Crossfire de Christian Marclay Aux abords de la salle
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Crossfire de Christian Marclay Aux abords de la salle
KOBASSIAN N °10127621 Dimitri Etude d'oeuvre – Crossfire de Christian Marclay Aux abords de la salle présentant Crossfire, de Christian Marclay, nous sommes surpris par une sorte de rythme émanant de celle-ci. Des percutions, des bruits secs, claquants, comme des coups de feu. En lisant le cartel, les intérrogations se dissipent: Crossfire, ou tir croisé, en francais, est une oeuvre regroupant une série de scènes issus de films, ayant toutes pour point commun l'utilisation d'une arme à feu. A mi-chemin entre la performance et le happening, l'artiste nous offre, dans une salle sombre, avec quatre écrans géant, un dispositif d'une certaine violence. Au centre, attaché au plafond, un systême composé de quatres vidéoprojecteurs, avec enceintes. Sur chaque mur, une séquence, simillaires entre elles, mais pas identiques, avec de légers décalages temporels. Nous nous tenons alors, au centre de la pièce, sous le feu d'une horde d'assaillants, issus des productions hollywoodiennes. Du point de vue strictement visuel, les flashes des tirs et l'effet stromboscopique des raffales donnent un certain rythme à l'oeuvre. Des visages familiers apparaissent, et pour cause, nous les avons vu depuis notre jeunesse. Steve McQueen, Charleton Heston, John Travolta, Arnold Schwarzenegger, Cho Yung Fat, Robert De Niro, ils sont là, le regard ferme, crachant une pluie de plomb, droit devant eux. Et devant eux, il y a nous, les spectateurs. Nous sommes encerclés, couvert par un feu nourri. Pulp Fiction de Quentin Tarantino, Scarface de Brian de Palma, Terminator de James Cameron, A Bullet in the Head de John Woo, toute un pan de l'industrie cinématographique nous agresse. Marclay utilise les armes à feu comme autant d'instruments de percussion, et percute les douilles une par une dans l'animation d'une danse macabre, rythmée par les sifflements et les explosions. Balle siffleuse, balle traçante, Hollow Tip, KOBASSIAN N °10127621 Dimitri Etude d'oeuvre – Crossfire de Christian Marclay Coated Chamber, Armored Tip, calibre lourd, calibre léger, toutes ces munitions et ces armes sont autant de variations possibles dans l'univers sonore de Crossfire, qui finit par ressembler à une gigantesque partie de jeu vidéo. L'oeuvre en elle-même est séduisante, des armes, des explosions, des acteurs célèbres, nous pourrions penser être devant le plus grand regroupement d'acteurs hollywoodien depuis La Classe Américaine de Michel Hazavanicius, mais pourtant, nous devons rapidement réalisé où nous sommes... Au beau milieu d'une fusillade. Les quatres écrans forment ainsi une enceinte couvrant entièrement les murs nous entourant, du sol au plafond, les assaillants nous encerclant. Clic, Pan, boom, le rythme se précise, s'amplifie, se stabilise. Comme dans les films américains des années 80, on se demande combien ils ont de balles dans leur chargeur... et soudain, le silence... « Clic... Clic...Schlack! » Plus rien sur les écrans. Au loin, un cliquetis... Ils rechargent... Sporadiquement, un coup de feu part d'un écran, mais aucune synchronisation n'est apparente. Une sorte de Bridge, comme disent les musiciens... Un pont, un moment en rupture avec le reste. Nous somme sorti d'affaire?.. Un autre coup part... puis un autre... de plus en plus vite... et c'est de nouveau un déluge de feu et de plomb. Les échos obsèdants des tirs nous ennivrent, nous pertubent... En se concentrant uniquement sur le son, nous sommes en mesure de discerner un rythme certain, une structure répétitive et simple, comme les percussions de certains groupes de punk-rock. Une sorte de 4/4/2, comme on dit entre