de l’entreprise.
un HoMME liBrE
P
atrice Blank, qui n’avait jamais cherché à paraître mais qui voulait exercer un rôle au travers des idées et des
informations, fut un véritable chef d’entreprise de presse, dont on a pourtant
beaucoup moins parlé que de certains
directeurs de journaux fabricants de déficits. Il fut un homme de réseau, d’amitiés
et de contacts, mais pas de scène. Sa vie
personnelle était entourée d’un certain
mystère. On ne lui connaissait, outre les
chats, que deux passions, la mer et le
téléphone, dont il ne pouvait se passer.
On savait qu’il allait régulièrement dans la
très belle demeure de Brigitte Guichard,
sa femme, aussi discrète que lui, à SaintLéger, près d’Angoulême, où il est
enterré. Il avait cru en l’Europe et ne s’était pas consolé de l’échec de la seule à
laquelle il croyait, celle du pouvoir politique. Il avait dès lors décidé de se donner
les moyens d’être un homme vraiment
libre. Il le fut. g

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