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15 SEPTEMBRE 2014
ET SI L’ECOSSE DISAIT « YES » ?
CONSEQUENCES ECONOM IQUES ET FI NANCI ERES
POTENT I ELLES
Le 18 septembre prochain le peuple
écossais sera invité à se prononcer pour
ou contre l’indépendance du pays. Les
conséquences d’un résultat en faveur
de l’indépendance seraient profondes
et historiques. L’impact économique et
financier d’une indépendance écossaise
Thomas Fallon recouvre une vaste palette de sujets.Parmi
Conseiller de les conséquences les plus importantes
Convictions AM
figurent la question monétaire, la
problématique du budget et de la dette, l’effet de contagion
en Europe et les réactions des marchés financiers.
La question monétaire
Le choix de la monnaie est devenu un élément central du
débat entre les « Yes » et les « No » mais qui a dépassé aussi
les frontières de l’Ecosse. Les indépendantistes veulent garder
la livre sterling (GBP) en cas de victoire du Yes dans le cadre
d’une union monétaire formelle avec le Royaume-Uni (R-U).
Le gouvernement britannique a déclaré pour sa part qu’il
refuserait qu’une Ecosse indépendante puisse continuer
d’utiliser le GBP d’une manière formelle. Cette question serait
centrale dans des négociations postindépendance car ni
Edimbourg ni Londres n’auraient intérêt à ce que l’instabilité
s’installe dans ce domaine.Dans une union monétaire l’Ecosse
aurait l’avantage de conserver la monnaie de son partenaire
commercial principal en évitant les risques de change et les
fuites de capitaux. Pour la Banque d’Angleterre, l’expérience
de la zone euro (rarement un argument positif au R-U !)
montre que la création d’une telle union nécessiterait la mise
en place d’une union bancaire ainsi que d’un système de
transferts budgétaires en cas de chocs économiques. Aussi
dans le régime d’une union monétaire Londres garderait le
contrôle de la politique et de la réglementation monétaire
(comme actuellement).
En réponse au refus de Londres d’une union monétaire, les
« Yes » évoquent deux alternatives. La première pourrait être
l’adoption de l’euro (une contre-tactique de négociation ?).
Plusieurs problèmes se posent avec cette option.L’Ecosse aurait
une monnaie différente de celle de son principal partenaire
commercial. L’adoption de l’euro ne serait pas automatique
et, même si elle se concrétisait à terme, l’Ecosse subirait les
conséquences d’une période d’incertitude pendant l’intérim.
La deuxième alternative serait de continuer d’utiliser le GBP
malgré le refus de Londres. Certes, Londres ne pourrait pas
empêcher l’Ecosse de suivre cette voie. Mais le pays aurait
besoin d’un niveau important de réserves pour assurer sa
crédibilité.Aussi la masse monétaire écossaise dépendrait de
l’évolution de ses comptes externes, limitant potentiellement
son indépendance monétaire. Le marché appliquerait fort
probablement une prime de risque aux emprunts écossais
en GBP.
Enfin une autre possibilité pourrait être l’introduction d’une
nouvelle monnaie écossaise,« le chardon »,donnant davantage
de contrôle à l’Ecosse sur sa politique monétaire. Cependant
il est très probable qu’au moins dans un premier temps, les
autorités écossaises souhaitent maintenir la parité du chardon
très proche de celle du sterling, limitant de ce fait leur marge
de manœuvre en politique monétaire.
La problématique budgétaire et de la dette
Une Ecosse indépendante perdrait des transferts budgétaires
et des subventions en provenance du R-U. En revanche elle
gagnerait presque la totalité des revenus pétroliers (significatifs
mais décroissants),les pouvoirs fiscaux et budgétaires et peutêtre une diminution du service de la dette versé à Londres.
Avec une politique monétaire toujours déterminée par Londres
mais en exerçant une pleine responsabilité budgétaire,l’Ecosse
serait gagnante à certains égards.Mais l’anticipation de l’impact
budgétaire et de l’ampleur des ajustements jugés nécessaires
dans les deux pays serait un exercice difficile en raison de
facteurs complexes et multiples : le degré de succès d’une
« concurrence fiscale » écossaise, la vitesse de diminution des
revenus pétroliers, les évolutions respectives de productivité
et de démographie…
Concernant la dette publique le R-U a déjà accepté d’en
prendre la responsabilité en totalité. Les indépendantistes
s’engagent à compenser le R-U pour la part de la dette
attribuable à l’Ecosse proportionnellement à sa contribution
au PIB. Dans cette configuration le ratio de dette/PIB écossais
atteindrait environ 65% (le SNP évoque un ratio à long terme
proche de 40%).Toutefois après le refus de Londres de laisser
l’Ecosse indépendante utiliser le sterling, le SNP a annoncé
que dans ce cas le pays n’assumerait pas sa responsabilité
sur sa part de la dette. Pour le R-U, la perte du PIB écossais
combinée à un encours de dette inchangé impliquerait une
détérioration du ratio de la dette, qui pourrait dépasser la
moyenne des ratios des pays de la zone euro.
