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2 JANVIER 2017 : RÉFLEXION DU FRÈRE SEÁN SAMMON
(États-Unis)
MAIS QU’EST-CE QUE MARCELLIN
CHAMPAGNAT AVAIT EN TÊTE EN CE
JOUR DE JANVIER 1817 ???
Le lundi, 2 janvier, un groupe de personnes
des communautés maristes de New York et du
New Jersey a assisté à un service de prière à
la cathédrale Saint-Patrick, à New York. Frère
Seán Sammon a fait cette réflexion au groupe.
À l'exception de la crucifixion, aucune scène de
la tradition chrétienne n'est plus familière à la
plupart d'entre nous que l'image de l'Enfant
Jésus couché dans une mangeoire à
Bethléem. Depuis les grands artistes de la Renaissance jusqu'aux créateurs commerciaux de cartes
de Noël d'aujourd'hui, cette image a été reproduite, complétée par
des personnages familiers: des bergers, des sages venus de loin,
des animaux de basse-cour et, bien sûr, au centre de tout cela, un
couple jeune juif et nouvellement marié et leur fils nouveau-né.
Et, parmi les nombreux personnages qui composent toute crèche
traditionnelle de Noël, Marie, la mère de Jésus, a toujours été
facile à repérer. Avec l'émerveillement et le traumatisme de
l'accouchement soigneusement effacés, elle apparaît comme un
tableau de fraîcheur printanière – les mains jointes, la tête et les
yeux légèrement baissés. Quelle différence avec la paysanne
méditerranéenne qui a fait naître un fils dans une écurie dont le destin était d'être le Sauveur de son
peuple.
Nous devons donc nous poser cette question: qu'est-ce qui nous permettrait de transformer le
scandale de l'Incarnation en symboles et en scènes à la fois banales et prosaïques? Pour étouffer
son message et en faire seulement un récit réconfortant de bébés et de granges, de mangeoires et
de crèches, de bergers et d'anges qui chantent?
Nous pouvons trouver la réponse à notre question en Marie, car nous
l'avons également domestiquée, la rendant sûre et sans risque,
incapable de nous bouleverser ainsi que notre compréhension des
exigences de la foi.
Maintenant, suivez-moi un instant: je fais un saut d'environ dix-huit cents
ans dans un village assez obscur du centre de la France sous le nom de
La Valla. La révolution qui a balayé ce pays vers la fin du siècle dernier
dure déjà depuis 27 ans et quelques mois. C'est le 2 janvier 1817 et un
jeune prêtre, du même âge que la révolution, va mettre en marche un
mouvement visant à changer son monde et le nôtre. Ce jeune homme
d’à peu près vingt-sept ans était possédé par le même Esprit Saint qui
avait capturé le cœur et saisi l'imagination de la mère de Jésus. Sur le
moment, il ne s'en rendait probablement pas compte et ne savait pas
exactement où il s'en allait, mais là encore, ni non plus les deux jeunes
gens qui l'avaient rejoint dans cette aventure apparemment téméraire.
Quelques semaines auparavant il avait acheté une vieille maison et fait
tout ce qu'il pouvait pour en faire une maison habitable: construire une
table, des lits, rassembler d'autres meubles, simplement nettoyer
l'endroit. Mais n'est-ce pas le cas de tant de commencements de
grandeur semblable dans la forme et le style: la jeunesse, la volonté
d'être perturbé et de tout risquer, un besoin apparent et absolu de vous
regarder en face, ainsi qu'une foi qui croit en l'amour inconditionnel de
Dieu?
Et qu’est-ce que Marcellin Champagnat avait en tête en ce jour de janvier 1817? Qu'est-ce qui lui
passait par la tête en cette première soirée alors qu'il rentrait au presbytère depuis la petite maison
de La Valla? Quel était son but? Quelque chose de très simple: aider tous les jeunes – mais surtout
ceux qui sont en marge, ceux qui ont très peu de biens matériels – pour les aider à tomber
amoureux de Dieu. Ça vous couple le souffle.
