La lettre de l`institut Upsa de la douleur
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La lettre de l`institut Upsa de la douleur
é d i t o r i a l La Lettre Juin 96 • n°1 de l’Institut UPSA de la Douleur epuis sa création en 1993, l’Institut UPSA de la Douleur s’est acquitté de plusieurs tâches. Il a, entre autres, soutenu des programmes de recherche, mis en place un réseau ville-hôpital, créé des Centres de Traitement de la Douleur dans des pays en développement, et a publié récemment un ouvrage consacré à «La douleur du Sida VIH». D La publication de La Lettre de l’I.U.D. s’impose donc en toute logique. Sa périodicité sera de trois numéros par an et sa rédaction a été confiée au Dr Nadine Attal. Chaque numéro comprendra un article de fond sur un thème donné, une brève analyse bibliographique de certains articles ou abstracts et des informations sur les congrès et sur les activités de l’I.U.D. Le Comité de Rédaction a choisi de traiter pour le premier dossier de la place des antidépresseurs dans le traitement de la douleur, car ils semblent constituer le traitement pharmacologique de base des douleurs neurogènes, difficiles à maîtriser. La diffusion de cette Lettre répond à un des objectifs de l’Institut qui est de former et d’informer le Corps Médical afin de le sensibiliser au mieux à une bonne prise en charge de la douleur. ■ Jean-Marie Besson Président du Conseil Scientifique Quelle est la place des antidépresseurs dans le traitement de la douleur ? Par le Dr Nadine Attal Dossier Avec les opioïdes et le groupe des antalgiques dits périphériques, les antidépresseurs sont probablement les substances les plus utilisées dans le traitement de la douleur. Depuis la première démonstration de façon totalement fortuite par Paoli et coll. en 1960 d’une efficacité de l’imipramine dans les douleurs neuropathiques, environ 60 études contrôlées en double aveugle ont été réalisées, confirmant l’intérêt de ces produits dans divers syndromes douloureux chroniques. Les antidépresseurs tricycliques (imipramine, clomipramine, amitryptiline, désipramine, nortriptyline) ont été de loin les plus étudiés, mais les antidépresseurs de nouvelle génération, qui présentent l’avantage d’être beaucoup mieux tolérés, semblent prometteurs dans certaines indications et méritent des investigations plus poussées. L’ensemble de ces études, joint aux résultats d’une méta-analyse récente (Onghena et VanHoudenhoven 1992) permettent de mieux préciser la place actuelle et les modalités d’administration des antidépresseurs dans les syndromes douloureux chroniques. En revanche, les mécanismes d’action de ces substances dans les douleurs restent encore mal établis. Une indication privilégiée : la douleur neurologique • Les douleurs neuropathiques (douleurs liées à une lésion du système nerveux périphérique ou central) représentent une des indications essentielles des antidépresseurs. Parmi ces douleurs, ce sont essentiellement les neuropathies diabétiques et les névralgies post-zostériennes qui ont fait l’objet du plus grand nombre d’études (17 essais contrôlés), alors que seules 2 études ont pris en compte des douleurs neuropathiques d’étiologies variées (Max et al, 1994). L’efficacité de nombreuses molécules a ainsi pu être établie d a n s c e s p a t h o l o g i e s ( Ta b l e a u 1 ) : imipramine, clomipramine, amitriptyline, désipramine, nortriptyline (associée à un neuroleptique : la fluphénazine) et récemment, paroxétine et citalopram. Les résultats de certains essais sont renforcés par l’utilisation d’un «placebo» actif, la benztropine, substance anticholinergique mimant les effets secondaires des antidépresseurs. L’amitriptyline, la clomipramine et la n o rt r i p t y l i n e semblent également efficaces sur des douleurs liées à des lésions du système nerveux central (2 études contrôlées dans les douleurs centrales post-infarctus et les myélopathies traumatiques/Watson, 1994). Bien que la quasi-totalité de ces investigations aient conclu en faveur de l’efficacité des antidépresseurs, on peut noter que celle-ci ne concerne que 50 à 60 % des patients, et que la sédation des douleurs est le plus souvent partielle. Les antidépresseurs ne semblent pas agir préférentiellement sur un type particulier de douleur. La plupart des études ont rapporté une efficacité comparable sur les d o u l e u r s c o n t i n u e s e t p a ro x y s t i q u e s (Kishore-Kumar et al, 1990 ; Max et al, 1987 ; Watson et al, 1992), bien qu’une étude ait conclu au contraire à une efficacité prédominante de la désipramine sur la sensation de brûlure continue de la neuropathie diabétique (Max et al, 1991). C e s s u b s t a n c e s s e m b l e n t également efficaces sur l’allodynie (Kishore-Kumar e t a l , 1 9 9 0 ; Wa t s o n e t a l , 19 92), sur les paresthésies et les dysesthésies (Sindrup et al, 1990). En outre, ni les caractéristiques qualitatives de ces douleurs (brûlures, morsure..), ni la durée La Lettre de l’Institut UPSA de la Douleur d’évolution de la maladie ou l’étendue des lésions (mono ou polyneuropathies) ne semblent intervenir sur l’efficacité de ces p ro d u i t s ( K i s h o re - K u m a r e t a l , 1 9 9 0 ; Max et al, 1987 ; Watson et al, 1982). • Les céphalées (migraines et céphalées d e t e n s i o n c h ro n i q u e s ) e t l e s a l g i e s faciales chroniques constituent la deuxièm e i n d i c a t i o