Guide pratique "Agir pour le commerce équitable"

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Guide pratique "Agir pour le commerce équitable"
Guide pratique "Agir pour le commerce
équitable"
Le commerce équitable est un partenariat
commercial basé sur le dialogue, la transparence
et le respect, qui vise à plus d'équité dans le
commerce international. Le commerce équitable
contribue au développement durable en proposant
de meilleures conditions commerciales aux
producteurs marginalisés, spécialement dans le
Sud, en sécurisant leurs droits. Les acteurs du
commerce équitable, soutenus par de nombreux consommateurs, s'engagent à
appuyer activement les producteurs, à sensibiliser le public et à se mobiliser pour
des changements dans les règles et la pratique du commerce international dit “
traditionnel ”.*
Installé confortablement dans votre fauteuil, vous croquez un morceau de chocolat,
sirotez un jus de fruits et faites couler un café. En bouche, ces produits diffèrent peu
de leurs concurrents. Vous les avez sélectionnés parmi une large gamme dans le
rayon du supermarché. Attiré par un logo, un panneau, un slogan. Leur prix est à peu
de choses près comparables à l'équivalent dans la gamme.
Et pourtant. Ces produits respectent les droits de l'Homme et l'environnement. Les
petits producteurs qui les ont fabriqués peuvent, grâce à une juste rémunération,
assurer leur développement, investir, scolariser leurs enfants, adhérer à un régime
d'assurance santé...
Vous ne voyez rien des effets potentiels de votre achat. Vous avez envie de croire ce
qu'on vous raconte mais vous voulez aussi en savoir plus. Vous savez les enjeux
immenses
et
souhaitez
être
acteur
de
votre
consommation.
Les étudiants sont la frange de population la mieux renseignée sur le commerce
équitable. Mais si 90% d'entre eux déclarent en avoir déjà entendus parler, contre
une moyenne nationale de 74%, combien en connaissant les contours exacts ?
Les études et témoignages montrent que nombre d'étudiants souhaitent en faire la
promotion. Cependant combien savent quels outils sont à leur disposition et
comment les manier ?
C'est pour mieux informer les jeunes consomm'acteurs, leur donner des moyens
d'agir, de sensibiliser leur environnement et pourquoi pas entreprendre, qu'a été
conçu ce guide.
Sommaire :
-
Partie 1 – « Un commerce différent… »
-
Partie 2 – « …pour réduire les inégalités »
-
Partie 3 – « Se lancer dans le commerce équitable »
*Définition de FINE, mouvement international du commerce équitable, regroupement de quatre
organisations internationales de commerce équitable :
FLO : le système de labellisation international
IFAT : producteurs, importateurs et distributeurs
NEWS : les magasins du monde en Europe
EFTA : importateurs en Europe
I.
Un commerce différent...
La loi de l'offre et de la demande aggrave les inégalités
La main invisible ne fonctionne pas...
À en croire les premiers économistes classiques, le commerce international serait la clé d'un
développement harmonieux du monde. Chaque région aurait tendance à se spécialiser
naturellement dans les productions dont elle peut tirer le meilleur profit, ce qui lui permettrait
de faciliter son intégration dans la dynamique des échanges mondiaux.
Si tout était aussi simple, pourquoi des continents aussi riches que l'Afrique en matières
premières et en minerais seraient-ils à la remorque du développement ? En réalité, la théorie
libre-échangiste souffre de nombreuses impasses :
– D'abord il n'existe pas de concurrence parfaite. Le jeu de l'offre et la demande est faussé
par les barrières douanières et les subventions que certains pays du Nord accordent à des
secteurs particuliers, comme l'agriculture en Europe ou le coton aux Etats-Unis, tout en
interdisant aux Etats du Sud d'en faire autant ;
– Les marchés sont déséquilibrés : dans certains secteurs, de nombreux petits producteurs
isolés se trouvent face à quelques intermédiaires puissants qui imposent facilement leur prix
d'achat. Les revenus des petits producteurs ne leur permettent même pas de nourrir leur
famille. Sans parler des troubles politiques (dictatures, coups d'Etats...) ou des drames
climatiques qui provoquent souvent un exode rural massif ;
– Les institutions financières internationales n'aident pas les pays du Sud. Le FMI et la
Banque Mondiale imposent des “ plans d'ajustement structurels ” qui constituent autant de
freins à des investissements publics déjà trop faibles, ce qui ne favorise pas leur
développement et leur insertion dans les échanges mondiaux. Ainsi, malgré la création
d'organismes de régulation internationale aux lendemains de la Deuxième Guerre Mondiale,
la règle numéro un du commerce mondial reste la loi du plus fort, que ce soit au niveau des
instances inter-étatiques ou entre les opérateurs d'un même marché.
La pauvreté s'accroît
En 2005, selon les chiffres du Programme des Nations Unies pour le Développement
(PNUD), les 20% les plus riches de la planète détiennent plus de 75% du revenu mondial,
tandis que les 20% les plus pauvres en détiennent à peine 1,5%.
Le terme fair trade, qui a donné en français “ commerce équitable ” circulait dès 1947, au
moment des accords du GATT (General Agreement on Tarifs and Trade, devenu l'Organisation Mondiale du Commerce en 1995).
Et dès 1948, la Déclaration universelle des Droits de l'Homme proclamait que “ quiconque
travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu'à sa famille
une existence conforme à la dignité humaine ” (article 23, alinéa 3).
Les cultivateurs de petites parcelles dans les régions reculées, notamment de montagne,
des pays en développement vivent la situation la plus critique.
Dans le secteur du café par exemple, environ 70% de la production mondiale est réalisée
par des producteurs possédant moins de 10 hectares de surface cultivable. En face, la
demande se concentre sur dix torréfacteurs, les quatre plus grands étant Kraft Foods (EtatsUnis), Nestlé (Suisse), Procter & Gamble (Etats-Unis) et Sara Lee (Etats-Unis / Pays-Bas).
De nombreux témoignages ont révélé une asymétrie poussée à l'extrême : face à un
intermédiaire spéculateur, qui est à la fois le seul acheteur, le seul marchand d'engrais,
semences et de pesticides, et le seul fournisseur d'informations économiques, les paysans
sont amenés à vendre leur récolte à un prix qui ne couvre même pas leurs coûts de
production.
De plus, le cours du café, fixé à la bourse de New York, connaît de fortes fluctuations : à 188
cents US la livre en 1971-1973, il est passe à 66 cents la livre en 1991-1993, et à 39,2 cents
la livre en 2001. En 2006, le cours moyen s'élève à 95,75 cents US la livre.
La dérégulation du marché du café en 1989, la spéculation sur cette matière première et la
fragilité des nombreux producteurs isolés ont conduit l'association Max Havelaar, depuis sa
création aux Pays-Bas en 1988, à se concentrer prioritairement sur ce secteur.
Cultivé par 5 millions de paysans dans le monde, le café fait vivre 25 millions de personnes
dans le monde. Le café est le deuxième marché mondial de matières premières en valeur,
après celui du pétrole. Pour certains pays en développement, comme le Burundi ou
l'Ouganda, le café constitue la principale source de devises.
Depuis, le café demeure le produit-phare du commerce équitable, y compris en France où il
représente aujourd'hui près de 59% des ventes de produits alimentaires équitables. D'autres
produits font vivre des millions de producteurs dans les pays pauvres et ont connu une chute
vertigineuse de leurs cours sur les marchés mondiaux : le thé, le cacao, la banane ou le
coton, tous vendus par les opérateurs du commerce équitable.
Le pari du commerce équitable
Le commerce équitable cherche à agir tant au niveau micro que macro-économique. Sur le
plan micro-économique, il vise à fournir un revenu digne à des producteurs et à leur
permettre de monter dans le train du développement.
Mais au-delà, le commerce équitable se veut un moyen d'instaurer à moyen terme un
nouveau mode de relations commerciales plus juste, moins inégalitaire.
Pour permettre au prix final de rester modéré malgré une meilleure rémunération du
producteur, le commerce équitable essaie de limiter le nombre d'intermédiaires en instaurant
une chaîne la plus directe possible entre le producteur et le consommateur. Dans certains
cas, l'absence de budgets marketing et publicité, ainsi que des marges plus réduites
permettent aussi de contenir le prix final.
Dans le même temps, une pression constante exercée sur les instances de régulation
internationale en faveur d'une meilleure prise en compte des pays défavorisés permet, par àcoups, des rééquilibrages.
Par exemple, la campagne d'opinion menée par l'ONG Oxfam a certainement joué un rôle
dans la condamnation prononcée par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) à
l'encontre des Etats-Unis pour soutien illégal aux producteurs de coton et dumping. Le Brésil
et d'autres pays en développement avaient en effet porté plainte contre la première
puissance mondiale en septembre 2002, plaidant que ces subventions privaient d'accès aux
marchés mondiaux des milliers de producteurs de coton en Afrique et Amérique latine. Le
gouvernement américain ne se soucie guère que ses subventions soient jugées illégales par
l'OMC, mais qui sait, peut-être un jour cèdera-t-il à cette pression, ce qui ouvrira alors de
nouveaux débouchés pour les producteurs du Sud.
On le voit, le mouvement du commerce équitable ne vise pas l'abolition du système
capitaliste mais plutôt sa transformation de l'intérieur.
À l'origine : des humanistes chrétiens et des tiers-mondistes
“ Leur apprendre à pêcher plutôt que leur apporter du poisson ”. C'est souvent par cette
expression que les tenants de l'approche chrétienne et humaniste du commerce équitable
vous résumeront leur philosophie. Une démarche à rebours des élans caritatifs qui ont
parfois caractérisé les mouvements de solidarité internationale.
En fait, le commerce équitable puise ses racines à la fois dans les mouvements religieux
humanistes catholiques et protestants et dans le mouvement tiers-mondiste des années 60.
On en retrouve une trace dans l'engagement du Comité catholique contre la faim et pour le
développement (CCFD) en faveur du commerce équitable.
Il connaît un début de reconnaissance internationale à la conférence de la Cnuced
(Conférence des Nations Unies pour la Coopération et le Développement) de 1964 où le
principe trade, not aid est proclamé (“ le commerce, pas la charité ”).
Dix ans plus tard ouvre la première boutique Artisans du Monde à Paris, sur une idée de
l'abbé Pierre, inspiré d'autres “ magasins du monde ” ouverts au Royaume-Uni et aux Pays-
Bas (notamment par l'ONG Oxfam). Tenues par des bénévoles, ces boutiques proposent
des produits directement importés du Sud.
Ce “ commerce alternatif ” n'a cessé de croître tout en restant confiné à un cercle de
convaincus.
En 1988, l'association Max Havelaar se crée aux Pays-Bas, basée sur l'idée de payer à un
prix juste les matières premières achetées. Grâce à un signe distinctif sur l'emballage, les
produits sortent peu à peu du cercle militant pour pénétrer la distribution classique.
En France, après une mobilisation militante en 2000, les produits équitables sont introduits
dans les grandes surfaces.
Peu à peu, industriels et politiques de tous bords s'approprient les principes du
développement durable qui est aujourd'hui devenu incontournable.
La légitimité du commerce équitable redouble avec l'affirmation du principe de
développement durable depuis la fin des années 80. Défini comme “un développement qui
répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des futures à
répondre à leurs propres besoins”, il englobe les principes du commerce équitable.