Tout comme l'approche de l'Église envers Marie, nous, les Maristes, avons passé près de deux
siècles à « digérer » Marcellin Champagnat, essayant de le domestiquer. Mais n'oubliez jamais que
notre fondateur a mis en place les premières pierres de ce mouvement mariste seulement sept mois
après avoir été ordonné prêtre. Il était plus en contact avec la passion
que surchargé de prudence. Il n'a pas formé un comité pour étudier l'idée
ni s'inquiéter s’il avait des fonds suffisants pour réaliser le rêve de sa vie.
Non, il l'a tout simplement fait.
Alors, où est-ce que tout cela nous amène aujourd'hui? Nous qui avons
des ressources dont il n'aurait pas pu rêver; nous, ouvrirons-nous les
yeux pour voir les besoins qu'il verrait aujourd'hui; nous qui parlons du
vieillissement quand une nouvelle génération de jeunes aspire à la
communauté, à la recherche de mentors, affamés de l'amour de Dieu.
Nous devons nous demander: sommes-nous, comme lui, prêts à
perturber nos vies, à changer, quel que soit l'âge, et à entreprendre
aujourd'hui une aventure qu'il ferait sienne?
Ne soyons pas romantiques face au passé. Ne vous y trompez pas: il n'y a jamais eu d'âge d'or
dans l'histoire de notre Institut. Depuis le premier jour, chaque période a eu ses crises. Marcellin et
nos premiers frères se disputaient avec le cardinal Fesch, avec le vicaire général Bochard, avec le
père Courveille, et faisaient face à des ragots haineux.
En 1903, les lois de la sécularisation en France ont conduit à notre
suppression comme Institut dans ce pays. Plus de 100 frères ainsi que
des laïcs maristes ont été assassinés en Espagne pendant la guerre civile
de ce pays. Six de nos frères maristes français qui ont œuvré en Hongrie
pendant la Seconde Guerre mondiale ont été brutalement torturés par la
Gestapo parce qu'ils ont donné refuge à cent enfants juifs et à cinquante
de leurs parents. À la suite de la révolution en Chine, en 1950, beaucoup
de nos frères ont passé dix ou vingt ans en prison à cause de leur foi. Dix
ans plus tard, à Cuba, plus de 275 de nos frères, à qui on avait confisqué
leurs institutions et leurs biens ont reçu l’ordre de quitter leur pays
dans les 72 heures. Nos frères d'Afrique du Sud ont vécu l'intégration
dans leurs écoles à Johannesburg, à Durban, à Port Élisabeth et
ailleurs, au mépris des politiques d'apartheid du gouvernement. 204 de
nos frères ont perdu la vie pour la foi en Océanie, en Asie, en Afrique,
en Europe et en Amérique latine. De nos jours, nous assistons au
courage des Maristes bleus à Alep, en Syrie. Ce ne sont peut-être pas
nos crises, mais ce sont des crises.
Alors, au lieu de nous tordre les mains dans la Province américaine
d'aujourd'hui et de nous inquiéter de l'âge et de la diminution des
effectifs, rendons grâce pour le magnifique travail accompli par tant de
frères et de laïcs maristes concernant l'histoire de notre Institut dans
notre pays. Chacun d'entre eux s'est rendu compte que le temps est la seule monnaie réelle que
nous avons et ils l'ont investi sur les jeunes.
En même temps, imaginons un instant que Marcellin Champagnat, âgé de vingt-sept ans, est arrivé
ce soir à l'aéroport JFK de New York, à O'Hare, à Chicago, à Miami International ou à Logan, à
Boston. Où irait-il? Quels besoins humains, contemporains, criants, trouverait-il? Serait-il capable
d'identifier la congrégation qu'il a fondée il y a deux siècles? Nous pouvons être sûrs de ceci:
Marcellin Champagnat était un homme en amour avec Dieu. Son cœur avait été formé par l'évangile
et il voulait partager ce don avec chaque jeune homme et chaque jeune fille qu'il rencontrait. Oui, il
voulait que nous soyons les experts de l'Église pour aider les jeunes à tomber amoureux de Dieu.
