Performances et intégration: les progrès récents de l`électronique à

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Performances et intégration: les progrès récents de l`électronique à
Performances et intégration: les progrès récents de
l'électronique à base de nanotubes.
Vincent Derycke (Laboratoire d'Electronique Moléculaire-CEA Saclay)
séminaire du 1 mars 2005
Introduction
On a récemment découvert les propriétés des nanotubes de carbone. Se pose la question de leurs
applications à l'électronique. Peut-on réaliser des composants électroniques à partir de nanotubes ?
Quelles sont leurs performances et sont-ce des technologies faciles à développer en masse ?
1 Présentation des nanotubes et de leurs propriétés
1.1
Qu'est-ce qu'un nanotube de carbone ?
Les structeurs carbonées se déclinent sous quatre formes. On connait bien le graphite et le
diamant, mais depuis 1985, on sait faire du C60 et depuis peu, 1991, des nanotubes de carbone. On
peut concevoir les nanotubes de carbone comme un rectangle découpé dans une feuille de graphène
et roulé en cylindre. Suivant la découpe eectuée (de travers ou parallèle), les tubes acquièrent une
certaine chiralité.
Fig.
1 enroulement d'une feuille de graphène pour former un nanotube de carbone
Les paramètres régissant les propriétés des nanotubes sont d'abord géométriques (diamètre,
longueur, angle chiral) ou structurels (nombre de parois). Nous ne traiterons ici que le cas des
tubes monoparoi. Un nanotube de carbone a typiquement un diamètre de 1 à 3 nm et des longeurs
pouvant atteindre le mm.
1.2 Fabrication des nanotubes
On fait exploser une couche de graphite grâce à un arc électrique dans une chambre à plasma
et on obtient un ensemble contenant du C60, des nanotubes mono et polyparois. Depuis 1996, on a
mis au point une méthode plus ecace consistant à vaporiser une cible contenant le graphite et les
bons réactifs grâce à un laser. L'avantage est que l'on obtient un ensemble de nanotubes monoparoi
de même diamètre.
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2 Diérents modèles à chiralités diérentes. De gauche à droite : armchair (13,13)zig-zag
(25,0)chiral (20,10)
Fig.
1.3
Les nanotubes en électronique
La question qui nous intéresse ici est de savoir si l'on peut faire de l'électronique avec ces matériaux ? Il faut tout d'abord savoir si ces nanotubes sont isolants, métalliques ou semiconducteurs.
En fait, on peut trouver des nanotubes de carbone qui sont ou métalliques ou semiconducteurs.
Fig.
3 niveaux d'énergie du graphène en fonction des vecteurs d'onde
Voici les niveaux d'énergie du graphène. On remarque que ce système ne correspond ni à un
métal ni à un semi conducteur. En eet, les niveaux d'énergie se touchent par endroit, ce qui est
typique d'un métal, mais en même temps, la densité d'états quantiée par la surface de Fermi,
reste faible, ce qui ne correspond pas au cas du métal.
Le fait de travailler avec des tubes impose des conditions aux limites qui quantient kx. Ceci
revient donc à travailler dans des plans à Kx constant dans le schéma précédent. Suivant que le
plan contienne ou pas un point de jonction entre les deux couches électroniques, on aura un tube
metallique ou un tube semiconducteur.
Le seul critère qui xe la largeur de la bande interdite est le diamètre des tubes semiconducteurs.
Applications : leur géométrie ne et allongée fait des nanotubes de carbone de bons émetteurs
d'électrons. On fabrique ainsi des écrans plats avec des pointes à nanotubes. L'application la plus
prometteuse dans un avenir proche consiste à les utiliser pour renforcer les polymères existants,
améliorant ainsi les propriétés mécaniques ou la conductivité des systèmes.
Quelles applications trouve-t'on en électronique ? On travaille avec des diamètres de 1.4 nm.