musiciens punk, un rythme presque défini qui couvre pratiquement l'intégralité des chansons punk rock... Je m'explique. Une chanson punk est généralement composé de la manière suivante: Verse -> Chorus -> Verse très proche du premier -> Chorus -> Break avec bridge, solo aussi, si le guitariste se motive et est capable de synchroniser ses doigts -> Verse beaucoup plus énervé, en criant très fort, en essayant de pas se claquer les cordes vocales -> Chorus Ad-lib, avec variantes, etc. En analysant Crossfire, nous retrouvons la structure d'un morceau de musique, avec ses chorus, ses verses, et surtout, son break. Le tout finissant sur l'explosion pétaradante de Scarface. L'oeuvre apparait comme une critique de la société contemporaine, particulièrement la société américaine, totalement fascinée par le culte de l'arme à feu, et de la sensation de puissance qu'elle procure. Nous, spectateurs KOBASSIAN N °10127621 Dimitri Etude d'oeuvre – Crossfire de Christian Marclay désarmés. Eux, « super-héros » armés jusqu'aux dents dans tous les calibres. Un malaise se crée, enfle, se répand, se ramifie... Une tumeur, comme celle qui dévore actuellement les Etats-Unis, et dont le massacre de Virginia Tech, en 2007, ou la fusillade de Columbine en 19991, ne sont l'expression. Comment un pays qui se veut le premier pays du monde peut il encore permettre la libre circulation des armes? Pourquoi l'Homme se sent-il « invincible » dès lors qu'il a de quoi faire sauter la cervelle de son prochain? Marclay effleure un aspect de l'âme humaine, proche de la folie, et qui est totalement inscrit, digéré et retransmis par l'industrie hollywodienne. Une fascination malsaine pour les armes, qui aboutissent à un malaise stigmatisé par Peter Sloterdijk. « Le processus mondial, dans son ensemble, a beaucoup plus de traits communs avec une party de suicidaires à grande échelle qu'avec une organisation d'êtres rationnels visant à conservation de soi. »2 Nous en avons la preuve chaque jour, en nous branchant au hasard sur CNN, avec au choix: – L'US Army qui envoient ses G.I. Joes en Irak joués les redresseurs de tort en Irak, sous le pretexte officiel de supprimer un dangereux dictateur qu'ils ont aidé à arriver au pouvoir. – L'Iran qui menace de faire sauter quatre fois la planète en récupérant l'arme atomique, faisant la Doomsday Clock3 s'approcher joyeusement de minuit. – La Corée du Nord, et son dirigeant Kim Jong-Il, qui possède de quoi faire faire aussi sauter quatre fois l'Europe et les Etats-Unis. – Nos amis américains, qui eux, en plus d'avoir aussi de quoi faire péter la Terre en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, ont également trouvé le moyen de la pourrir graduellement en refusant de signer le protocole de Kyoto concernant l'environnement. Au final, Il faut se rendre compte que l'être humain est son propre némésis. La nature humaine appelle à son autodestruction. C'est un peu ce que dénonce Christian Marclay dans Crossfire, qui au final apparaît comme un quartet 1 Bowling for Columbine, Michael Moore, 2002. Oscar du meilleur documentaire en 2003. 2 Peter Sloterdijk, Essai d'intoxication volontaire, Hachette, Hachette pluriel, Paris, 2001 3 Horloge fictive, imaginée en 1947 par le Bulletin of the Atomic Scientists de l'Université de Chicago. Minuit représente la destruction de la race humaine par une guerre nucléaire. De nos jours, en plus de la menace nucléaire, les mecaces environnementales et technologiques entrent dans les mesures de la Doomsday Clock. Actuellement, l'horloge affiche minuit moins cinq minutes. KOBASSIAN N °10127621 Dimitri Etude d'oeuvre – Crossfire de Christian Marclay visuel et sonore qui fait écho aux moments les plus sombres de notre histoire passée, présente, et certainement à venir.