(Rapport Brundtland, 1987)
Aujourd'hui, deux systèmes parallèles co-existent depuis :
- Les produits labellisés « commerce équitable » qui peuvent être vendus à la fois en grande
surface et en boutiques spécialisées. Dans cette filière, les producteurs, importateurs,
transformateurs et détenteurs de licence sont régulièrement contrôlés par les inspecteurs de
FLO-Cert, organisme de certification faisant partie du réseau FLO International (représenté
par Max Havelaar en France);
- Les boutiques « alternatives » qui vendent aussi bien des produits labellisés que des
produits dont le caractère équitable est garanti par un contrôle direct de la chaîne, du
producteur au distributeur. Cette mouvance, où l'on retrouve les « magasins du monde »
considère que la distribution du produit doit elle aussi se conformer à des critères d'équité
auxquelles les grandes surfaces ne répondent pas.
Quelques définitions
Commerce éthique
C'est en distinguant bien chaque terme, et ce qu'il implique, que le consommateur pourra
clairement se situer dans un univers où “ l'éthique ” et le “ développement durable ” sont
devenus politiquement corrects. De plus en plus, les entreprises se dotent de codes de
conduite, dont l'application est vérifiée par des auditeurs plus ou moins indépendants. Pour
s'y retrouver, les normes internationalement reconnues peuvent servir de référence.
Parmi les groupes de pression qui ont travaillé à une prise de conscience des conditions de
fabrication des produits consommés, on peut citer le collectif “ De l'éthique sur l'étiquette ”
(www.ethique-sur-etiquette.org), créé en 1995 dans la mouvance d'Artisans du Monde et
membre du réseau international Clean clothes campaign (www.cleanclothes.org). Les
nombreuses campagnes, pétitions, baromètres, codes de conduite élaborés par le collectif
français ont probablement exercé une certaine pression sur des entreprises pour qu'elles «
tracent » leurs produits et rendent compte des conditions sociales de leur fabrication.
La norme internationale “ SA 8000 ”, élaborée en 1997 par un organisme de certification
américain, assure que les entreprises respectent les grands textes de référence que sont la
Déclaration universelle des Droits de l'Homme, les conventions du Bureau international du
travail et la convention de l'ONU sur les droits de l'enfant. Elle certifie que les centres de
production sont en conformité avec certains critères sociaux et environnementaux.
Commerce éthique et équitable ont en commun la volonté d'améliorer les conditions de vie
des travailleurs mais diffèrent au niveau de leurs cibles et de leurs méthodes : le commerce
éthique cherche à ce que les aspects sociaux et environnementaux ne soient pas oubliés
dans la production de richesse ; le commerce équitable vise en plus à transformer les termes
de l'échange international.
Agriculture biologique
Les consommateurs ont aussi tendance à confondre le bio et l'équitable. La confusion
s'explique en partie par le fait que de nombreux produits présents en grande surface sont
doublement labellisés, équitable et biologique. Mais les deux certifications ne portent pas du
tout sur les mêmes critères : le biologique ne concerne que l'environnement, pas la qualité
sociale d'un produit ni son prix d'achat au producteur.
Le très contrôlé label “ Agriculture Biologique ” garantit que l'aliment est issu d'un mode de
production associant emploi d'engrais verts, lutte naturelle contre les parasites et utilisation
strictement limitée de produits de fertilisation, de traitement, de stockage et de conservation ;
ou encore que l'aliment est composé à plus de 95% d'ingrédients issus du mode de
production biologique.
Le commerce équitable encourage quant à lui l'utilisation raisonnable des ressources
naturelles et l'abandon des pesticides. Si tous les producteurs participant au commerce
équitable n'ont pas les moyens de se faire certifier “ biologique ”, beaucoup en respectent
pourtant la plupart des grandes lignes.
Ainsi, le commerce équitable contribue concrètement à un développement durable, à un
moment où ce terme est devenu si consensuel que le gouvernement français s'est doté d'un
ministère “ de l'Ecologie et du Développement Durable ” et d'un Secrétariat d'état au
Développement Durable.
La loi NRE (sur les nouvelles régulations économiques) oblige même depuis 2001 les
entreprises françaises cotées en Bourse à mentionner dans leur rapport annuel “ la manière
dont la société prend en considération les conséquences sociales et environnementales de
son activité ” (article 116).
Systèmes de garantie
Tout d'abord, soulignons qu'il n'existe pas de label officiel et unique du commerce équitable
puisque tous les référentiels sont privés et qu'en l'absence de norme publique, ils se font
actuellement concurrence.
Au niveau international, il n'existe qu'un logo du commerce équitable, celui de FLO
International (Fairtrade Labelling Organisations), issu du regroupement de trois systèmes de
certification, Max Havelaar, Transfair et Fairtrade. Ce logo est partagé par 19 associations
nationales, dont le représentant en France est Max Havelaar France.
En France, seule la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes (DGCCRF) agrée ou pas un label. Selon ce service du Ministère de
l'économie, un label comporte un cahier des charges, un organisme certificateur, un certificat
de conformité et un arrêté des pouvoirs publics l'homologuant. Max Havelaar France a
entamé les démarches pour répondre à ces critères.
Mais la jurisprudence permet l'utilisation du terme « label » sous trois conditions :
détermination collective des caractéristiques par une structure de type professionnelle,
contrôle par un organisme certificateur, ne pas se présenter comme un label de qualité.
Ainsi, l'expression « label(lisé) Max Havelaar » fait l'objet d'une utilisation courante.
Au niveau international, l'association FLO, qui définit les standards et appuie les producteurs,
a créé une société indépendante dédiée à la certification des producteurs : FLO Cert.
Lorsque cette société sera accréditée par la norme ISO 65, elle sera reconnue comme
organisme certificateur, ce qui fera taire une partie des critiques à l'égard de la légitimité de
Max Havelaar.
Sur le terrain, FLO-Cert mandate déjà des inspecteurs pour effectuer les contrôles des
producteurs, des exportateurs, des importateurs et des industriels concessionnaires du label.
Tous les producteurs sont audités au moins une fois par an, parfois par surprise. S'ils ne
satisfont pas aux critères, des pistes de progression sont envisagées et s'ils ne les ont pas
suivies lors du contrôle suivant, ils peuvent se voir retirer le label.
On peut également présenter le label “ Bio Equitable ” qui a été créé en 2002 par un groupe
d'entreprises du secteur biologique dont les produits sont présents en grande surface
(www.bioequitable.com). Il est délivré par Ecocert, organisme certificateur agréé, attribuant
également le label Agriculture Biologique (AB). Il examine les aspects à la fois sociaux et
environnementaux des filières (Agriculture Biologique et commerce équitable). L'attribution
du label “ Bio Equitable ” est soumise au respect simultané du référentiel Bio Equitable et
d'un référentiel agréé d'agriculture biologique reconnu internationalement (Codex
Alimentarius, Règlement de l'Union Européenne, USDA aux Etats-Unis, JAS/Japon...).
Enfin, STEP, label d'origine suisse, est administré en France par l'association Yamana
(membre de la PFCE) pour la filière tapis d'orient. Yamana applique la démarche “ MVD ”
(Monitoring Vérification Déve-loppement) fondée sur une co-responsabilité des acteurs du
développement. Une extension de cette méthode à d'autres filières, comme le textile, est en
cours.
Le système de labellisation FLO
Contrairement à ce que pensent beaucoup de consommateurs, Max Havelaar n'est pas une
marque mais une association à but non lucratif qui délivre un label aux produits répondant
aux standards internationaux du commerce équitable.
L'association Max Havelaar France (MHF), apparue en France en 1992, est financée par des
subventions du Ministère des Affaires étrangères et du Centre pour le Développement de
l'Entreprise, et par les redevances versées par les détenteurs de licence.
Il existe des équivalents de l'association MHF dans 19 autres pays : certains portent le
même nom, mais pas tous (par exemple Transfair aux USA). Ces 20 associations sont
membres de FLO, et appliquent les “ standards ” définis par l'organisation internationale, à
savoir un ensemble d'exigences auxquelles les producteurs, importateurs et exportateurs
doivent se conformer pour qu'un produit soit en mesure de décrocher le label.
FLO a ainsi défini :
– des standards “ génériques ” s'appliquant aux organisations employant une main d'œuvre
salariée d'une part, et aux petits producteurs de l'autre ;
– des standards “ spécifiques ”, produit par produit, qui énoncent les critères économiques,
sociaux et environnementaux auxquels les organisations devront se conformer : du prix
d'achat au producteur à la relation commerciale en passant par la liste des pesticides
Interdits, tout est précisé.
Ces standards existent pour de plus en plus de produits, essentiellement alimentaires :
banane, cacao, café, fruit séché (ananas, banane, abricot, pomme, mangue, datte, raisin),
fruits et légumes frais (avocat, citron, mandarine, orange, ananas, raisin, noix de coco,
mangue, etc.), jus de fruits (pomme, pamplemousse, goyave, citron, mangue, etc.), herbes
et épices (vanille, poivre, gingembre, noix de muscade, cannelle, etc.), miel, noix et graines
oléagineuses (noix d'arachide, noix de cajou, graine de sésame, beurre de karité), quinoa,
riz, sucre de canne, thé, raisin (vin), ainsi que le coton.
À chaque fois sont décrites d'une part des exigences minimales et d'autre part des critères
de progrès.
Le système FLO s'est doté de trois missions, réparties comme suit :
– le contrôle de la conformité aux standards : est exercé par FLO Cert, la société créée par
FLO. Il s'agit d'auditer les producteurs, les importateurs, et les concessionnaires du label en
France ;
– l'appui aux producteurs : est la mission de l'ONG FLO International, dotée de bureaux
régionaux. Cette mission consiste à aider au renforcement des organisations de producteurs
au Sud, à développer de nouvelles filières, et à répondre aux besoins des producteurs en
matière de gestion, commercialisation, qualité... Pour sa part, MHF développe les débouchés
pour les produits en France ;
– les campagnes d'information et de sensibilisation dans les pays de consommation : sont
assurées par les associations nationales.
La légitimité de FLO tient à son histoire et à la représentation au sein de ses instances des
producteurs (un million de familles, 586 organisations, coopératives ou plantations, élisent 4
représentants), des acteurs économiques (entreprises, importateurs, transformateurs élisent
2 représentants) et des structures nationales (les 20 initiatives comme Max Havelaar
France). FLO est elle-même membre du mouvement international FINE (voir page
1, Fairtrade).
Le système alternatif
En dehors du système labellisé, incarné principalement par FLO et ses déclinaisons
nationales, existe le système dit alternatif : des importateurs ont développé leur propre filière
de produits, pour lesquels aucun standard n'a été défini. La réduction maximale du nombre
d'intermédiaires dans ce système de filière intégrée permet de maîtriser le circuit et de
s'assurer du respect des critères. Ici, la garantie du caractère équitable du produit tient à
l'appartenance de l'organisation qui le commercialise à l'une des organisations mondiales du
commerce équitable (FLO, IFAT, FINE ou NEWS).
Plusieurs modes de distribution existent : les centrales d'achat qui importent et distribuent en
gros, et d'autres acteurs qui importent et distribuent dans des boutiques de vente au détail
ou par correspondance. Les boutiques peuvent vendre à la fois des produits labellisés et des
produits issus directement de leur filière d'importation ou d'une centrale d'importation
spécialisée.
Onze centrales d'importation dans neuf pays européens (dont Solidar'Monde en France)
sont réunies au sein de l'European Fair Trade Association (EFTA : www.european-fair-tradeassociation.org), qui totalise plus de 50% des produits non labellisés du commerce équitable
importés en Europe.
Le réseau européen des magasins du monde, Network of European Worldshops (NEWS
!,www.worldshops.org), fédère 15 associations nationales de magasins du monde, dans 13
pays. Ainsi, le réseau représente 2500 boutiques spécialisées, comme Artisans du Monde
par exemple. Le réseau est présent en : Autriche, Belgique, Danemark, Finlande, France,
Allemagne, Italie, Pays-Bas, Portugal, Espagne, Suède, Suisse et Royaume-Uni.