Les nanotubes obtenus sont pour un tiers métalliques, pour 2/3 semiconducteurs. La largeur de
la bande interdite est typiquement de 700 mV (alors que pour le silicium elle est de l'ordre du
Volt) Pour mesurer la conductivité des nanotubes, on disperse les nanotubes dans un solvant, puis
par lithographie une partie de ceux-ci se déposent en travers d'électrodes d'or de taille microscopique, une observation au microscope électronique permettant alors de savoir combien de nanotubes
2
4 Les niveaux d'énergies correspondent à ceux d'un métal ou d'un isolant suivant le plan
de coupe choisi
Fig.
exactement seront à prendre en compte lors du calcul de conductivité.
Les nanotubes permettent de remplir plusieurs fonctions classiques en électronique : ls d'
interconnexion verticale (très utile dans les microprocesseurs où tout est miniaturisé), des diodes
et surtout des transistors.
5 On a une conductivité qui est bien modulée en fonction de la diérence de potentiels qu'on
applique aux bornes du transistor
Fig.
Avec les transistors classiques, le passage des électrons vers le semicondicteurs se fait bien mais
le débit est limité par la conductivité du matériau. Avec les nanotubes, le problème est inversé, la
conductivité est bonne mais on a du mal à transmettre les électrons (problème d'injection dû à
l'eet Schottky : cet eet correspond à la force de rétention de l'électron par le matériau d'où il
est émis. En eet, le départ d'un électron polarise localement le matériau, ce qui se caractérise par
l'appariton d'une charge image dans le matériau, symétrique de l'électron par rapport à la surface,
qui le retient électrostatiquement).
Contrairement au cas des semiconducteurs classiques, on peut ici avoir des interfaces avec des
gaz, et les transistors existants deviennent des détecteurs extrèmement sensibles (la combinaison
gaz/nanotube modie la courbe conductivité fonction du potentiel, courbe qui caracterise alors la
nature du gaz)
Le problème est qu'ils réagissent avec tous les gaz à priori. Comment peut on faire en sorte qu'il
ne détecte qu'un gaz particulier ? On a recourt à la chimie, en liant une enzyme à un nanotube par
exemple. Le nanotube deviendra sensible à la seule protéine associée à l'enzyme. La possibilité de
travailler avec des nanotubes d'un diamètre de l'ordre du nanomètre et d'une longeur plus petite
que 20 nanomètres pourrait permettre de détecter des évènements biologiques uniques (présence
d'une seule molécule dans un environnement donné, etc..).
On remarque donc que les nanotubes s'immiscent dans de nombreux domaines de l'électronique
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Fig.
6 Les interactions avec les gaz deviennent possibles
existante. La question est maintenant de savoir si ces systèmes sont plus intéressants que ceux que
nous utilisons déjà.
2
Performances des nanotubes de carbones.
Prenons le cas du transistor au silicium : les charges vont bien du métal vers le semiconducteur
mais les performances sont limitées par la mobilité dans le canal (le libre parcours moyen d'une
charge dans le silicium est typiquement 1 nm ).
Le nanotube est, quant à lui, un conducteur idéal puisque le libre parcours moyen d'un électron est de l'ordre de 100 nm. Les performances sont par contre limitées au niveau du contact
métal/semiconducteur (c'est le problème d'injection déjà mentionné).
Fig.
7 Comparaison du transistor classique et d'un transistor avec nanotubes
Ces caracteristiques diérentes pour ces deux transistors impliquent un mode de fonctionnement
diérent : dans le cas du silicium, la modulation se fait par variation de la densité des porteurs
de charge, alors que dans le cas du nanotube, elle se fait par variation de la transparence du
transistor. La barrière d'énergie à franchir est petite pour les trous (un trou est charge positive
ctive apparaissant dans la bande de valence quand un électron saute de la bande de valence à la
bande de conduction) et grande pour les électrons, ce qui fait qu'on se retrouve avec un seul type
de porteurs.
Jusqu'en 1998, la couche d'oxyde était épaisse (100 nm). Dans ce cas, il faut appliquer une forte
tension pour ne récolter qu'un faible courant. Ce problème disparaît lorsque la couche fait quelques
nanomètres seulement, comme l'a réalisé une équipe à Stanford. Ceci permet aux transistors à
nanotubes d'atteindre en 2002 les mêmes performances que celles des meilleurs transistors en
silicium.
