plaidoyer pour la signature d`actes notaries sous forme electronique1

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plaidoyer pour la signature d`actes notaries sous forme electronique1
CHRONIQUE
PLAIDOYER POUR LA SIGNATURE D’ACTES
NOTARIES SOUS FORME ELECTRONIQUE1
Par Hubert KERMARREC, notaire assistant, titulaire du diplôme
supérieur de notariat
Sommaire
INTRODUCTION ......................................................................................................................................... 2
§ 1 - L’acte notarié sous forme électronique et l’accueil qu’en a fait les notaires ........ 4
A - Définition de l’acte notarié sous forme électronique ..................................................... 4
B - L’accueil de l’acte notarié sous forme électronique par les notaires ....................... 6
§ 2 - Les avantages attendus de l’acte notarié sous forme électronique .......................... 9
A - Un gain de temps ........................................................................................................................10
B - Economies faites sur certaines charges ..............................................................................13
C - Une sécurité juridique et technique accrue ......................................................................13
D - Une (meilleure) interopérabilité des notaires entre eux et des notaires avec
leurs partenaires professionnels .................................................................................................14
E - Signature de l‘acte notarié « à distance » ..........................................................................15
CONCLUSION............................................................................................................................................16
Voir nos travaux : « L’acte notarié sous forme électronique », Mémoire de D.S.N. soutenu le 17 juil. 2009, Univ. de
Rennes 1, sous la direction du Pr. Philippe PIERRE.
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CHRONIQUE
INTRODUCTION
1 - Voilà un an que le notariat français a fêté la signature du premier acte authentique sous
forme électronique2. Cette prouesse technique et technologique, événement majeur qui fera
date dans l’histoire, a marqué l’entrée du notariat français dans le XXI ème siècle3. Cette
première mondiale a été saluée par de nombreux médias (presse, radios, télévision, Internet).
Longtemps dénigrée, la profession notariale a su faire preuve de modernisme, et a pris ainsi
sa revanche sur ses détracteurs, en balayant du même coup l’image poussiéreuse qui lui
collait à la peau. Ce coup d’éclat qui sera consigné dans les annales n’est pas le résultat d’un
heureux cas fortuit, mais l’aboutissement d’une longue aventure qui a débuté une dizaine
d’années plus tôt.
2 - Pour pouvoir bien mesurer le parcours qui a été accompli, faisons un bref retour en arrière
en retraçant les grandes étapes qui ont jalonné la mise en place de l’acte notarié sous forme
électronique.
3 - Tout est parti de l’écrit sous forme électronique dont l’absence de valeur juridique
expresse constituait un obstacle à l’essor du commerce électronique en France. Le législateur
retenait en effet une conception restrictive de la notion juridique d’écrit, ce qui ne pouvait
que condamner l’émergence et le développement des écrits dématérialisés.
De son côté, la jurisprudence, qui prêtait une oreille attentive aux attentes des
professionnels, a fait preuve de bienveillance à l’égard de l’écrit sous forme électronique en
s’efforçant, à chaque fois que l’occasion s’était présentée à elle, de lui faire produire un
maximum d’effets juridiques4.
Avec la multiplication des écrits sous forme électronique, le fossé n’a cessé de se creuser
entre la pratique des milieux d’affaires et le droit de la preuve dont les règles, pour leur
grande majorité, étaient restées inchangées depuis la rédaction du Code civil en 1804.
4 - Le législateur français est donc intervenu par la loi n° 2000-230 du 13 mars 20005 par
l’insertion de plusieurs nouveaux articles dans le Code civil.
Cette loi n’a pas créé de nouvelle exception à l’exigence d’une preuve par écrit, mais,
s’inspirant du courant jurisprudentiel, a défini pour la première fois la notion d’écrit
Le premier acte notarié sur support électronique « numéro zéro » - acte inaugural du minutier central électronique des
notaires de France (MICEN) - a été signé le 28 octobre 2008 dans les locaux du Conseil supérieur du notariat, par Mme
Rachida DATI, Garde des Sceaux, et Mr Eric BESSON, secrétaire d’Etat chargé de la prospective, de l’Evaluation des
politiques publiques et du Développement de l’économie numérique, en présence de Me Bernard REYNIS, ancien
président du CSN. Cette signature a été suivie du premier acte de vente réalisé de manière totalement dématérialisée, et
portant le « numéro 1 », reçue par Me Yves PREVOST, notaire à Guignicourt (Aisne).
3
La communication sur cet événement, orchestrée par le CSN, s‘est notamment concrétisée par plusieurs articles parus
dans la presse nationale et régionale, et par voie de communication de presse. Voir notamment les articles suivants :
- BENICHOU (Barbara), « Coup d’envoi pour l’acte authentique électronique », revue Notaires Vie Professionnelle n° 271,
sept.-oct. 2008, spéc. p. 12.- CONSEIL SUPERIEUR DU NOTARIAT, « Signature du premier acte authentique sur support
électronique », conférence de presse, 28 octobre 2008, JCP éd. notariale n° 45, 7 nov. 2008, Echos et opinions n° 723,
spéc. p. 6.- CONSEIL SUPERIEUR DU NOTARIAT, « Signature du premier acte authentique sur support électronique - 28
octobre 2008 », dossier de presse et communiqué de presse, consultables sur internet aux adresses suivantes :
www.notaires.fr et www.justice.gouv.fr.- GANIVET (Florence), « L’an I de l’acte authentique sur support électronique »,
Revue Notaires Vie Professionnelle n° 272, nov.-déc. 2008, spéc. p. 24 et 25.- GARNERIE (Laurence), « Acte authentique
électronique : c’est parti ! », Droit et Patrimoine n° 175, nov. 2008, p. 22.
4
Très tôt, la jurisprudence s’est efforcé de définir l’écrit indépendamment de la substance et de l’instrument d’écriture :
« le mot écrire signifie tracer des lettres, des caractères ; que la loi n’a spécifié ni l’instrument ni la matière avec
lesquels seraient tracés les caractères… » CA Aix-en-Provence, 27 janvier 1846, DP 1846, 2, p. 230 (testament
olographe rédigé au crayon). Dans un arrêt fondateur et de principe, la Cour de Cassation a élargi la notion d’écrit en ne
le faisant plus dépendre de son support, pour ne le définir que par ses fonctions : « L’écrit constituant l’acte
d’acceptation d’une cession de créance professionnelle peut être établi et conservé sur tout support, y compris par
télécopies, dès lors que son intégrité et l’imputabilité de son contenu à l’auteur désigné ont été vérifiées ou ne sont pas
contestées. » Cass. Com. 02 déc. 1997, SA Descamps c/ Banque Scalbert Dupont (valeur probante d‘une télécopie). Pour
des commentaires de cet arrêt, voir D. 1998, p. 192 à 194, obs. Didier-R. MARTIN ; JCP G 17 juin 1998, II, 10097, p.
1105 à 1108, obs. Luc GRYNBAUM ; JCP E 29 janv. 1998, p. 178 à 181, obs. Thierry BONNEAU ; « L’audace
technologique à la Cour de Cassation : vers la libération de la preuve contractuelle », JCP G 20 mai 1998, n° 21-22,
Actualité, p. 905 et 906, obs. Pierre CATALA et Pierre-Yves GAUTIER ; Bull. civ. IV, n° 315.
5
Loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l’information et relatif
à la signature électronique (JORF n° 62 du 14 mars 2000, p. 3968).
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indépendamment de son support et des modalités de sa transmission, pour y inclure l’écrit
sur support électronique6.
Par ailleurs, elle a permis à l’ensemble des actes authentiques d’être dématérialisés sous
réserve de satisfaire à des conditions d‘établissement et de conservation 7 .
Le décret d’application de cette loi, adopté le 30 mars 2001 8, contient l’ensemble du
dispositif technique de signature électronique basé sur la technologie de la signature
(alpha)numérique par cryptographie à clés asymétriques.
