Dis, papa, comment on fait les bébés?

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Dis, papa, comment on fait les bébés?
au quotidien | Éducation 88 |
| No 11, 12 mars 2012 | Migros Magazine |
au quotidien | Éducation
| 89
| Migros Magazine | No 11, 12 mars 2012 |
Dis, papa,
comment on fait
les bébés?
Comment et à partir de quel âge expliquer
la sexualité aux enfants? Au-delà du débat
sur les cours d’éducation sexuelle à l’école,
les premières réponses doivent venir des parents.
Et le plus tôt possible.
T
out le monde se souvient d’une
publicité française pour du lait
où un petit enfant coince son papa avec sa question sur comment on fait
les bébés? La réalité n’est pas loin: vers
5 ans, l’interrogation redoutée surgit à
tous les repas. Pas facile de savoir comment y répondre et depuis quel âge.
«Les bases de la sexualité n’attendent pas la puberté», fait remarquer
Pascale Coquoz. Cette éducatrice en
santé sexuelle intervient dans les écoles
et anime des ateliers destinés aux parents dans le cadre d’Education familiale, une association fribourgeoise de
soutien aux familles ayant des enfants
de 0 à 7 ans. «Les parents sont démunis
face à cette question qui reste taboue»,
constate-t-elle. «Mais notre société
hypersexualisée et le regard tronqué
de certains parents font que beaucoup
d’enfants sont dépassés par les informations sexuelles et ne restent pas à
leur juste place d’enfants.»
L’enfant a besoin
de découvrir son corps
D’où la nécessité, pour l’éducatrice, d’en
parler dès la petite enfance. En restant
au niveau de l’enfant et de ses besoins.
«Pour les bébés, il s’agit déjà de mettre
des mots sur son corps, ses organes génitaux; chacun trouvera ceux qui lui
conviennent, car ce qui n’est jamais
nommé devient tabou. Le jeune enfant a
aussi besoin de découvrir ses mains, ses
pieds, comme ses organes génitaux. Il
faut veiller à ne pas projeter la sexualité
des adultes dans le monde des enfants.»
Par exemple, «le petit garçon qui expérimente son corps et ses plaisirs aura
une érection qui n’est absolument pas
liée au désir sexuel! Cela n’arrivera qu’à
la puberté avec l’arrivée des hormones
sexuelles. Certains garçons ne savent
pas ce qui se passe avec leur pénis. Pourtant, tous les jours de leur vie, ils vivent
des érections. On peut l’expliquer simplement, avec des mots jolis: ton zizi
est tout dur quand tu as très besoin de
faire pipi le matin ou quand il y a de petites chatouilles agréables, parce qu’il a
été touché, c’est automatique, il va se
mettre debout. C’est plutôt rassurant
pour un garçon de le comprendre.»
«Il faut être homéopathique dans les
explications. L’enfant pose des questions de son âge, à nous de lui apporter
des réponses de son âge.» Pareil avec la
question des bébés. Ce n’est pas un hasard si elle arrive entre 4 et 6 ans. Elle
est liée au développement de l’enfant: à
cet âge-là, il s’intéresse beaucoup à l’aspect génital et veut savoir d’où il vient,
comprendre son histoire. «Avec cette
question, il veut peut-être simplement
connaître l’histoire d’amour de ses parents et pas forcément les détails techniques d’une relation sexuelle comme
nous pourrions l’imaginer.»
Quant à savoir précisément comment
expliquer la fabrication des bébés, il n’y
a pas de manière juste ou fausse. L’important c’est que l’enfant sache qu’il est
possible de poser des questions et d’avoir
des réponses. En outre, les enfants se
sont déjà construit un savoir au contact
des autres enfants, des histoires, de la
télévision, etc.
L’histoire de la graine
et de l’œuf
L’enfant a le droit d’être informé sur la sexualité
«A 4 ans, il veut
savoir d’où il vient,
comprendre
son histoire.»
Pascale Coquoz, éducatrice
en santé sexuelle
En octobre dernier, une pétition contre le projet d’intégrer des cours d’éducation sexuelle
dans le programme scolaire alémanique dès
l’enfantine avait fait des vagues jusqu’en
Suisse romande. Où ils figurent déjà dans le
plan d’études. Par exemple dès la deuxième
année enfantine dans le canton de Fribourg.
«Notre rôle, c’est de donner la chance à tous
les enfants d’être informés et accompagnés
dans leur questionnement, de faire contrepoids aux messages qui pourraient être perçus par internet, la télévision ou l’environnement, de savoir aussi où ils peuvent trouver de
l’aide», précise Anita Cotting, directrice de la
fondation Santé Sexuelle Suisse. Ainsi pour les
plus jeunes, les cours d’éducation sexuelle
sont axés sur la prévention des abus avec la
thématique: mon corps m’appartient, j’ai le
droit de dire non.
Les parents sont prévenus lors de séances
d’information. «Ils peuvent refuser que leur
enfant participe à ces cours. Mais c’est rare. Ils
sont plutôt contents que cette information
passe à l’école», conclut Anita Cotting.
«La sexualité des jeunes enfants», cycle de
3 ateliers à Bulle, le 24 avril, 22 mai et 26 juin. Infos
et inscriptions sur www.educationfamiliale.ch
«Graine de bébé», de Serge Bloch et Thierry
Lenain, aux Editions Nathan.
S’il sait que la graine du papa entre dans
le ventre de la maman, il voudra peutêtre comprendre comment. Est-ce par la
bouche? Réfléchir ensemble et conclure
que par la bouche n’entre que les aliments est déjà une réponse. Avant de
tout expliquer, il est important de s’intéresser à ce qu’il sait déjà et compléter
au besoin. Peu à peu, il apprendra que
dans les testicules des hommes, il y a des
graines qui servent à faire des bébés. Que
dans le ventre des femmes, il y a des petits œufs. Et qu’ensemble, cette graine et
cet œuf deviennent un bébé.
«C’est en proposant un dialogue positif et explicite et en transmettant les
valeurs qui se rapportent à la sexualité
humaine que nous contribuons à stimuler l’estime de soi de nos enfants. Ainsi
nous posons également les bases de la
prévention des abus sexuels», conclut
l’éducatrice.
Texte: Isabelle Kottelat
Illustration: François Maret