Encore un trafic de déverse illégale de déchets

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Encore un trafic de déverse illégale de déchets
L'Association Bagnolaise dHh<unmBon estime,, juapra prestwe formelle du cwwïraîre, que ces dépits
illicites en décharges sauvages, strictement interdîtes maïs cependant en développement notoire, en
particulier dans le Var Est, sont des actions particulièrement graves de dépôts réputés « inertes »
alors qu'ils sont souvent souillés de résidus d'amiante ou même de produits toxiques ne permettant
plus cette classification. Leurs auteurs doivent systématiquement être recherchés et très sévèrement
punis. Car la passivité de fMtrfmïstration est i FewiÉemce aussi condamnable et poumlt être mise en
cause.
Var
Le Billet
de
Patrice
IHaggio
Les égouts
du Paradis
Avez-vous tu Gomorra,
l'ouvrage-choc de Roberto
Saviano? Le journaliste italien y raconte comment la
mafia italienne s'enrichit
sur le dos de l'État et au
mépris de la santé des Napolitains en cannibalisant
tout le circuit de traitement des déchets dans le
sud de l'Italie. Et bien nous
y sommes i Ou nous nous
en approchons. Quand
quatorze transporteurs
s'acoquinent avec des aigrefins pour enfouir
200000 mètres cubes de
déchets (20 000 rotations
de camion: une paille),
c'est bien de dérive mafieuse dont il s'agit. Certes,
ce sont des matériaux inertes qui saupoudrent l'est
varois sans grand danger
pour la santé. En Campanie, il suffit de gratter le sol
pour déterrer des déchets
qui vous refilent le cancer
à force d'aspirer l'acre fumée de leur bûcher. La véritable différence avec nos
voisins italiens, c'est l'absence d'impunité. Les lanceurs d'alerte jouent un
rôle précieux. La justice,
qui a pu paraître un peu
absente sur d'autres dossiers du même genre, s'est
dans le cas présent bien
impliquée en ouvrant en
janvier une information
qui débouche aujourd'hui
sur une série d'arrestations. Un coup de filet qui
résonne comme un avertissement: respectez ce paradis que L'on appelle Le
Var!
var-matin
Jeudi 9 juin 2016
14
Encore un trafic de déverse
illégale de déchets
Enpravenance des Alpes-Majitimes et de Monaco, les déchets inertes du BTP I
ô7ïriôTJÏÏie~des terTâlns'privés dans l'est Var. Quatre personnes interpellées
I
S
uite à la plainte, en
2013, d'un propriétaire
foncier de Roquebrune-sur-Argens, les gendarmes de la cellule d'investigation départementale
(CID) ont démantelé un
vaste trafic de déverse illégale de déchets inertes du
BTP. Devant l'ampleur du
phénomène, une information judiciaire a été ouverte
en janvier 2016.
L'enquête a connu son point
d'orgue voici quelques
jours, avec le renfort des
compagnies de gendarmerie de-Gassin et de Draguignan, pour interpeller deux
couples, d'une quarantaine
d'années, demeurant à Roquebrune-sur-Argens et à
Montauroux, dont un
homme au lourd passif judiciaire. 11 a été mis en examen et placé sous contrôle
judiciaire, les trois autres
personnes devant l'être rapidement.
nature ou sur des espaces
viticoles «mis à leur disposition » par les deux couples.
Organisateurs du réseau,
ces derniers se faisaient rémunérer leurs « services » de
3 à 6€ le m . Les gains générés par ces pratiques, mises
en œuvre par 20 000 rotations de poids lourds dans
le grand Sud-Est, sont estimés à 1,8 million d'€.
3
14 transporteurs
mis en cause
Le trafic a prospéré grâce à
des exploitants dissimulés
derrière des sociétés
«écran». Quatorze gérants
de sociétés de transport des
Alpes-Maritimes, de Monaco pour la plupart, et
quelques Varois ont été entendus et ont admis les
avantages économiques de
ces pratiques.
