L`ARCHITECTURE INDUSTRIELLE REINVENTEE Philippe ROBERT

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L`ARCHITECTURE INDUSTRIELLE REINVENTEE Philippe ROBERT
L’ARCHITECTURE INDUSTRIELLE REINVENTEE
Philippe ROBERT
L’histoire de l’architecture n’est-elle pas aussi l’histoire de la
ré-utilisation de l’architecture ?
L’homme a toujours tenté de recycler ce dont il disposait pour
des raisons d’économie de matériaux et de main d’œuvre, de
façon à agrandir, transformer et construire avec des matériaux
de réemploi. Après une longue période au XXème siècle durant
laquelle les démolitions ont eu force de loi, on retrouve
aujourd’hui l’intérêt économique de la ré-utilisation et au-delà,
le potentiel de créativité offert aux architectes. L’architecture
industrielle est ainsi ‘réinventée’, elle représente depuis une
vingtaine d’années un domaine d’activité majeur. Expositions,
débats, colloques et de nombreuses publications en
témoignent.
Travailler sur des édifices existants est une pratique qui nous
rapproche de la matière même de l’architecture. Il convient en
effet de connaitre parfaitement les matériaux qui composent un
édifice, les détails de leurs assemblages et les forces en jeu qui
le maintiennent. Il convient de protéger et mettre en valeurs
des matières, des textures, des savoirs faires de mise en
œuvre. Au delà, il s’agit d’établir un dialogue pertinent entre
l’ancien et le nouveau.
Pour les architectes, ce nouveau domaine d’activité fut un
véritable défi. Jusqu’à une date récente, les architectes étaient
formés pour créer à partir d’une ‘feuille blanche’, et ils ont dû
s’adapter à une nouvelle approche conceptuelle à partie de
l’existant. L’industrie du bâtiment a été contrainte elle aussi
inventer une façon nouvelle de travailler, fondée sur des savoirfaire propres aux métiers du bâtiment. L’usage presque
systématique du béton armé a ainsi fait place à des approches
plus pertinentes, économes en énergie comme en matériaux.
La qualification des ‘métiers’ du bâtiment fut mieux prise en
compte, avec le développement de spécialités plus ‘nobles’
que celles qui consistent à mélanger du sable, du ciment et de
l’eau.
« L’espace est le privilège de l’architecture », selon Bruno Zévi
(1). Dans l’architecture industrielle, c’est l’espace interne qui
prédomine, plus que la forme, le volume. Les architectes ont
ainsi l’opportunité de faire acte de création dans des espaces
préexistants, offerts à leur imagination, et c’est une fabuleuse
opportunité pour eux. Il est tentant de vouloir remplir un grand
espace quand il existe, mais cela nous semble être une grave
erreur (1). Au contraire il convient de mettre en adéquation un
programme et un espace de façon à ce qu’il existe une relation
harmonieuse entre les deux. Car parcourir une espace
industriel reconverti est une expérience spatiale exceptionnelle,
qui donne tout son sens à l’architecture.
Ré-inventer l’architecture industrielle est une façon de
concevoir à partir de ce qui existe, et l’on peut tenter un
parallèle avec la sculpture. Celle-ci est en effet intimement liée
à la matière et à des configurations pré-existantes. Comme le
sculpteur, qui doit s’imprégner des caractéristiques physiques
du matériau qu’il façonne, l’architecte qui transforme un édifice
doit l’analyser, se familiariser avec ses structures et identifier
ses potentiels avant d’imaginer sa transformation. Ainsi une
œuvre architecturale, comme une œuvre d’art, peut ne rien
avoir en commun avec ce dont elle est issue, et cependant elle
est une création authentique. Nous citerons pour exemple le
‘Tête de taureau’ de Pablo Picasso, constituée d’une selle de
vélo et d’un guidon (Musée Picasso), ou ‘Le Paysage de la
France’ de Man Ray (Musée d’Art Moderne, Centre Georges
Pompidou), peint sur une copie d’un tableau de Cabanel, la
Naissance de Vénus (Musée d’Orsay).
Philippe Robert
(1)
c’est le cas de la Corderie Royale de Rochefort,
fabuleux espace de 374 mètres, aujourd’hui
fâcheusement ‘rempli’ par des étages de bureaux.
Philippe Robert est architecte et urbaniste. Avec son associé Bernard Reichen il propose dès
les années 80 le principe de reconversion, reconnue aujourd’hui comme essentielle dans la
perspective du développement durable. Respectant l’identité des ouvrages, il fait dialoguer
l’ancien et le nouveau : Grande Halle de la Villette à Paris, siège de Nestlé dans l’ancienne
chocolaterie Menier à Noisiel, projet urbain pour l’Ile Seguin à Boulogne-Billancourt (non
réalisé), Cité du cinéma de Luc Besson à Saint-Denis.

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