n d u t r a i t e m e n t p a r le s antidépresseurs (Tableau II). De fait, 13 études contrôlées contre placebo ou produit actif de référence (10 sur les céphalées, 3 sur les algies faciales) ont démontré l’efficacité d’un traitement de fond par les antidépresseurs, au terme de 1 à 6 semaines de traitement. L’amitriptyline a été de loin la substance la p l u s é t u d i é e ( 7 é t u d e s ) . D ’ a u t re s s u bstances, notamment la doxépine, semblent i n t é re s s a n t e s , a l o r s q u e l e s d o n n é e s concernant la miansérine sont contradictoires (Fickinger, 1993). Enfin, les antidép re s s e u r s d e n o u v e l l e g é n é r a t i o n - l a fluoxétine, la fluvoxamine - paraissent également prometteurs dans la prévention des migraines ou des céphalées de tension (Bank, 1994 ; Fickinger et al, 1993 ; Saper et al, 1994). Cependant, les effectifs réduits des patients considérés méritent q u e l e s r é s u l t a t s d e c e s é t u d e s soient confirmés à l’avenir. • Les antidépresseurs ont également été largement utilisés pour soulager les douleurs cancéreuses, comme en témoigne une enquête réalisée en Italie (Magni, 1987). Cependant, alors que de très nombreuses études en ouvert avaient suggéré leur efficacité dans cette indication (Eschalier, 1990), cette impression n’a été confirmée jusqu’à présent que par une étude contrôlée portant sur des douleurs neuropathiques d’origine cancéreuse (cité dans Eschalier, 1990). En dépit de cette incertitude, on peut noter que l’amitriptyline a obtenu l’AMM dans l’indication «traitement des algies rebelles ou sévères en cancérologie». • L’efficacité des antidépresseurs dans les douleurs des ulcères gastroduodénaux n’apparaît pas supérieure à celle des anti-acides, et en outre intervient plus tardivement (Eschalier, 1990). • Enfin, bien que limitées, les données dont on dispose sur les effets des a n t i d é p re s s e u r s d a n s l e s d o u l e u r s aiguës, laissent à penser que celles-ci ne constituent pas une indication intéressante de ces traitements. Mécanismes d’action • Les antidépresseurs ont-ils un effet analgésique propre ? S i l e s a n t i d é p re s s e u r s a pparai ssent e ff i c a c e s d a n s u n c e rt a i n n o m b re de syndromes douloureux chroniques, la signif i c a t i o n d e c e t e ff e t - a m é l i o r a t i o n de l ’ h u m e u r o u a c t i v i t é a n a l g é s i q u e i n t r i nsèque - a longtemps été débattue (Eschalier et al, 1994 ; Max et al, 1994). Il semble cependant bien établi aujourd’hui, sur la base d’essais cliniques et de quelques études chez l’animal (Ardid et Guilbaud, 1992), que la plupart de ces substances possèdent une activité antalgique indépendante de leur action thymoanaleptique. En effet, une amélioration des douleurs a été observée chez des patients non déprimés, et chez des patients déprimés, la régression des douleurs n’a pas été corrélée à une amélioration de l’humeur (Kishore-Kumar et al, 1990 ; Max et al, 1987, 1991 ; Sindrup et al, 1990 ; Watson et al, 1982). Les doses antalgiques observées avec les tricycliques sont en moyenne ANTIDÉPRESSEURS AYANT FAIT L’OBJET D’ESSAIS CLINIQUES CONTRÔLÉS DANS LES DOULEURS NEUROPATHIQUES Autres indications • Les antidépresseurs tricycliques (amitriptyline, imipramine, clomipramine, dothiépine, doxépine) ou leurs dérivés (trazodone, dibenzépine) ont également été utilisés dans les douleurs rhumatologiques : arthrites inflammatoires d’étiologies variées, fibromyalgie, douleurs lombaires chroniques. Les données d’une méta-analyse (Onghena et Houdenhove, 1992) et de revues récentes (Eschalier, 1990 ; Watson, 1994) indiquent cependant qu’à l’exception de la fibromyalgie, où tous les essais contrôlées (quatre) ont révélé une efficacité de ces traitements, à d e s d o s e s t o u j o u r s i n f é r i e u re s à 75 mg/jour, leur intérêt dans les deux autres indications est plus discutable. Ainsi dans les arthrites, les antidépresseurs ne semblent efficaces que s’ils sont associés à des antalgiques ou des anti-inflammatoires, et leur effet reste très modeste. Dans les douleurs lombaires chroniques, seules des doses élevées, p ro c h e s d e c e l l e s u t i l i s é e s d a n s l a dépression, semblent actives. C’est en particulier le cas de la doxépine, dont l’efficacité a été observée pour des doses de 150 à 200 mg/jour. 2 Classe médicamenteuse Tricycliques Produit* Amitriptyline (Laroxyl®) Imipramine (Tofranil®) Désipramine (Pertofran®) Clomipramine (Anafranil®) Notriptyline (±fluphénazine) (Motival®) Trazodone Doses moyennes [mg/jour] Essais positifs/ nombre d’essais 65-100 25-350 165-200 150 7/7 5/5 3/3 3/3 10 (±1) 150 2/2 1/1 Tétracycliques Miansérine (Athymil®) Maprotiline (Ludiomil®) 60 100 0/1 0/1 Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) Zimélidine Paroxetine(Déroxat®) Fluoxetine (Prozac®) Citalopram (Séropram®) 300 40 40 40 0/1 1/1 0/1 1/1 * Seuls les produits dont les noms de marque sont mentionnés font l’objet d’une commercialisation. Quelle est la place des anti-dépresseurs dans le traitement de la douleur ? plus faibles que celles permettant d’obtenir un effet antidépresseur (à l’exception, comme nous l’avons vu, des études portant sur les douleurs lombaires chroniques). En outre, le délai d’apparition de l’action analgésique est en règle considéré comme plus court. • Action pharmacologique Le mécanisme