Au-delà, producteurs du Sud et organisations de commerce équitable du Nord (importateurs,
distributeurs...) sont réunis dans une fédération internationale, l'IFAT, l'Inter-national
Federation for Alternative Trade dont sont membres en France Artisans du Monde, ArtisanatSEL, Alter Eco et Solidar'Monde. Créée en 1989, l'IFAT est dotée d'une charte comparable à
celle de la Plate-forme française et joue aussi un rôle de lobby auprès des instances
internationales. Elle regroupe 150 membres dans 45 pays, au Nord comme au Sud.
Les producteurs du Sud et les organisations de commerce équitable du Nord (importateurs,
distributeurs...) sont réunis dans une fédération internationale, l'IFAT (International
Federation for Alternative Trade, www.ifat.org) dont sont membres en France Alter Eco,
Artisanat-SEL, Boutic Ethic, Fédération Artisans du Monde, Plate-forme pour le Commerce
Equitable et Solidar'Monde. Créée en 1989, l'IFAT joue aussi un rôle de lobby auprès des
instances internationales. Elle regroupe plus de 300 organisations de commerce équitable
dans 70 pays. Environ 65% des membres sont basés dans des pays du Sud (Asie, Moyen
Orient, Afrique, Amérique du Sud).
Au niveau de la certification des structures, l'IFAT a lancé en 2004 la marque FTO (Fair
Trade Organisation), qui permet aux consommateurs de savoir que l'organisation fait partie
du réseau des acteurs du commerce équitable. Elle est attribuée aux membres de l'IFAT qui
répondent aux standards du réseau. La conformité est vérifiée par autoévaluation, évaluation
croisée (par les pairs) et ensuite par évaluation externe. Mais la marque FTO n'est pas un
label pour produits (donc non visible sur les produits).
Enfin, l'association Yamana est porteuse du programme “ Fibre Citoyenne ” dans le secteur
du textile - habillement. Les objectifs du programme sont d'encourager les entreprises du
secteur textile - habillement à engager une démarche de progrès vers un développement
durable, et à permettre aux entreprises de répondre aux exigences des donneurs d'ordre,
des consommateurs et des marchés publics. Cette démarche s'adresse à l'ensemble des
sites concernés par l'élaboration des produits.
La Plate-forme Française pour le Commerce Equitable (PFCE)
Depuis 1997, la Plate-Forme pour le Commerce Equitable est l'organisme français de
représentation des acteurs du secteur. Sa charte, dont le respect est obligatoire pour
l'adhésion, fixe le cadre consensuel dans lequel s'inscrivent les acteurs principaux, à défaut
de l'existence d'une norme.
La PFCE compte aujourd'hui 33 membres acteurs et 4 membres sympathisants
représentatifs des différents types de structures existantes : importateurs, importateursdétaillants, boutiques spécialisées, associations de promotion, associations de labellisation,
structures de solidarité et associations de tourisme équitable.
Représentant les acteurs français auprès des pouvoirs publics, la Plate-Forme est un pôle
de concertation et de recherche, qui travaille à la défense et à la promotion du commerce
équitable, notamment par la coordination de la Quinzaine du commerce équitable.
Réflexion sur une norme
En 2001, les pouvoirs publics ont mis en place un groupe de travail pour réfléchir à la
faisabilité d'une “ norme expérimentale ” définissant les critères du commerce équitable. Les
travaux sont conduits sous l'égide de l'Agence française de normalisation (Afnor) et de la
Délégation à l'innovation sociale et à l'économie solidaire (DIES). Y participent la Plateforme, certains de ses membres, y compris des stagiaires comme l'association étudiante
Equi-Terre,
des
importateurs,
distributeurs,
d'autres
réseaux
professionnels
comme Minga ou
la
Plate-forme
bretonne
du
commerce
équitable, les pouvoirs publics, la grande distribution et des organisations de
consommateurs.
Dès le début des discussions, de profonds désaccords sont apparus entre ceux qui ont
intérêt à une norme « a minima », moins contraignante et moins chère, et les acteurs
historiques et principaux du commerce équitable qui défendent la mise en place de critères
plus exigeants, tels qu'ils sont définis et appliqués par le mouvement international FINE. A la
recherche d'un improbable consensus, l'Afnor a réorienté les débats en juillet 2004 vers
l'idée d'un fascicule de documentation.
En janvier 2006, un document définissant « les trois principes du commerce équitable » et «
les critères applicables à la démarche de commerce équitable » a été finalisé. Mais il n'est
qu'informatif et n'a pas le caractère prescriptif d'une norme.
La loi du 2 août 2005 en faveur des Petites et Moyennes Entreprises (loi n°2005-882 ; article
60) précise que « au sein des activités du commerce, de l'artisanat et des services, le
commerce équitable organise des échanges de biens et de services entre des pays
développés et des producteurs désavantagés situés dans des pays en développement. Ce
commerce vise à l'établissement de relations durables ayant pour effet d'assurer le progrès
économique et social de ces producteurs ».
Elle précise également que « les personnes physiques ou morales qui veillent au respect
des conditions définies ci-dessus sont reconnues par une commission ». Cette Commission
Nationale du Commerce Equitable (CNCE) devrait voir le jour par décret d'application.
Les critères du commerce équitable
Les critères de la PFCE
En France, la charte de la Plate-forme pour le commerce équitable, alignée sur les standards
du mouvement international du commerce équitable, est la référence.
Les signataires de la charte s'engagent à :
– Travailler d'abord avec les producteurs parmi les plus défavorisés, dans une optique de
développement durable
– Refuser systématiquement une quelconque forme d'esclavage ou de travail forcé, y
compris l'exploitation des enfants
– Contractualiser, entre les différents partenaires, des garanties portant sur :
– Le prix du produit qui permet une juste rémunération des acteurs économiques
– La qualité des produits
– Le versement d'un acompte, lorsque les organisations de producteurs n'ont pas le fonds de
roulement nécessaire pour acheter la matière première
– Le délai de livraison
– Privilégier des relations commerciales durables avec les producteurs
– Assurer la transparence dans le fonctionnement des différents partenaires (information
réciproque à chaque étape sur les conditions de travail, les salaires, la durée des relations,
les processus de production et de distribution, le prix, les marges...)
– Accepter le contrôle sur le respect de ces principes
Sont ensuite définis des critères de progrès puisque le commerce équitable est une
démarche. Par exemple favoriser les organisations participatives et démocratiques, éliminer
le travail des enfants, valoriser les potentiels locaux traditionnels, encourager les producteurs
à l'économie et au respect de l'environnement...
Ces derniers points font l'objet d'une application plus souple, car il ne s'agit pas d'adopter
une position dogmatique qui excluerait un maximum de nouveaux entrants. Faire du
commerce avec des populations défavorisées de cultures lointaines nécessite une capacité
d'adaptation. Par exemple, sur la question du travail des enfants : ce qui serait qualifié en
France d'exploitation des enfants est dans d'autres cultures un travail familial, une forme
d'apprentissage précoce d'un métier. Il ne s'agit pas de renoncer à travailler avec une
organisation de producteurs fonctionnant selon ces principes, mais de rendre possible, en
amont, la scolarisation d'un maximum d'enfants.
D'autres critères possibles
Alter Eco a développé, avec PriceWaterhouseCoopers, une méthode d'audit intitulée FTA
200. Elle vise à évaluer l'état d'avancement d'un centre de production par rapport aux
critères du commerce équitable. Sous la forme d'un questionnaire de 200 points, il quantifie
la valeur ajoutée, économique, sociale et environnementale, de chaque organisation pour
leur permettre d'atteindre les standards. Une présentation plus complète est disponible
sur www.altereco.com.
Un acteur du commerce équitable peut en effet développé sa propre charte. Elle définit les
principes que cet acteur a décidé de suivre.
II. ...pour réduire les inégalités
Un succès réel au Nord ...
A ce jour, le commerce équitable représenterait 0,1% du commerce européen et 0,01% du
commerce mondial.
L'arrivée en France en 2000 de produits labellisés Max Havelaar dans la grande distribution
a
dopé
les
ventes
de
produits
issus
du
commerce
équitable.
En cinq ans, la notoriété du commerce équitable a connu un essor important : moins de 10%
des Français en avaient entendu parler en 2000, ils sont 74% en 2005. Cette notoriété est la
plus élevée chez les plus diplômés, c'est-à-dire bac+3 et plus (95% connaissent le
commerce équitable), chez les personnes de profession supérieure (92%) et auprès des 2534 ans (82%).
Certains importateurs, comme Tristan Lecomte, dont la jeune société Alter Eco s'est
spécialisée dans l'alimentaire labellisé, ont fait l'analyse suivante : pour avoir un maximum
d'impact au Sud, il faut vendre des masses plus importantes au Nord, ce qui permet dans le
même temps de limiter le surcoût pour le consommateur. Alter Eco juge réaliste que d'ici
moins de dix ans certains produits équitables représentent 5 à 10% des parts de leur marché
respectif, chiffre presque atteint dans des pays en avance sur la France comme la Suisse,
les Pays-Bas ou le Luxembourg.
Les perspectives de progression sont en effet gigantesques, si l'on considère les parts de
marché atteintes chez nos voisins européens. Par exemple en Suisse en 2004, 47% des
bananes, 28% des fleurs et 9% du sucre vendus sont des produits du commerce équitable.
Au Royaume Uni, 5% du thé, 5,5% des bananes et 20% du café moulu vendus sont
équitables.
En Suisse en 2005, les dépenses par an et par habitant en achat de produits équitables
s'élèvent à 18 euros, contre 1,20 euros par an et par Français. En considérant cette
comparaison, il est possible d'envisager une croissance des ventes françaises de produits
respectant les principes du commerce équitable.
... au bénéfice des producteurs du Sud
Selon FLO International, environ un million de producteurs dans le monde, soit plus de cinq
millions de personnes au total, bénéficient du commerce équitable (Afrique, Asie, Amérique
latine). Les consommateurs de 21 pays du Nord participent à l'aventure, qui bénéficie à 52
pays du Sud.
Les témoignages des producteurs sont le meilleur moyen de saisir l'impact qu'a déjà eu le
commerce équitable et d'imaginer tout ce qui peut encore être réalisé dans la perspective
d'un accroissement des ventes.
Pascal Hennequin et Sandra Blondel, lauréats en 2003 du Défi Jeunes pour leur projet “
Fokus, Visages du commerce équitable ”, sont partis tourner un documentaire intitulé “ 0,01 ”
auprès des producteurs impliqués dans le commerce équitable. À Madagascar, au Pérou, en
Inde et au Sri Lanka, ils ont filmé la vie quotidienne des coopératives et montré l'impact local
du commerce équitable. A la suite de ce Défi Jeunes, ils ont fondé l'association Fokus 21.
Davantage d'information sur le Défi sont disponible sur www.enviedagir.fr.
“Solidaroad" est le carnet de voyage de “ JP ”, parti entre mai 2002 et mai 2003 à la
rencontre d'une vingtaine d'organisations, ONG, associations, ateliers de production
informels, et projets de développement communautaires en Amérique latine, Asie du Sudest, Népal, Nord de l'Inde. Ce site diffuse reportages, photos, interviews des acteurs du
commerce équitable au Sud, qui rendent compte de la diversité des situations. On entre
dans la vie des travailleurs des plantations de thé à Darjeeling (Inde) ou des ateliers
d'artisanat au Vietnam, on accompagne la réflexion de l'auteur sur les avancées déjà
permises et les problèmes encore à résoudre.
