L`humour «frenchie» des5.5Designers

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L`humour «frenchie» des5.5Designers
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0123
culture & styles
Tirgroupécontrele «Petit
Beaubourg» d’Albi
Les batailles culturelles des municipales
13/18 Le coût du théâtre fait polémique
Albi
Envoyé spécial
A
lbi serait-elle le « petit
Paris » de Midi-Pyrénées ?
Après avoir fait appel à Bernard Huet, qui avait redessiné les
Champs-Elysées, pour revoir l’esplanade semi-piétonne autour de
la cathédrale, le maire se réjouit
d’avoir retenu Dominique Perrault pour concevoir un OVNI
architectural et culturel.
Le concepteur des tours de la
bibliothèque François-Mitterrand
sur les bords de Seine a posé un
gros cube couvert d’acier Korben
etd’une résillemétalliquesurl’emplacement d’un ancien parking, à
deux pas de la cathédrale et du
palais épiscopal. Les habitants se
familiarisent avec ce curieux bâtiment de 30 000 m2 qui abrite un
multiplexe de cinéma (8 salles) et
un nouveau théâtre (1 150 places
en deux salles) sur quatre étages.
Après la mise en service en décembre 2013 du cinéma et du parking
souterrain
(378 places
sur
trois niveaux), la population a été
invitée en février à visiter le théâtre qui ouvrira ses portes fin mars
avec un spectacle gratuit. Un barrestaurant panoramique est en
cours d’aménagement au sommet
de l’édifice, avec terrasse et vue
imprenable sur la Cité épiscopale,
inscrite depuis 2010 sur la liste du
patrimoine mondial de l’Unesco.
« C’est le seul grand geste architectural de la région avec le futur
musée Soulages de Rodez », s’enthousiasme déjà Pascal Paris, le
directeur de la scène nationale
d’Albi. Pour le maire sortant
(DVD), Philippe Bonnecarrère, ce
nouveau théâtre qui cohabite avec
des écrans de cinéma en lisière de
la ville médiévale est une apothéose. L’élu centriste a quitté l’UMP et
ne postule pas à un quatrième
mandat de maire.
Figurant en 4e position sur la liste de la plus jeune de ses adjointes
qui se présente sans étiquette, il
pourrait toutefois se maintenir à
la présidence de la communauté
d’agglomération. Ses adversaires,
unanimespourcritiquerl’investissement de ce « petit Beaubourg »
au bord du Tarn, le soupçonnent
de vouloir en faire supporter le
coût de fonctionnement aux
dix petites communes de l’agglomération.
« La folie des grandeurs »
Le candidat du Front national
dénonce un maire atteint par « la
folie des grandeurs» et un équipement « réservé à une élite». Jacques
Valax (PS) enfonce le clou en comparant le montant de l’investissementglobal,quidépasseles60millions d’euros, aux « 2 800 abonnés
du théâtre ». « Disproportionné »,
rugit le député socialiste. Roland
Foissac (PC) précise qu’il figure luimême au rang des abonnés de la
scène nationale, mais entend bien
demander des comptes au directeur lors de la visite prévue lors des
journées « portes ouvertes ». « Il
serait étonnant qu’il puisse fonctionner à budget constant », s’inquiète le conseiller général communiste.
Selon Pascal Paris, le budget de
fonctionnement devrait doubler.
Il a déjà augmenté de 50 % en 2014,
passant de 2,3 millions à 3,2 millions d’euros. La scène nationale
albigeoise dépend désormais
d’une subvention du conseil régional de Midi-Pyrénées pour équilibrer ses comptes. Plus mesuré
dans ses critiques, Guillaume Cros,
conseiller régional et candidat écologiste, plaide pour la mise en place d’un « agenda 21 de la culture »
en cas de victoire de la gauche albigeoise. « Il ne faut pas parier sur un
échec du nouveau théâtre », prévientl’éluvert enpointant«le danger » de voir cet équipement
dévoyé en « centre de congrès » en
cas de victoire de la liste de M. Bonnecarrère. p
Design Le collectif de créateurs reste
fidèle à ses engagements : proposer des
objets du quotidien ludiques et accessibles.
Une exposition à l’Atelier Renault, à Paris,
rend compte de leur esprit
L’humour
«frenchie»
des 5.5 Designers
L
es 5.5 Designers ont fêté en
2013 leurs dix ans de création
au service d’un design industriel produisant des objets innovants, accessibles, responsables et
ludiques.
Rompus au détournementd’objets et passionnés par le savoir-faire et le travail des artisans, ils mettent cette année en valeur la créativitémade in Francedans une expositionintitulée« SoFrench » à l’Atelier Renault, sur les Champs-Elysées, jusqu’au 15 juin. Pourquoi les
5.5 Designers ? Tout simplement
parce qu’à leurs débuts ils étaient
cinq et parfois six… Donc 5 et demi.
Aujourd’hui, ils ne sont plus que
quatre.