Nous devons donc nous demander: est-ce que chaque institution
qui porte notre nom ou est administrée par des laïcs maristes ou
des frères, ici aux États-Unis, est, avant tout, un centre
d'évangélisation, un lieu où la foi est témoignée et promue? Nous
devons aussi nous demander: dans nos efforts, privilégions-nous
les enfants et les jeunes qui vivent aujourd'hui dans ce pays en
marge de notre société?
Nos premiers frères aux États-Unis se sont joints à leurs collègues
laïcs et ont établi une série d'écoles élémentaires dans toute la
Nouvelle-Angleterre pour soutenir la foi d’une population
immigrante. Une fois ces lieux en place et en cours d'exécution, ils
ont souvent déménagé pour répondre à de nouveaux besoins dans
de nouveaux endroits. Le plus souvent,
ils ont fait face à des défis humains et
financiers dans leurs efforts et honnêtement, il y a eu des moments où
l'inquiétude a augmenté qu'il n'y aurait assez d'argent pour répondre à la
masse salariale. Mais ils persistaient.
Alors, demandons-nous: qui sont aujourd'hui les enfants délaissés et qui
s'engage à marquer cette étape de 200 ans de notre histoire en
s'assurant d'avoir chez eux des enfants de familles brisées, ceux qui
sont victimes d'injustice raciale, des jeunes, membres de la communauté
LGBT, ceux dont la vie est ravagée par la drogue, ainsi que ceux qui ne
peuvent pas trouver une place dans notre Église ou la plupart des
écoles existantes?
Les anniversaires ne sont pas un temps pour regarder en arrière
mais plutôt un moment pour planifier l'avenir. Elles nous donnent
également l'occasion de redécouvrir le rêve de départ. Et nous
sommes appelés à accomplir cette tâche aujourd'hui en tant que
frères avec les laïcs maristes. Et donc, que cette chapelle dédiée à
la Vierge, dans la cathédrale Saint-Patrick, en ce 2 janvier 2017, soit
notre Notre-Dame de Fouvière. Qu'il s'agisse de ce petit et simple
espace qui existait à Lyon bien avant que la superbe basilique
d'aujourd'hui ne soit construite.
Et prenons ici un engagement semblable à celui que ces
séminaristes et ces jeunes prêtres nouvellement ordonnés - pleins
de rêves et d'espoir et qui avaient été
profondément touchés par cette simple
femme de foi nommée Miriam de Nazareth - étaient disposés à
prendre, dédiant leur vie et devenant sa présence dans notre monde,
témoignant des vertus maristes de miséricorde et de compassion.
Soyons son cœur et ses mains parmi les jeunes dans notre XXIe
siècle, et construisons l'Église mariale, cette Église au visage d'une
mère, qu'ils ont rêvée pour leur temps et leur espace.
Très tôt, Marcellin Champagnat découvrit le feu. Il a compris que le feu
a toujours attiré les jeunes. Prions pour que l'Esprit de Dieu allume en
chacun de nous le feu du renouveau, en nous donnant le courage
d'être aussi audacieux, aussi amoureux de Dieu que ce simple prêtre de campagne et fils de Marie.
Puissions-nous, comme lui, être le feu sur cette terre, faisant connaître et aimer Jésus parmi les
enfants et les jeunes pauvres. Et qu’ainsi un troisième siècle de vie et de mission mariste prenne
racine et fleurisse dans ces États-Unis. Amen.
Traduction française et mise en page : Secrétariat provincial - Province du Canada (janvier 2017)
SS/jpc/mp