FC-181 fevrier2008
Transcription
FC-181 fevrier2008
J’ai rencontré... Gérard Lavayssière passionné et passionnant. Professeur de Lettres classiques et animateur d'un Atelier Théâtre au lycée Saint Jacques de Compostelle. I l s ’ e s t ge nt im e nt dé pl a c é ; i l e s t v e nu à pi e ds , m a l gr é l a p lui e . C’ e s t u n cho ix chez cet hom m e d e c o n v i ct i o n a u s o u r ire c h a le u re u x . A t r a v e r s s a p a s s io n d u th é â t re , o n d é c o u v re q u ’e n l u i , l e p é d a g o g u e , l ’ a m o u re u x d e l a s c è n e e t l e c h r é ti en ne font qu’ un. Clarté : Ça ne doit pas être facile d’animer un Atelier Théâtre ? G.L. : Il faut gérer une troupe d’adolescents pas toujours fidèles ! Et puis il y a les difficultés techniques : costumes, maquillage, décor, éclairage, etc. Mais je suis entouré de bonnes volontés multiples : collègues, amis, anciens, parents. Le théâtre est un art collectif. Cette année il y a 20 élèves et je tiens à dire qu’à l’Atelier, tout le monde joue. Clarté : Votre répertoire est-il «classique » ? G.L. : Oui et non ; il s’agit des grands maîtres de la scène, bien sûr : de Molière à Goldoni, en passant par Marivaux, Labiche, Pagnol, Ionesco, etc. Beaucoup de comédies et de pièces où il y a des rôles comiques dans un ensemble sérieux ou grave, parce qu’il est nécessaire de donner aux spectateurs un moment de bonheur. Clarté : Commençons, classiquement, par votre “carte d’identité”. G.L. : Je suis né dans le Lot en 1955 et j’ai épousé une Landaise. C’est ainsi que j’enseigne à Dax depuis 30 ans ! Nous avons deux enfants de 23 et 21 ans. Clarté : Animer un Atelier Théâtre avec ses élèves, c’est un à-côté plaisant ou bien autre chose ? G.L. : Vous savez, la tradition est ancienne ; les jésuites considéraient déjà le théâtre comme un moyen pédagogique. En fait, la meilleure explication de texte, c’est le théâtre ! Ubu Roi d’Alfred Jarry est un texte confus. Mis en scène, cela devient lumineux et drôle ! Quant aux jeunes, je peux dire que ceux dont le profil est le moins scolaire font souvent les meilleurs acteurs. Sommaire J'ai rencontré........................................ P 2 Éditorial – Je voudrais savoir ...............P 3 La Société de Borda...........................P 4-5 L’Église au Burkina Faso ....................P 6-7 JMJ Sydney ......................................... P 8 Les visites pastorales paroissiales ..... P 9 Que sont-ils devenus ? ......................P 10 Le Christ est notre paix .....................P 12 Ce numéro comprend un encart paroissial paginé 2 Clarté : Combien de pièces par an ? Et où jouez-vous ? G.L. : Nous avons toujours réussi, ô miracle, à réaliser une pièce par an. Chacune est jouée deux fois dans le cadre scolaire mais aussi à l’extérieur : en effet, des associations caritatives comme « Capucine » (greffe de moelle et don du sang) nous sollicitent. Grâce au soutien municipal, nous disposons de l’Atrium qui est une salle ultramoderne : un régal ! Clarté : Mais cette année scolaire, vous allez dépasser votre quota et jouer deux pièces ? G.L. : Oui. Nous allons donner les 17 et 18 avril une adaptation d’un roman de Diderot, Jacques le Fataliste et à Noël, nous avons monté Bariona. C’est un « mystère » comme on en représentait au Moyen Age, l’histoire d’un chef de village sous l’occupation romaine, en Judée : après maintes hésitations, il décide de prendre les armes pour défendre la vie d’un bébé, c’est-à-dire Jésus. Mais, le plus joli, c’est que l’auteur de cette pièce restée inédite n’est autre que … JeanPaul Sartre ! Clarté : Sartre aurait-il été chrétien ? Quelle révélation ! Et en plus votre Atelier joue une pièce inédite écrite par lui ! Voilà qui dépasse ce que l’on attendrait d’une activité en lycée … G.L. : Sartre a écrit Bariona en captivité au Stalag de Trèves en décembre 40. Ce sont des prisonniers qui ont joué la pièce – Sartre était Balthazar ! – dont le sujet avait été choisi pour fêter Noël, sans que son auteur adhère le moins du monde à la foi. Sur les 500 exemplaires de Bariona, l’un d’eux a échu à mon oncle l’abbé Delbos, par l’intermédiaire d’un ancien professeur de Simone de Beauvoir et du curé de son village. Mon oncle me l’a transmis … Et voilà ! Clarté : Nous nous sommes laissé dire que l’Atelier a joué deux œuvres que vous avez écrites. Vous êtes aussi auteur ? G.L. : Oui. Il s’agit de Maïti, Résistance et pardon et du Lieutenant du Val d’Akor où la question du mal est abordée sous divers aspects. Clarté : Si je vous comprends bien, votre choix d’animateur de l’Atelier Théâtre ou encore d’auteur, se fixe sur des textes porteurs d’un message, et particulièrement d’un message chrétien ? G.L. : Je n’aime pas le mot message et l’idée que je pourrais donner une espèce de leçon aux autres ! Mais il est vrai que le théâtre incarne les problèmes et les choix de nos vies, c’est un art de l’incarnation : avec leurs gestes, leurs visages, leur voix, des êtres de chair vivent des questions qui pourraient rester abstraites. « Théâtre » vient du grec ancien « voir »… De même, pour nous chrétiens, Dieu n’a pas seulement transmis son message par les prophètes et l’Écriture, il l’a incarné, réalisé en Jésus. Clarté : Voilà pourquoi vous avez osé cette boutade : « Dieu est le premier des auteurs, acteurs et metteurs en scène !» Mais, avant de nous séparer, « ôtez-nous d’un doute » comme on dit dans le théâtre classique : personne chez vous n’a-t-il la « grosse tête » ? G.L. : Vous pensez au risque de cabotinage ? Je me considère moi-même comme un artisan modeste, un amateur de théâtre au vrai sens du mot : celui qui aime. Dans une troupe, chacun dépend des autres et doit se sentir solidaire et responsable. Il faut lutter contre les tendances narcissiques. Clarté : Vous êtes donc heureux et pouvez l’être, de la réussite de l’Atelier, en dépit de votre modestie évidente. Tout va bien, pas de lassitude ? G.L. : Non. La flamme n’est pas éteinte. J’ai le sentiment d’avoir transmis quelque chose, un fil ! Au revoir, Monsieur le professeur ! Vous enseignez bien au-delà d’une matière scolaire, si riche soit-elle. Vive le théâtre en « amateur » ! Merci ! Propos recueillis par Françoise Duhau