1/1 A la recherche d`Ismaël Dauphin… L`histoire ne s`arrête pas là

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1/1 A la recherche d`Ismaël Dauphin… L`histoire ne s`arrête pas là
A la recherche d’Ismaël Dauphin…
« Je suis à Dauphin », « Je travaille à Dauphin », « J’ai passé mon bac à Dauphin »…
Tous les jours ou presque, le nom de notre établissement revient sur nos lèvres. « Lycée I. Dauphin », lit-on
sur les plaques signalétiques de la ville. Mais qui, dans notre ville, est capable de voir se dessiner, derrière ce
nom de Dauphin, autre chose qu’un animal marin, derrière le I, autre chose qu’une énigme ? Qui , même
parmi ceux qui pénètrent chaque jour dans l’établissement, a pris la peine de noter la présence du buste d’un
jeune homme d’une autre époque, à la moustache en forme d’accent circonflexe, la mèche un peu
rebelle balayant un regard assez sévère ? Il est vrai que cette présence est excessivement discrète : celui
qui a donné son nom au lycée n’entre pas par la grande porte, mais par les coulisses, autant dire par la porte
de service…Allez, gageons que, si un sondage était effectué sur le sujet - tiens, c’est une idée, ça, pour nos
élèves de STG - on s’apercevrait que de nombreux hôtes de la « maison » ne l’ont même pas remarqué, le
pauvre Ismaël…
Et Pourtant…
Il y a un homme surprenant derrière ce prénom, et une famille d’envergure…
Lors de la première guerre mondiale, Ismaël, jeune professeur de philosophie, est envoyé sur le front. Le
jeune méridional se retrouve dans la Meuse, sur ce front meurtrier qui a vu tomber une partie de la jeunesse
du pays au début de ce siècle, victime de cette boucherie que fut la première guerre. Il y a emmené ses livres,
dernier refuge contre la barbarie ambiante.
Un jour, alors que l’un de ses camarades doit « prendre son quart », c’est à dire aller faire le guet au plus
près des lignes ennemies, il lui propose, à la stupeur des témoins, de s’y rendre à sa place… l’autre
proteste : c’est son tour, il n’y a pas de raison, « chacun ses risques », ajoute-t-il… Mais le soldat Dauphin
réplique : « Laisse-moi y aller, je te dis : moi, un bon bouquin, je suis bien partout, je ne m’ennuie pas ». Le
camarade cède. Comment ne pas céder face à une telle proposition, incroyablement désintéressée ?
Pourtant ce jour là, la lecture d’Ismaël va être interrompue, définitivement, par un obus. L’abri de fortune
sous lequel il était installé, son livre à la main, s’écroule dans un vacarme épouvantable de ferraille, dans une
confusion douloureuse et brutale. Lors de son transport en brancard, il fera encore un commentaire : il ne
faut pas souhaiter être blessé, même en temps de guerre… cela fait vraiment trop souffrir. Il mourra peu de
temps après.
L’histoire ne s’arrête pas là : cinquante ans plus tard, le fils d’Ismaël, Edmond, qui n’a pas eu le
temps de connaître celui auquel il doit le jour, reçoit un courrier : c’est le compagnon d’armes de
son père, qui va lui raconter dans une lettre touchante, les circonstances de la mort de ce dernier,
comme pour se délivrer du poids d’un douloureux souvenir. Singulière attitude que celle de cet
homme vieillissant, soucieux de rendre un ultime et tardif hommage à celui qui était mort à sa
place…
La famille Dauphin est d’ailleurs caractérisée par une destinée hors-normes : Le fils, Edmond, haut
fonctionnaire pendant la seconde guerre mondiale, épargnera grâce à des démarches discrètes de nombreux
juifs, et se verra décerner le titre de Juste.
Aujourd’hui, le souvenir de ce jeune poilu est donc préservé par le nom de notre établissement. Aussi,
rappelons-nous à présent qu’il y a derrière ce nom là un homme, une famille, et une histoire qui vaut bien
l’Histoire…
Nathalie Mineur, Professeur de français
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