Amenzu n°8 : Sep.-Oct.-Nov. 2000 - ACBB
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Amenzu n°8 : Sep.-Oct.-Nov. 2000 - ACBB
Awal i t-iferrun d awal _____________ Win iteddun γef tidt yessawad Numéro 8 Amusu Adelsan Amazigh Journal du Mouvement Culturel Berbère de Rennes «La vérité habite mon pays, Elle y est sous une chape de plomb Et même quand l’ineptie crève les yeux Ma remarque est divagation. Ouvrez vos esprits et libérez-les La fraternité est annihilée par l’adversité Honte à vous de la solder pour autant De grâce regardez loin Ceux qui tuent sont discernés.» Lettre ouverte aux… Matoub Lounès AGBUR S O M M A I R E SEPT-OCT– NOV 2000 Editorial Tamazight, en route vers le 3e millénaire. L’histoire de notre mouvement est jonchée de luttes continuelles dans des conditions plus ou moins difficiles. Avant, les militants étaient battus, persécutés, emprisonnés pour leurs idées. Tout se passait dans la clandestinité. Les conditions ont changé, mais le combat n’est pas fini. C’est toujours un comble, cependant, de ne pas être reconnu sur ses terres. Mais la reconnaissance de Tamazight dérange aussi au-delà de nos frontières et tout est fait pour nous enterrer.. Encore une fois, notre position n’est nullement liée à une volonté de repli sur soi-même mais liée à un désir réel d’existence après des décennies d’exclusion et de déni. « Nous n’avons pas de patrie de rechange » a clamé Bouteflika, certes…mais il a précisé au cours d’un meeting à Tizi : «Tamazight, jamais». Il s’y croit…N’a-t-il pas compris notre détermination ? Il est vrai que certains militants de la première heure ont eu des «destinées» diverses…(ils sont soit rentrés dans le rang, soit récupérés). Le résultat est que les générations nouvelles ne savent plus à quel saint se vouer. Ainsi, cet été en Algérie, j’ai été frappé par les querelles et la calomnie entre les tendances du MCB et autres partis politiques. Au sein de nos rangs, il faut enterrer nos rancœurs ; la jeunesse doit reprendre le flambeau sur de nouvelles bases car notre combat est juste puisqu’il repose sur les droits humains, la démocratie et le respect de l’autre. Que vive Tamazight ! Éditorial page 1 Histoire page 2 La grotte de G.Buis page 2 Hommage de Bretagne à Matoub page 3 Hommage aux femmes Kabyles page 3 Coup de Cœur page 4 Noté pour vous page 4 Contact : B. R. T. V (Berbère Radio TéléVision) 97, rue du Cherche -Midi 75 006 PARIS tél. : 01 53 63 82 82 Fax : 01 40 49 04 76 PDF created with pdfFactory trial version www.pdffactory.com Boualem Kaci-Chaouch HISTOIRE Après une interruption, depuis le n° 4 , nous reprenons notre rubrique sur l’histoire de l’Afrique du Nord. • 8000 à - 4500 : Civilisation Capsienne : Elle s’étend essentiellement sur la Tunisie (Gafsa, Kasserine), l’Algérie (Constantine, Tiaret) et la Cyrénaïque (partie nord-est de la Libye). Le Capsien : variété des Homo Sapiens (il constituerait le fond du peuplement amazigh auquel s’ajoutent quelques éléments libéromarussiens). • -3300 : Les Libyens pénétrent en Egypte où ils sont battus. La déesse égyptienne est nommée «La Libyenne ». Tehenon est le nom donné aux libyens par les égyptiens. • - 3000 : Dessèchement du Sahara. • - 2600 : Nouvelles incursions des Libyens en Egypte. • - 2060 : Mentouhotep 1er expulse les Libyens d’Egypte. • - 1800 : Introduction du cheval en Afrique du Nord. • -1500 : Civilisation des Equidiens • - 1312 à 1298 : Règne de Sethi 1e en Egypte (pharaon, père de Ramsès II). Plusieurs batailles sont livrées aux Libyens. • - 1297 : Début des migrations des « peuples de la mer » • - 1227 : Meyey, roi des Lebbons, envahit le delta du Nil. Les Libyens associés aux peuples de la mer attaquent le delta. • - 1195 : Mushaouash, roi des Libyens attaque le delta. (A suivre..) Hocine Aït-Seddik Responsable du Bulletin : Khaled Drider Ont collaboré à ce numéro : Hocine Aït-Seddik, Taos Arezki-Méziane, Khaled Drider, Boualem Kaci-Chaouch, Gérard Lambert, Nicole Logeais. Vous pouvez nous adresser vos remarques ou suggestions à l’adresse cidessous : MCB Rennes s/c MJC La Paillette rue Pré de Bris 35 000 Rennes tel : 0299598888 fax: 0299598889 L i v r e s LA GROTTE ( Georges BUIS ) Ed. de Crémille 1970 ( Ed. Julliard 1961 ) A titre de témoignage, voici un regard sur la Kabylie écrit par un gradé des forces