C’est sur les bancs de l’Ecole
nationalesupérieuredesartsappliqués et des métiers d’art (l’Ensaama), rue Olivier-de-Serres, à Paris,
qu’ils se sont rencontrés. Et c’est en
2003 que, tout fraîchement diplômés, ils se sont réunis – Claire
Renard, Vincent Baranger, JeanSébastien Blanc, Anthony Lebossé
–,biendécidésàpoursuivreensemble leur vie professionnelle, en toute indépendance et autour des
mêmes valeurs : leur design serait
Stéphane Thépot
Prochain article : Montignac et sa « grotte de lascaux »
CORRESPONDANCE
Une lettre d’Elizabeth de Portzamparc
A la suite de la publication de l’article « Le musée qui affole l’arène
politique nîmoise» (Le Monde du
25 février), nous avons reçu d’Elizabeth de Portzamparc le courrier
suivant:
« L’article rapporte des propos
de Françoise Dumas, vice-présidente de la région et candidate (PS)
aux élections municipales à
Nîmes qui portent atteinte à mon
image et à celle du Musée de la
romanité. L’architecture du bâtiment y est saluée, mais on lit
ensuite que, si elle est élue, la viceprésidente ferait un «arrêt sur image» du projet et le retravaillerait
avec moi et «des experts». Cela,
après avoir, en juin 2012, affirmé
publiquement sa fierté d’être
nîmoise au vu d’un tel projet et de
son impact sur la ville et la région,
et assuré que le conseil régional
apporterait un financement de
10 millions d’euros. Françoise
Dumas juge aujourd’hui qu’il ne
faut pas « planter un musée qui
[n’apporterait] rien en termes de
dynamisation d’une ville sans réelles capacités d’accueil» et « le met-
Mercredi 12 mars 2014
tre à disposition d’un public qui
repartira». Ce revirement, au
moment de son entrée en campagne pour la mairie de Nîmes, apparaît incompréhensible, de même
que ses suppositions lui faisant
dire qu’en cas d’arrêt du projet j’entrerais dans une guerre procédurière armée d’un «bataillon d’avocats». L’armée d’avocats n’existe
pas et mes priorités me portent
plus à m’investir dans la conception de projets de qualité, et ce en
respectant, avec mon équipe, le
programme et le coût. Nous y sommes parvenus avec le Musée de la
romanité, dont le budget, réduit,
n’a pas été modifié depuis sa phase concours. Nous nous attacherons à ce qu’il soit respecté, conformément à notre mission de maîtrise d’œuvre. Je déplore que la dynamique de la campagne de l’élue
responsable qu’est Mme Dumas soit
nourrie d’appréciations injustifiées. Les propos évoqués donnent
une image dégradante et fausse de
l’esprit dans lequel je conçois mon
travail, ma responsabilité et mon
projet.» p
Architecture Jean Nouvel s’associe
à la société Hugar et cède la présidence
L’architecte Jean Nouvel a annoncé, le lundi 10 mars, s’être associé avec la société Hugar, présidée par François Fontès, par la voie
d’une augmentation du capital, afin d’accompagner le développement de son agence à l’international. Hugar, spécialisée dans
les opérations d’ingénierie financière et le développement de
logements sociaux, prend 50 % du capital des Ateliers Jean Nouvel, a précisé François Fontès, qui devient président de l’agence.
Jean Nouvel, 68 ans, « préfère actuellement se consacrer à la création », explique M. Fontès. Jean Nouvel détenait 100 % des
actions des Ateliers Jean Nouvel. – (AFP.)
Innovation
et humour:
lafourchette
télécommande
ou la clé USB
en forme de… clé
audacieux, engagé, accessible et
éthique ; il ne s’isolerait pas dans
les galeries et ne se limiterait pas à
de simples objets de décoration.
Un manifeste pour le design
industriel et responsable, selon
lequel à un objet correspond un
usage. A l’opposé du rythme imposé par les codes de la mode et des
tendances.
Peu connus encore du grand
public, ils sont pourtant les créateurs d’objets utilitaires les plus
courants. Leur première intervention remarquée : « Reanim », un
projet réalisé en 2004 dans le cadre
d’une action du Secours populaire.
Les 5.5 Designers « réaniment »
alors des meubles destinés au
rebutenposantsurdeschaises,fauteuilsettablesauxpiedsetbrascassésdesprothèsescoloréeset fantaisistes.
Depuis, ils ont travaillé avec de
grandes maisons du monde du
luxe ou de la grande consommation, redonné un coup de jeune à
des objets éculés du quotidien, à
commencer par le presse-agrumes
de chez Moulinex ou la fameuse
éponge Scotch-Brite. Ils ont électriséle premier et se sont attaqués à la
sempiternelle problématique du
nettoyageenproduisantunecollectiond’ustensilesménagersauxformes bien lisses qui laissent glisser
l’éponge…
Depuis, une image leur colle à la
peau, ce qui ne leur déplaît pas du
tout, d’ailleurs, puisqu’ils en ont
fait leur marque de fabrique: celle
d’undesign industrieldécliné pour
le quotidien de tout un chacun.
