Téléchargement légal : la diversité culturelle d`internet en péril ?
Transcription
Téléchargement légal : la diversité culturelle d`internet en péril ?
Téléchargement légal : la diversité culturelle d’internet en péril ? L’opérateur internet Neuf-Cegetel a mis un grand coup de pied dans la fourmilière en intégrant dans son forfait le droit de télécharger des musiques d’Universal. Un nouveau type de gestion du téléchargement, qui interroge sur la place de la culture sur le net. Ne proposer légalement que des titres de majors ne risque-t-il pas de nuire à la diversité culturelle du web ? Coup de théâtre dans le monde du téléchargement : l’opérateur internet Neuf-Cegetel lance un forfait comprenant internet, téléphonie, télévision et, surtout, téléchargement illimité de musique. Mais pas n’importe quelle musique : celle du catalogue Universal, qui comprend 150 000 titres. L’idée devrait faire des petits. Orange envisage un forfait de ce type pour l’année prochaine, et Neuf compte augmenter son offre de titres en s’associant à d’autres maisons de disques. Un premier pas pour lutter contre le téléchargement illégal, hantise des producteurs. Mais si cette pratique, qui pourrait se généraliser, devenait LA solution française au piratage, quelle place resterait-il pour les productions hors majors ? « Tout l’intérêt d’internet et du peer to peer est l’échange d’œuvres rares ou anciennes, qui échappent au catalogue des grandes entreprises du disque comme Universal » explique Marc Le Glatin, auteur de « Internet, un séisme dans la culture ? » (1). Car si une immense partie des téléchargements illégaux concerne des produits de majors disponibles dans le commerce, de nombreux internautes peuvent accéder, grâce au peer to peer, à des œuvres auxquelles ils n’avaient pas accès auparavant. Petits groupes indépendants, musiques étrangères, créations purement internet… Si le peer to peer décline, il sera beaucoup plus difficile de se procurer ces titres. « Tout un pan de la culture n’est pas valorisé par notre système commercial, mais il se diffuse grâce à internet. Se priver de ça, c’est se priver d’une grande partie de l’intérêt du web. » Nicolas Chatin, de Neuf-Cegetel, rétorque : « Nous créons de la valeur avec du contenu. Nous avons tout intérêt, à l’avenir, à proposer une offre la plus large possible. Nous comptons donc travailler avec les petits labels. » Néanmoins, il ne sera jamais possible de proposer un choix aussi vaste que ce qui est actuellement disponible sur les réseaux de téléchargement illégal. Et on imagine mal un fournisseur d’accès français passer un accord avec une mini boîte de production du fin fond de Taïwan. Un réseau « underground » continuerait certainement à exister pour ce type de musiques. Mais si l’habitude du peer to peer se perd, ce qui est le but, les réseaux auront moins d’utilisateurs, seront donc moins performants et le nombre de productions accessibles s’en verra réduit. En revanche, s’il subsiste une pratique importante du peer to peer, les titres disponibles légalement seront aussi visés, car l’offre de Neuf-Cegetel contient quelques limites : elle exclut les utilisateurs de Mac et de Linux et ne permet pas de transférer les titres téléchargés sur un i-pod, par exemple. « Et puis avec une offre comme celle de Neuf Cegetel, » ajoute Marc Le Glatin, « on revient au système du un vers tous : Universal décide de ce qu’on va écouter. Le peer to peer permet le tous vers tous. L’internaute est devenu acteur, et cet aspect ne peut pas être gommé si facilement. » Une seule solution viable pour lui : la licence globale, qui consiste au paiement par l’internaute d’une sorte de redevance, en échange de téléchargements illimités. Une possibilité examinée par l’Assemblée nationale en 2005, et finalement rejetée. Aujourd’hui, cette option semble écartée. Pour preuve, la commission sur le téléchargement illégal créée le mois dernier n’en fait pas mention, et entend surtout se focaliser sur la répression. « Mais pour réprimer efficacement le piratage, il faudrait mettre en place une politique clairement liberticide, ce qui n’est pas envisageable » affirme Marc Le Glatin. « C’est pourquoi le débat sur la licence globale va inévitablement revenir sur le devant de la scène, à un moment ou un autre. » (1) Editions de l’Attribut, 2007