5 - La possibilité de dresser des actes authentiques sur support électronique n’était pas une
requête de la profession notariale9. C’est lors de la discussion du projet de loi précité qu’un
amendement sénatorial a proposé d’étendre le champ d’application du texte aux actes
authentiques. Le Gouvernement qui était favorable à cette extension a missionné un groupe
de travail10 à l’effet de réfléchir aux mesures techniques à prendre par voie règlementaire
pour organiser la réception d’actes authentiques sous forme électronique. Le décret n° 2005973 du 10 août 200511 est le fruit de ce travail de réflexion.
6 - Depuis le 1er janvier 2006, date d’entrée en vigueur dudit décret, il était possible pour les
notaires français - mais seulement en théorie - de recevoir un acte notarié sous la forme
dématérialisée.
Comme nous allons le voir infra, l’infrastructure logicielle et technologique n’ayant été mise
en place que progressivement, aucun procédé de signature électronique n’a pu être réputé
fiable au sens de l’article 1316-4, alinéa 2 du Code civil, et aucun acte notarié n‘a pu être
dressé sous la forme électronique.
7 - Rendre la dématérialisation des actes notariés possible n’était pas une mince affaire, le
décret du 10 août 2005 a pris de court aussi bien les techniciens que les praticiens.
- Chez les techniciens informatiques tout d‘abord, il a fallu concevoir un système de
signature électronique sécurisée suffisamment fiable pour pouvoir être adopté pour la
signature d’actes notariés.
Le Conseil supérieur du notariat a ainsi mené des travaux pour rechercher une puce
électronique certifiée selon les critères imposés par la Direction Centrale de la Sécurité des
Systèmes d’Information (DCSSI), et pour obtenir la qualification de prestataire de services de
certification électronique (PSCE).
Ces travaux ont abouti à la certification du procédé de signature électronique des notaires le
12 septembre 2007 par la DCSSI12, et à la reconnaissance de la qualification du Conseil
supérieur du notariat en qualité de prestataire de services de certification électronique
qualifié le 20 août 2007. Ceci n’a été rendu possible que par le travail qui a été mené en
L’écrit est ainsi défini indépendamment du support sur lequel il est établi (art. 1316). Plusieurs conditions sont posées
à l’admissibilité de l’écrit sous forme électronique (art. 1316-1) pour qu’il puisse avoir la même force probante que
l’écrit sur support papier (art. 1316-3). Les conventions de preuve ont été consacrées (art. 1316-2). Enfin, pour la
première fois, le législateur définit la signature, en reprenant l’approche fonctionnelle retenue par le droit positif, et fixe
les conditions de validité de la signature électronique (art. 1316-4).
7
Art. 1317, alinéa 2 du Code civil.
8
Décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l’application de l’article 1316-4 du code civil et relatif à la signature
électronique (JORF du 31 mars 2001).
9
D’ores et déjà, précisons que cette circonstance pourrait expliquer l’accueil qui a été réservé par les praticiens à l’acte
authentique sur support électronique.
10
De LAMBERTERIE (Isabelle) (sous la dir. de), « Les actes authentiques électroniques : réflexion juridique prospective »,
Mission de recherche « Droit et Justice », La Documentation française, Coll. Perspectives sur la justice, 2002.
11
Décret n° 2005-973 du 10 août 2005 modifiant le décret n° 71-941 du 26 nov. 1971 relatif aux actes établis par les
notaires (JORF du 11 août 2005).
12
Aux termes d’un communiqué de presse en date du 12 septembre 2007, le Conseil supérieur du notariat a informé
l’ensemble des notaires de France que le système de signature électronique mis en place par le notariat français avait
été officiellement reconnu conforme aux plus hautes exigences en matière de sécurité. Pour attester de cette validation,
« le Président du Conseil Supérieur du Notariat, Maître Bernard REYNIS, a reçu de Madame Armelle TROTIN, Présidente
de L.S.T.I. (La Sécurité des technologies de l’information), organisme officiel de certification, les certificats reconnaissa nt
la conformité du système de signature électronique mis en place par le Notariat français aux plus hautes exigences en
matière de sécurité. Le Notariat français est ainsi devenu la première profession en Europe dotée d’une signature
électronique reconnue par les plus hautes autorités en la matière et répondant aux exigences de sécurité fixées par la
D.C.S.S.I. (Direction Centrale de Sécurité des Systèmes d’Information). » Conseil supérieur du notariat, communiqué de
presse du 12 sept. 2007, publié au Répertoire Defrénois n° 19/07, actualités, spéc. p. 172, et au JCP N n° 38, 21 sept.
2007, échos et opinions, n° 603, spéc. p. 8.
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partenariat avec les Sociétés de Service en Ingénierie Informatique (SSII) pour développer une
signature électronique sécurisée répondant à la définition du décret de 2005.
- Ensuite, chez les praticiens - qui, rappelons-le, n’étaient pas les instigateurs de cette
réforme -, la dématérialisation de l’acte authentique les a pris de vitesse, faute d’avoir été
préparés aussi bien sur le plan matériel que psychologique.
8 - Depuis la signature du premier acte notarié dématérialisé, l’enthousiasme de départ
semble être retombé : aucune diffusion d’informations sur le sujet ne filtre. Ainsi, les chiffres
sur le nombre d’actes notariés dressés par chaque office notarial demeurent confidentiels,
aucune statistique officielle n‘a, semble-t-il, été établie. Un certain malaise semble s’être
installé au sein de la communauté notariale.
Pour tenter de convaincre les praticiens d’adopter le support électronique - ou tout au moins
de l’expérimenter au sein de leurs études -, il semble nécessaire de leur faire prendre
conscience des enjeux considérables de la dématérialisation des actes notariés.
Pour ce faire, il faut, au préalable, comprendre ce que recouvre la notion d’acte notarié sur
support électronique - ce qui nous conduira à rappeler l’accueil qu’en a fait les notaires - (§
1), pour ensuite, exposer les nombreux avantages que ces derniers pourraient tirer de la
dématérialisation d’un certain nombre de leurs actes (§ 2).
§ 1 - L’acte notarié sous forme électronique et son accueil par les
notaires
9 - Pour bien saisir les enjeux de la dématérialisation, il faut, dans un premier temps, définir
précisément ce qu’est un acte notarié sous forme électronique (A), pour dans un second
temps, voir l’accueil qu’en a fait les notaires (B).
A - Définition de l’acte notarié sous forme électronique
10 - Par définition, l’acte notarié sous forme électronique est une preuve littérale établie sous
forme électronique (1°) qui conserve son statut d’acte authentique (2°).
1°) - l’acte notarié sous forme électronique : une preuve littérale sous forme électronique
11 - Une preuve littérale sous forme électronique est constituée d’un écrit sous forme
électronique (a) signé au moyen d’un procédé de signature électronique (b).
a) - un écrit sous forme électronique … (définition de la notion d’écrit)
12 - La doctrine s’interrogeait sur le point de savoir si l’écrit sous forme électronique était un
écrit à part entière. Pour y répondre, il a fallu définir précisément les contours de la notion
d’écrit.
Jusqu’à la loi n° 2000-230 du 13 mars 2000, la notion juridique d’écrit n’ayant pas reçu de
définition légale, l’écrit sous forme électronique peinait à se voir reconnaître une plénitude
d’effets juridiques.
13 - En déconnectant l’information formulée dans l’écrit (medium) de son support, le
législateur de 2000 a pu englober dans la définition de l’écrit - au sens où on l’entendait
traditionnellement - l’écrit dématérialisé13.
Aux termes de l’article 1316 du Code civil, « La preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d’une suite de lettres, de
caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur
support et leurs modalités de transmission. »
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Il a posé à l’article 1316-1 du Code civil14 des conditions supplémentaires à l’admission de
l’écrit sous forme électronique, ce dernier n’offrant pas les garanties qu’est présumé
posséder intrinsèquement le support papier15.
b) - … revêtu d’un procédé de signature électronique (définition de la notion de
signature (électronique))
14 - Pour faire partie des procédés de preuve dit parfaits, l’écrit doit revêtir la forme d’un
acte instrumentaire (acte sous seing privé ou acte authentique), c‘est-à-dire qu’il doit être
signé par son auteur. A l’absence de signature, l’écrit n’a aucune valeur probante, il ne peut
valoir que comme indice soumis à la libre appréciation du juge.