de l’occupation lors de la Guerre d’indépendance de l’Algérie. Ce livre est avant tout un roman de guerre avec un compterendu très détaillé des opérations pour découvrir et « traiter » une cache de première importance dans le Djebel. Et même si nous sommes choqués aujourd’hui par quelques termes d’un autre âge ( les mâles pour désigner les hommes) , Georges Buis parle du rôle que les paysans kabyles peuvent jouer dans l’avenir de leur pays avec ou sans la France. Gérard Lambert Extrait Pages 258-259 « Avançant à petits pas au milieu de la délégation qui marqua son désir de le raccompagner, Enrico gagna l'hélicoptère. A sa surprise, il trouva alignés sur la drop-zone une centaine de mâles venus là d'eux-mêmes. Dans ce coin de montagne ce geste d'amicale courtoisie créait un précédent. Les rudes serveurs de mauvais café avaient-ils compris ce qui se passait? Ou bien étaient-ce les enfants aux yeux graves, figés autour de la palabre, qui avaient diffusé quelque message? Simplement un réflexe jouait-il, qui donnait aux uns et aux autres le sentiment d'une rencontre? « Le beau mérite, vraiment, de respecter ces hommes-là!» se disait Enrico. A chaque occasion, il constatait que non seulement il les respectait mais qu’en bien des cas il les admirait. Même laids ils ne pouvaient offenser la beauté: masques secs, ventres plats, membres longs. Intelligents. Fiers sans être arrogants. Fainéants? Maladroits? O montagne kabyle soignée comme un jardin japonais. Mulets lustrés! Mariages industrieux des figuiers! Et, sous les grands chapeaux de paille, lucarnes si claires des yeux! Dans cette montagne, même les enfants, même les petites filles ont le regard réfléchi et questionneur de l'adulte. On y lisait un équilibre émouvant, un contrôle des passions qui était toujours une leçon pour Enrico. Ces hommes se maintenaient au très haut niveau de la prise de conscience qu'est le respect humain. Il fallait une qualité essentielle pour «intégrer» les crimes des frères, les duretés de l'ordre, la misère sans nom des siens, et, dans un isolement total, l'écartèlement du cœur. Enrico dit de minutieux au revoir. Il insista pour que la délégation et les hommes se retirent, s'abritent du vent du rotor et aussi de son vacarme. Les hommes ne s'écartèrent que pour témoigner qu'ils appréciaient l'attention. Mais ils restèrent. Lorsque l'hélicoptère démarra, les mains se levèrent. De la bulle transparente Enrico répondit Il souleva légèrement sa canne, piquée entre les genoux. Son képi en coiffait la poignée. Puis l'engin fila, longuement, patins au sol, rayant de sa course basse le flanc du djebel. Contre son épaule plus encore que sous lui, Enrico voyait défiler les labours couleur chocolat, ceinturés de murettes. Le désir le saisissait, exigeant, de poser la main à plat sur cette terre enfin mouillée, doublement heureuse sous le grand soleil gratuit d'automne. Pauvre terre méritante! Partout, des pierres, empilées, alignées, par des générations de paysannes attestaient sa difficulté d'exister. Chaque pluie faisait surgir de nouveaux cailloux. Les femmes les ramassaient. Mais il y avait belle lurette que tous2 les murs - nécessaires ou non - en étaient construits. Ils quadrillaient d'un lourd damier cet îlot de terre arable. A présent, les glaneuses de cailloux faisaient tout bonnement de leur récolte des tas dans les champs, des sortes de buttes témoins…. » PDF created with pdfFactory trial version www.pdffactory.com Hommage de Bretagne à Lounès Matoub Kenavo Lounès Matoub War an hent douar Meinek Skoasellek Ha poultrennek A-greiz-holl E lugern laonenn ur falc’h Falc’h an Ankou Etre daouarn ur mevel Penn bervet ha diboell Ha setu aet da anaon Ur barzh hag ur c’haner E yezh tamazight Ur stourmer berber Ur breur • Lounes hor breur Evoldomp e stourmes Evit frankiz da vro He sevenadur hag he yezh Evoldomp e skrives Barzhonegou ha kanaouennoù Evit da bobl Em bro n’eo ket gant tennoù Na kontelloù E lazher ar vrogarourien Trawalc’h eo o ditrujan Gant an dispriz. An dismogans Ar goap Ar gasoni Pe gwashoc’h c’hoaz An diseblant Evelkent e chom ganeomp Ar vuhez hag ar startjenn Ha d’o heul ar spi E nevez-hanv glas Breizh - Izel E ya hor sonjoù davedout Mignon a beli bro Ha ken tost koulskoude Falc’het abred a-daol-trumm War un hent douar Eus Bro-Gailia Ur