ON NE BADINE PAS AVEC L`AMOUR II, 5

Transcription

ON NE BADINE PAS AVEC L`AMOUR II, 5
ON NE BADINE PAS AVEC L'AMOUR
II, 5 - Le mouvement de la scène
Préparation à la lecture analytique 13
Présentation de la scène
La scène se présente comme un paroxysme. La confrontation entre les deux cousins restait
jusqu'ici relativement voilée. Mais Camille, blessée dans son orgueil, va attaquer Perdican, qui,
d'abord désarçonné, va ensuite reprendre l'avantage dans l'échange conflictuel avec ces deux
longues tirades.
Analyse du mouvement jusqu'au début de l'extrait 13
« Entre Perdican » à « Entre Camille »
Annonce du revirement de Camille, soupçon de marivaudage. L'utilisation du monologue permet
une introduction à la scène.
« Bonjour cousin » à « Trouvez-vous que j'ai raison »
Attitude amicale de Camille, mais incompréhension entre les deux. Elle vient lui annoncer qu'elle
prend le voile, il est obnubilé par le fait que son souvenir d'enfance reprenne corps.
« Ne m'interrogez pas là-dessus » à « Parle, je répondrai »
Début de la stratégie d'attaque de Camille que Perdican ne perçoit pas vraiment. Le côté
embarrassé des répliques du jeune homme se voit par leur côté évasif et court. Camille passe de
l'expérience personnelle de Perdican à l'expérience universelle.
« Répondez donc à ma première question » à « Savez-vous ce que c'est que les cloîtres ? »
Les répliques courtes sont à présent caractéristiques de l'attaque. Perdican propose une vision
libertine1 où il met en valeur le caractère éphémère de l'amour.
« J'ai pour amie » à « votre ressemblance »
La tirade permet à Camille de consolider son attaque par une expérience qui a valeur d'exemple
sur la souffrance des femmes en amour. L'éloge et les hyperboles montrent que Camille a une
véritable admiration et manque de recul critique sur la femme qui lui sert d'exemple. Bien sûr, cet
exemple est plus que contestable, ce que Perdican va ensuite mettre en valeur.
« Ma ressemblance, à moi ? » à « j'écoute »
Une vérité partielle de Camille qu'elle consent à avouer car elle la croit au service de sa
démonstration. Perdican commence à réfléchir à une contre-attaque en lui demandant son âge.
« Il y a deux cents femmes » à « ni l'un ni l'autre, ni tous les deux »
Camille continue de mettre le couvent en valeur comme un lieu d'ordre et de sérénité. Les
questions posées à Perdican cherchent à le pousser dans ses retranchements. Utilisation du
tableau pour marquer la dichotomie2 symbolique entre Camille et Perdican.
« Tu as raison de te faire religieuse » à « tu ne mourras pas sans aimer »
Perdican contre-attaque en faisant valoir non pas des exemples mais des valeurs comme
l'athéisme et l'amour.
« Je veux aimer mais je ne veux pas souffrir » à « tout cela est triste à mourir »
Les deux véritables motivations de Camille apparaissent enfin : la peur de souffrir et l'orgueil. Du
coup, son discours religieux apparaît particulièrement hypocrite. La référence à sa beauté et à ses
cheveux permet de voir qu'elle pense faire un immense sacrif ice en acceptant de devenir nonne,
mais en même temps elle montre à nouveau son orgueil derrière une fausse humilité.
« Pauvre enfant » à « la colère vous prend aussi »
1 Le libertinage est un mouvement, né au XVIIè, qui repose sur la non adhésion aux croyances de la société. Le
libertinage commence par remettre en question la doctrine de l'Eglise concernant le monde (le Soleil tourne autour
de la Terre, etc.), en s'appuyant sur les sciences naturelles : c'est le libertinage de pensée ; de là, les libertins vont
alors remettre en question les doctrines morales de l'Eglise (comme la fidélité ou la chasteté) : c'est le libertinage de
corps.
2 Séparation en deux parties, séparation radicale et définitive.
Perdican reprend le dessus dans ce conflit verbal comme le prouve la tirade. Utilisation de termes
dévalorisants, mais surtout il va utiliser la même arme que Camille : l'expérience personnelle et les
exemples des femmes au couvent pour mettre en valeur l'inexpérience de Camille. Camille a cru
tout ce qu'on lui avait dit naïvement en raison de son inexpérience, alors qu'une personne plus au
fait de la vie sait qu'il en serait autrement car l'amour créé des sentiments contradictoires de joie et
de haine.
« Sais-tu ce que c'est que des nonnes ? »
La question reprend celle de Camille « Savez-vous ce que c'est que des cloîtres ? » : c'est donc
au tour de Perdican de faire la leçon.
A retenir
Utilisation de répliques courtes, voire de stichomythies : attaquer une pensée en utilisant l'opinion
ou l'expérience de l'adversaire.
Utilisation d'une tirade : prouver son point de vue par une longue démonstration.
Le conflit au théâtre est donc d'abord une manifestation verbale qui joue des différents types de
discours et s'appuie sur des constructions de phrase précises.
Les deux cousins sont aussi sentencieux l'un que l'autre, tous les deux menés par leur orgueil
d'être persuadés d'avoir raison. Il s'agit d'une véritable confrontation argumentative.
Leur orgueil étant plus fort que leur amour, il devient le meneur de l'intrigue amoureuse qui ne peut
alors mener que vers un dénouement dramatique.

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