d’action des antidépresseurs dans les douleurs est encore loin d’être parfaitement élucidé. L’hypothèse d’une action centrale, médiée par un blocage de la recapture des monoamines (sérotonine et/ou noradrénaline), permettant de renforcer les contrôles inhibiteurs descendants, est la plus souvent avancée. Pour certains, l’action antalgique des antidépresseurs repose essentiellement sur les mécanismes noradrénergiques (Dubner et Max, 1992 ; Max et al, 1994). Ce postulat s’appuie sur le fait que la majorité des antidépresseurs tricycliques possédant une activité antalgique, sont capables d’inhiber la recapture de la noradrénaline ou ont un métabolite qui le fait. En outre, d’après une étude de Max et a l ( 1 9 9 2 ) , l a d é s i p r a m i n e q u i bloque préférentiellement la recapture de la norad r é n a l i n e , e s t a u s s i e ff i c a c e q u e l’amitriptilyne dans le traitement des douleurs des neuropathies diabétiques, alors que la fluoxétine (inhibiteur très sélectif de la recapture de la sérotonine), n’est pas supérieure au placebo, sauf chez les patients déprimés. De même, la trazodone ( s é ro t o n i n e rg i q u e ) , n ’ a p a s é t é t ro u v é e supérieure au placebo dans les douleurs de myélopathie traumatique, alors que l ’ a m i t r i p t i l y n e l ’ e s t ( Wa t s o n , 1 9 9 4 ) . Cependant deux études contrôlées récentes ont retrouvé un effet modéré, mais significatif de la paroxétine et du citalopram (inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine) sur les douleurs des neuro p a t h i e s d i a b é t i q u e s ( S i n d ru p e t a l , 1990, 1992), ce qui suggère à première vue que les mécanismes sérotoninergiques sont également impliqués dans l’action analgésique des antidépresseurs. En réalité, il semble que la paroxétine présente également un effet inhibiteur modeste de la recapture de la noradrénaline. On peut conclure de ces études, que l’intervention conjointe de mécanismes sérotoninergiques et noradrénergiques pourrait contribuer à l’effet analgésique des antidépresseurs. Cependant, ces mécanismes ne sont vraisemblablement pas les seuls et d’autres hypothèses ont été avancées : blocage des récepteurs adrénergiques des bourgeons de régénération au niveau périphérique ; action sur les systèmes opioïdes endogènes ; effet anti-histaminique-H1 ; blocage des récepteurs NMDA ; effet sur le métabolisme de la substance P (Eschalier et al, 1994 ; Fickinger, 1993). Conduite pratique d’un traitement antidépresseurs dans les douleurs • Choix de la molécule Les antidépresseurs tricycliques, notamment l’amitriptyline, la clomipramine, la désipramine, restent les produits de référence, en particulier dans les douleurs neuropathiques et doivent si possible être utilisés en première intention. Parmi ces molécules, la désipramine semble intéressante du fait d’une tolérance meilleure que celle des autres tricycliques, et peut être u t i l i s é e à d e s d o s e s s u p é r i e u re s (200 mg/jour). L’efficacité possible de certains antidépresseurs de nouvelle génération (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine) dans les douleurs neuropathiques ou dans les céphalées doit également être soulignée ici. Ces molécules ont en effet l’avantage d’être beaucoup plus maniables que les p re m i è re s , et d’entraîner moins d’effets indésirables, ce qui est le principal facteur limitant de l’utilisation des tricycliques. Elles apparaisssent donc comme un recours possible en cas d’intolérance aux traitements précédents. Cependant les données actuelles suggèrent que leur efficacité est généralement moindre que celle des antidépresseurs tricycliques, peut-être du fait d’un spectre de sélectivité plus étroit sur les récepteurs. Des études complémentaires à plus grande échelle restent nécessaires pour confirner leur efficacité et mieux définir leurs indications. • Modalités thérapeutiques et effets indésirables > Les tricycliques : La posologie optimale des antidépresseurs tricycliques est difficile à déterminer. De fait, des doses très variables ont été utilisées par les différents auteurs : - amitriptyline : 25-150 mg/jour, - imipramine : 50-350 mg/jour; - d é s i p r a m i n e : 1 2 , 5 - 2 5 0 m g / j o u r. ANTIDÉPRESSEURS AYANT FAIT L’OBJET D’ESSAIS CLINIQUES CONTRE PLACÉBO DANS LES CÉPHALÉES/ALGIES FACIALES Produit* Classe médicamenteuse ® Tricycliques Amitriptyline (Laroxyl ) ® Doxépine(Quitaxon , ® Sinéquan ) ® Dothiépine (Prothiaden ) ® Tétracycliques Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (IRS) IMAO Miansérine (Athymil ) ® Maprotiline (Ludiomil ) ® Fluoxétine (Prozac ) ® Fluvoxamine (Floxyfral ) Fémoxetine Phénelzine Doses moyennes [mg/jour] Essais positifs/ nombre d’essais 30-100 30-100 7/7 2/2 130 1/1 20-30 75 1/2 1/1 20-40 300 400 2/2 1/1 1/1 45 1/1 * Seuls les produits dont les noms de marque sont mentionnés font l’objet d’une commercialisation. 