Transposé à l’univers dématérialisé, l’écrit sous forme électronique doit donc être revêtu d’un
procédé de signature électronique pour accéder au rang de preuve littérale parfaite.
Or, la difficulté est d’assurer le lien entre le signataire et l’écrit. Ce lien est relativement aisé à
établir dans l’univers traditionnel grâce au signe manuscrit de signature, mais s’avère
beaucoup plus difficile à constater lorsque l’acte est dématérialisé.
La difficulté a été de trouver un procédé technique qui pourrait se rapprocher le plus, tant
par ses qualités physiques que juridiques, du signe manuscrit de signature 16.
15 - Le progrès réalisé dans les nouvelles technologies de l’information et de la
communication a permis d’offrir aux juristes un procédé fiable de signature électronique
répondant aux conditions posées par l’article 1316-4 alinéa 2 du Code civil17, à savoir la
signature électronique (alpha)numérique basée sur la cryptographie à clés asymétriques.
2°) - l’acte notarié sous forme électronique : un acte authentique
16 – A première vue, il peut paraître curieux de vouloir réunir l’authenticité et l’électronique,
deux concepts en apparence incompatibles. Et pourtant, c’est en dépassant cette
contradiction apparente qu’a émergé la notion d’authenticité électronique.
17 - Le support électronique de l’acte notarié n’a pas d’influence sur sa nature juridique.
L’acte notarié dématérialisé doit continuer à satisfaire aux conditions substantielles de
l’authenticité18 pour bénéficier de ses effets exorbitants (force probante19, date certaine et
force exécutoire).
L’acte authentique tire toute sa force du témoignage de l’officier public. Or, pour être témoin,
le notaire doit nécessairement être présent physiquement lors de la manifestation de volonté
de la partie ou de la déclaration de l’intervenant. C’est à cette condition qu’il pourra exercer
son rôle de témoin actif20.
Selon l’article 1316-1 du Code civil, « L’écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l’écrit sur
support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé
dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. »
15
Les propriétés traditionnelles du support papier sont une tangibilité, une intelligibilité immédiate, une lisibilité, une
durabilité et une inaltérabilité.
16
Rappelons que les deux fonctions juridiques traditionnelles de la signature sont l’identification de l’auteur de l‘écrit,
et la validation par le signataire de l’acte instrumentaire signé. A ce sujet, voir la thèse de Mme DAURIAC (Isabelle), « La
signature : un acte juridique », thèse de Doctorat, Univ. de Paris II Panthéon Assas, 1997.
17
Art. 1316-4, alinéa 2 du Code civil : « Lorsque [la signature] est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé
fiable d’identification garantissant son lien avec l’acte auquel elle s’attache. La fiabilité de ce procédé est présumée,
jusqu’à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l’identité du signataire assurée et l’intégrité de
l’acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat. »L’article 2 du décret n° 2001-272 du 30 mars
2001 précise que « La fiabilité d’un procédé de signature électronique est présumée jusqu’à preuve contraire lorsque ce
procédé met en œuvre une signature électronique sécurisée, établie grâce à un dispositif sécurisé de création de
signature électronique et que la vérification de cette signature repose sur l’utilisation d’un certificat électronique
qualifié. »
18
L’acte notarié sur support électronique est dressé par un officier public compétent, capable, agissant dans l’exercice
de ses fonctions, et dans le respect des solennités, conformément à l‘article 1317 alinéa 1 er du Code civil.
19
L’acte authentique fait foi jusqu’à inscription de faux (art. 1319 du Code civil).
20
C’est-à-dire la lecture de l’acte aux parties et aux déclarants, l’exercice de son devoir de conseil, etc.
14
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On doit retrouver dans l’univers électronique les éléments fondamentaux qui caractérisent
l’authenticité de l’acte, à savoir la présence physique réelle du notaire aux côtés de la partie
qui exprime son consentement.
Les missions du notaire sont inchangées, seules les conditions de leur exercice sont
profondément modifiées, le tout dans le respect des éléments substantiels de l‘authenticité.
L’acte notarié sous forme électronique possède tous les attributs de l’authenticité, et n‘est
pas un nouveau type d’acte authentique sui generis établi et conservé sous forme
électronique.
B - L’accueil de l’acte notarié sous forme électronique par les notaires
18 - Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’acte notarié sous forme électronique n’est pas
véritablement entré dans les « mœurs » des études notariales (1°).
Quelles sont les raisons de cette désaffection si prononcée à l’égard du support
électronique ? Où en trouvons-nous les sources (2°) ?
Quels remèdes peut-on y apporter (3°) ?
1°) - un constat préoccupant : la quasi-absence de pratique
19 - Depuis son coup d’envoi fin octobre 2008, l’acte notarié sous forme électronique peine à
être adopté, voire même tout simplement à être expérimenté par la profession notariale.
20 - Il aurait été intéressant de pouvoir dresser un premier bilan après une année d’activité 21.
Mais, compte tenu du nombre infinitésimal d’actes notariés établis sur support électronique à
ce jour22, cette opération semble un peu prématurée, et donc de peu d’utilité pour pouvoir y
tirer des enseignements sur ce que pourrait être la pratique professionnelle dans les années
à venir.
Néanmoins, et de sources autorisées, précisons qu’à l’heure actuelle, le type d’acte le plus
déposé au MICEN23 est la mainlevée d‘inscription de garanties immobilières, acte qui se passe
de la comparution de parties (clerc de notaire mandataire), où seul le notaire signe24.
2°) - recherche des obstacles à la dématérialisation de l’acte notarié
21 - Pour quelle(s) raison(s) l’acte authentique sous forme électronique n’a pas encore reçu
auprès des notaires le succès escompté ? Pour le découvrir, il faut rechercher les obstacles
qui se dressent encore aujourd’hui à une adoption généralisée du support électronique pour
les actes notariés. Comment expliquer qu‘aucune véritable amorce de démarrage du
phénomène de dématérialisation ne s‘est produite ?
22 - Aujourd’hui, au moins deux obstacles peuvent expliquer cette désaffection :
un obstacle technique provenant de l’incapacité (temporaire) du minutier
électronique de recevoir des fichiers informatiques trop volumineux en terme de
poids (a) ;
et surtout, et plus gênant, un obstacle psychologique dû à la résistance des notaires
de devoir abandonner leurs habitudes si longtemps éprouvées (b).
Ainsi, nous aurions pu dresser un panorama des actes notariés conservés au MICEN en recueillant les chiffres sur le
nombre d’actes dématérialisés par offices, la proportion des actes dématérialisés par rapport aux autres actes établis
sur support papier, et leur typologie, etc.
22
En une année, environ 250 actes notariés sous forme électronique ont été enregistrés au MICEN. Ce nombre est
extrêmement faible par rapport au nombre de notaires en France. Pour noircir le tableau, il faut indiquer que le minutier
électronique n’a été alimenté que par… 3 à 5 offices, ce qui représente une proportion de 0,05 à 0,10 % d’études à
l’échelon national !
23
MInutier Central Electronique Notarial
24
Il semble que le praticien ne soit pas encore tout à fait à l’aise pour « émanciper » sa pratique et envisager la
réception d’actes dématérialisés en présence d‘un ou de plusieurs clients.
21
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a) - l’obstacle technique
23 - Le premier frein à l’épanouissement de l’acte notarié dématérialisé en France résulte de
la capacité du minutier électronique de ne recevoir que des actes dit « simples » pour
l’instant.
Qu’entend-on par acte « simple » ? Il ne s’agit pas de la définition de l’acte simple qu’en avait
donné la Direction Générale des Impôts dans le cadre de l’application Télé@ctes25.
A dire vrai, il s’agit, en fait, de limiter les transferts dématérialisés aux fichiers informatiques
de taille26 très modeste, le minutier électronique étant en encore en période de « rodage », le
taux de transfert actuel des données ne permettant pas la transmission de la plupart des
actes notariés27.
