Portes d`Afrique

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Portes d`Afrique
Actualité
Portes d’Afrique
À la redécouverte de l’Afrique par ses grands ports
Arnaud de La Grange
Le Figaro
Ce voyage, c’est un peu l’éloge de la lenteur, du temps étiré qui permet les vraies rencontres. L’esprit de
Portes d’Afrique, c’est en effet partir à la rencontre d’un continent par la mer, sa façade maritime, ses ports. À une
époque où la rapidité est érigée en dogme, avec les avantages qui en découlent mais aussi avec toutes les dérives
inévitables vers la superficialité, le rythme naturel d’une navigation pour passer d’un continent vers un autre apparaît
comme un véritable luxe. Un luxe très nécessaire. À la fugacité des échanges offerts par les aéroports, le port oppose
un faisceau de vrais échanges, ancrés dans l’Histoire, portés par le présent.
À l’initiative du Figaro, Portes d’Afrique sera donc un beau voyage maritime, une longue circumnavigation
de plus de 16 000 milles autour de ce grand continent-île. Un périple rythmé par douze grandes étapes, douze escales
dans douze grands ports d’Afrique qui constituent autant de portes incontournables du continent. Mais Portes
d’Afrique sera aussi une grande aventure culturelle. Embarqueront en effet à tour de rôle à son bord douze des plus
grands écrivains-voyageurs contemporains – trois d’entre eux ont reçu le prix Goncourt ces dernières années et tous
sont des auteurs de référence – qui dresseront d’inédits portraits littéraires de ces grands ports d’Afrique. Parmi eux,
Erik Orsenna, Jean-Christophe Rufin, Florent Couao-Zotti, Didier Decoin, Abdourahman Waberi, Olivier Rolin... À
chaque escale, ils croiseront leur regard avec celui d’écrivains locaux sur le thème de la ville-portuaire, porte d’entrée
sur ces régions pour les uns, porte de sortie sur le monde pour les autres. Autour de ces écrivains, une vingtaine de
journalistes, réalisateurs de télévision, photographes et illustrateurs uniront leurs compétences pour faire vivre cette
redécouverte de l’Afrique maritime.
L’autre grand acteur de cette aventure sera le bateau de Portes d’Afrique. Un acteur très typé et inhabituel
pour ce genre de voyage puisqu’il s’agit d’un voilier sportif, le plus grand monocoque navigable en solitaire du
monde. Ce bateau ultramoderne rappelle que le projet n’est pas tourné vers une Afrique couleur sépia, mais bien vers
le présent du continent noir. Ses performances exceptionnelles permettront de rallier les ports d’Afrique à des
moyennes journalières de plus de 250 milles nautiques. Des qualités nautiques qui aideront à mieux gérer certains
risques, en particulier celui bien réel de la piraterie, le long des côtes somaliennes ou dans le golfe de Guinée. En ces
deux zones dangereuses, la sécurité sera assurée avec le soutien de la Marine nationale avec qui des procédures de
veille et d’alerte ont été prévues.
Le bateau partira de Toulon - ville-partenaire de l’opération - le 17 novembre, date à laquelle est organisée
une fête du livre ayant pour thème Influences africaines. L’équipage mettra alors le cap sur Alexandrie et Port-Saïd,
l’Égypte étant la première grande étape du voyage. Puis, ce sera Suez et la Mer Rouge, en espérant que George W.
Bush n’aura pas lâché ses porte-avions sur l’Irak... Le périple prendra fin à Tunis, avec deux escales donnant lieu à
des événements plus importants que les autres : Le Cap pour l’Afrique anglophone et Dakar pour l’Afrique
francophone.
Côté mer, Portes d’Afrique entend faire découvrir des ports, de vrais ports où rouillent les vieux cargos et
les conteneurs usés, où les dockers butinent les rouliers modernes. Ces ports-là ont une force d’évocation onirique et
poétique qui a échappé à peu d’écrivains au long cours. Aujourd’hui, ceux d’Afrique ont gardé le plus de cette âme
qui parle au cœur de tous. Et ils se sont drapés d’un charme nouveau, né du contraste entre modernité extérieure et
tradition africaine. L’hinterland du continent noir étant parfois devenu plus difficile d’accès, le port est redevenu
souvent le seul vrai point de contact avec le monde extérieur, un monde à part où les navires viennent jouer les traits
d’union.
Côté Afrique, le projet entend mettre ses ressources littéraires et journalistiques au service d’une meilleure
connaissance du continent. On entend en effet partout la même antienne : « il faut aider l’Afrique ». Mais l’Afrique ne
peut être aidée que si elle est connue, et connue des opinions publiques. Ce lieu commun est malheureusement
communément oublié. Hors des cercles avertis, l’Afrique se résume souvent à des colonnes de réfugiés ballottées en
tous sens sur des pistes poussiéreuses, des hordes rebelles et prédatrices, des dispensaires suintant la mort et le
malheur. C’est une réalité de l’Afrique, une réalité parmi bien d’autres réalités africaines. Ce qui vit, bouge et avance
en Afrique reste souvent caché derrière ce sinistre paravent.
Portes d’Afrique aura atteint ses objectifs si l’opération a contribué à donner un autre regard sur l’Afrique et
à rapprocher encore plus le grand public de la mer, des valeurs qu’elle véhicule et de l’évasion physique et
intellectuelle qu’elle permet.
Un voilier de course autour de l’Afrique
Construit en exemplaire unique et taillé pour les records, le voilier de « Portes d’Afrique » est issu
de la classe Open. Il s’agit d’un sloop en aluminium à ballasts de 85 pieds, construit en 1999 par Pascal
Hérold, président-directeur général de Duran Duboi mais aussi coureur au large. Son déplacement est de
21 tonnes. Il porte 395 m2 de voilure au près et jusqu’à 615 m 2 au portant. En mer comme aux escales, ce
voilier servira de base-vie aux équipages de journalistes et d’écrivains de Portes d’Afrique. Son
aménagement intérieur comprendra une grande bibliothèque et un espace de travail, véritable salle de
rédaction mobile, dotée d’équipements de montage radio, télévision et de transmission par satellite.
L’esprit du voyage
À l’ère de l’aviation et d’Internet, il peut paraître étrange de revenir à cette lente navigation
qu’imposent les eaux. Car les portes de l’Afrique telles qu’elles nous sont proposées sont des ports. Rien
pourtant ne permet mieux de saisir ce continent dans toutes ses dimensions. Historique : c’est par l’eau
que s’est entrouverte cette terre de déserts et de forêts. Humaine : c’est par l’eau que l’on peut entrer
doucement dans sa diversité humaine, accomplir la plus naturelle traversée de ses régions. Économique :
dans ses golfes, ses estuaires, ses fleuves, circule une vie industrieuse, légale et contrebandière, qui irrigue
tous les arrière-pays. De Djibouti à Durban, de Mombassa à Cotonou, les portes d’Afrique permettent
d’apercevoir une autre vie, faite d’échanges, de mélanges, d’avenir et d’audace, d’énergie et de couleur. Les
écrivains qui accepteront de participer à cette aventure rapporteront dans leurs filets les produits de leur
pêche. Nul ne peut dire à l’avance ce qui en sortira. Des textes et des images, bien sûr, mais avec quel
goût, quel espoir ?
Jean-Christophe RUFIN
Prix Goncourt 2001

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