D’un designqui entre chez les gens,
avec l’ humour en plus. Cafetières
électriquesà des prix vraiment
accessibles,
urinoirs,
mixeurs électriques,
bacs de douche, lampes branchées…
Leur premier objet
édité (par La Corbeille)
est un portemanteau en
bois sur pied sur lequel
sont greffés de vrais cintres. Avec la manufacture de porcelaine Bernardaud et le projet
« Ouvriers-designers», ils
manient le luxe de la porcelaine avec une certaine
impertinence…
Avec
Apparat, pour Baccarat,
ils démocratisent le verre
de la tablede tous les jours.
En 2006, dans le parc de
La Ferté-Vidame (Eure-et-Loire), ils créent un nouveau genre
de mobilier de jardin dont ils
reprendront l’esprit pour participer au projet « Chérie, j’ai oublié la
nappe ! », à l’île de Nègrepelisse
(Tarn-et-Garonne) en 2007. Là,
pour rendre un hommage en forme de clin d’œil facétieux aux
pique-niques sur l’herbe, les 5.5
Designers reprennent l’archétype
de la nappe à carreaux rouges et
blancs. Ils réalisent toute une gamme d’objets sur ce décor très Frenchy des carreaux Vichy. Des bancs,
tables et nappes, objets populaires
s’il en est, deviennent alors des
objets nobles et précieux
par la mosaïque italienne Bisazza utiliséeicidefaçoninhabituelle et, disonsle, complètent loufoque…
Loufoque mais irrésistible. Leur
mise en scène des objets design les
plus excentriques et humoristiques dans la chapelle Le Corbusier
à Firminy, dans le cadre de la Biennale de Saint-Etienne en 2013, ne
l’étaitpasmoins!Surlemodeinnovation et humour, citons encore la
fourchette télécommande, le sac
pour champagne, la clé USB en forme de… clé, vendue à cinq millions
d’exemplaires. Cette dernière,
créée en 2011, est leur premier bestseller.
La veine responsable et éthique
n’est jamais loin. Pour preuve, le
chargeur de téléphone universel
qu’ils ont créé pour la marque
Mayamax,uneentreprised’Aix-enProvence. «On n’a jamais fabriqué
enFrance dechargeurde téléphone.
Ce sera le premier », se réjouit JeanSébastien Blanc, directeur artistique et stratégique du studio. Il
poursuit: « Fini la folie de cette pièce qu’il faut changer à chaque fois
que l’on change de téléphone.Celuilà sera universel et tous ses éléments seront fabriqués en France,
en délocalisant la production de la
Chine vers la Provence.»
Pour l’Atelier Renault, les
5.5 Designers ont revisité une belle
brochette d’objets emblématiques
de l’Hexagone, du légendaire béret
à la célèbre marinière en passant
par l’ancestral verre Duralex… Ce
n’est évidemment pas un hasard si
la marque automobile française a
fait appel à eux. « Mais ce n’est pas
seulement parce que nous revendi-
De haut en bas :
« Coq cage »,;
« Race marinière »,
« It béret »
et « Mustache Effect ».
C. CLIER/5.5 DESIGNSTUDIO
quons notre côté Frenchy. Nous
venons en effet de Nîmes, La Rochesur-Yon (Vendée), Caen ou Poissy.
Mais, si nous sommes attachés à
nos terroirs, nous avons aussi, en
tant que designers,côtoyé de nombreusesentreprisesetmanufactures françaises, et c’est bien sûr leur
savoir-faire inouï que nous
avons souhaité mettre en
avant et à l’honneur, un art de
vivre servi par un savoir-faire
reconnu à l’international, que
nous déplorons de ne pas voir
appréciés à leur juste valeur dans
nos propres rangs, même si, aujourd’hui, le made in France a le vent en
poupe.»
Evidemment, les créations
même très Frenchy réalisées pour
l’occasion ne manquent pas d’un
humour « popu », qui redore les
objets iconiques représentant la
France d’une couleur un peu
moins vieillotte.
Du reste, le collectif précise :
« Renault souhaitait mettre en
valeur la créativité française dans
une mise en scène de leurs voitures.
On leur a plutôt proposé de reprendre à notre compte tous les clichés
de la France pour les réinterpréter.»
Résultat : touristes français et
étrangers revisitent les fleurons
franchouillards. Un miroir arbore
aveccharmelamoustachedesdandys du XIXe siècle. Les célébrissimes pantoufles, les charentaises,
créées au XVIIe siècle à partir du
recyclage des chutes de feutre des
uniformes militaires, deviennent
des jouets, des petites voiturettes
réalisées avec l’entreprise charentaise Tcha, dont on apprend qu’elle
fabrique toujours ces chaussons
emblématiques. Tous les autres
objets sont à l’avenant, décalés et
tricolores: le sac-béret, les véhicules-bouchons, la cage à poule-tendeurs, la table-marinière, la boule
de pétanque-pneu, etc. Tous ces
produits sont à vendre, évidemment. p
Mélina Gazsi
So French by 5.5, L’Atelier Renault, 53,
avenue des Champs-Elysées, Paris 8e. Du
dimanche au jeudi de 10 h 30 à 23 h 30 ;
vendredi et samedi, de 10 h 30 à 1 h 30.
Tél. : 08-11-88-28-11. Jusqu’au 15 juin.

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