Il est à espérer que cette nécessaire période technique de « rodage » ne s’éternise pas, la
discrimination faite entre les actes « légers » et « lourds » en terme de taille n’étant pas
fondée juridiquement mais ressortant d’une pure considération technique.
24 - Va-t-on connaître une évolution exponentielle telle que celle que l’on a connu avec les
« téléréquisitions » aux Conservations des Hypothèques ?
Seul l’avenir nous le dira, mais, à notre sens, face à l’urgence de moderniser les procédures
de traitement des actes notariés, les études emboiteront le pas rapidement. Il est à espérer
que les liens privilégiés qu’entretient la profession notariale avec l‘Etat, et notamment
l’alimentation exclusive du fichier immobilier dont elle bénéficie aujourd’hui pour les actes et
contrats ne soit pas remise en cause par d’autres professionnels plus dynamiques et plus
modernes qui pourraient se saisir de l’occasion pour proposer leurs services.
b) - l’obstacle psychologique
25 - Comment expliquer le peu d’attrait que présente aujourd’hui l’acte dématérialisé aux
yeux des praticiens ? Pourquoi ces derniers se montrent-ils aussi réticents à dématérialiser
les actes qu’ils dressent ?
26 - Dématérialiser l’acte notarié peut paraître à d‘aucuns comme un effet de mode
qu’explique l’informatisation de l’ensemble des activités économiques, et spécialement
notariales, entreprise déjà depuis plusieurs années.
Pourtant, il n’en est rien. La dématérialisation de l’acte notarié signe le renouveau de la
profession, et l’engage pour l’avenir.
L’infrastructure matérielle et logicielle pour signer des actes notariés dématérialisés ayant été
mise en place28, il ne reste plus aux études notariales qu’à s’équiper d’un des logiciels
informatiques leur permettant de dresser des actes sur support électronique.
Le système n’aura d’intérêt et ne déploiera tous ses effets qu’autant que l’ensemble des
notaires proposera le support électronique à sa clientèle. Les actions isolées (certains offices
très en pointe et d’autres toujours à la traîne par manque de moyens et/ou de volonté) ne
sont pas souhaitables à plus ou moins long terme.
La part de nouveauté contient toujours une part de risques. Est-ce là une raison suffisante
pour refuser toute évolution ? L’homme n’aime guère le changement, il est, par nature, assez
conservateur. Il faut dépasser les a priori que certains peuvent avoir, par nature stériles.
Déjà, avec l’application Télé@ctes, le même comportement a pu être constaté. Nous le
déplorons. Beaucoup trop d’études préfèrent encore garder leurs méthodes de traitement
traditionnelles par frilosité.
L’application Télé@ctes permet notamment la « télépublication » des actes authentiques à la Conservation des
Hypothèques.
26
Rappelons que la taille d’un fichier informatique se mesure en octets.
27
N’oublions pas qu’en informatique, ce qui pèse très lourd n’est pas tant le fichier dans lequel est enregistré le texte
de l’acte notarié stricto sensu, mais plutôt les annexes qui n’ont cessé de grossir au fil des années et qui représentent
généralement un nombre de pages supérieur à celui de l’acte.
28
Certification du dispositif sécurisé de création de signature électronique des notaires aux exigences posées par
l’article 3, I du décret n° 2001-272 du 30 mars 2001.
25
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L’arrivée de Télé@ctes29 a bouleversé les habitudes et peut-être même parfois choqué les
consciences. Quoiqu’on en dise, les « télépublications » ont permis d’accélérer de manière
significative les formalités relatives à la publication de l’acte à la Conservation des
Hypothèques.
Or, on constate, encore aujourd’hui, que certains offices continuent de maintenir des
méthodes de traitement traditionnelles, ne s’étant pas décidés à franchir le pas. Les
publications selon le mode traditionnel leur conviennent parfaitement et les rassurent.
Rendons-nous compte qu’un tel comportement est presque suicidaire pour le devenir de la
profession.
27 - En pratique, force est de constater que les notaires ne semblent pas encore tout à fait
prêts à utiliser le support électronique. Dans une profession qui repose traditionnellement
sur le support papier, il est vrai que la dématérialisation peut en effrayer plus d‘un. L’acte
notarié électronique leur fait peur car ils ont le sentiment de ne plus maîtriser le processus
d’élaboration de l’acte, ce qui est très frustrant pour des professionnels qui ont le souci du
détail, et s’appliquent à faire des actes qu’ils reçoivent des écrits irréprochables. Ils ont en
permanence le souci de sécuriser au maximum leurs actes juridiquement et techniquement
pour qu’ils produisent les effets juridiques souhaités par les parties.
Cette situation reflète la grande incertitude exprimée par les praticiens. Le lien presque
fusionnel qu’a toujours entretenu l’officier public avec le support papier semble
indestructible et difficile à remettre en cause dans les esprits. Le support électronique est
quant à lui regardé avec suspicion. Les praticiens n’y voient pas d’intérêt, ils semblent
dépassés par les nouvelles technologies de l‘information et de la télécommunication.
Il existe une crainte exprimée par les notaires de devoir assurer des rendez-vous qui
constituent une sorte de révolution dans leur esprit et celui de leurs clients. Le changement
paraît trop brusque, trop profond dans les habitudes des notaires et de leurs collaborateurs.
Ils ont besoin d’une période d’adaptation. Les jeunes générations de praticiens seront plus
enclines à passer du support papier au support électronique, étant nées avec une souris à la
main. Ceux pour lesquels la micro-informatique est déjà difficile à manipuler seront
complètement dépassés. L’acte authentique électronique est dur à assimiler pour les
générations de notaire qui rencontrent déjà des difficultés avec la technologie informatique,
et qui pensent encore que l’ordinateur est un outil destiné exclusivement au secrétariat.
28 - Cependant, n’oublions pas qu‘il n’est pas possible de contraindre tous les membres de
la profession à adopter le support électronique, ceci reste une faculté - du moins pour
l‘instant -. A notre sens, cette transition se fera par étapes successives au fur et à mesure du
renouvellement des générations de notaires et… de celle de leur clientèle.
Sans être grand prophète, nous pensons que l’utilisation du support électronique deviendra
indispensable lorsqu’il s’agira d’interagir avec les administrations ou/et avec d’autres
professionnels, tandis que le support traditionnel sera réservé aux actes « isolés ».
29 - La question qui peut se poser est celle de savoir si on n’a pas devancé les besoins de la
pratique. En d’autres termes, n’est-ce pas trop tôt pour proposer aux notaires et à leur
clientèle la signature d’actes authentiques totalement dématérialisés ?
A notre avis, et c’est tout l’intérêt du présent article, il est indispensable que le plus grand
nombre de notaires soient convaincus que le support électronique est le support d’avenir
pour les actes notariés, afin de les inciter fortement à franchir le pas vers le « tout
électronique ».
Voir GRELON (Bruno), « Coup d’envoi : Télé[1er]@cte ! », revue Notaires/Vie professionnelle n° 256, mars-avril 2006, p.
26 et s.
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CHRONIQUE
3°) - propositions de remèdes possibles
30 - Il est nécessaire qu’une prise de conscience se fasse chez les praticiens. Celle-ci ne
pourra se faire que si les instances professionnelles les sensibilisent par des campagnes
d’information, et les accompagnent dans leur démarche de renouvellement du processus de
confection des actes.
Au sein de la communauté notariale, il est impérieux que chacun prenne conscience que
l’acte notarié dématérialisé ne se développera que si chacun y met du sien et apporte sa part
de contribution. Nous encourageons l’ensemble des praticiens à faire des efforts et à se
mobiliser pour favoriser la réception d’actes notariés sur support électronique.
Il serait dommage que les instances notariales aient investi autant de moyens pour que les
notaires ne se saisissent pas du potentiel que leur offre le support dématérialisé.
Lors du lancement de la dématérialisation des actes notariés en 2008, Maître Bernard REYNIS,
ancien président du CSN, avait formulé le vœu que d’ici à cinq ans 30, la moitié des actes
dressés par les notaires soient dématérialisés. Ce souhait risque fort de ne pas être exaucé si
les praticiens ne réagissent pas très rapidement pour inverser la tendance.