“ Mano a Mano ” retrace un voyage autour du monde à la rencontre des acteurs du
commerce équitable. L'idée des porteurs du projet était de “ mettre un visage sur des
produits ” préalablement sélectionnés chez des acteurs du commerce équitable. Le “ trait
d'union entre le consomm'acteur du Nord et l'artisan du bout du monde ” qu'ils ont souhaité
dessiner fonctionne à plein et de manière amusante : on clique sur un détail du produit et on
fait connaissance avec son fabricant, sa vie quotidienne et celle de sa communauté.
Objectif Développement Durable présente un voyage d'un an en Amérique effectué en
2004/2005 par des étudiants de l'Ecole Centrale de Paris. Ils sont partis à la rencontre de
producteurs agricoles et d'artisans d'Amérique Latine, ainsi que d'entreprises et associations
engagées dans le commerce équitable en Amérique du Nord. Ils ont également réalisé des
audits pour quelques acteurs français de commerce équitable. Leur projet pour l'année 2005
a porté sur le tourisme responsable. La complémentarité micro crédit / commerce équitable a
été traitée en 2006.
Ces quatre projets sont particulièrement intéressants car ils permettent de mieux
comprendre les impacts du commerce équitable sur la vie des producteurs. On découvre
souvent de manière poignante comment les événements politiques ou climatiques d'un pays
peuvent ruiner une famille, on assiste au réveil de populations qui s'approprient leurs
moyens de production en créant une coopérative. On apprend aussi que le commerce
équitable n'a pas pour but de rendre ces producteurs riches mais de leur permettre
simplement de répondre à des besoins élémentaires, parmi lesquels l'accès à l'éducation et
à la santé, la capacité d'investir dans des moyens de production. Les femmes peu à peu
apprennent à reprendre la parole, les enfants accèdent à des bourses d'études, des routes
peuvent être construites, des pesticides éliminés...
La diversité du commerce équitable
Le commerce équitable concerne de plus en plus de secteurs : loin de se limiter à
l'alimentaire ou à l'artisanat comme à ses débuts, son développement s'effectue aussi dans
le textile ou le voyage.
Cette tendance croise en partie le regain d'engouement pour l'authenticité et l'ailleurs, via les
produits du terroir et la consommation bio : le consomm'acteur contemporain aime connaître
l'origine de ce qu'il mange ou porte, s'intéresse à l'histoire et aux conditions de vie de ceux
qui ont façonné ces produits.
L'alimentaire
Actuellement, la partie alimentaire du commerce équitable est en pleine diversification :
d'après l'étude consommateurs réalisée en 2004 par Alter Eco, 86% des personnes
interrogées citent spontanément le café comme produit du commerce équitable, mais 35%
citent aussi le chocolat en tablette, 34,6% le riz et 32,1% le thé. Le café labellisé Max
Havelaar reste encore loin devant au niveau de la consommation. Cependant, depuis peu,
l'offre de thé est plus variée avec 437 références contre 323 pour le café.
On trouve aussi des produits dérivés portant le label Max Havelaar, comme les bonbons
préparés avec plus de 50% de sucre de canne équitable (la règle est qu'un produit qui
contient plus de 50% de matière sèche labellisée peut à son tour obtenir le label), les
confitures, les jus de fruits...
Alter Eco propose en grande distribution (Monoprix et Cora), en plus des produits labellisés,
des produits issus de coopératives soumises à l'audit FTA 200 comme l'huile d'olive de
Palestine, les cœurs de palmiers du Brésil, le quinoa, le riz Basmati, la canelle ou le poivre.
Les magasins Biocoop (membre sympathisant de la PFCE), réseau de spécialistes du bio,
partisans d'un “ commerce plus équitable au Sud comme au Nord ”, se sont mis à vendre
également des produits équitables (labellisés), dans l'idée de “ veiller à renforcer les liens
entre producteurs et consommateurs au-delà des frontières ”.
Enfin, des produits non labellisés sont aussi vendus par des importateurs directs de la filière
alternative comme la coopérative Andines qui propose en ligne ou en boutique spécialisée,
confitures, fruits et légumes secs, huiles et vinaigres, infusions, gâteaux secs, compléments
alimentaires... et même de la bière au quinoa ! Pour chaque produit, une fiche complète
détaille comment les critères du commerce équitable sont respectés sur tous les plans
(économique, social, environnemental). De son côté, Solidar'Monde a dans son catalogue
une centaine de produits alimentaires, certains labellisés, d'autres non tels des mueslis, des
petits gâteaux secs, des confitures, de la semoule, des pâtes, des sauces ou des
condiments.
Le textile
Le textile est un secteur très sensible en terme d'image. Il est souvent associé aux
délocalisations de sites de production vers des pays où la main d'œuvre est meilleure
marché.
Au niveau de la matière première, le coton est l'une des cultures les plus polluantes de la
planète. Il concentre 10% des pesticides et 28% des insecticides utilisés dans le monde. Le
nombre de morts liés à la culture du coton est estimé entre 20.000 et 40.000 par an. La très
grande majorité de ces décès surviennent dans les pays en développement. Il faut
également y ajouter les pollutions des sols et des eaux, et les répercussions sur la santé des
cultivateurs.
Le choix de Max Havelaar de créer une filière coton équitable ne doit donc rien au hasard : le
coton fait vivre 10 millions de personnes en Afrique de l'Ouest. Son cours mondial s'est
effondré, passant de 158 cents US la livre en 1971-1973 à 38,7 cents US la livre en 2002.
Les producteurs des pays du Sud sont souvent contraints de vendre en dessous du coût de
production.
De grandes marques du circuit classique (Armor Lux, Kindy, La Redoute, Celio, etc), attirées
par la forte demande pour des produits chargés de sens, commercialisent des vêtements
fabriqués avec du coton équitable labellisé Max Havelaar. Le prix final n'est pas excessif
dans la mesure où la matière première ne compte que pour 15 à 20% du coût d'un vêtement
et des économies sont réalisées à d'autres stades de la filière. Le label “ coton équitable ” ne
concerne que la plante, pas sa transformation, autrement dit le logo apposé ne signifie pas “
vêtement équitable ” mais “ vêtement à partir de coton équitable ”.
L'arrivée du commerce équitable dans le textile ne date pas de la labellisation du coton. Mais
jusque là, les vêtements vendus dans les boutiques de commerce équitable se
démarquaient par leur style plutôt traditionnel, voire folklorique, dont la conception et la
confection dans des coopératives du Sud se décelait quasiment au premier regard.
La nouvelle génération d'entrepreneurs du commerce équitable, au contraire, a travaillé à
une rencontre de styles, pour s'adapter aux goûts du consommateur du Nord et toucher un
public plus large. La Plate-forme compte à la fois des importateurs classiques de vêtements
dessinés au Sud, comme Azimuts - Artisans du Népal, Artisanat SEL, Echoppe-Artisans du
Soleil, Solidar'Monde, et des représentants de cette nouvelle génération tels qu'Ethos ou
encore Ideo.
L'artisanat
L'artisanat est aussi présent depuis l'origine dans le commerce équitable. L'association
américaineTen Thousand Villages (membre de l'IFAT) suivie par d'autres magasins du
monde avait ouvert la voie dès les années 50. La sélection d'articles reflétait souvent les
périples des fondateurs, qui ramenaient dans leurs bagages statuettes, tambours et autres
tapis, témoignant à la fois de l'identité culturelle et des difficultés économiques des
producteurs du Sud.
Les exigences du commerce équitable (prime de développement, pré-paiement des
commandes, relation commerciale durable, respectueuse de l'environnement et de la dignité
humaine...) sont les mêmes pour cette activité. Reste encore à convaincre le consommateur
occidental d'acheter ces produits. Pendant longtemps, les boutiques spécialisées écoulaient
de petites quantités auprès d'un réseau de militants attachés en premier lieu à la valeur
sociale du produit.
La boutique Alter Mundi revendique aussi une gamme “ originale et très design ” en rupture
avec l'image traditionnelle des produits ethniques. Sa sélection donne néanmoins la priorité
à des produits réalisés par des artisans ou petites entreprises du Sud “ se distinguant par
des pratiques sociales et environnementales responsables ”. Très consciente que la majorité
de ses clients achètent le plus souvent sur un coup de cœur, cette entreprise d'insertion ne
se dit pas tout à fait équitable, mais plutôt “ éthique, ethnique et chic ” !
C'est une tendance qui se retrouve également auprès des membres de la Plate-forme, qui
travaillent de plus en plus avec des designers comme Artisal, Artisanat-SEL, Sira Kura,
Solidar'Monde ou la Boutic Ethic.
De nouveaux acteurs, plus attentifs à la plus-value esthétique des objets ont décidé de partir
à l'assaut d'une clientèle large, pas nécessairement sensibilisée au commerce équitable.
Dès lors, il faut séduire et s'adapter aux goûts du consommateur du Nord : “ L'artisan doit
comprendre les attentes du marché et le designer les techniques de l'artisan. C'est un
échange de savoir entre
l'artisan et le designer ”, explique ainsi Christian Dagher, le fondateur de l'association Ethnik,
membre stagiaire de la plate-forme du commerce équitable.
Les cosmétiques
Verveine, argan, sucre ou beurre de karité fournissent depuis des lustres d'excellentes bases
à des produits d'hygiène et de cosmétique. Certains ne s'y sont pas trompés et profitent de
la redécouverte des bienfaits naturels des plantes et de la mode orientale pour tenter le
mariage
de
la
cosmétique
et
de
l'éthique.
Ethis sort des produits d'hygiène corporelle sous la marque Thémis (savons, shampoings,
gels douche...) labellisés Max Havelaar parce qu'ils sont fabriqués à partir de beurre de
cacao ou de canne à sucre labellisés. La marque a aussi choisi de vendre des produits
équitables non labellisés dont elle contrôle elle-même les producteurs. “ On voulait avoir le
label pour la garantie que cela représente vis à vis du consommateur mais dans la pratique il
n'y a pas de raison qu'il y ait un monopole ”, explique la dirigeante.
Pour sa part, Guayapi, spécialiste des plantes alimentaires et cosmétiques depuis 1990, a
effectué des recherches pointues sur des plantes d'Amazonie et du Sri Lanka. Ces produits
arborent des certifications “ AB ”, “ Bio et Eco ”, “ Satéré Mawé ” (“ commerce équitable ” en
indien d'Amazonie), ou encore “ FGP ” (Forest Garden Products sur la bio-diversité et le
commerce équitable) qui s'appliquent par exemple à des soins capillaires au jojoba, des
produits solaires à l'urucum, des savonnettes au guarana...
Le site internet commerce équitable commercialise pour sa part des soins pour le corps
fabriqués dans des conditions équitables, notamment des huiles de massage dans le cadre
de la campagne pour le reboisement de l'Amazonie.
Cosmébio est une association professionnelle regroupant des acteurs de la cosmétique
écologique et biologique (fournisseurs d'ingrédients, fabricants, laboratoires, distributeurs)
qui appose un logo « Bio » et « Eco ».
De nouveaux opérateurs beaucoup moins transparents sont en train d'arriver sur ce marché
qui sera forcément porteur.
Le tourisme
Devenu l'une des premières industries de la planète , le tourisme a, comme beaucoup de
secteurs, engendré des excès liés à sa massification : des formules “ tout compris ” bon
marché pour lesquelles les opérateurs compriment les salaires au maximum, des séjours de
découverte des populations indigènes qui s'apparentent parfois à une visite au zoo, sans
parler du tourisme sexuel et des autres formes d'exploitation humaine.
Les consommateurs, en quête d'une authenticité non polluée par le marketing et le
commerce, ont décidé d'assumer leurs responsabilités et développé dans la même
mouvance que la consommation de produits équitables, des formes de tourisme alternatif :
écotourisme, ethnotourisme, tourisme solidaire, éthique, durable... et équitable.