3 La Lettre de l’Institut UPSA de la Douleur Une activité dose-dépendante a récemment été observée pour l’amitriptyline dans des douleurs chroniques d’étiologies variées (la dose de 75 mg apportant un soulagement des douleurs supérieur à celle de 25 mg) (McQuay et al, 1993), mais les données d’autres études sont contradictoires (Kishore-Kumar et al, 1990 ; Max et al, 1994 ; Sindrup et al, 1990). De façon générale, le traitement est débuté à faibles doses (10-20 mg), puis cellesci sont progressivement augmentées par paliers de 5 à 7 jours, jusqu’à obtention d’un effet analgésique ou éventuellement apparition d’effets secondaires. L’amélioration des douleurs peut survenir dans un délai de quelques jours à 5 semaines après la mise en route du traitement pour les douleurs neuropathiques et beaucoup plus tardivement (jusqu’à 6-8 semaines) pour les céphalées et les douleurs lombaires. Il convient donc de poursuivre celui-ci pendant au moins 4 à 8 semaines selon la pathologie, avant de conclure quant à l’efficacité d’un produit. La durée maximale du traitement est encore mal définie. Trois études ont été poursuivies 6 mois à 1 an et plus (Eschalier, 1990 ; McQuay et al, 1992) et concluent à la persistance d’un effet analgésique. De façon empirique, le traitement est poursuivi pendant plusieurs mois, puis les doses sont progressivement réduites. Le principal facteur limitant l’utilisation des antidépresseurs tricycliques est l’apparition d’effets indésirables, notamment de type anticholinergiques. La sécheresse de la bouche est de loin le symptôme le plus fréquent, et serait selon certains auteurs presque indissociable de l’effet analgésique (Watson, 1994). Les autres effets indésirables notables incluent hypotension orthostatique, céphalées, constipation, sueurs, nausées, tremblement, troubles de l’accomodation, dysurie, sédation, voire confusion. Les effets anticholinergiques sont clairement dose-dépendants : ainsi dans une étude de McQuay et al (1993), la dose de 75 mg d’amitriptyline a induit deux fois plus d’effets secondaires que celle de 25 mg (58 % versus 27 %). Ces effets nécessitent l’arrêt du traitement dans 1 8 à 1 9 % d e s c a s r a p p o rt é s dan s l ’ e n s e m b l e d e s é t u d e s p o rt a n t s u r l a dépression (Edwards, 1995), et ce chiffre apparaît comparable dans les études sur la douleur. > L e s a n t i d é p re s s e u r s d e l a no uvelle génération : A ce jour, peu de données sont disponibles sur les modalités thérapeutiques de ces substances dans les douleurs. D’après les 4 Quelle est la place des anti-dépresseurs dans le traitement de la douleur ? études dont nous disposons (Bank, 1994 ; Fickinger et al, 1993; Max et al, 1992 ; Sindrup et al, 1990, 1992 ; Saper et al, 1994), ces traitements semblent efficaces à des posologies égales ou supérieures à celles utilisées dans la dépression (40 mg pour la paroxétine et la citalopram dans les douleurs neuropathiques, 20 mg pour la fluoxétine dans les céphalées). Leurs effets indésirables, moins fréquents et moins sévères que ceux rapportés avec les tricycliques, sont essentiellement représentés dans ces études par des nausées (paroxétine, fluoxétine), une sécheresse de la bouche et une fatigue (paroxétine), une tendance à l’agitation et une insomnie (fluoxétine). • Quel est l’intérêt d’associer d’autres analgésiques aux antidépresseurs ? La plupart des études que nous avons citées ont mis l’accent sur les effets d’une monothérapie par antidépresseur, dans les douleurs. Les antidépressseurs ont également été couramment associés à d’autres molécules, notamment aux neuroleptiques, depuis plus de 20 ans (voir Fickinger, 1993). Si un effet bénéfice de l’association phénothiazines-tricycliques a été rapporté, essentiellement sur la base d’études en ouvert, aucune preuve de leur synergie d’association sur les douleurs n’a pu être documentée. Or, une étude contrôlée a en revanche indiqué que le fait d’associer du flupentixol (Fluanxol®) (3 mg/jour) avec l’amitriptyline n’entraînait pas d’amélioration supplémentaire de la douleur, chez des patients présentant des douleurs idiopathiques (Zitman et al, 1991). Les antidépresseurs ont également été assoc i é s a u x o p i a c é s , n o t a m m e n t d a n s les douleurs cancéreuses. Cependant tant chez l ’ a n i m a l q u e c h e z l ’ h o m m e , l’activité a n a l g é s i q u e d e l a m o r p h i n e p e u t ê t re renforcée ou au contraire atténuée par les antidépresseurs (tricycliques ou inhibiteurs de la recapture de la sérotonine) (Eschalier et al, 1994). Il est donc bien difficile de conclure quant à l’intérêt d’associer un analgésique à un traitement antidépresseur. En outre, aucune étude n’a analysé l’intérêt de leur co-admin i s t r a t i o n a v e c d ’ a u t re s substances, n o t a m m e n t l e s a n t i c o n v u l s i v a n t s e t les anesthésiques locaux, dans les douleurs neuropathiques. Conclusion Les antidépresseurs apparaissent efficaces pour soulager les douleurs chroniques d’étiologies variées, mais c’est essentiellement dans les douleurs neuropathiques (diabète et névralgies post-zostériennes), et à moindre degré dans les céphalées, que leur utilisation semble le mieux définie. L’effet sur la douleur est le plus souvent partiel et s’accompagne en règle d’effets indésirables contraignant parfois à l’arrêt du traitement. C’est pourquoi l’utilisation de molécules ayant une sélectivité accrue sur les récepteurs noradrénergiques et/ou sérotoninergiques semble une bonne alternative. Cependant, d’autres études sont nécessaires afin de préciser leur réel intérêt dans les douleurs. Bibliographie • Ardid D, Guilbaud G. 