31 - Plusieurs mesures peuvent être prises pour insuffler l’élan manquant pour amorcer le
processus de dématérialisation.
32 - Face aux craintes légitimes d’un grand nombre de praticiens, le Conseil Supérieur du
Notariat a décidé de mener des campagnes d’explication et de promotion du support
électronique auprès des notaires pour les sensibiliser, et ainsi les inciter à franchir le pas vers
le « tout électronique ».
C’est ainsi que sous l’impulsion du Conseil Supérieur du Notariat, des journées de
présentation de l’acte notarié sur support électronique aux membres de la profession ont été
organisées31. Il a, semble-t-il, pris l’ampleur du phénomène de désaffection.
A notre sens, il faut prendre conscience que le support électronique, aujourd’hui simple
support alternatif, est appelé à devenir le support par défaut de l’acte notarié. Il deviendra
alors rare d’utiliser le support papier, sauf dans des situations exceptionnelles.
33 - Pour inciter les notaires à davantage recourir au support électronique au lieu et place du
support papier, l’idée d’instaurer une fiscalité différente 32 qui varierait suivant que l’acte
authentique soit dématérialisé ou non, est une piste de réflexion séduisante qui mérite d’être
creusée.
Bien entendu, l’instauration d’une telle mesure fiscale favorable ne serait que temporaire, le
temps pour les praticiens de franchir le seuil symbolique des cinquante pour cent d’actes
dématérialisés. Tout le monde serait gagnant (l’Etat, les notaires et les clients).
§ 2 - Les avantages attendus de l’acte notarié sous forme
électronique33
34 - L’acte notarié sous forme électronique présente de nombreux avantages pour le notaire
et ses clients. Les effets bénéfiques se ressentent à toutes les phases du traitement de l’acte.
Soit d’ici à l’année 2013.
Le Conseil Supérieur du Notariat a notamment mis en place des groupes « pilote » pour réaliser des journées de
présentation de l’acte notarié sur support électronique et de la signature à distance. Ainsi, une réunion mise en place
par l’association agréée du Conseil Régional des Notaires de Rennes a rassemblé seulement une cinquantaine de
notaires sur le ressort de la Cour d’Appel de Rennes. Petite consolation : les notaires présents ont été convaincus à
l’issue de cette réunion de s’engager à bras le corps dans le processus de dématérialisation.
32
Par exemple, le taux de la TVA de 19,6 % sur les émoluments ou honoraires pourrait être revu à la baisse lorsque le
support électronique a été adopté pour la minute.
33
Nous renvoyons le lecteur aux articles suivants :- GANIVET (Florence), « L’an I de l’acte authentique sur support
électronique », Revue Notaires Vie Professionnelle n° 272, nov.-déc. 2008, spéc. « Les avantages de la
dématérialisation », p. 25.- VOISIN (Bruno), « Le notariat sécurise les échanges électroniques », La Lettre de mon notaire
n° 43, sept. 2008.- VOISIN (Bruno), « Pierre Volland : « délivrer l’authenticité du XXIe siècle », revue Notaires Vie
Professionnelle n° 271, sept.-oct. 2008, p. 13 à 15.
30
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CHRONIQUE
35 - Avant de développer ses avantages directs, n’oublions pas que la dématérialisation aura
également des impacts en termes d’image 34 auprès de la clientèle et des autres
professionnels.
Le notariat est souvent perçu comme une institution sclérosée, gouvernée par des règles
surannées, héritées de l’Ancien Régime. Cette vision est évidemment déformatrice et ne
reflète pas la réalité. Il est vrai que la sécurité juridique et technique des actes passe par le
respect d’un arsenal de règles, qui plus est, très formalistes ; mais, ce n’est pas une raison
suffisante pour s’enfermer dans cette vision déformatrice.
Grâce à l’acte notarié sur support électronique, le notariat devient la première profession
juridique en Europe à proposer à sa clientèle la conclusion d’actes notariés sur support
électronique. Le notariat français a ainsi démontré sa capacité d’innovation, et d’adaptation.
36 - La dématérialisation avait touché presque tous les stades du processus d’élaboration de
l’acte notarié : de la saisie informatique du projet d’acte à sa « télépublication » à la
Conservation des Hypothèques via l‘application Télé@ctes. Une seule étape, à savoir celle de
la réception proprement dite, était restée à l’écart de la dématérialisation. C’est chose faite
aujourd’hui. Il est désormais possible de tirer pleinement profit des nouvelles technologies
de l’information et de la communication.
De manière synthétique, on peut dire que le passage au support électronique dégage du
temps pour le notaire (A), le conduit à réaliser des économies sur certaines charges (B),
apporte une plus grande sécurité juridique et technique à l’acte notarié (C), assure une
meilleure interopérabilité des notaires entre eux et des notaires avec leurs partenaires
professionnels (D), et enfin, permet de concevoir une réception « à distance » des actes
notariés (E).
A - Un gain de temps
37 - L’accélération des procédures de traitement de l’acte aura des retombées positives sur le
fonctionnement de l’office. De son poste, chaque collaborateur du notaire pourra en ressentir
les effets. La réduction des opérations traditionnellement effectuées se traduira par une
simplification et une accélération de celles-ci.
L’adoption de la forme électronique conduit à l’allégement des procédures de traitement des
dossiers, elle lève les contraintes attachées au support papier. Autrement dit, la
dématérialisation du support de la minute entraîne une réduction des tâches à accomplir par
le notaire et ses collaborateurs.
Ainsi, le processus qui préside au traitement d’un acte authentique sur support électronique
est accéléré à de nombreux stades, les modifications se situant aussi bien avant, pendant, et
après le rendez-vous de signature.
- Lors de la phase de rédaction du projet d’acte
38 - Ce n’est pas tant lors de la phase de préparation du projet d’acte que se situe les
bouleversements. La rédaction du projet de l’acte se faisant déjà depuis des années à l’aide
d’un logiciel de traitement de texte, la saisie informatique de l’acte reste inchangée 35.
La nouveauté se situe en fait dans la possibilité pour le collaborateur de joindre au projet
d’acte, et ce à l’aide d’hyperliens, les pièces et documents du dossier reçus sous la forme
électronique, qui deviendront des annexes par la suite. Ceci est d’autant plus intéressant
qu’il est aujourd’hui de plus en plus courant que le praticien reçoive des documents demandés à titre de formalités préalables - sous cette forme36.
Image de modernité, de capacité, d’évolution technique et technologique.
Il est toutefois à noter que les pièces qui seront annexées au futur acte notarié ne pourront-elles-mêmes être que sous
la forme électronique (soit elles parviendront au notaire sous cette forme, soit ce dernier les numérisera).
36
C’est le cas par exemple de la matrice cadastrale, du plan cadastral, de l’extrait cadastral téléchargeables via le réseau
internet sur les sites suivants : www.cadastre.gouv.fr pour le plan cadastral, et www.impots.gouv.fr pour la confection
du modèle n° 1.L’état hypothécaire hors et sur formalité est adressé par le Conservateur des Hypothèques sous la forme
électronique à l’office.
34
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Les demandes de pièces aux fins d’exécution des formalités préalables sont faites via le
réseau Internet. Les réponses parviennent au notaire sous la même forme et peuvent être
liées électroniquement au dossier de l’acte.
Ces documents dématérialisés n’auront plus qu’à être rattachés électroniquement au reste de
l’acte par le procédé fiable de signature électronique du notaire.
- Lors du rendez-vous de signature
39 - La lecture de l’acte authentique se fait sur écran et non plus à partir d’une impression du
projet d’acte sur support papier37. Les modifications (corrections, ajouts, précisions) sont
faites directement dans le fichier informatique sans avoir à passer par le support papier, ce
qui permet un gain de temps et diminue les risques d’erreurs. Le passage d’un support à
l’autre, outre qu’il ralentit le processus d’établissement de l’acte, peut en effet être source
d’erreurs du fait de l’étape de collationnement.