Afin d'y voir plus clair, Alternatives Economiques a publié un guide pratique “ Le tourisme
autrement ” (guide n°18, sur commande sur www.alternatives-economiques.fr), qui fait le
point sur ces pratiques émergentes, les chartes et labels existants, les opérateurs du
secteur.
Un code mondial d'éthique du tourisme (CMET) a été adopté en 1999 par l'Assemblée
Générale de l'Organisation Mondiale du Tourisme (OMT, www.unwto.org) et approuvé en
2001 par l'Assemblée générale des Nations Unies. Ce code comprend 10 principes qui
visent à préserver les ressources dont dépend le tourisme et à assurer la répartition
équitable des avantages économiques. En 2005, une brochure a été élaborée afin que
chaque personne devienne un « touriste et un voyageur responsables ». Celle-ci est
disponible sur le site Internet de l'Organisation Mondiale du Tourisme.
L'UNAT (Union nationale des associations de tourisme) a également édité en mars 2005 une
brochure "Tourisme solidaire, des voyages vers l'essentiel", qui présente une sélection
d'opérateurs en fonction de critères établis avec le Ministère du Tourisme et celui des
Affaires Etrangères.Cette brochure est disponible sur demande sur le site de l'organisation.
ATR (Agir pour un Tourisme Responsable, www.tourisme-responsable.org) regroupe des
professionnels du tourisme qui s'engagent à “ garantir le développement d'un tourisme
responsable ”, à “ alerter sur la nécessité de développer un tourisme responsable, plus
équitable dans le monde ”, et à “ favoriser une plus grande transparence” vis-à-vis de leurs
différents partenaires.
L'ATES (Association pour un Tourisme Equitable et Solidaire) a été créée en mai 2006 par
15 associations de voyage engagées dans le tourisme équitable et solidaire, l'UNAT, la
fédération LVT (Loisirs Vacances Tourisme) et la Plate Forme pour le commerce Equitable
(PFCE). L'objectif de l'association est de “ soutenir, évaluer et promouvoir les projets et les
acteurs du tourisme équitable et solidaire ”.
Une charte du tourisme équitable a été rédigée par les membres de la PFCE en 2002.
La définition du tourisme équitable donnée par la charte de la PFCE est la suivante : “ un un
ensemble d'activités de services, proposé par des opérateurs touristiques à des voyageurs
responsables, et élaboré avec les populations locales. Les bénéfices sociaux, culturels et
financiers de ces activités doivent être perçus en grande partie localement, et équitablement
partagés entre les membres de la communauté. Ces communautés participent aussi à leur
gestion continue de façon significative en limitant au maximum les intermédiaires non
concernés par cette forme de tourisme”.
La transparence sur la répartition du coût du voyage, fait aussi partie de la démarche :
généralement un pourcentage est prévu pour financer des projets de développement.
Le tourisme durable, lui, est défini par l'Organisation Mondiale du Tourisme comme une
activité exploitant de façon optimale les ressources de l'environnement, respectant
l'authenticité socio-culturelle des communautés d'accueil et assurant une activité
économique viable sur le long terme.
Où trouver les produits du commerce équitable ?
Consommer en permettant aux producteurs défavorisés du Sud de percevoir un revenu
digne, un geste simple, un effort minime que vous seriez prêt à accomplir ? Aucune excuse,
les produits labellisés “ commerce équitable ” sont disponibles partout en grande distribution.
En plus, Max Havelaar a élaboré toute une stratégie de sensibilisation du consommateur sur
le lieu de vente. Des bénévoles viennent dans les rayons des supermarchés, les habillent
avec affiches et “ stop-rayons ”, et parfois même distribuent des dépliants aux clients. Fiches
pratiques et matériel de communication sont à disposition de ceux qui souhaitent participer à
de telles animations en magasin. Les étudiants des filières commerciales sont, paraît-il, très
intéressés par ce type de projets.
Dans les grandes surfaces : les produits labellisés
Avec plus de 1.000 références alimentaires et 373 références coton en 2006, présents dans
10.000 points de vente, les produits labellisés Max Havelaar ne devraient pas être difficiles à
trouver... Si miel, banane et vin équitables sont encore rares, en revanche, café, thé et
chocolat sont vendus par les principales enseignes : Atac, Carrefour, Champion, Géant,
Hyper/Super U, Intermarché, ainsi que Auchan, Casino, Cora, Leclerc, Match, et Monoprix
qui proposent en plus des produits labellisés sous leur propre marque (marque de
distributeur).
Mais attention, chaque magasin est responsable de ses achats et ne suit pas forcément la
ligne décidée par l'enseigne nationale. Si les produits équitables manquent en rayon, vérifiez
d'abord qu'il ne s'agit pas d'un problème d'approvisionnement. Si tel n'est pas le cas, vous
pouvez écrire une lettre de “ demande de référencement ” au directeur du magasin.
Dans les circuits spécialisés
Bien avant que les produits issus du commerce équitable ne fassent leur apparition dans les
rayons des supermarchés grâce à la garantie apportée par le label, ils étaient disponibles
essentiellement dans les magasins spécialisés, dits “ alternatifs ”. Ainsi Solidar'Monde, la
centrale d'achat créée par Artisans du Monde, propose 1300 produits artisanaux et une
centaine de références alimentaires, importés directement du Sud. Les boutiques qui se
fournissent auprès de cette centrale sont assurées de la provenance des produits et du
caractère équitable de la relation avec le producteur.
Artisans du Monde s'est bâti en trente ans un réseau d'une centaine de magasins regroupés
au sein d'une Fédération. Ils vendent à la fois des produits alimentaires (labellisés ou non) et
artisanaux (objets décoratifs, textile et accessoires, vaisselle...).
Ces boutiques sont aussi des lieux de sensibilisation au commerce équitable où les
bénévoles sont disponibles pour discuter et abordent souvent le produit par le biais de
l'histoire de ceux qui le fabriquent... ce ne sont pas des lieux consacrés uniquement à la
consommation. L'association Echoppe possède pour sa part deux boutiques en France, à
Angers et Bordeaux, sous l'enseigne Artisans du soleil (commerce solidaire).
Dans les boutiques Alter Mundi, sorte de “ drugstore alternatif ” se combinent l'éthique et
l'équitable, l'ethnique et le contemporain. Située dans le quartier de la Bastille à Paris, elle a
réussi à attirer un public dépassant largement les seuls militants.
Bébés en Vadrouille a investi pour sa part le segment particulier des vêtements et cadeaux
pour les enfants (0-10 ans). Les produits sont vendus dans la boutique parisienne ou par
correspondance.
La Boutic Ethic, créée en 1997, est une entreprise familiale qui vend en direct des produits
plutôt haut-de-gamme choisis directement chez les artisans, et achète aussi à des
importateurs européens du commerce équitable.
Les Nouveaux Robinsons sont presque devenus des grands magasins du bio et de
l'équitable. A Montreuil (93), trois boutiques installées sur la place du marché proposent l'une
l'alimentation (700 références bio), une autre la literie et la librairie, tandis que textiles,
papeterie, jouets, quincaillerie écologique se trouvent dans un troisième magasin. Un
restaurant bio vient compléter le tout. Les Nouveaux Robinsons sont aussi présents à
Boulogne-Billancourt et Neuilly-sur-Seine (92).
A Brest, la boutique-café Ti Ar Bed propose des produits issus du commerce équitable et
des produits bretons car ces hétérodoxes estiment que le commerce équitable peut aussi
contribuer à de meilleures relations commerciales Nord-Nord.
Cette liste n'est pas exhaustive. La Plate-forme pour le commerce équitable tient à jour la
liste des points de vente sur toute la France, à la rubrique “ Membres ” de son site.
D'autres boutiques du même genre, constituées en association ou en entreprise, ont ouvert
leurs portes ces dernières années. Elles ne s'adressent pas uniquement à un réseau de
militants et visent une clientèle plus large de consomm'acteurs. Mais il est difficile d'établir
une liste exhaustive des boutiques spécialisées vendant des produits du commerce
équitable. En effet, de nouvelles initiatives apparaissent régulièrement.
La vente par correspondance
Une boutique représentant un investissement très lourd, nombre d'acteurs du commerce
équitable ont opté pour la vente par correspondance.
Seuls quelques-uns comme Artisanat-SEL ou Ideo ont à la fois un catalogue papier et une
boutique en ligne, la plupart se contentent de la vitrine du web.
La coopérative Andines, propose quelque 1000 produits alimentaires et artisanaux provenant
de 14 pays ; pour sa part, Azimuts - Artisans du Népal est spécialisée dans les vêtements en
fibre naturelle fabriqués par quelques ateliers au Népal.
Une épicerie équitable entièrement en ligne a même été créée pour que chacun puisse se
procurer les produits alimentaires labellisés commerce équitable.
Notons également les sites AlterAfrica.com, Comptoir Ethique, La Grande Girafe, Modetic et
le très original MonsieurPoulet.com... Bien évidemment, cette liste n'est pas exhaustive.
Enfin, le milieu étudiant n'est pas en reste avec le site de vente en ligne EquiTerre qui
propose des produits fournis par des centrales d'achat et d'autres provenant de ses propres
filières d'importation.
Critiques et interrogations sur le commerce équitable
Comme le laisse penser la comparaison avec nos voisins européens, la consommation de
produits issus du commerce équitable en France dispose d'une marge de progression
encore importante. Mais sa croissance, notamment via la distribution en grandes surfaces,
suscite un certain nombre d'interrogations. Ces éléments seront développés succinctement
afin de poser les bases d'un débat.
– Le commerce équitable peut être accusé de justifier indirectement le néo-libéralisme et le
désengagement de l'Etat : puisque la situation des populations du Sud peut s'améliorer
grâce à des initiatives émanant de la société civile comme le commerce équitable, plus
besoin de remettre en cause les règles du commerce international, diront ses détracteurs.
L'activité économique ne doit être qu'une manière de prouver qu' “ un autre commerce est
possible ”, comme le dit le délégué général de la fédération Artisans du Monde, sans oublier
que l'objectif final reste le changement des règles du commerce international.
– Le commerce équitable peut amener les populations des pays en développement à
privilégier des cultures de rente (exemples : café, cacao...) destinées à l'exportation, au
détriment des cultures vivrières servant aux populations locales. Ainsi, le commerce
équitable est susceptible de créer une nouvelle dépendance, d'où le reproche de
néocolonialisme. Les producteurs, en se spécialisant sur certaines cultures, peuvent
appauvrir les terres et menacer la biodiversité. S'ils se spécialisaient exclusivement dans la
production de produits peu ou pas transformés donc à faible valeur ajoutée, les pays du Sud
disposeraient de peu de devises pour importer.
– Les produits ne respectent pas les critères du commerce équitable à tous les maillons de
la chaîne. Prenons un conteneur de produits achetés directement aux producteurs du Sud
dans les conditions du commerce équitable : ne perd-il pas de ses vertus lorsqu'il est chargé
sur un navire arborant pavillon de complaisance, piloté par un patron exploitant une main
d'œuvre illégale et sous-payée ? Ensuite, tout le soin nécessaire est-il apporté aux
emballages pour éviter les déchets inutiles et favoriser le recyclage ? Le fait de ne pas
pouvoir maîtriser toutes les étapes du processus (la surveillance est encore plus compliquée
pour les produits transformés) nuirait à la transparence affichée.
– Au Sud, la participation de certains producteurs et pas d'autres aux circuits du commerce
équitable peut introduire des biais de concurrence et des tensions entre ceux qui sont
rémunérés selon les prix du marché international et ceux qui bénéficient des prix équitables.