Mais beaucoup dépend dans un premier temps des
négociations entre les deux pays et,au-delà,des conséquences
pour les deux économies d’éventuels mouvements importants
des capitaux. Les agences de notation seraient prêtes à réviser
à la baisse la notation souveraine du R-U,même si S&P a estimé
que « l’indépendance de l’Ecosse imposerait aux deux pays
des changements et risques significatifs mais non ingérables».
Les conséquences en Europe
Un « Yes » en Ecosse provoquerait une crise politique britannique
avec des incidences européennes. En effet, la probabilité d’un
référendum sur le maintien du R-U dans l’Union européenne
serait très forte avec des conséquences potentiellement
significatives pour l’économie britannique ainsi que pour
l’Europe elle-même. Paradoxalement cette situation pourrait
résulter d’une victoire des indépendantistes écossais et qui
veulent rester dans l’UE et adopter éventuellement l’euro !
De plus le cas écossais pourrait avoir un effet de contagion en
Europe où les aspirations séparatistes sont les plus prégnantes.
Le cas de la Catalogne vient immédiatement à l’esprit. Les
indépendantistes catalans réclament un référendum sur la
question dès le mois de novembre prochain même si Madrid a
déclaré qu’un tel vote serait illégal. Ces turbulences politiques
pourraient provoquer des incertitudes économiques non pas
seulement dans les pays concernés mais aussi en Europe.
Les réactions des marchés financiers
Jusqu’à une période récente les marchés semblaient écarter
le risque d’une sécession écossaise et ses conséquences. Le
réveil des marchés (et du monde politique britannique) par
des sondages récents a donné un avant-goût de la volatilité qui
pourrait s’installer autour du vote et au-delà.En cas de victoire
du « Yes » la livre sterling serait sans doute de nouveau affaiblie,
d’autant plus que la perte des revenus pétroliers augmenterait
le déficit externe du R-U de 2-3% du PIB. Les incertitudes sur
le partage de la dette, ainsi que les perspectives d’une baisse
de la notation du R-U, provoqueraient une hausse de la prime
de risque sur le marché des « gilts ». Dans un tel contexte, la
Banque d’Angleterre pourrait retarder la date d’une éventuelle
hausse de taux. La Bourse de Londres ne serait pas épargnée
mais les investisseurs feraient sans doute la distinction entre
les valeurs britanniques « globales » et celles considérées
comme susceptibles d’être les plus touchées par la sécession.
En dehors des Iles Britanniques on pourrait envisager dans
un premier temps un élargissement de certaines primes de
risque, notamment sur la dette espagnole. A moyen-terme
l’évolution des marchés dépendrait, inter alia, du contenu
des négociations entre l’Ecosse et le R-U. Dans d’autres pays
tout dépendrait de la probabilité ou non d’un effet domino
du Yes écossais.
Thomas Fallon*
L’avis de la Gestion
Les stratégies optionnelles restent la meilleure attitude à
adopter face à la hausse de l’incertitude faisant suite à un
« Yes » au referendum. Par conséquent, le renforcement au
moins temporaire de nos protections optionnelles semble
s’imposer et nous permettra de maintenir nos allocations
fondamentales.
Dans le cadre de la dissymétrie recherchée, l’achat d’options
à la hausse du Footsie permet de profiter d’un rebond des
marchés dans le cas d’une victoire du « No ».En cas de victoire
du « Yes », l’effet contagion sur l’indice IBEX espagnol pourrait
être important. L’indice espagnol peut donc constituer une
alternative pour une couverture en contrats futures.
* Thomas Fallon a exercé plusieurs fonctions au cours de sa carrière : chercheur en macro-économie à l’Université d’Exeter, Grande Bretagne,
économiste auprès du Trésor et du gouvernement anglais, membre du Comité Brady et de plusieurs comités internationaux pour la restructuration
de dettes souveraines. Il a occupé de 1975 à 2003 des postes à responsabilité dans plusieurs banques. En 2004 il a rejoint La Française AM où il
fut Responsable de gestion marchés émergents jusqu’en 2013.
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