Les perquisitions ont permis de saisir des documents
matérialisant les infractions
ainsi que de nombreux
200000 m
biens mobiliers et immobide déchets
liers (dont plusieurs caLes investigations ont con- mions) pour un montant déduit les militaires de la CID passant 600000 € .
à découvrir sur le terrain de Cette enquête a le mérite de
10 hectares à Roquebrune- mettre un terme à un syssur-Argens, mais aussi sur tème qui semble perdurer
trois autres sites à Puget- depuis trop longtemps : « On
sur-Argens et Montauroux, a l'impression que le Var est
environ 200000 m de dé- une poubelle, commente un
chets venant de chantiers officier de gendarmerie Ces
de percées (tunnels) ou de atteintes environnementales
parkings souterrains. Si ont contribué à modifier duleurs propriétaires ont bien rablement l'écoulement des
payé, à raison de 20 à 22€ le eaux du département, qui a
m , pour qu'ils partent au connu, ces dernières années,
recyclage, les transporteurs plusieurs crues meurtrières».
ont fait de juteux bénéfices
V. G. Les déchets en provenance des Alpes-Maritimes et de Monaco ont été dissémien les déposant en pleine
[email protected] nés sur plusieurs espaces naturels, agricoles ou viticoles de l'Est Var. (Photo DR.)
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Dans l'est du Var, les citoyens ne veulent plus voir les décharges sauvages du BTP s'ériger
en pleine nature. Les services de l'État luttent contre les petits et gros pollueurs
D
Partant de la D38, un autre
chemin mène à une installation classée pour la protection de l'environnement. Des
norias de camions, immatriculés à Monaco, viennent y
décharger toute la journée
(lire ci-dessous).
errière chez moi,
savez-vous quoi qu'y
a ? Y a un bois, le plus
joli des bois, petit bois. Derrière chez moi. Et dans ce
bois savez-vous quoi qu 'y a ?
Y a une godasse, la plus jolie
des godasses. (...) Et dans
cette godasse, savez-vous
quoi qu'y a? Y a un pneu, le
plus joli des pneus. Le pneu
dans la godasse. La godasse
dans le bois...» Comme le
chantaient Les Chariots en
1970, nos forêts, nos campagnes, nos paysages sont
pollués par une multitude
déchets.
Ceux du BTP sont les plus visibles, de part leur nature et
leur volume. Us font l'objet
de signalements ou de plaintes, qui conduisent les services de l'État à sévir (lire, cidessous).
Des traverses au
milieu du mimosa
L'Est du département est
particulièrement victime de
déverses illégales de déchets, inertes ou pas, en provenance des Alpes-Maritimes ou de Monaco, comme
l'a démontré une longue et
minutieuse enquête qui a
abouti la semaine dernière à
la mise en examen de Yan-
À Tanneron, il suffit d'emprunter un chemin communal pour trouver, au milieu des mimosas, des traverses
de chemin de fer en béton, des étais et autres gravats provenant de chantiers du BTP. (Photos Philippe Arnassan)
nick Arend, soupçonné
d'être au cœur, avec trois
autres personnes, d'un important trafic (notre édition
du 9 juin).
L'indignation grossit dans la
population. Habitants, randonneurs, cueilleurs de
champignons et autres chas-
seurs... Ils sont de plus en
plus nombreux à dénoncer
ces décharges sauvages qui
fleurissent partout.
À Tanneron, à la limite des
Alpes-Maritimes, le spectacle est désolant. Il suffit
d'emprunter un chemin
communal pour en trouver:
L'administration veiile
Les responsables de l'installation de l'Aubergeon ont été rappelés à l'ordre.
Les installations de stockage de déchets
inertes (ISDI) sont un maillon essentiel du
traitement des déchets du BTP. C'est pour
ne pas payedeurs services que des
entrepreneurs peu scrupuleux préfèrent
décharger dans la nature. Les ISDI
relèvent du code de l'environnement et
leur exploitation est une activité soumise
à enregistrement préfectoral. Lors d'un
contrôle à Tanneron, en février 2015,
les inspecteurs de l'environnement ont
constaté que La 5ARL GuglietmeLli et
Pascal, qui exploite le site quartier de
l'Aubergeon, n'était pas en règle
administrativement au regard de la
réglementation des installations classées
pour la protection de l'environnement.