De plus, la dépendance vis à vis des donneurs d'ordre du Nord peut amener les producteurs
impliqués dans le commerce équitable à accepter des conditions de production qu'ils
récusent. D'une manière générale, le commerce équitable peut être vu par ses détracteurs
comme une forme de néo-colonialisme s'il ne laisse pas assez la parole aux organisations
du Sud.
– Surtout, les produits labellisés présents en grande distribution ne risquent-ils pas de
permettre à cette dernière de faire oublier des pratiques sociales au rabais ? Ce débat
traverse les acteurs du commerce équitable eux-mêmes, y compris au sein du circuit
alternatif dont une partie préfère se tenir à l'écart de la grande distribution, tandis que le
circuit labellisé a fait le choix d'une accessibilité au plus grand nombre. “ Il faut veiller à ce
que la grande distribution ne prenne pas prétexte du commerce équitable pour se blanchir
aux yeux de la société de ce qu'on lui reproche dans ses relations avec ses fournisseurs,
d'autant que le commerce équitable ne représente qu'une part infime de son chiffre d'affaires
”, estime le délégué général de la fédération Artisans du Monde. Les adeptes du commerce
équitable en grande distribution lui répondent qu'en vendant en grande distribution, les
volumes sont plus importants et les effets positifs au Sud multipliés d'autant.
Au-delà de ces éléments, se pose la question de la définition du commerce équitable : doit-il
se cantonner à partenariat commercial exclusivement « Nord / Sud »? Quelle place pour un
commerce équitable « Nord / Nord » ou « Sud / Sud » ? Les initiatives solidaires au sein
d'une même zone sont très intéressantes à explorer, même si elles ne peuvent, aujourd'hui,
être inscrites strictement dans la définition du commerce équitable classique. Limitons-nous
à cette définition traditionnelle pour voir comment agir.
III. Se lancer dans le commerce équitable
De la solidarité internationale au commerce équitable
Le projet de se lancer dans le commerce équitable suit fréquemment une première
démarche dans la solidarité internationale.
Vous avez senti les limites du caritatif et souhaitez participer à un projet de développement
viable ? Vous avez rencontré des producteurs avec qui vous avez envie de monter une filière
et dont les produits vous semblent pouvoir se vendre en France ? Ou alors, vous cherchez
simplement à mêler des compétences à une forme de militantisme ? Toutes ces raisons
peuvent vous faire glisser, comme d'autres avant vous, vers le commerce équitable.
L'association étudiante est le cadre d'une première relation commerciale, qui prendrait le
relais de projets de solidarité, puis il faudra en sortir si les sommes deviennent
conséquentes.
Trois exemples illustrent ce chemin qui mène de la solidarité internationale au commerce
équitable.
Solidarité France Népal (SFN, http://assos.efrei.fr/sfn/) a été créée en 1995 par trois
étudiants. L'un d'entre eux est Tristan Lecomte, fondateur d'Alter Eco. Aujourd'hui,
l'association SFN est présente à HEC, l'ESCP et l'EFREI.
Après un voyage touristique dans la région, trois étudiants ont décidé de mener un projet de
développement avec la population locale. Les missions réalisées regroupent 3 activités
majeures : amélioration des infrastructures sanitaires, création de groupes de micro crédit et
mise en place de classes d'alphabétisation.
En 2005, des audits ont été menés auprès de producteurs de café et de tisanes par SFN
pour Alter Eco. Un groupe de producteurs a été retenu pour mettre en place un lien de
commerce équitable. Un pourcentage des ventes de ces produits Alter Eco sera reversé à
SFN, afin de lui garantir un budget minimum relativement stable.
La relation que les membres de Solidarité France Népal ont engagée a le mérite de s'inscrire
dans la durée. Leur prudence est à prendre en exemple car il est essentiel de vérifier d'abord
que les produits trouveront des débouchés au Nord.
L'association Kultures est aujourd'hui présente à Lille, Paris et Caen. Ce projet est né suite à
de nombreuses rencontres, faites depuis 1998, « ici et là-bas ». Kultures travaille avec
l'association culturelle Wezo à Lomé (Togo), créée en 2002.
Deux observations ont été faites par les associations Kultures et Wezo. Tout d'abord, il y a
un besoin de structures culturelles et éducatives au Togo permettant « l'accès à une
meilleure connaissance de sa culture, de soi et des autres ». Ensuite, le mythe de «
l'Eldorado européen » ne facilite pas la mise en place de projets réalistes et constructifs au
Togo.
Ainsi, ensemble les deux associations se sont donné trois objectifs : créer un espace
d'échanges culturels et d'apprentissage, sensibiliser sur des problèmes tels que l'immigration
clandestine ou le sida, enfin de participer à la promotion d'une autre façon de consommer.
C'est pour atteindre ce dernier objectif qu'a été développé un réseau de commerce équitable
franco-togolais.
Les deux associations gèrent les produits, du producteur au consommateur. L'association
Wezo gère le transport du lieu de production à l'envoi, le stockage, les frais d'envoi et de
communication, et le suivi auprès des producteurs. L'association Kultures s'occupe de la
promotion des produits, des relations avec les magasins, de l'acheminement des produits
jusqu'aux partenaires. Les produits commercialisés sont des sculptures, de la couture, des
instruments de musique, du batik (peinture sur tissu). D'autres produits sont à l'étude. Sur le
prix de vente au consommateur, 27% sont réservés au projet (centre Wezo, reboisement,
atelier).
De même, EquiTerre est une association composée d'étudiants et de jeunes professionnels,
qui vise à « contribuer, par le commerce équitable, au développement durable des pays
défavorisés ».
Créée en 2000 par des étudiants d'écoles d'ingénieur et de commerce, cette association est
née de leur envie d'utiliser le média internet pour rapprocher les consommateurs des
producteurs. L'idée initiale était à la fois de réfléchir aux manières de trouver des débouchés
innovants pour des produits achetés à des importateurs du commerce équitable (Artisanat
Sel, Solidar'Monde, etc...) avant de s'engager avec des artisans défavorisés sur le long
terme. Pendant qu'en France, la boutique de e-commerce équitable et les processus de
logistique se mettaient en place, les étudiants-voyageurs rencontraient des artisans et
étudiaient les possibilités d'importations. Ainsi, en 2003, après 5 missions de prospection et
autant de pays visités, EquiTerre décida de se lancer dans l'importation directe afin de
relever le défi de maîtriser toute une filière, de la conception à la relation client. Des
partenariats ont été entrepris avec des communautés d'artisans : un Ashram - lieu de
réinsertion pour des femmes de la rue - au Népal, un bidonville de Calcutta et une
communauté de femmes travaillant le karité au Burkina Faso.
Il a fallu faire des choix car les missions de prospection ne pouvaient pas toutes aboutir, à
cause du manque de débouchés commerciaux et de l'investissement important que
nécessite le développement commercial des produits : réalisation d'un catalogue, suivi des
commandes aux artisans, choix des produits...
La faiblesse des ventes par internet a ensuite conduit l'association à diversifier ses canaux
de distribution de manière à pérenniser ses filières. Ainsi, elle s'adresse maintenant aussi à
des boutiques, à des collectivités territoriales et à des comités d'entreprises. EquiTerre
s'investit enfin beaucoup dans des actions de sensibilisation : interventions en milieu
scolaire, organisation de conférences et d'événements touchant les étudiants.
Vers la professionnalisation
Travailler dans le commerce équitable
Le secteur emploie peu de monde. L'étude commanditée par le ministère des Affaires
Etrangères sur les flux économiques du commerce équitable en France durant l'année 2004,
et réalisée par le cabinet Altervia Consulting, évalue le nombre d'emplois spécifiques au
commerce équitable à 558. Selon cette étude, la grande majorité de ces postes sont des
contrats à durée indéterminée. Mais le nombre des bénévoles, estimé à 31.000, est très
important dans les structures associatives.
Il est possible de travailler indirectement sur le commerce équitable en intégrant le
département Développement Durable d'un grand groupe, ou les achats d'une entreprise de
distribution concernée par le commerce équitable.
De nouveaux métiers voient le jour, comme en témoigne le guide pratique des carrières du
développement durable “ Un métier pour la planète... et surtout pour moi ! ”, écrit par
Elisabeth Laville et Marie Balmain (Village Mondial, 2004).De nombreux articles publiés dans
la presse abordent également ces “ salariés en quête de sens ”.
Il n'existe pas de cursus tout tracé pour se faire embaucher dans une organisation de
commerce équitable. Chacun doit chercher le chemin qui permettra à ses convictions et ses
compétences de se compléter idéalement. Que vous soyez ingénieur, chef de projet,
comptable ou commercial, vos savoir-faire seront toujours nécessaires mais pas suffisants :
ce sont les engagement associatifs et bénévoles qui permettront de vous distinguer dans
une pile de CV. Commencer par s'impliquer bénévolement dans les événements comme la
Semaine de la solidarité internationale, la Semaine du développement durable, la Quinzaine
ou la Semaine étudiante du commerce équitable, sera le moyen de mieux connaître le milieu
et peut-être d'entendre parler des profils recherchés.
Sur le plan des formations, on distingue celles orientées vers le développement durable et
celles orientées vers l'économie sociale.
Les formations intégrant le développement durable sont de plus en plus
nombreuses. Novethic, centre de ressources, d'information et d'expertise sur le
développement durable, recense une quarantaine de formations sur le développement
durable. Mais il y a un décalage avec le marché de l'emploi. En effet, les places, peu
nombreuses, sont très convoitées. De plus, les responsables Développement durable ne se
recrutent pas vraiment à la sortie de l'école ou de l'université.
On recense également des formations davantage orientées vers l'économie sociale. Elles
peuvent aussi bien être des DESS, des licences professionnelles que de simples modules
de sensibilisation. Cela peut également être des modules s'insérant dans des formations
orientées sur le développement local, le management de structures associatives ou de
l'insertion par l'économique par exemple. Là encore, à vous de faire votre choix.
Le meilleur moyen de travailler dans le commerce équitable est encore de créer son emploi.
C'est ce qu'ont fait de nombreux jeunes entrepreneurs sociaux, souvent au retour d'un
voyage. Une formation commerciale ou gestionnaire est assurément très utile. Notons
quelques initiatives intéressantes pour ceux qui ont un projet en commerce équitable.
L'ESSEC a développé un « incubateur social » afin de « promouvoir et d'accompagner le
lancement et le développement de projets innovants à finalité sociale ». En juin 2006,
l'incubateur social a accompagné six projets qui s'inscrivaient dans le commerce équitable
par exemple, mais aussi dans l'insertion par l'activité économique ou la lutte contre le
surendettement.
Quatre Mâts Développement propose une formation action, « Entreprendre un commerce
équitable ». Etalées sur 13 semaines, elle alterne cours et travaux d'enquêtes sur le terrain
afin de permettre à chaque candidat de collecter les informations nécessaires à l'élaboration
de prévisions économiques, d'évaluer les risques et les moyens à mobiliser.
L'Agence Pour la Création d'Entreprises (APCE) propose une fiche professionnelle sur le
commerce équitable. Les fiches professionnelles de l'APCE fournissent les éléments
juridiques et réglementaires applicables, ainsi que les chiffres clés du secteur. Elles sont au
prix de 8 euros.
Les Boutiques de gestion ont pour but de promouvoir et soutenir la création et le
développement de petites entreprises. Elles accompagnent les créateurs et assurent un suivi
de la jeune entreprise. Elles peuvent conseiller les chefs d'entreprise et proposer des
formations adaptées. Les boutiques de gestion disposent d'outils et de méthodes comme les
« couveuses d'entreprises à l'essai » ou les « pépinières d'entreprises ».