Vro E-lec’h ma varvas a-gent Breizhiz yaouank kaset du-hom Da zifenn un urzh Ha ne oa ket o hini Kenavo Lounes Ra vezo gwenn da ved Ra gendalc’ho da stourm. Fanch Peru Berc’hed, Nevez-Hanv 1998 Berhet— Printemps 1998 (Côtes d’Armor) Au revoir Lounès Matoub Sur le chemin de terre Rocailleux Et poussiéreux Tout à coup L’éclair d’une lame de faux La faux de l’Ankou Entre les mains d’un serviteur Exalté et écervelé Et voici que passe de vie à trépas Un poète et chanteur En langue tamazight Un militant berbère Un frère Lounès notre frère Comme nous tu luttais Pour la liberté de ton pays Pour sa langue et sa culture Comme nous tu écrivais Des poèmes et des chants Pour ton peuple Dans la langue de ton peuple Chez nous ce n’est pas avec des balles Ni des couteaux Que l’on tue les amoureux de leur pays Il suffit de les détruire Par le mépris La moquerie La haine Ou pire encore L’indifférence Pourtant il nous reste La vie et l’énergie Et avec eux l’espoir En ce printemps vert De Bretagne Nos pensées vont vers toi Ami de lointain pays Et cependant si proche Prématurément fauché Sur un chemin de terre De Kabylie Un pays Où moururent naguère De jeunes bretons envoyés là-bas Défendre un ordre Qui n’était pas le leur Au revoir Lounès Qu’il soit blanc le monde que tu as rejoint Que ton combat continue _______________ Notes : L’Ankou est le symbole de la mort dans la tradition bretonne (squelette avec faux) A la fin du texte, le paradis est un monde blanc dans la tradition celtique. 3 PDF created with pdfFactory trial version www.pdffactory.com Hommage i Tiqbayliyine(1) Femmes kabyles La femme kabyle chante. Elle chante beaucoup à tout moment et en toutes occasions. Elle chante pour dire, passer des messages, s’exprimer, attirer l’attention sur elle… exister. A travers ses chants : elle exprime aussi ses souffrances (sans se plaindre), ses amours, ses nombreuses privations, ses frustrations, son dur quotidien mais également sa joie et son bonheur. La femme en Kabylie décrit sa situation sociale à travers ses chants et sa poésie. Elle maquille très souvent son triste sort avec de jolies mélodies, de magnifiques images et de profondes paroles… Ces chansons sont transmises de génération en génération : le patrimoine est ainsi sauvegardé. Les chants en Kabylie sont principalement au féminin, car la femme chez nous—hormis la mère et la belle-mère– n’est pas écoutée encore moins consultée. Ainsi à travers ses chansons elle manifeste son désir d’être considérée, d’aimer et d’être aimée. Elle chante aussi la séparation, la misère et l’abandon. Certaines complaintes de H’nifa (2) puisées dans le patrimoine populaire sont sublimes. La femme kabyle n’hésite pas à chanter ce qu’elle ne peut dénoncer directement, ce qui la met à l’abri d’une quelconque réaction familiale voire tribale, car elle n’étale pas ses problèmes personnels sur la place du village ; elle chante tout haut ce qui fait sa joie et sa tristesse mais aussi ce qui est injuste et qui doit changer… C’est une stratégie subtile et intelligente que de « chanter » haut et fort ce que l’ensemble de la communauté féminine pense tout bas ; c’est une forme de résistance et de lutte pour exister et essayer de faire avancer les choses. Même s’il n’y a pas beaucoup de chanteuses publiques connues, nous le sommes toutes de façon anonyme, cela nous permet de décompresser et donc de se sentir en meilleures conditions morales pour affronter le quotidien, un quotidien très rude. Nos mères et nos grand-mères nous ont légué un patrimoine riche et varié qui constitue un trésor inestimable dans lequel nous puisons bien des repères historiques, culturels et artistiques. Il nous revient à tous de continuer à le transmettre à nos enfants pour le protéger de l’oubli. _____________ Taos Méziane—Arezki (1): Tiqbayliyin : mot kabyle pour désigner les femmes kabyles (2) H’nifa est une chanteuse kabyle Coup de cœur Noté pour vous Un ami vient de m’offrir un livre « Kabylie » dans lequel les photos d’Ali Marok dialoguent avec les textes poétiques de Tahar Djaout. Splendide ! C’est d’abord une bouffée d’air vivifiant qui fouette le visage, venant des crêts infinies du Djurdjura, les verts des pentes et des vallées, le rouge des tuiles : toutes les couleurs des robes des femmes. Des formes se détachent : formes