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Ces données ont suggéré que l’anticipation d’une opération conditionne défavorablement le pronostic post-opératoire et ont montré qu’un patient est susceptible de mémoriser de façon implicite une information qui lui a été donnée au cours d’une intervention. Sur la base de ces observations, une équipe néerlandaise a eu l’idée de combiner les suggestions thérapeutiques pré et per-opératoire, et de juger de l’effet propre d’une information pertinente donnée à un sujet pendant son opération, en la comparant à un message de contenu neutre. Pour ce faire, 60 patients devant subir une intervention chirurgicale (hystérectomie, myomectomie ou laparotomie gynécologique) ont été répartis en trois groupes de façon randomisée. Chacun des groupes devait écouter un message pré-enregistré, de contenu neutre (histoire de Robinson Crusoe ou de Peter Pan) ou des suggestions thérapeutiques (il s’agissait ici d’un enregistrement d’une voix féminine visant à détendre le patient en l’informant sur le bon déroulement de l’intervention). Ainsi, un premier groupe a entendu une cassette de suggestions thérapeutiques avant l’opération puis l’histoire de Robinson Crusoe pendant l’opération ; un second groupe a écouté l’histoire de Peter Pan avant l’opération puis les suggestions thérapeutiques pendant l’opération ; enfin, le troisième groupe a entendu l’histoire de Robinson Crusoe avant l’opération, puis celle de Peter Pan pendant l’opération. Après l’intervention, réalisée sous anesthésie contrôlée, les patients ont tous reçu une administration autocontrôlée de morphine. A la grande surprise des auteurs, et à la nôtre, aucun effet bénéfique des messages thérapeutiques pré ou péri-opératoires n’a pu être mis en évidence dans cette étude tant sur la douleur (appréciée sur une échelle analogique visuelle), que sur la consommation de morphine (évaluée à 0.7 mg/kg de morphine dans les trois groupes) et sur le niveau d’anxiété après l’opération. En revanche, 7 patients sur 20 ont correctement mémorisé l’histoire de Peter Pan entendue pendant l’opération (en ce sens qu’ils associaient facilement le mot de «Hook» -capitaine Hook- à cette histoire), alors que cette association n’a été correctement restituée que par 2 patients sur 20 n’ayant pas entendu ce récit. Plus curieux encore, aucun patient n’a correctement mémorisé l’histoire de Robinson Crusoe, le mot «Vendredi» n’étant pas associé à cette histoire. Amitriptyline versus maprotiline in post-herpetic neuralgia : a randomized, double-blind, crossover trial. Pain 1992, 48 : 29-36. • Watson CPN Antidepressant drugs as adjuvant analgesics J. Pain Symptom Manag 1994, 9 : 392-405. • Watson CPN, Evans RJ, Reed K et al Amitryptiline versus placebo in post-herpetic neuralgia. Neurology 1982, 32 : 671-673. • Zitman PG, Linssen ACG, Edelbrock PM et al. Ces résultats, qui contrastent avec la plupart des données antérieures, suscitent plusieurs interrogations. Quel est le rôle de l’anesthésie, qui est contrôlée dans cette étude mais ne l’était pas toujours dans les études précédentes ? La qualité et la durée (5 minutes) des suggestions thérapeutiques administrée ici sont-elles suffisantes ? On peut également se demander pourquoi l’histoire de Peter Pan entendue pendant l’opération est tellement mieux mémorisée que celle de Robinson Crusoe : la raison en est peut-être que les patients la connaissaient de longue date, ce qui en a facilité la mémorisation implicite. De Ià à signifier que cette histoire est pour eux davantage chargée de sens que des suggestions thérapeutiques, par définition plus personnelles... Does addition of low doses flupentixol enhance the analgesic effects of low dose amitriptyline in soma- Van Der Lan W.H., Van Leeuwen B.L., Sebel P.S., Winograd E., Baumann P., Bonke B. Therapeutic suggestions has toform pain disorder ? Pain 1991, 47 : 25-30. no effect on postoperative morphine requirements. Anesth. Analg., 82 (1996)148-152. 5 La Lettre de l’Institut UPSA de la Douleur Le sumatriptan en pratique quotidienne : se comporte-t-il aussi bien que dans les essais randomisés ? Algodystrophie et causalgie : la taxonomie et les concepts n’en finissent pas d’évoluer L’utilisation au long cours du sumatriptan à domicile par des patients migraineux de longue date, se révèle aussi efficace que lors des essais cliniques contrôlés, mais la tolérance du produit est moins bonne que prévu. Cette publication constitue la somme des recommandations édictées lors d’une Conférence de Consensus r é c e n t e s u r l e s c o n c e p t s d ’ a l g o d y s t ro p h i e e t de causalgie. Elle propose une nouvelle classification des syndromes douloureux post-traumatiques, dont le principe essentiel est de ne plus faire référence au terme trop controversé de «sympathique». De nombreuses études contrôlées ont démontré l’efficacité du sumatriptan, agoniste des récepteurs sérotoninergiques 5HT1D, dans le traitement de la crise migraineuse. Ainsi, 3 patients sur 4 environ apparaissent totalement ou partiellement soulagés par ce traitement, avec une faible incidence d’effets indésirables (de l’ordre de 10 %), sauf pour les réactions locales aux points d’inj e c t i o n a p r è s a d m i n i s t r a t i o n s o u s-c u t a n é e ( e n v i ro n 4 0 % ) . Cependant, la fréquence des récidives migraineuses apparaît élevée (30 à 40 %). Si ces études ont été capitales pour la mise sur la marché de ce produit, on peut néanmoins se demander si elles reflètent bien l’utilisation et l’efficacité réelle du traitement dans la pratique. Pour répondre