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MARCHÉ DE L’ART MAROC L’oeil de l’expert Marrakech Art Fair 2011, courtesy AHM. MARCHÉ DE L’ART AU MAROC : QUELS SONT LES FREINS A SON ESSOR ? La fiscalité des œuvres d’art au Maroc fait figure de casse-tête chinois et ralentit un marché pourtant en plein essor. Notre expert en droit des affaires et en droit du patrimoine nous explique les impasses d’un système et les moyens d’en sortir. PAR MICHEL DURAND-MEYRIER, AVOCAT AU BARREAU DE PARIS n le sait : il n’y a pas d’art sans marché de l’art. Au Maroc, le secteur a connu un essor spectaculaire ces dix dernières années. Or, le cadre juridique applicable aux transactions sur les œuvres d’art contraint trop encore ce bel élan. Soucieux de protéger son patrimoine culturel, le Maroc s’est doté d’une législation protectionniste. Aujourd’hui, artistes et marchands d’art sont d’accord sur le fait que cet arsenal juridique, fiscal et douanier n’est plus adapté : en freinant la circulation des œuvres, le pays ne peut s’imposer comme une véritable place du marché de l’art mondial. Conséquence ? Les artistes marocains peinent à s’imposer à l’étranger, et les événements de marché organisés sur le territoire se heurtent à la rigidité du système. O DES TAXES ET PROCÉDURES RÉDHIBITOIRES L’importation des objets d’art, qu’ils soient ou non répertoriés au patrimoine national, répond au régime douanier de droit commun. Les œuvres importées sont d’abord soumises à quelques taxes minimes : un droit d’importation de 2,5 % et à une taxe parafiscale de 0,25 %. Mais c’est la taxe sur la valeur ajoutée à l’importation qui 118 << Diptyk n°21. décembre-janvier 2014 est la plus rédhibitoire : elle correspond à 20 % de la valeur marchande du bien importé ! Appliqué à des œuvres d’art, dont le prix est généralement élevé, ce taux apparaît aujourd’hui décourageant, aussi bien pour les artistes que pour les collectionneurs. L’exportation des œuvres d’art, elle, n’est en principe soumise à aucune taxe ni à l’obtention d’aucune licence. Leur transfert vers l’étranger est libre. Une seule exception : les œuvres d’art classées au patrimoine national marocain, répertoriées dans un inventaire général tenu par le ministère de la Culture. Ces œuvres ne peuvent être exportées que temporairement, pour être par exemple exposées ou restaurées à l’étranger, et uniquement sur autorisation spéciale. Voilà pour la théorie. En pratique, le caractère aléatoire des procédures douanières rend difficile l’exportation des œuvres d’art, quelles qu’elles soient... FOIRE INTERNATIONALE, MISSION IMPOSSIBLE ! Dans ce cadre, l’organisation d’une foire d’art contemporain au Maroc, sur le modèle des foires internationales, est un vrai casse-tête pour les organisateurs. Lorsqu’un exposant étranger réalise une vente, le montant des taxes dont il doit s’acquitter est plus que dissuasif : les œuvres qu’il vend sur son stand sont en effet soumises à ces fameuses taxes d’importation. Ce n’est pas tout. Le régime de nonconvertibilité du dirham est une difficulté supplémentaire si l’acheteur est marocain. Un réel frein qui se transforme en absurdité quand il est évident qu’une foire locale vise majoritairement… des acheteurs locaux ! De l’aveu même d’un galeriste ayant participé à la dernière édition de la Marrakech Art Fair en 2011, nombre de transactions ont été ainsi finalisées à l’étranger. De quoi faire enrager. Même s’il existe aujourd’hui des accords de libre-échange plus favorables, on comprend mieux (et) pourquoi les acteurs marocains du marché de l’art demandent l’adoption d’une législation plus souple. Libérer la circulation des œuvres permettrait d’encourager le développement du secteur. Une solution ? Probablement l’alignement du Royaume sur la réglementation européenne. L’Union a récemment réduit son taux de TVA à 5,5 % pour l’importation des œuvres d’art. Une bonne façon de favoriser les transactions intracommunautaires…