40 - Chacune des parties appose le signe manuscrit de sa signature sur une tablette
graphique à l’aide d’un stylet magnétique, l’image du signe manuscrit est reproduit
instantanément sur l’écran d’ordinateur. Il faut remarquer que cette image du signe
manuscrit ne vaut signature juridique qu’autant que le notaire a assisté à son tracé. Quant au
notaire, il peut, s’il le souhaite, apposer également l’image du signe manuscrit de sa
signature, laquelle n’a aucune valeur juridique38.
Le procédé fiable de signature électronique du notaire résulte de la composition d’un code
confidentiel et de l’insertion de sa clé USB Réal dans le port USB de son ordinateur 39.
41 - Concrètement, le notaire adhère, au préalable, aux Conditions Générales d’Utilisation de
la clé Réal et des certificats associés40 lors de la validation de sa demande de clé Réal lors du
face-à-face avec le « mandataire de certification interne » (notaire de la chambre des
notaires), ainsi qu’à celles de la Politique de Certification de l’AC REAL (qui décrit les
conditions de demande, de délivrance, d’usage, de renouvellement, de modification, de
suspension, et de révocation de la Clé Réal et des certificats).
Cette confrontation physique est consignée dans un acte authentique. Au titre des conditions
générales d’utilisation, le notaire doit satisfaire à plusieurs conditions et respecter certaines
obligations tenant à la sécurité technique41.
42 - L’exigence des paraphes sur chacune des pages de l’acte étant supprimée, le moment
consacré à la signature proprement dite sera extrêmement court (quelques secondes au lieu
de quelques minutes auparavant, voire plus…).
Le temps ainsi dégagé pendant le rendez-vous pourra être utilement mis à profit par les
notaires pour mieux améliorer le service rendu à leur clientèle 42.
- Après la signature de l’acte
En pratique, chacun des clients présents dans le bureau du notaire suit la lecture sur un écran individuel ou sur un
grand écran.
38
Elle participe et succède au rite de signature engagé par le client.
39
Le CSN a mis en ligne sur le portail du site des notaires (http : //www.notaires.fr) la reconstitution d’une signature sur
support électronique (animation graphique) d’un acte notarié sur support électronique.
40
« Conditions générales d’utilisation de la clé Réal et des certificats associés », version 1.07, accessible sur le site
internet à l’adresse http://www.preuve-electronique.org.
41
Aux termes de l’article 10.6.3 de la Politique de Certification de l’AC REAL :« Le porteur [de certificat] a le devoir de :Communiquer des informations exactes et à jour lors de sa demande ou du renouvellement du certificat,- Protéger sa clé
privée par des moyens adaptés à son environnement,- Protéger ses données d’activation et les mettre en œuvre,Protéger l’accès à sa base de certificat,- Respecter les conditions d’utilisation de sa clé privée et du certificat
correspondant,- Informer l’AC de toute modification des informations contenues dans son certificat,- Faire sans délai
une demande de révocation auprès du mandataire ou de l’OSC en cas de perte, de compromission ou de suspicion de
compromission de sa clé privée,- Interrompre immédiatement et définitivement l’usage de sa clé privée en cas de
compromission.[…] »
42
Par exemple, le notaire pourra mieux accompagner son client lors de la manifestation de sa volonté, en lui apportant
plus de clarté dans les explications juridiques ou fiscales, en lui délivrant plus de conseils avisés, d’explications sur les
sommes demandées, etc.
37
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43 - L’exécution des formalités postérieures est bien plus rapide, les délais de traitement
habituellement pratiqués étant nettement réduits43.
44 - Ainsi, lorsque l’acte est à publier au fichier immobilier, les copies hypothécaires sur
support électronique sont produites directement à partir de la minute électronique, sans
passer par l’étape du collationnement, et adressées directement via le réseau intranet
notarial Real à la Conservation des Hypothèques compétente qui procède aussitôt à son
enregistrement. Le notaire reçoit alors un accusé de réception et la mention de publication
dans les 48 heures de son envoi. Le client reçoit sa copie d’acte revêtue de la mention de
publication quelques jours après… et non plusieurs mois après la signature. L’acte notarié
sur support électronique permet donc une mise à disposition accélérée de la copie
authentique publiée à la Conservation des Hypothèques au client.
La dématérialisation de la minute s’accorde parfaitement dans le prolongement de la
procédure informatisée Télé@ctes qui permet la « télépublication » des actes à la
Conservation des Hypothèques. Ceci rejoint les préoccupations du Conseil Supérieur du
Notariat au sujet de la délivrance du titre de propriété et du solde de tout compte au client
dans les deux mois après la signature de l’acte de vente.
Encore aujourd’hui, il est à regretter que les efforts soient principalement, pour ne pas dire
exclusivement, concentrés sur la signature de l’acte ; les formalités postérieures ayant
tendance à être négligées et à traîner en longueur. Cette situation se traduit par un
allongement accru des délais de traitement avant la remise d’une copie de l’acte au client. Au
sein d’une profession qui se veut exemplaire auprès des pouvoirs publics, et où l’efficacité
est le maître mot, cette situation n’est plus tolérable.
45 - Soulignons que le décret n° 2005-973 du 10 août 2005 consacre l’interchangeabilité des
supports44, ce qui permet au praticien de répondre de manière plus satisfaisante aux
demandes de sa clientèle, et de satisfaire ses propres besoins.
Quelque soit le support initial de la minute, le notaire peut transmettre par voie électronique
des copies authentiques ou exécutoires dans les conditions prévues à l’article 37, alinéa 4 du
décret n° 71-941 du 26 novembre 1971.
46 - Enfin, la consultation de l’archive privée du notaire au sein du MICEN est facilitée et très
rapide, tout en étant sécurisée.
Plusieurs exemples peuvent être cités à titre d’illustration :- La formalité de l’enregistrement de la copie authentique
de l’acte peut être réalisée par l’envoi dématérialisé de la copie aux impôts. - Après la signature des statuts d’une
société, le notaire peut adresser par voie électronique les deux copies authentiques de l’acte au Centre des Formalités
des Entreprises. - Une déclaration d’insaisissabilité peut être adressée directement via le réseau Internet au Registre du
Commerce et des Sociétés ou au Répertoire des Métiers pour inscription de la modification du statut de l’entrepreneur.
44
Aux termes de l’article 33, alinéa 1er du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 : « Les copies authentiques sont
établies soit sur support papier, soit sur support électronique, quel que soit le support initial de l’acte. » Le notaire peut
délivrer une copie authentique sur support électronique à partir d’une minute établie sur support papier (art. 37, al. 1
dudit décret ; de même, il peut délivrer une copie authentique sur support papier à partir d’une minute établie sur
support électronique (art. 36, al. 1 dudit décret).
43
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B - Economies faites sur certaines charges
47 - La conservation électronique des minutes est beaucoup moins coûteuse que la
conservation traditionnelle sur support papier.
L’organisation centralisée de la conservation permet en effet de mutualiser les coûts
d’investissement et de maintenance des supports d’archivage sur l’ensemble des membres
de la profession.
De nombreux coûts induits par l’archivage sur support papier45 disparaissent avec le support
électronique.
48 - Par ailleurs, participant d’une démarche écologique certaine (ne serait-ce que par les
économies faites sur le papier), l’utilisation de l’acte notarié dématérialisé s’inscrit
parfaitement dans la voie du développement durable.
L’impression sur support papier deviendra plus rare 46. Les coûts financiers liés à l’impression
de documents47 et environnementaux sont loin d’être négligeables dans le notariat,
profession réputée très « dévoreuse » de papier.
Il est à espérer que la possibilité d’unifier les supports sera une incitation pour les notaires et
leurs collaborateurs à des comportements éco-citoyens plus responsables.
Les actes notariés sur support électronique seront autant d’actes qui n’utiliseront pas le
support papier. D’où, d’éminentes économies faites sur le papier.
C - Une sécurité juridique et technique accrue
49 - Une fois signé électroniquement, le contenu de l’acte notarié sous forme électronique ne
peut être modifié (in)volontairement, il est figé. Autrement dit, les corrections qu’on pourrait
être tenté de faire48 ou les modifications accidentelles de l’acte sont techniquement
impossibles49. Il faut en effet casser la clé de chiffrement pour modifier le contenu de l’acte.