à cette question, Dahlof, du centre antimigraineux de Göteborg, en Suède, où ce traitement est disponible depuis 1991, a conduit une enquête téléphonique d’un groupe sélectionné de 351 patients migraineux depuis en moyenne 20 ans, réfractaires aux traitements habituels, et dont les crises étaient traitées par sumatriptan depuis 3 ans. On peut noter que 81 % d’entre eux avaient reçu ce traitement lors d’études randomisées. Les résultats confirment la grande efficacité du sumatriptan sur la durée des crises migraineuses, y compris par rapport à un traitement conventionnel (durée moyenne de 40 heures avec un traitement usuel, réduite à 2 à 3 heures après sumatriptan). Ce traitement permet en outre d’aboutir à une réduction des arrêts de travail dus à la migraine dans 53 % des cas. En revanche, 9 migraineux sur 10 rapportent plus de 3 effets indésirables avec la forme sous-cutanée et plus de 2 avec la forme orale, notamment sédation, striction thoracique, douleurs au point d’injection, impression de chaud ou de froid, conduisant à un arrêt thérapeutique dans environ 25 et 50 % des cas respectivement. En outre, 78 % des patients répondant au sumatriptan sous-cutané, présentent une ou plusieurs récidives migraineuses dans les 24 heures. Cette étude confirme la bonne efficacité du sumatriptan dans les crises migraineuses réfractaires, mais souligne deux inconvénients liés à son utilisation prolongée : des récidives migraineuses fréquentes, et des effets indésirables dont l’incidence apparaît nettement plus élevée que lors des études randomisées. Cette contradiction apparente pourrrait être liée à des biais dans les méthodes de recueil de ces données : questionnaire de symptômes dans l’enquête téléphonique, d’où une possible surestimation par les patients de leurs effets indésirables ; questions ouvertes dans les études randomisées, d’où une tendance inverse. La vérité sur le sumatriptan est probablement entre les deux... Dahlof, C.G.E. How does sumatriptan perform in clinical practice ? Cephalalgia, sppl. 15 (1995): 21-8. 6 A u cours des dernières décennies, les concepts d’algodystrophie («reflex sympathetic dystrophy») ou de causalgie n’ont cessé d’évoluer, sans que la situation n’en apparaisse pour autant éclaircie à l’heure actuelle. Depuis la première description par W. Mitchell des tableaux de causalgie en 1864, de nombreux termes ont été utilisés pour qualifier ces syndromes douloureux post-traumatiques, qui comportent en règle une brûlure superficielle continue associée à des troubles vasomoteurs et/ou trophiques. A cette confusion terminologique correspondait une grande incertitude concernant les mécanismes physiopathologiques de ces douleurs, et notamment l’implication du système nerveux sympathique, incertitude que les données expérimentales actuelles n’ont toujours pas permis de lever. En raison de cette confusion persistante, malgré les tentatives faites par le IASP dès 1986 pour clarifier ces notions, une nouvelle Conférence de Consensus s’est tenue à Orlando en Floride, du 31 octobre au 3 novembre 1993, dont les principaux organisateurs, Stanton-Hicks et Janig, ont rapporté les conclusions essentielles dans Pain. La nouvelle classification vise à exclure toute référence à un mécanisme physiopathologique présumé dans les définitions. De même, le terme «sympathique» a été évité, compte tenu de l’absence de consensus sur son rôle exact dans ces syndromes douloureux. En revanche, la douleur est une condition sine qua non du diagnostic et doit être inclue dans les définitions. Une terme générique commun aux différents syndromes douloureux post-traumatiques a été accepté : celui de «Syndrome Douloureux Régional Complexe» (SDRC). Ces SDRC comportent deux types. Le type I correspond à l’ancienne RSD (Reflex Sympathetic Dystrophy) et apparaît après une lésion tissulaire. Le type II correspond à l’ancienne causalgie et se développe après une lésion nerveuse périphérique. Dans les deux cas, il existe une douleur spontanée ou provoquée, non nécessairement limitée au territoire d’un nerf périphérique, et étant ou ayant été associée à des signes vasomoteurs ou sudoraux. Ainsi le concept de douleur régionale apparaît comme une condition essentielle au diagnostic et la différence principale entre les deux syndromes est l’existence ou non d’une lésion nerveuse périphérique. En revanche, la réponse ou non aux sympatholytiques est exclue de la définition. Dans ce contexte, le concept de «douleur entretenue pas l’activité sympathique» (SMP), introduit par Roberts en 1986, et défini initialement comme une douleur maintenue par une activité du système nerveux sympathique, ne peut être considéré que comme une composante de ces tableaux cliniques (certaines de ces douleurs pouvant ou non répondre aux sympatholytiques), mais non un syndrome à part entière. A titre de comparaison, les auteurs citent le cas de la dépression, qui est parfois exclusivement améliorée par Abstracts la sismothérapie, mais qu’il serait déraisonnable de désigner comme une maladie «électrodéficiente». Cette nouvelle classification conserve donc les principales distinctions déjà existantes entre causalgie et algodystrophie, depuis Bonica. La nouveauté, c’est que le concept de «SMP» n’est plus individualisé et devient ainsi une composante particulière de ces douleurs, ce qui fera le bonheur de ceux qui n’avaient jamais