La Plate Forme pour le Commerce Equitable a mis en ligne sur son site Internet une fiche
technique, intitulée « Lancer un projet de commerce équitable - Clés pour créer une activité
de commerce équitable »
Se lancer : entreprise ou association ?
Vous vérifierez vite que le commerce équitable est avant tout du commerce, activité pour
laquelle le statut de société peut s'avérer plus pertinent que l'association loi 1901. Parmi les
membres de la Plate-forme, les entreprises prennent d'ailleurs un poids de plus en plus
important par rapport aux associations.
Le statut de SARL ne veut rien dire sur les modalités de gestion de votre structure, et ne
vous empêche pas d'accorder plus d'importance à la finalité sociale qu'à la finalité
économique.
Pour sa part AlterMundi est une entreprise d'insertion de commerce équitable. “ Doublement
” sociale, elle assume sans complexe son inclusion dans le circuit normal. “ Il ne faut pas
avoir peur de concurrencer l'entreprise classique sur son terrain : soigner le marketing,
l'image, faire des cartes de fidélité ”, indique Frédéric Bailly.
S'insérer dans l'économie sociale en créant une Société coopérative ouvrière de production
(Scop), c'est mettre en cohérence vos statuts au Nord et vos objectifs au Sud. En effet, les
Scop sont des sociétés de personnes et non de capitaux, destinées à ceux qui souhaitent
s'associer pour entreprendre en restant majoritaires dans le capital de leur société. Le
dirigeant est élu et le pouvoir de décision réparti selon le principe “ un homme une voix ” (voir
guide de la collection Animafac “ L'économie sociale à portée de main ”, www.animafac.net),
ce qui vous assure de la maîtrise de votre projet sur le long terme.
Le choix de ce statut s'est fait naturellement pour les fondateurs d'Ethiquable, Scop basée
dans le Gers et commercialisant en grande surface des produits labellisés Max Havelaar. Le
chiffre d'affaires de cette jeune Scop ne cesse de croître depuis son arrivée dans les
supermarchés en octobre 2003. En 2005, Ethiquable a réalisé un chiffre d'affaires de 6,8
millions d'euros.
Un profil
S'il n'existe pas d'archétype de l'entrepreneur du commerce équitable, ceux qui se lancent
sont souvent animés d'un goût de l'aventure teinté d'un certain réalisme. Ils ont
généralement une expérience des voyages qui leur évite de tomber dans le piège du touriste
s'imaginant qu'il va sauver le monde et qui finit par se faire manipuler ou par commettre de
gros contre-sens.
Modestie, prudence et patience sont les maîtres-mots de cette jeune génération. Ils ont tiré
les leçons de l'éclatement de la bulle internet et savent que le plus important est d'avoir un
projet durable et de s'inscrire dans une “ démarche de progrès ”.
Accueillants et disponibles, autant que leur emploi du temps chargé le leur permet, ils
ouvrent facilement leurs portes et vous reçoivent volontiers, si votre projet est un minimum
avancé. Pas du tout dans un état d'esprit compétitif, ils pensent à la cause qui les dépasse et
ont intérêt à une croissance globale du commerce équitable. Les soutiens se font souvent
sous forme de conseils amicaux, de parainnage informel, d'hébergement gratuit, comme
Alter Mundi qui prête sa vaste boutique pour des événements ou réunions de débutants.
A chaque entrepreneur son parcours
Les entrepreneurs sont souvent jeunes et, pour beaucoup, avec des formations
commerciales qui les destinaient à intégrer une société du CAC 40. Il ne se reconnaissaient
pas dans les carrières qu'on voulait leur faire embrasser.
Sur une idée, une rencontre lors d'un voyage ou une émotion, ils ont osé. Sans trop réfléchir
avant. L'opinion leur a réservé un accueil très chaleureux et aujourd'hui, ils s'échinent à faire
prospérer leur petite entreprise... pas spécialement pour s'enrichir mais pour maximiser les
retombées de leur réussite sur les producteurs concernés. Ils ont tous regardé ce qu'avaient
fait leurs prédécesseurs mais ont inventé leurs propres réponses, fait leurs armes tout seuls.
Et sont en train de séduire ...
Alter Eco
Tristan Lecomte fait déjà figure d'ancien parmi cette génération de jeunes entrepreneurs du
commerce équitable. Diplômé d'HEC, il ne reste pas longtemps dans les multinationales. Il
croit qu'il existe des manières de faire du commerce sans chercher à réduire toujours les
coûts de production et en participant au mieux-être de la planète, dans le respect des
principes du développement durable. Tristan commence par créer une petite boutique
associative, puis une plus grande sous forme de société, teste différents secteurs et
formules (alimentaire, décoration, importation directe, ou via une centrale d'achat). Il passe
un an à établir une méthode d'audit des coopératives du commerce équitable, la méthode
FTA 200 (voir partie 1) PriceWaterhouse Coopers. Et parvient à la conclusion qu'il faut se
spécialiser sur quelques produits et développer à grande échelle le commerce équitable,
faire baisser les prix de vente et ainsi augmenter le volume et l'impact au Sud. Depuis leur
entrée en grande surface en 2002, les produits de la marque Alter Eco labellisés Max
Havelaar (et souvent aussi Agriculture Biologique) connaissent une forte croissance. Cet
entrepreneur social a fait des émules, notamment par le biais de deux livres (“ Le pari du
commerce équitable ”, éditions d'Organisation, 2003 et “ Le commerce équitable ”, Eyrolles,
2004) où il dévoile tous les stades de sa réflexion, du premier business-plan aux contrats
signés avec la grande distribution. Le chiffre d'affaires d'Alter Eco est en augmentation
constante : il était de 2,3 millions d'euros en 2003, il est passé à 5,4 millions en 2004 et a
atteint 9,6 millions en 2005.
Ideo
Lorsque Rachel Liu terminait ses études à HEC en 2000, elle cherchait comment combiner
ses envies d'exercer un travail qui a du sens et sa formation de gestionnaire. C'est au
Québec qu'elle entend parler du commerce équitable pour la première fois. Elle se dit que
c'est dans ce vaste secteur qu'elle tracera son sillon. Rachel se décide pour le textile et
s'associe avec une styliste animée des mêmes motivations, puis consacre quelques mois à
l'étude de marché.
“ On a travaillé sur un produit simple à réaliser, qui ne soit pas passé de mode au bout de
deux ans et qui soit écologique ”, explique Rachel. Elles sont tombées d'accord sur des teeshirts en coton “ biologique et équitable ”.
Pour dénicher un fabricant, la Plate-forme du commerce équitable lui a donné quelques
conseils, qu'elle a croisés avec la liste des producteurs référencés “ équitables ” par l'IFAT et
l'EFTA et celle des concessionnaires du label coton biologique. Une charte a été rédigée sur
la base des critères définis avec l'entreprise indienne.
Rachel met en garde contre toute idée préconçue : “ Il faut bien faire attention à ne pas
plaquer des idéologies toutes faites, comme la priorité au travail des femmes, alors que làbas il n'est pas valorisant pour elles de travailler, il est préférable de mieux payer les maris
qui redistribueront.” Aujourd'hui, Ideo compte 150 points de vente en France, 40 en Europ et
compte neuf salariés ! Il a doublé entre 2002 et 2005 pour atteindre 750 000 euros en 2005
et 1 million en 2006. Idéo prévoit une augmentation de 40% de ses ventes pour les deux
années à venir.
Misericordia
Les fondateurs de Misericordia ont fait le pari inverse : surfant sur une diffusion plus large du
commerce équitable, ils sont présents dans les boutiques les plus branchées de Paris.
Misericordia est né par hasard et comme souvent, d'une rencontre. En juin 2001, Mathieu,
diplômé d'un DESS d'économie sociale et Aurelyen, qui a fait les Beaux-Arts, partent en
mission humanitaire au Pérou. Dans la banlieue pauvre de Lima, ils tombent sur un centre
de formation professionnelle et un orphelinat gérés par des sœurs franciscaines : Nostra
Senora de la Misericordia. L'uniforme du centre, un survêtement à bandes bleu marine, bleu
clair et blanc, leur apparaît immédiatement comme l'étendard d'un message qu'ils veulent
faire passer en Occident : le commerce éthique. Aussitôt, ils créent une association et
commencent à démarcher le segment mode haut-de-gamme en France, se disant que
chaque vêtement vendu aidera le centre. Leur discours est entendu et les vêtements
appréciés : la papesse de la mode parisienne, Colette, passe commande pour sa boutique
de la rue Saint-Honoré. Et les jeunes gens pensent déjà aux investissements qu'ils
réaliseront grâce aux bénéfices.
Trois ans plus tard, les uniformes Misericordia sont implantés dans 65 points de vente à
travers 17 pays dans le monde et assurent 16 salaires péruviens. Une école maternelle est
sortie de terre grâce à la redistribution des bénéfices et le centre se modernise peu à peu. “
C'est de l'économie solidaire, lance Mathieu, nous ne sommes pas dans la démarche
classique du commerce équitable qui travaille avec des coopératives ”.
Une charte, calquée sur les principes de la PFCE a été rédigée, et l'offre déjà renouvelée
grâce à une collaboration avec des stylistes européens. Aurelyen est aujourd'hui seul à la
tête du projet et vit six mois par an au Pérou.
Veja
Les créateurs de la marque de baskets Veja se sont placés sur le même créneau : un produit
mode, au design vintage séduisant, qui sera vendu dans les grands magasins et les
nouvelles
boutiques
éthiques
chics.
Francois-Ghislain et Sébastien (HEC et Paris 9-Dauphine) sont revenus fin 2003 d'un an de
voyage d'étude sur le développement durable (projet Juste planète) avec l'envie de créér
leur propre structure plutot que de rejoindre la direction “ DD ” d'un grand groupe. “ Le
commerce équitable leur semble le moyen le plus efficace de répondre au défi du
développement durable, à savoir concilier l'économique, le social, et le respect de
l'environnement ”, explique Francois-Ghislain.
Ils avaient envie de travailler avec le Brésil, et sur un produit qu'ils affectionnent : la basket,
produit-symbole du capitalisme contemporain à la recherche de coûts de production toujours
plus bas.
La basket est aussi l'occasion de tester le commerce équitable sur de nouvelles cultures,
comme le coton (ils seront les premiers labellisés “ coton équitable ” en Amérique latine), le
caoutchouc naturel, qui pousse dans la forêt amazonienne, et un cuir écologique. Les deux
associés travaillent à rendre leur produit “ 100% bio et équitable ” : lutte contre la
déforestation à travers la culture du caoutchouc (pour lequel il n'existe pas de standard
FLO), financement de projets éducatifs, sanitaires, écologiques... La première collection de
Veja, lancée en 2005, ne représentait que 5000 paires, elle a doublé en 2006 pour arriver à
11000 paires mais reste infime comparée aux autres marques de baskets « classiques ».
Cela s'explique notamment par la production de coton bio qui reste limitée.
KIP : Knowledge is power
“ M. Bhimrao ” comme il veut se faire appeler est un étudiant de l'ESSEC, que ses nombreux
voyages en Inde ont sensibilisé à la question des “ intouchables ” (dalits). Il est un porteparole de la lutte des Intouchables lancée par le Docteur Ambdekar (1891-1956), sorte de
Martin Luther King indien, et poursuivie par Anthony Raj, à l'origine de la national campaign
on dalit human rights (NCDHR). “ Ce sont les Indiens qui m'ont demandé comment ils
pouvaient faire tourner l'atelier de confection qu'avait construit la NCDHR. J'ai testé les
vêtements en France, la réaction a été plutôt bonne et j'ai lancé le processus ”, avance-t-il.
