Good bye Lenin! - l`Institut d`Histoire sociale

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Good bye Lenin! - l`Institut d`Histoire sociale
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histoire & liberté
Good bye Lenin!
de Wolfgang Becker
par Charles-Michel Cintrat
G
OOD BYE LENIN !, film de la nostalgie de la
R DA ? Conclusion rapide, si l’on ne
retient que les rabâchages d’un vieil
homme sur un hier mieux qu’aujourd’hui, l’évocation des bons moments par les uns, les difficultés des autres à trouver un emploi. L’essentiel
est ailleurs.
Prise par hasard à Berlin-Est dans une manifestation durement réprimée, jetée brutalement
à terre, une femme tombe dans un coma
profond. Lorsque, un an plus tard, elle reprend
connaissance, tout a changé: il n’y a plus de mur,
plus de frontière séparant les deux Allemagnes,
plus de RDA. Son fils, effrayé par le choc que va
subir sa mère, militante communiste ardente (et
cependant critique), réussit à convaincre sa sœur
de lui cacher la vérité en fabriquant un énorme
simulacre. Ce ne sera pas facile. Comme, dans
l’ivresse du renouveau, les enfants ont complètement transformé l’appartement, il faut retrouver
les meubles éliminés et reconstituer la chambre
de la mère à qui le médecin interdit désormais
de sortir. Il va falloir aussi retrouver les anciens
produits, alimentaires et autres, que le
commerce ne fournit plus, et, plus difficile
encore, réaliser aussi bien de faux journaux télévisés qu’une fête d’anniversaire avec de faux
pionniers.
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JANVIER 2010
DVD
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D V D
Réalisateur: Wolfgang Becker
Acteurs: Daniel Brühl, Kathrin Sass, Chulpan
Khamatova, Maria Simon, Lukas Florian,
Alexander Beyer, Burghart Klaussner, Michael
Gwisdek
Scénario: Wolfgang Becker, Bernd Lichtenberg
Musique: Yann Tiersen
Production: Stefan Arndt
Durée: 121 minutes
Sortie en DVD : 22 avril 2004
On imagine le caractère cocasse des acrobaties qu’exigent ces situations mensongères. Pourtant, derrière cette cocasserie, le propos est sérieux. Les fausses informations sont-elles plus mensongères que n’étaient les informations fournies par le
régime défunt? La convalescente croit à ces mensonges. Elle s’étonne même que la
Trabant, commandée et payée il y a trois ans, soit déjà livrée. Les choses vont plus
loin encore lorsqu’elle révèle à ses enfants qu’elle leur avait menti, que leur père,
passé à l’Ouest, ne les avait pas abandonnés comme elle le leur avait fait croire. En
réalité ils devaient tous le rejoindre, mais elle n’avait pu y parvenir. Son militantisme
était donc lui-même un mensonge, destiné à les défendre, elle et ses enfants, en écartant tout soupçon de complicité avec un traître à la patrie socialiste. Peut-être s’étaitelle prise au jeu? Faisant les gestes de la foi, la foi lui était peut-être venue? Foi en ce
socialisme qui apporterait une vie meilleure…
Au moment même où elle va s’éteindre, ses enfants lui font croire à une RDA
ouverte, accueillant des Allemands de l’Ouest à la recherche d’autres idéaux que celui
de la consommation. Ambiguïté du film, que la voix off tempère : « C’est l’image
d’un pays qui n’a sans doute jamais existé ». Il est vrai que le film évoque les défauts
du système capitaliste (consommation à-tout-va, tromperie publicitaire, liberté
débridée) et les difficultés d’une population qui en a rêvé et y entre de plain-pied,
sans cependant s’y être préparée.
Qu’un tel discours puisse être tenu ne signifie-t-il pas que la dictature totalitaire,
qui ne saurait admettre qu’un discours unique, celui d’une idéologie légiférante, est
bien liquidée? Depuis la chute du Mur, les Allemands de l’Est sont entrés dans un
système où la liberté n’est pas toujours facile à assumer, mais où des voix discordantes ont le droit de se faire entendre.
w w w. s o u v a r i n e . f r
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