cru à cette notion. Ces conclusions figurent dans la seconde édition de la Classification des syndromes douloureux par l’Association Internationale pour l’Etude de la Douleur. Stanton-Hicks M., Jänig W., Hassenbusch S., Haddox J.D., Boas R., Wilson P. Reflex sympathetic dystrophy : changing concepts and taxonomy. Pain, 63 (1995)127-133. Du nouveau sur la morphine et les douleurs chroniques non malignes L’intérêt de la morphine retard en prises quotidiennes se confirme dans des douleurs chroniques non malignes, mais l’efficacité sur la douleur ne semble pas corrélée à l’amélioration de la qualité de vie. Si l’utilisation de la morphine dans les douleurs cancéreuses fait l’unanimité, les données concernant son utilisation dans les douleurs chroniques non malignes reposent sur des études essentiellement rétrospectives et restent controversées. Le risque de dépendance et de toxicomanie apparaît en revanche faible (7 cas rapportés sur 25 000 patients). Il n’était donc pas inutile de refaire le point sur un thème encore débattu. Au cours d’une étude randomisée et croisée en double insu, Moulin et coll. ont examiné les effets de l’administration orale pendant 9 semaines de Morphine retard (jusqu’à 120 mg/jour) versus benztropine (placebo «actif» mimant les effets secondaires de la morphine) chez 46 patients présentant des douleurs chroniques d’origine myofasciale, musculosquelettique ou rhumatologique, réfractaires aux antiinflammatoires et aux antidépresseurs. Les auteurs se sont particulièrement attachés à évaluer des paramètres psychologiques et de qualité de vie, ainsi que les facteurs de dépendance et de toxicomanie à la morphine. Ils constatent que l’utilisation chronique de morphine (aux doses moyennes de 83.5 mg/jour, obtenues après titration) apporte chez ces patients des bénéfices significatifs sur la douleur spontanée par rapport à la benztropine (1.7 mg) (P = 0.02), mais ne notent en revanche aucune amélioration psychologique ou de la qualité de vie. Ils n’observent pas non plus de dépendance ni de toxicomanie. L’absence d’impact psychologique de la morphine dans cette étude n’est donc pas corrélée à l’amélioration de la douleur. Ces données semblent indiquer que l’effet analgésique de la morphine dans les douleurs chroniques non malignes, de même que dans les douleurs cancéreuses, n’est pas lié à une amélioration de la composante affectivo-émotionnelle de la douleur, contrairement à ce qui avait été suggéré par Kupers et son équipe en 1992 chez des patients présentant des douleurs neuropathiques. Cette constatation a priori bien décevante (la réduction de Ia douleur ne s’accompagne pas d’un mieux-être) a néanmoins l’intérêt de nous rappeler que le traitement de toute douleur chronique ne saurait être exclusivement médicamenteux et doit nécessairement s’intégrer dans une prise en charge globale, dont le soutien psychologique constitue un élément capital. Moulin D.E., Lezzi A., Amireh R. et al. Randomised trial of oral morphine for chronic non-cancer pain. Lancet, 347 (1996) 143-147. L’humour améliore-t-il la tolérance à la douleur ? Lorsque des sujets volontaires sains regardent un film humoristique, leur tolérance à la douleur provoquée augmente, mais pas davantage que s’ils regardent un film d’horreur. La prise en charge cognitive de la douleur a fait l’objet d’un nombre impressionnant de travaux ces dernières années, et est actuellement un traitement standardisé et reconnu, permettant d’accroître la tolérance à la douleur. Plusieurs procédés ont été utilisés, reposant essentiellement sur des techniques de détournement de l’attention. L’utilisation de l’humour comme moyen de contrôle cognitif n’est pas récente, puisqu’elle était déjà mentionnée par Freund, mais peu d’études ont cherché à préciser son intérêt par rapport aux autres techniques cognitives de détournement de l’attention, dans la prise en charge d’une douleur. Pour répondre spécifiquement à cette question, les auteurs ont comparé chez 80 volontaires sains les effets sur une douleur induite expérimentalement par une stimulation thermique froide (immersion de la main dans un bain d’eau froide à 1 °C), de trois stimulations différentes visant à détourner l’attention : une seule utilisait l’humour, et consistait en la visualisation d’une comédie vidéo humoristique, les deux autres étant répulsives (film d’horreur) ou neutres (série scientifique). Enfin, un groupe ne recevait aucune stimulation. Résultats : les deux groupes recevant les stimulations humoristique et répulsive tolèrent significativement mieux que les autres la douleur au froid, comme en témoigne l’allongement significatif de leur temps d’immersion dans le bain d’eau froide (ainsi la durée d’immersion est de 40 secondes avant le film, et passe à 100 secondes environ pendant le film humoristique et à 118 secondes pendant le film répulsif). En outre, les hommes apparaissent beaucoup plus sensibles à ces stimulations que les femmes. Cependant, l’utilisation de l’humour ne présente pas d’avantage particulier par rapport à la stimulation répulsive dans cette étude, ce quimontre quel’humour n’exerce pas d’effet spécifique. Cette étude apporte des arguments expérimentaux à l’appui d’un effet bénétique de la distractibilité sur la tolérance à la douleur, à condition que la stimulation utilisée ait un véritable impact émotionnel, quel qu’il soit. Selon les auteurs, une telle étude n’exclut cependant pas que l’impact de I’humour puisse être bien supérieur dans des conditions plus naturelles qu’en laboratoire. Ainsi il a été rapporté une corrélation significative entre sens de l’humour et optimisme d’une part, et longévité ou guérison d’une maladie de l’autre. On ne sait pas si les films d’épouvante ont le même effet bénéfique... Weisenberg M., Tepper I., Schwarzwald J. - Humor as a cognitive technique for increasing pain tolerance. Pain, 63 (1995) : 207-212. 