M. Bhimrao voit dans la marque KIP le moyen d'internationaliser la lutte des dalits en même
temps qu'une activité génératrice de revenus pour le centre. Et se situe volontiers dans le
commerce engagé plus que dans le commerce équitable.
Comme Misericordia, il a choisi de s'insérer dans le circuit de la mode, mais sans viser le
haut-de-gamme. Sa ligne street-wear sophistiquée peut potentiellement toucher un grand
nombre de personnes et diffuser ainsi largement le message politique. Le dessin (le tigre du
Bengale), l'étiquette “ KIP made by dalits ”, le design et une explication de la situation
politique des dalits livrée avec chaque produit devraient permettre de faire de ces vêtements
de véritables supports de campagne.
Seyes Pullovers
Diplômés eux aussi d'une école de commerce (l'EPSCI, école post-bac du groupe ESSEC),
Stéphane et Hervé n'arrivaient pas à se résoudre à chercher un travail comme leurs
camarades de promo. Ils voulaient s'adresser à un public le plus large possible, étaient
séduits par le côté identitaire du vêtement, mais ne se reconnaissaient pas dans les tissus
écrus biologiques...
Qualité, transparence et éthique, voilà les trois vertus qu'ils voulaient donner à leurs
pullovers. En apprenant tout des étapes de fabrication du textile, ils ont pensé l'ensemble de
la chaîne en termes de développement durable, de l'égrenage du coton (biologique) au
filage, de la teinture à la confection. Ils ont trouvé des partenaires spécialement certifiés pour
chaque maillon de cette complexe chaîne. Et ont décidé de faire fabriquer en France,
enfreignant ainsi le premier principe du commerce équitable : travailler avec des producteurs
marginalisés de pays en développement.
Or depuis plusieurs années, le secteur textile français subit des pertes d'emplois massives,
du fait des délocalisations vers les pays où la main d'œuvre est meilleur marché. Et puis, le
contrôle, assuré par leurs soins, sera ainsi plus simple à effectuer. Ce souci de tout
comprendre, de tout maîtriser, de ne pas appliquer un schéma pré-établi du commerce
équitable, est à mettre à leur crédit. En échappant à la norme, ils s'attendent à susciter le
débat...
Tudo Bom ?
Jérôme Schatzman, diplômé de l'ESSEC ayant travaillé sept ans dans l'insertion par
l'économique, a profité d'un séjour de deux ans au Brésil pour explorer le secteur naissant
du commerce équitable dans ce pays où il y a tant à faire.
En l'abordant par la confection textile, il a pu avoir une approche urbaine et différente du
commerce équitable : les besoins en infrastructures sont moins urgents en ville, mais le
chômage y fait néanmoins des ravages. A Rio, il se trouve que beaucoup de femmes savent
coudre et que leur apporter du travail permettrait à toute une famille, voire tout un quartier,
de se structurer, se dit-il.
Et puis il y avait ce slogan “ Tudo
Bom ? ” (“ comment ça va ? ”, en Brésilien), manière d'engager la conversation qui contient
toute la joie de vivre des Brésiliens.
Jérôme est rentré du Brésil avec une centaine de prototypes de tee-shirts imprimés Tudo
Bom ? et les retours furent positifs. Il a ensuite travaillé avec des coopératives de femmes au
Brésil, étudie encore la faisabilité de tee-shirts en coton bio et cherche à réduire le nombre
d'intermédiaires. Et ce afin notamment d'arriver à limiter le prix des tee-shirts. Les ouvrières
bénéficient d'un salaire de 30% au-dessus de la moyenne et surtout d'un système de
prévoyance sociale qui est une forme de prime au développement urbain.
Les questions à se poser
Parmi les “ joies ” de l'entrepreneuriat, celle de ne pas se payer au début n'est pas la plus
facile à assumer. Il faut en général une bonne année pour monter une entreprise : définir le
produit, sa cible de clientèle, trouver ses producteurs et autres intermédiaires, démarcher
des clients... Certaines contraintes liées à la démarche du commerce équitable prennent
encore plus de temps : rédiger une charte, réduire le nombre d'intermédiaires,... sans
compter les projets de développement ou le contrôle des producteurs si vous les gérez vousmêmes.
Si, sachant cela, vous êtes toujours tentés, alors voici quelques-unes des questions à
creuser.
Ouvrir une boutique
Tenir une boutique est un métier en soi, qui apporte souvent au créateur une grande
satisfaction personnelle : vous décidez de tout, des produits à leur présentation et l'univers
dans lequel ils sont vendus. Mais c'est un travail très sédentaire et contraignant en raison
des horaires d'ouverture que vous êtes obligés d'assurer (et se faire remplacer est très
coûteux). Cela ne correspondra donc pas au goût des voyages et du contact avec les
producteurs qu'affectionnent beaucoup d'aspirants au commerce équitable.
“ Pour tenir un magasin, il n'est qu'une règle d'or : l'emplacement, l'emplacement et
l'emplacement ”, aime à rappeler Tristan Lecomte, qui a eu deux boutiques avant de se
tourner vers la grande distribution. Il dresse le bilan complet de ces deux expériences dans
son livre “ Le pari du commerce équitable ” (Editions d'Organisation, 2003) et conclut : “ c'est
un modèle potentiellement performant mais qui nécessite de gros investissements, que l'on
n'octroiera pas forcément à une personne peu expérimentée dans ce domaine ”.
Cette obligation d'investir, et d'investir beaucoup pour avoir un emplacement visible et
passant est lourd pour des débutants. Et aucune aide spécifique au commerce équitable
n'existe, en dehors de celles prévues pour la création d'entreprise en général. Le porteur de
projet devra généralement prévoir une autre source de revenus au départ pour ne pas
plomber les comptes.
Le site de l'Agence pour la création d'entreprise (Apce) propose une fiche professionnelle (8
euros) très complète (25 pages) destinée à ceux qui désirent entreprendre dans le
commerce équitable. Elle comprend notamment une liste des fournisseurs et des simulations
de budgets pour une boutique spécialisée. Selon ce document, “ il semble plus facile de
vivre du commerce équitable en cumulant une activité d'importation et de grossiste qu'en
ouvrant une simple boutique, du moins à moyen terme ”.
Si vous voulez importer des produits équitables, vous pouvez monter une filière de produits
dont le standard international a été défini par FLO. Ou bien une filière exclusive, dont vous
devrez alors maîtriser toutes les étapes de la fabrication à l'importation et que vous
contrôlerez vous-même. Seuls des produits labellisés pourront être vendus en grande
distribution, un label étant nécessaire pour rassurer et informer le consommateur.
Importer des produits labellisés
Si un standard international existe pour le produit que vous souhaitez importer, il faudra
commencer par identifier les organisations de producteurs déjà agréées (ou en démarcher
par vous-même puis les accompagner vers la conformité aux standards). Les autres acteurs
de la filière (exportateurs, importateurs, transformateurs) devront aussi être agréés. Chaque
maillon de la chaîne doit en effet répondre aux standards fixés par FLO pour devenir
concessionnaire du label Max Havelaar. Vous serez alors liés à l'association par un contrat
de licence qui se traduit entre autre par le paiement d'une redevance à Max Havelaar
France. Cette redevance est d'un montant minimum de 250 euros par trimestre à partir de la
fin de la première année suivant la signature du contrat, puis se calcule en pourcentage par
kilo ou litre vendu. Elle finance Max Havelaar pour la certification de la filière et la promotion
du label.
Vous devrez ensuite envoyer des déclarations trimestrielles des achats, production et ventes
de matières premières et produits (semi-)finis et pourrez faire l'objet d'une inspection par un
auditeur externe.
Importer des produits non-labellisés
Pour les produits pour lesquels aucun standard international n'a été défini, c'est à vous
d'organiser la filière en l'adaptant aux critères du commerce équitable.
Cela part généralement d'une rencontre avec des producteurs, dont les difficultés vous
émeuvent et que vous voulez accompagner dans une démarche de développement. Il faudra
alors recenser les divers acteurs intervenant dans le processus de transformation ou de
fabrication. Les ONG locales devraient vous aider à les identifier et entrer en contact avec
eux. Le commerce équitable ne les intéresse pas forcément de prime abord, cela dépend de
la manière dont vous leur en parlez, des exemples qu'ils connaissent, des projets que vous
formulerez ensemble.
La démarche est ici tout à fait différente du système Max Havelaar : il s'agit de rédiger
ensemble une charte commune, de contractualiser des engagements progressifs et d'en
fixer l'évaluation. C'est une expérience passionnante, basée sur la confiance, et qui
nécessite d'avoir quelques connaissances en gestion. Beaucoup de débutants se sont
inspirés des critères des organisations de commerce équitable, fixés au niveau international
par l'IFAT.
L'essentiel est de commencer par adapter les critères à votre situation particulière, en
pensant toujours à inclure une dimension de progrès. Ce système est essentiellement basé
sur l'auto-évaluation.
Le financement
Vous trouverez dans le réseau des finances solidaires, et dans celui des banques de
l'économie sociale des partenaires potentiels, auprès de qui vous pourrez faire jouer la fibre
sociale.
Une liste des acteurs financiers solidaires, capital-risqueurs, établissements de crédits ou
organismes de garantie des prêts a été établie par Finansol, le portail des finances
solidaires.
La fiche professionnelle de l'APCE recense aussi un certain nombre d'organismes qui
pourraient être sensibles à votre démarche. Rappelons que les banques de l'économie
sociale, mutualistes ou coopératives, comme le Crédit Coopératif ou les Caisses d'Epargne
sont vos interlocuteurs privilégiés dans le milieu bancaire. Si le commerce équitable ne fait
pas partie statutairement de l'économie sociale (qui regroupe les associations, mutuelles et
coopératives), la finalité sociale et les valeurs humanistes sont des points communs entre les
deux projets et devraient vous permettre de les convaincre.
Sachez par ailleurs qu'il est généralement préférable de ne pas être une association mais
une société et que les établissements bancaires n'accordent bien souvent un prêt qu'à
condition que le créateur engage un montant équivalent.
Qualité et prix des produits
Révolue l'époque où une poignée de militants peu regardants sur la qualité des produits se
fournissait coûte que coûte dans les réseaux alternatifs. Désormais le commerce équitable a
intégré les circuits classiques et se doit d'être compétitif en plus d'être “ juste ”.
Un consommateur déçu par un café équitable ne réitérera pas l'expérience, d'autant que son
supermarché habituel ne lui propose généralement qu'un ou deux choix équitables par type
de produit.
Pour les biens qui ne sont pas de première nécessité, la question est encore plus délicate : il
s'agit de provoquer un achat “ coup de cœur ”. La qualité générale des produits, qu'ils soient
artisanaux ou industriels, rejaillira sur toute la filière équitable, il ne s'agit donc pas de faire
de l'à peu près.
Les prix de vente des produits sont déterminés par le prix de revient et la concurrence.
Pour ce qui est du prix de revient, il est fixé par l'exportateur ou par la centrale d'achat qui
importe directement la marchandise.
Le prix “ juste ” pour rémunérer les producteurs est celui qui leur assurera un niveau de vie
décent ainsi qu'une possibilité d'investissement (ce qu'on appelle parfois la “ prime de
développement ”). Pour le calculer, il faut généralement partir du prix du marché, auquel
vous ajoutez le coût environnemental (ce qu'il faut faire pour éviter de polluer) et social (la
rémunération digne des salariés, les cotisations sociales pour qu'ils soient couverts en cas
de maladie ou d'accident et aient droit à une retraite).
Si le doute subsiste et que vous ne parvenez pas à le fixer, laissez les producteurs faire une
proposition.

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