La société a été mise en demeure, par la
Direction régionale de l'environnement,
de l'aménagement et du logement
(DREAL), de régulariser sa situation
en juillet 2015.
quartier Pourrière, à quelques mètres de la cabane
des chasseurs située sur un
terrain privé, des traverses
en béton de la SNCF ont été
poussées par un bulldozer
dans le ravin.
Un peu plus bas, au pied
d'un terrain planté d'euca-
lyptus, les restes d'une salle
de bain côtoient des étais
rouilles, vestiges d'un chantier. Sur la colline de l'autre
côté, au hameau dit des
Trois Pins, des milliers de
mètres cubes de terre s'entassent pour combler un vallon.
« Ça fait mal au cœur »
Un cours d'eau, le Riou Fer,
sépare ce site d'une autre
colline, dont le chemin
d'accès a été recouvert de
remblais mélangés avec des
déchets du BTP: gaines et
câbles électriques, tuyauterie de plomberie, morceaux
de carrelage, de bitume, etc.
Lors des pluies, les eaux de
ruissellement aboutissent
dans cet affluent du Biançon, qui se jette dans la Siagne...
- Ça hit mal au cœur de voir
ce qui se passe. J'ai suivi un
camion samedi. Il charge à
La Roquette-sur-Siagne et
monte à Tanneron élargir une
zone de rotation pour certains véhicules. J'ai l'impression que certaines personnes
du village ferment les yeux
sur ces pratiques», regrette,
écœuré, un défenseur de
l'environnement.
V.C.
[email protected]
Une priorité partagée
« La lutte contre les déchets
du BTP et les remblais illicites est une priorité partagée
par tous les acteurs», a rappelé mardi le sous-préfet de
Draguignan, Philippe Portai,
en réunissant les représentants des services de l'État
impliqués : Direction départementale des territoires et
de la mer (DDTM), forces de Le sous-préfet Philippe Portai (au centre) a réuni les
l'ordre et justice.
acteurs de la lutte contre les remblais illicites : le
procureur de la République du TCI de Draguignan,
« Préventif et répressif » Ivan Auriel, le responsable du service territorial Est
Très prégnante dans le Var, Var de la DDTM, François Dufond, et les commannotamment la plaine de l'Ar- dants des compagnies de gendarmerie de Gassin et
gens, -cette pratique perturbe de Draguignan, Grégory Moura et Julien Barousse.
gravement la circulation des
(Photo Michel Johner)
eaux en cas de crues, et dégrade la situation des terrains(présence d'amiante, de sanctions administratives
situés en aval. Les dépôts sau-goudron...).
(amendes, obligation de revages de déchets du BTP gé- Les autorités administrati- mise en état des lieux) sont
nèrent ainsi un risque pour ves et judiciaires coordon- prononcées contre les entrela sécurité des personnes et nent leur action. « L'objectif prises négligentes. Les sancdes biens», a-t-il relevé. Ils est d'être préventif et répres- tions pénales concernent celsont aussi déposés sur des sif», ajoute le procureur de la les qui sont de mauvaise foi
terrains agricoles, contrai- République du TGI de Dra- ou qui organisent les trafics. ^
rement aux règles applica- guignan, Ivan Auriel. Les Au cours des trois dernières 2
bles aux exploitations, et po- équipes de la DDTM sont le années, plus de 60 procédusent des questions sanitai- point de départ de cette lutte res judiciaires ont été instruires dans certains cas en constatant les faits. Des tes au TGI de Draguignan.