noueuses des oliviers, des chênes-verts, du figuier agonisant ; formes massives des maisons de pierre brute, formes anguleuses des sentiers rocailleux. Se dessine la silhouette effilée des villages de crêtes : refuges contre les agressions, mais, par nécessité, ouverts sur le monde ; villages où les poètes se sont fait l’écho de cette dualité, chantant la résistance et l’exil. Et des visages surgissent : rudes, burinés par le soleil, le froid, la peine ; visages penchés sur la terre rocailleuse, sur le pressoir à olives, sur les poteries fumantes. Nous nous enfonçons alors dans l’histoire, nous suivons « les signes de temps de passage et temps de cultures que la Kabylie a assimilés sans jamais renoncer à son visage immémorial » : signes sur les pierres, les poteries, les tapis, les bijoux ; signes qui ont traversé les siècles et dont peut- être le sens s’est perdu. Nous pénétrons enfin dans l’intimité des maisons, où des femmes pliées, assises sur le sol nu, meulent, tissent, bercent et leurs gestes immuables sont enveloppés par la douceur de leurs chants…. « Ssendu….. » Paysages et visages traversant le temps et bien vivants. Rudesse et fierté, douceur et sérénité…… Un irrésistible appel au voyage ! un immense plaisir à partager ! Nicole Logeais _________ • Sortie du n° 3 des Carnets Séguier « 2000 ans d’Algérie » aux Éditions Séguier. On y trouve des articles sur l’histoire, la culture, le politique, la littérature, la langue…. Dans ce numéro il y a entre autres notamment trois textes qui doivent nous intéresser, celui de Salem Chaker « Le Berbère, le retour du marginalisé », celui de Dominique Caubet «L’arabe maghrébin existe-t-il ?» et enfin celui de Sadek Hadjeres «Il y a cinquante ans, les pièges identitaires se mettent en place.» Nous essaierons d’en rendre compte dans le prochain numéro de Amenzu en janvier 2001. • Dans le cadre de Collège au Cinéma, les élèves des collèges publics d’Ille et Vilaine ont vu le film Le Gone du Chaâba, sorti en France le 14 janvier 1998, de Christophe Rugia d’après le roman de Azouz Begag, publié en 1986 aux Éditions du Seuil. A noter la remarquable prestation de Fellag Ce fut l’occasion pour les enseignants et leurs élèves de débattre de l’origine de l’immigration algérienne, de la vie dans les bidonvilles, de l’analphabétisme. « Kabylie » de Ali Marok et Tahar Djaout ( Edition Ad Diwan , Alger) Edition Paris Méditerrannée 1997 ( en réédition) Une idée de cadeau intelligent à offrir aux 4 enfants pour les fêtes : L’ imagier français-kabyle Plus de 500 mots illustrés Aux Editions Fleurus , 1999 Prix : 69 F • Le Chant des Cauris de Maguy Vautier illustré par Marie Boutroy est paru aux Éditions Alternatives en mai 1999. « C’est un recueil de sagesse touareg et de poésie du désert. » Les illustrations sont toutes belles , accompagnée des calligraphies en tifinagh. Il est beaucoup question d’avenir incertain de ces hommes et femmes du désert. On ne peut que relever cette citation de Mano Dayak, touareg : «Faut-il qu’un peuple disparaisse pour qu’on sache qu’il existe ? » qui résume bien cette incertitude du lendemain. A lire absolument. • Dans le n° 25 de L’hebdo n Tmurt ( L’hebdo du pays, de la région) du 29 août au 4 septembre 2000, on trouve une interview intéressante de Bessaoud Mohamed Arab qui est à l’origine de la création de l’Académie Berbère, créée à Paris en 1966. Il a été l’auteur notamment de Heureux les martyrs qui n’ont rien vu en 1963, Identité provisoire (1977), Quelques pages d’ histoire d’Algérie (1993) ainsi que de Histoire de l’Académie Berbère. Son combat pour le berbère et son opposition au pouvoir post-indépendance lui a valu d’être persona non grata en Algérie. Il a dû s’exiler en 1965 et n’est retourné dans son pays qu’en 1997. • Le magazine socioculturel Izuran (Racines) n° 11 de maijuin 2000 publie le mémorandum pour les droits identitaires, culturels et linguistiques en Algérie. Ce document « participe de la volonté de construire une nouvelle Afrique du Nord qu’il convient d’immerger et d’insérer dans le vécu quotidien de ses citoyens. » Il « constitue l’essentiel des revendications et analyses des mouvements culturels amazighs, tel que perçu à l’occasion du 20e anniversaire » du printemps berbère. PDF created with pdfFactory trial version www.pdffactory.com