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En utilisant du paladium, on a une barrière ohmique, on n'a donc plus d'eet Schottky, c'est à
dire plus de limite liée au passage des charges entre le métal et le semiconducteur. Les transistors
deviennent alors 5 fois plus performants.
L'utilisation de transistors à nanotube de carbone connait une contrainte majeure. Avec le
silicium on peut jouer sur la largueur du transistor pour faire passer plus de courant. Avec les
nanotubes, on a certes une bonne densité de courant et un bon interrupteur, mais on ne peut pas
faire passer plus d'un microampère (correspondant à la limite pour un tube). Il faudrait développer
des systèmes combinant plusieurs nanotubes.
Les transistors actuels faits à partir de nanotubes donnent déjà de meilleurs résultats que ceux
attendus pour les transistors en siliciem qui sortiront en 2016.
3 Intégration
3.1 Production
L'avantage du silicium est qu'il est facile à manipupler, on peut facilement produire des milliers
de transistors, tandis que la fabrication de transistors à nanotube de carbone est encore laborieuse.
Deux pistes sont actuellement explorées pour y remédier. La première consiste à réaliser une
croissance localisée sur le circuit. On met le catalyseur sur le circuit et le tube croît directement à
sa position nale. Cependant, cette technique produit des nanotubes hétérogènes (métalliques et
semiconducteurs) et dont les diamètres, qui déterminent leurs capacités électroniques, sont diciles
à contrôler.
La seconde consiste à réutiliser les tubes de cartbonnes de bonne qualité faits par les méthodes
de production habituelles et utiliser un traitement chimiqie pour les déplacer sur une cible. C es méthodes chimiques semblent prometteuses, elles permettront déjà sous peu de séparer les nanotubes
metalliques des semiconducteurs.
3.2 Recherches du laboratoire d'électronique moléculaire du CEA de
Saclay
Dans ce laboratoire, on étudie plus particulièrement les contacts entre interfaces nanométriques.
Ces tailles caractéristiques sont dans le domaine de la chimie. Comment utiliser la chimie pour
améliorer les performances des systèmes ou leur réalisation ?
Fig.
8 Eet de l'acide Triuoroacétique (TFA)
La présence des molécules de TFA fait apparaître une couche de dipôles orientés au voisinage
du drain et de la source, ce qui favorise la sortie des trous. Le traitement chimique permet d'obtenir
plus de courant et une commutation plus ecace.
Le laboratoire s'intéresse également aux transistors ambipolaires.
En général, un transistor transporte soit des électrons, soit des trous. Si le niveau de Fermi des
nanotubes se situe au milieu de la bande interdite, on a la liberté, suivant la tension appliquée, de
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faire passer des électrons, des trous, voire même les deux. D'ailleurs, une équipe d'IBM a trouvé un
moyen de choisir des tensions de grille et de drain telles que les charges positives et négatives soient
émises dans le transistor et se recombinent dans le nanotube en émettant un photon infrarouge.
On peut aussi inverser le processus et créer du courant en éclairant le système, qui fait alors un
bon détecteur infrarouge. Ce détecteur est réglé à une longueur d'onde donnée par la chiralité du
nanotube. Typiquement, on obtient 100 pA de plus quand un photon arrive sur le système.
Fig.
9 Photodétecteur
On va ainsi créer un transistor qui commute du mode bloqué au mode passant grâce à de la
lumière. On peut, pour réagir à une longueur d'onde donnée, xer un colorant au nanotube dont
le spectre sélectionne précisemment des longueurs d'onde par absorbtion.
Conclusion
Les années 1997-2001 ont vu le développement d'un foisonnement de résultats expérimentaux
permettant de mieux appréhender les propriétés des nanotubes de carbone. Les années 2001-2003
correspondent à une étude de leurs performances. Un des enjeux majeurs est désormais d'arriver à passer à des productions de grandes échelles. De plus, d'autres questions sont encore ouvertes : quelle compatibilité y-a-t'il avec ce qui existe déjà en électronique ? Comment les nanotubes
réagissent-ils dans les domaines haute fréquence ? Comment utiliser les spécicités des nanotubes
pour inventer de nouveaux composants électroniques ?
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