Ce que craint tout praticien, c’est l’altération ou la perte irréversible du contenu de la minute.
Dans l’univers dématérialisé, c’est le procédé fiable de signature électronique des notaires
qui garantit l’intégrité de l’acte50 (et sert aussi à signer, à l‘instar du signe manuscrit de
signature).
La mise en archive de l’acte notarié au sein du MICEN se fait immédiatement et
automatiquement après le déclenchement du procédé de signature électronique du notaire.
Les échanges avec le MICEN sont sécurisés et le notaire rédacteur bénéficie d’un accès
exclusif et personnel à son archive privée51.
L’acte étant conservé dans l’archive privée du notaire au sein du MICEN, le praticien peut
consulter très aisément et très rapidement sa minute électronique en en faisant la demande
auprès du service du MICEN.
50 - La conservation étant centralisée et placée sous le contrôle du Conseil Supérieur du
Notariat52, les risques d’altération ou de perte de la minute de l’acte sont réduits. De plus,
On pense aux coûts des reliures, des étagères, aux loyers des locaux affectés spécialement à l’archivage des
minutiers, à l’espace occupé par les minutiers au sein des locaux de l’étude, etc.
Même si ceci doit être nuancé. En pratique, l’informatique a paradoxalement entraîné un accroissement de la
consommation de papier. Voir notamment l’article de LAGOUTTE (Christine), « Haro sur le gâchis de papier au bureau »,
paru dans le magazine Express, janv. 2009, p. 123. Cette journaliste indique qu’ « au fil des années et de son explosion,
Internet a fait croître de 4 à 5 % par an la consommation de papier dans le monde de l’entreprise… ».
47
On pense aux coûts d’achat et aux frais de maintenance des photocopieuses et des imprimantes, aux coûts des
ramettes de papier, des cartouches d’encre, et à l’énergie électrique dépensée.
48
A savoir, les surcharges, interlignes, additions.
49
Si tant est qu’ils aient été un jour possible. Rappelons qu’il est juridiquement inconcevable de modifier un acte après
sa signature par les parties. Ce qui guette le notaire est l’approbation des ajouts, ou surcharges par les parties. Il
pouvait arriver que certaines modifications n’aient pas été expressément approuvées par les parties. Avec l e support
électronique, le danger sera dorénavant d’éviter les manipulations accidentelles (copier-coller non désirés, suppression
involontaire de lettres, mots, paragraphes entiers, etc.) avant la signature électronique de l‘acte.
50
L’article 1er, 2 du décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 dispose qu’une signature électronique sécurisée est « une
signature électronique qui satisfait, en outre, aux exigences suivantes : […] ; garantir avec l’acte auquel elle s’attache
un lien tel que toute modification ultérieure de l’acte soit détectable ; »
51
Art. 28, alinéa 3, 2nde phrase du décret n° 71-941 du 26 nov. 1971.
52
Cf. art. 28, alinéa 4 du décret n° 71-941 du 26 nov. 1971.
45
46
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ceci assure une uniformisation des méthodes de conservation électronique. Si le pouvoir
exécutif avait choisi de laisser à chaque notaire la responsabilité de la gestion de son
minutier électronique, il y aurait eu de fortes chances que des disparités se soient installées
entre offices53.
51 - Assurer la conservation électronique fiable des actes notariés s’avère une opération
délicate surtout sur le long terme. Le contenu de l’acte doit rester « intelligible »54, être établi
et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité ; l’auteur de l’écrit doit
pouvoir être identifié55. L’article 28, alinéa 1er du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971
exige que la conservation se fasse dans des conditions de nature à préserver l’intégrité et la
lisibilité de l’acte.
Pour satisfaire à l’ensemble de ces conditions, il est nécessaire d’assurer le maintien
continuel de la sécurisation du procédé de signature électronique. Il doit rester fiable dans le
temps, ce qui veut dire que la signature électronique doit rester sécurisée, le dispositif de
création de signature électronique sécurisé, et le certificat électronique qualifié (article 2 du
décret n° 2001-272 du 30 mars 2001).
Quant à la lisibilité de l’acte, au fil de l’avancé technologique, l’environnement logiciel et
matériel de l’acte deviendra obsolète nécessitant son renouvellement.
Pour y remédier, il est prévu de procéder à des reformatages ou « migrations » réguliers des
minutes électroniques pour les adapter aux évolutions technologiques futures 56. Ces coûts
induits par l’avancée technologique seront mutualisés sur l’ensemble des notaires, et non
supportés individuellement par chaque office.
D - Une (meilleure) interopérabilité des notaires entre eux et des
notaires avec leurs partenaires professionnels
52 - L’un des intérêts de dématérialiser un acte notarié est de permettre sa transmission
électronique.
Pour ce faire, chaque office notarial doit être équipé d’un système informatique de traitement
et de transmission de l’information agréé par le Conseil Supérieur du Notariat 57 qui doit
répondre à un certain nombre de pré-requis techniques58 pour que ce dernier puisse être
interopérable avec celui des autres offices et de ses partenaires privilégiés59.
53 - De cette manière, tous les notaires de France pourront communiquer entre eux via le
réseau intranet Real et s’échanger des actes authentiques, des documents, ou toutes autres
pièces, le tout de manière sécurisée et de façon instantanée.
Une fois l’ensemble des offices notariaux équipés d’un système informatique conforme aux
préconisations du Conseil Supérieur du Notariat, ceci rapprochera les praticiens qui auront
davantage le sentiment de faire partie d’une même communauté de juristes unis et solidaires
(par le jeu des entraides). Aucun notaire ne sera plus isolé, et pourra travailler aussi
rapidement que son confrère ou sa consœur situé(e) dans une grande ville, généralement
proche des administrations et d’autres notaires. La qualité du travail s’en ressentira : il sera
bien plus rapide car plus efficace, et plus homogène.
Les échanges électroniques60 via le réseau intranet Réal, à la fois sécurisés et instantanés,
devront être de plus en plus courant à l’avenir pour constituer le mode de communication
On peut imaginer que certains se soient dotés d’un minutier électronique, et que d’autres n’aient pas pu ou voulu en
être dotés.
54
Cf. art. 1316 du Code civil.
55
Cf. art. 1316-1 du Code civil.
56
Art. 28, alinéa 5 du décret n° 71-941 du 26 nov. 1971.
57
Art. 16, alinéa 1 du décret n° 71-941 du 26 nov. 1971.
58
Ces pré-requis techniques correspondent aux normes et standards définis par le CSN en partenariat avec la société
Real.not.
59
Art. 16, alinéa 2 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971. Quant aux partenaires, il s’agit des administrations
(service de l’état-civil, service du cadastre, centre des impôts, Conservations des Hypothèques, greffes des tribunaux de
commerce, organismes de sécurité sociale), mais aussi les autres professionnels (avocats, géomètres-experts, huissiers
de justice, commissaires-priseurs, généalogistes, etc.).
60
Ces échanges peuvent se faire par audio ou visioconférence.
53
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CHRONIQUE
privilégié. Les circuits empruntés jusqu’alors 61 deviendront rares, pour ne pas dire
exceptionnels. Ces modes de communication par l’interface d’écrans interposés concerneront
aussi bien les simples prises de contact, les demandes de renseignements, les entretiens sur
l’évolution du dossier, comme les rendez-vous de signature des actes en présence des
parties.
L’interconnexion de l’ensemble des études notariales entraînera une synergie entre elles, ce
qui permettra d’améliorer le service rendu à la clientèle, et peut-être développer leurs
activités dans des domaines du droit encore inexplorés.
Ceci va faciliter (et peut-être inciter) la collaboration des notaires à l’occasion de dossiers en
commun (concours, participations), et favoriser l’émulation entre notaires, propice à
l’enrichissement professionnel et à la qualité des prestations juridiques.
54 - La possibilité de dématérialiser le support de la minute permet également de renforcer
les liens de la profession notariale avec les services de l’Etat et les administrations qui y sont
assimilées (Greffes des tribunaux, mairies, Conservations des Hypothèques, Caisse des
Dépôts et Consignations, Direction Générale des Impôts, etc.). En effet, elle rend possible les
échanges informatisés de données.