7 Du côté de l’Institut «La douleur du SIDA/HIV» L’Institut UPSA de la Douleur vient d’éditer l’ouvrage «La douleur du SIDA-VIH». Cette publication de 80 pages rassemble la version française des communications des 23 spécialistes qui ont participé au séminaire organisé à Strasbourg, en octobre 1994, par l’Association Douleur France Amérique. Préfacé par le Dr Philippe Douste-Blazy, cet ouvrage développe les aspects physiopathologiques, cliniques et thérapeutiques de la douleur du SIDA-VIH, chez l’adulte et chez l’enfant. Il contient 15 figures et tableaux et est complété par une bibliographie de 140 références. «Bourse SFD/IUD de recherche sur la douleur et l’analgésie 1996» La Société Française de la Douleur et l’Institut UPSA de la Douleur vont attribuer, comme chaque année, une bourse d’un montant de 50 000 francs afin d’encourager un jeune chercheur (âgé de moins de 40 ans) de langue française dont les travaux, cliniques ou fondamentaux, portent sur la douleur, ses mécanismes et son traitement. Les projets seront étudiés en novembre 1996 par un jury composé des membres du Bureau de la S.F.D. et d’un représentant de l’I.U.D. lls devront parvenir impérativement avant le lundi 30 septembre 1996. Les candidatures et demandes de renseignement doivent être adressées au secrétariat de la S.F.D., section française du I.A.S.P., Dr Serge Blond, Département de Neurochirurgie, hôpital B CHRU Lille, 59037 Lille Cedex (Fax : 16 20 44 65 51). ■ 13 juin 1996 , Villejuif, Centre hospita- Congrès-Symposia l i e r P a u l G u i r a u d , C o l l o q u e E . R . I . E . « D o u l e u r et psychiatrie». Tel : (1) 45 59 57 69 - Fax : (1) 46 77 20 26 ■ 14 juin l996, Montpellier, Hôpital Arnaud de Villeneuve, Journées d’urgence en réanimation pédiatrique-Thème : «La douleur». Tel : (16) 67 33 66 04 ■ 17-19 juin 1996, Paris, Action de formation de lutte contre la douleur chez l’enfant, module «Douleur en pédiatrie générale» (suivi les 18-20 novembre du module «Prise en charge de la Douleur chronique chez l’enfant»). Tel : (1) 44 73 65 19 - Fax : (1) 49 28 02 11 ■ 21-22 juin 1996 , Paris, Maison de la Recherche, E.S.O. - Expression française, Cours : «Douleur et cancer». Tel : (1) 45 22 10 18 - Fax : (1) 42 94 91 77 ■ 17-22 août l996, Vancouver, Canada, 8ème congrès mondial de la douleur, International Association for the Study of Pain. (10 - 16 août et 23 - 25 août : nombreux symposia satellites au Canada et aux USA). Tel : 19/ 1 206 547 64 09 Fax : 19/ 1 206 547 17 03 ■ 26-29 septembre 1996, Paris, Palais des congrès, Société Française d’Anesthésie Réanimation, jeudi 26 septembre 1996 : Journée «Evaluation et Traitement de la Douleur». Tel : (1) 44 88 25 25 - Fax : (1) 40 26 04 44 8 ■ 2-4 octobre 1996 , Bordeaux, Palais des congrès, Alliance, «Société et fin de vie : vécu et enjeux». Fax : (16) 56 01 06 63 ■ 2-6 octobre 1996, Istambul, Turquie, 7èmeInternational Symposium, «The Pain Clinic». Tel : 19/90 212 635 01 35 Fax : l9/ 90 212 631 05 41 ■ 11-12 octobre 1996 , Paris, CNIT, La Défense. Congrès national «Soigner à Domicile». Tel : (1) 45 66 82 69 - Fax : (1) 45 66 67 34 ■ 16-18 octobre 1996, Rabat, Maroc, E.S.O.- Expression française, Cours «Douleur et soins palliatifs en cancérologie». Tel : (1) 45 22 10 18 - Fax : (1) 42 94 91 77 ■ 18-19 octobre 1996, Paris, Palais des congrès, Neuro Actua 96, Conférences : «Céphalées de tension» «Prise en charge des doul e u r s n e u r o g è n e s » ; « A n t i-d é p r e s s e u r s d a n s le traitement de la douleur» Tel : (1) 45 22 10 18 - Fax : (1) 42 94 9l 77 ■ 2 4-2 5 o c t o b r e l 9 9 6 , P a r i s, Cité des Sciences, Réunion annuelle de la SOciéte FRancophone d’Etude de la Douleur. Tel : (16) 66 68 30 50 - Fax : (16) 66 68 38 56 ■ 26-28 octobre 1996 , Paris, Faculté de médecine Lariboisière AssociationDouleurFrance Amérique, «Prise en charge de la douleur au XXIème siècle». Tel : (1) 49 95 81 77 - Fax : (1) 49 95 69 98 ■ 14-17 novembre 1996, Washington, USA, Congrès annuel de l’American Pain Society. Tel : 19/1 847 375 47 15 - Fax : 19/1 847 375 47 77 ■ 16-21 novembre 1996, Washington, USA, Congrès annuel des Neurosciences. Tel : 19/1 202 462 66 88 ■ 2 8-3 0 n o v e m b r e l 9 9 6, P a r i s, CNIT, La Défense, XXème réunion annuelle de la Société Française de la Douleur. Tel : (l6) 20 44 65 55 - Fax : (16) 20 44 65 51 Directeur de la Publication : Dr Jacques Wrobel Responsable de la Rédaction : Dr Nadine Attal Comité de Rédaction : Pr J.M. Besson, Dr E. Boccard, Dr F. Boureau, Dr A. Cloarec, Pr A. Eschalier, Pr Y. Lazorthes, Dr J. Meynadier, Dr A. Serrie, Dr J. Wrobel Conception-réalisation : A CONSEIL Paris - Tél : (1) 42 40 23 00. N° ISSN : en cours Dépôt légal : 2ème trim. 96 Institut UPSA de la Douleur Association loi 1901 à but non lucratif B.P. 325 - 92506 Rueil-Malmaison Cedex. Téléphone : (1) 47 16 89 94 Télécopie : (1) 47 l6 89 01