5
T
Decnets inégaux : les services
de l'Etat détaillent leurs actions
Un plan d'action, une meilleure coordination des services de la police de l'environnement
et des contrôles intensifiés des exhaussements, des remblais et déchets annoncés hier
H
ier, en préfecture, une conférence de presse était organisée en matière de police de
l'environnement, avec un point
d'étape sur les actions de l'État en
matière de contrôle des exhaussements, des remblais et déchets du
secteur du Bâtiment et des travaux
publics. Cette réunion se déroulait
en présence des représentants des
autorités administratives et judiciaires coordonnant leurs actions
dans le cadre d'un plan annuel élaboré par le préfet et les procureurs
de Toulon et Draguignan. Une stratégie validée par les Commissions Conférence de presse hier en préfecture, en présence de Sylvain
des polices de l'environnement Dutoit de la DREAL, du procureur Xavier Tarabeux, de Sylvie
(COPOLLEN).
Houspic, secrétaire générale de la préfecture, Vincent Chery,
directeur adjoint de la DDTM et de Serge Lhotellier, chef des
Contrôles inter-services
affaires juridiques.
(Photo L. Martinat)
Quarante-cinq opérations de contrôles interservices ont été réali- générale de la préfecture. Objectif: maîtres d'œuvre sur la traçabilité
sées en 2015. «L'objectif est de pour- intensifier ces opérations et élabo- des déchets».
suivre des opérations ciblées sur desrer une fiche à l'intention des maisecteurs à forts enjeux - risques res, compétents pour verbaliser les go procédures pénales
d'inondations, atteinte aux paysa-dépôts sauvages dans le cadre de Le Var en produirait environ 2,5 milges, aux espèces, soit à l'initiative des
leur pouvoir de police, a rappelé lions de m par an, qui peuvent être
préfets ou à l'appui de signalements
M™ Houspic: «Tout le monde a sa réceptionnés dans dix installations
transmis aux services de l'État», a responsabilité, il faut également sen-de stockage de déchets inertes
souligné Sylvie Houspic, secrétaire sibiliser les donneurs d'ordres ét les (ISDI) autorisées sur le départe3
ment, et d'autres projets devraient
émerger. 90 procédures pénales ont
été transmises aux deux parquets
ces trois dernières années. La COPPOLEN opérationnelle de Toulon
traite actuellement 31 dossiers, toutes thématiques confondues.
Au sujet des domaines viticoles,
l'unité territoriale de la DREAL a
inspecté une trentaine de sites en
2015-2016 dont cinq domaines viticoles, et prévoit d'informer l'Organisme de défense de gestion sur
les constats de non conformité au
cahier des charges de l'AOC Côtes
de Provence.
Nouveau plan
Si la Charte pour la gestion des déchets signée en 2010 «n'estpas allée
au bout de ses effets », des progrès
auraient été constatés.
L'émergence d'une véritable filière
de revalorisation et de déchets inertes serait donc en marche, via le
futur Plan départemental de prévention et de gestion des déchets
issus du bâtiment et des travaux
publics, en voie de finalisation, et
dont la compétence départemen-
tale devrait prochainement incomber à la Région. Une nouvelle directive européenne impose 70 %
de valorisation en 2020.
Le projet de stockage mené par Lafarge à la carrière de Val d'Aren,
avec recyclage et valorisation des
déchets, sur les communes du
Beausset, d'Evenos et du Castellet
est à l'enquête publique. Enfin huit
ISDI en situation illégale ont fait
l'objet de suites administratives.
Des contrôles a posteriori sont également menés. Un bilan déchets a
été demandé au maître d'ouvrage
du chantier de Font-Pré à Toulon, et
un suivi a été mené sur celui de
Chalucet.
Le directeur du service juridique
de la Direction départementale des
territoires et de la mer (DDTM)
Serge Lhotellier, a insisté sur le fait
que tous les dossiers litigieux seraient menés à terme.
Enfin Sylvie Houspic a indiqué qu'il
«n'y a aucune chance de voir la Commission départementale de la nature et des sites donner un avis favorable pour le déclassement d'Espaces
boisés classés impactés». N. BRUN

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