E - Signature de l‘acte notarié « à distance »
55 - Il ne faut pas se méprendre sur le sens de cette formule. En aucun cas, il ne s’agit de
permettre à un notaire de recevoir un acte tout en étant physiquement éloigné des parties
auxquelles il doit recueillir le consentement. La réception d’un acte notarié hors la présence
de l’officier public est une négation de l’authenticité car le témoignage du notaire n’en serait
pas un. On pourrait émettre des doutes sérieux sur l’authenticité d’un tel acte.
La seule solution envisageable, dans notre situation, est de faire intervenir un second notaire
(qu’on appelle le « notaire distant ») qui recueillera le consentement et la signature de la
partie non présente devant le premier notaire (appelé « notaire instrumentaire »). La distance
ne peut donc qu’être celle séparant chacun des notaires.
56 - Plusieurs auteurs ont craint que l’introduction de l’acte notarié sur support électronique
porte atteinte à la notion d’authenticité. Il est vrai que la possibilité de signer l’acte « à
distance » aurait pu faire penser que l’authenticité puisse être délivrée à distance. Or, il n’en
est rien car la rencontre physique du client avec son notaire est maintenue ; sans cela,
l’authenticité aurait été vidée de sa substance et n‘aurait plus justifier les effets exorbitants
qui lui sont attachés (force probante, date certaine, et force exécutoire).
57 - Le nouvel article 20 du décret n° 71-941 du 26 novembre 197162, modifié par le décret n°
2005-973 du 10 août 2005, consacre expressément la réception « à distance » d’un acte
notarié, et en fixe les conditions juridiques et techniques.
Ainsi, le notaire peut recourir à la réception « à distance » lorsque l’une ou l’autre des parties
n’est pas présente au rendez-vous de signature et qu’elle ne s’est pas faite représentée par
un mandataire au moyen d’une procuration sous seing privé.
La communication entre les notaires basée sur la confiance réciproque pourra s’établir par
visioconférence via le réseau sécurité intranet Real, l’échange de vive voix n’étant pas requis.
58 - Il convient de noter que l’intervention d’un autre confrère ne s’apparente, en aucune
manière, aux autres interventions connues jusqu’alors 63, elle est sui generis. C’est pourquoi
Nous visons principalement le déplacement physique du notaire, les courriers postaux, etc.
Les dispositions de l’article 20 du décret n° 71-941 du 26 nov. 1971 disposent que : « Lorsqu’une partie ou toute
autre personne concourant à l’acte n’est ni présente ni représentée devant le notaire instrumentaire, son consentement
ou sa déclaration est recueilli par un autre notaire devant lequel elle comparaît et qui participe à l’établissement de
l’acte. Cet acte porte la mention de ce qu’il a été ainsi établi. L’échange des informations nécessaires à l’établissement
de l’acte s’effectue au moyen du système de transmission de l’information mentionné à l’article 16. Chacun des notaires
recueille le consentement et la signature de la partie ou de la personne concourant à l’acte puis y appose sa propre
signature. L’acte est parfait lorsque le notaire instrumentaire y appose sa signature électronique sécurisée. »
63
Le concours, la participation ou l’assistance.
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le partage de l’émolument tarifé de rédaction de l’acte a fait l’objet d’une disposition
spécifique dans le Règlement National des Notaires64. L’acte serait incomplet si le notaire
distant n’interviendrait pas, l’acte est vraiment un acte à deux mains. La différence avec la
réception obligatoire par deux notaires est l’absence de leur présence simultanée dans le
même bureau.
La conséquence médiate sera une baisse du nombre de procurations reçues sous la forme
authentique.
CONCLUSION
59 - Les propos élogieux que nous avons émis sur l’acte authentique sur support
électronique doivent cependant être nuancés.
Certes, comme nous l’avons exposé, la dématérialisation accélère les procédures de
traitement des actes notariés aussi bien en amont, au cours, et en aval du rendez-vous de
signature, renforce la sécurisation juridique et technique de la minute pendant sa
conservation, et permet, chose révolutionnaire il y a encore quelques temps, une signature
« à distance » dans le respect de l’authenticité.
Comme nous l’avons souligné supra, les praticiens se sentent encore maladroits à manipuler
des actes virtuels, la profession étant très attachée au papier. La séparation est douloureuse
et a dû mal à se faire. La relation des techniciens de l’authenticité avec le support papier est
si profondément ancrée dans l’inconscient collectif que toute idée de séparation semble
impossible.
60 - Ce nouvel outil à la disposition des praticiens doit encore faire ses preuves en pratique
pour, peut-être, devenir un jour le support par défaut de l’acte notarié.
61 - N’oublions pas que l’authenticité d’un acte notarié sur support électronique repose sur
la technique puisqu’il dépend étroitement de la fiabilité du procédé de signature électronique
utilisé par le rédacteur. Ce procédé de signature doit répondre aux conditions posées par
l’article 2 du décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pour bénéficier de la présomption simple
de fiabilité. Si tel n’est pas le cas, l’authenticité de l’acte pourra être facilement contestée 65,
ce qui pourrait entraîner un accroissement des recours en responsabilité à l’encontre de ce
professionnel.
L’authenticité de l’acte ne dépend plus seulement du notaire qui le reçoit, puisqu’il partage la
maîtrise technique de l’acte avec plusieurs autres personnes parmi lesquelles il faut citer les
SSII66 (techniciens informatiques), l’opérateur de télécommunication (pour la sécurisation du
réseau intranet notarial Real) lors des échanges électroniques, et le Conseil Supérieur du
Notariat à la fois en qualité de tiers certificateur (pour la certification du dispositif sécurisé de
signature électronique) et de tiers archiveur (pour la conservation électronique de l’acte), tout
en restant le seul responsable en cas d’altération ou de perte de la minute.
62 - De plus, la dématérialisation des actes notariés a pu fragiliser les frontières entre l’acte
authentique et l’acte sous seing privé dans l’univers électronique. C’est ainsi que l’acte sous
seing privé sous forme électronique et l’acte authentique sous forme électronique peuvent se
rapprocher sous plusieurs angles. Le Prestataire de Services de Certification Electronique, qui
peut être à la fois tiers certificateur, horodateur et archiveur, remplit plusieurs des fonctions
En l’absence de modifications, le notaire distant n’aurait pu prétendre qu’à la moitié de l’émolument de rédaction, sa
présence virtuelle ne pouvant être assimilée à une présence physique et conduisant nécessairement aux règles de la
participation. Voir à ce sujet les articles 64 et 78 du Règlement National - Règlement inter-cours.
65
Ainsi, la perte de certification du dispositif sécurisé de création de signature électronique, ou encore la perte de
reconnaissance de la qualification du CSN en qualité de prestataire de services de certification électronique peuvent
entraîner l’invalidation du procédé de signature électronique. Il sera alors difficile techniquement de rapporter la preuve
de la fiabilité du procédé de signature électronique.
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Sociétés de Service en Ingénierie Informatique.
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habituellement assignées au notaire. Mais, ce prestataire reste un technicien et en aucun cas
un juriste.
63 - Quoiqu’il en soit, le défi lancé par les pouvoirs publics et relevé avec succès par le
notariat français doit être perçu comme un moyen d’aller en avant et une chance par
l’ensemble des membres de la profession notariale. Ce nouvel instrument les incitera peutêtre à proposer leurs services dans des domaines d’activités jusqu’alors restés à l’écart de
leur sphère.
64 - Il est à espérer que nos propos auront convaincu les plus indécis et plus pessimistes des
praticiens. Rappelons-nous qu’aucune avancée majeure, aucun progrès dans l’histoire ne
s’est fait sans une prise minimale de risques. Le jeu en vaut vraiment la chandelle. Gageons
que les praticiens saisiront la perche providentielle qui leur a été tendue par les pouvoirs
publics pour moderniser leur image et rendre un service à la clientèle encore plus
performant. C’est le vœu que nous formulons.
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