Quand la nuit tombe sur les rues gelées, les - Croix
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Quand la nuit tombe sur les rues gelées, les - Croix
Quand la nuit tombe sur les rues gelées, les bénévoles de la Croix-Rouge vont au contact des SDF. Publié le 2 janvier Une soixantaine de bénévoles sont engagés cette année dans les maraudes © Photo Les maraudes sont maintenues jusqu’à mi-mai cette année La rencontre des SDF se fait aussi en marchant Le souffle des premiers coups de gel traverse sans pitié la nuit qui tombe. À travers la ville, un escadron invisible de cache-nez poursuit sa bataille quotidienne. Pour vivre. Ou survivre. Les sans-abri rentrent chez eux, dans un squat, dans un recoin de rue ou sous un pont. Avec l'hiver, le rythme est pris. Ils savent que les amis de la Croix-Rouge viennent à leur rencontre. Un autre monde dans le monde de Pau, qui s'endort lentement au chaud. Avec son sourire de fée, Nicole Coulaume coordonne l'action de la soixantaine de bénévoles engagés, cette année, dans les maraudes. « De plus en plus de jeunes nous rejoignent. C'est un signe encourageant », dit-elle en enfilant un bonnet. Ce soir, Jésus lui donne un coup de main. Jésus, c'est ce grand gaillard qui prend le volant du fourgon. José est là aussi. Une première pour lui. « Mon engagement est simple. C'est aider ceux qui n'ont pas eu la même chance que nous. » « Aider ceux qui n'ont pas eu la même chance que nous. » Un manque de couvertures Les soirées des maraudes commencent toujours de la même façon : charger le véhicule de chaussures, chaussettes, couvertures. Préparer l'eau chaude, la soupe ou le café et stocker les sandwiches récupérés chez de fidèles partenaires. « On manque de couvertures. Les gens utilisent des couettes désormais. Les chaussettes chaudes se font rares aussi. » Première étape : la soupe de nuit au foirail. José ouvre les portes. Distribution de boissons chaudes. Une habitante du coin exprime sa mauvaise humeur. L'incident passé, on s'alimente. On se confie. « Après huit mois en foyer, je vis dans un squat. Mais je me suis fait braquer ma couverture la semaine dernière. » Le couple pris en charge ne passera pas une deuxième nuit dehors Aux côtés des habitués, un couple est totalement perdu. Ces deux-là sont arrivés par le train de Bordeaux, la veille. Ils ont passé leur première nuit paloise dehors. « C'est pas bon », lâche la femme, le nez dans son verre. Un coup de fil au 115. Aucune place n'est disponible. Nicole trouve un relais auprès du Secours catholique. Le couple y est conduit. Et l'équipe reprend la route. « En général, nous savons où aller. Il n'y a pas de véritable rendez-vous. Mais ils nous attendent. Et nos relais nous indiquent parfois la présence de quelqu'un à tel ou tel endroit. Alors on y va. » "Ça fait mal au cœur" Dans le quartier Saragosse, ils rendent visite à un Espagnol emmitouflé dans un sac de couchage. Non loin, la glace pend au bout d'un tuyau d'évacuation d'eau. Mais tout va bien, fait comprendre le naufragé. Alors… En quittant le parking, une voiture s'arrête près du fourgon : « Vous avez vu le monsieur qui dort dehors ? Je lui ai donné à manger. Ça fait mal au cœur, hein ? » Toute l'équipe est rassurée. Plus loin, sous une arcade, un homme âgé est réveillé par les lampes de poche. D'après Nicole, il n'est pas bavard. Mais cette nuit, il va échanger quelques mots. A-t-il froid ? « ça va aller », répond la silhouette qui s'évapore dans le noir. De la dignité malgré tout Le secteur de la gare est aussi un carrefour clé pour les maraudes. Le fourgon de la Croix-Rouge est vite repéré. La monnaie d'échange passe par un regard sympa, un merci sincère. Il y a de la fraternité dans ces moments-là. De la dignité. Malgré tout. À l'écart du centre-ville, ceux-là ont choisi de partager un campement avec toiles de tente et feu de bois : « On a l'habitude du froid. »© Photo photos colas declercq « Les gars de la Croix-Rouge sont super », lâche un jeune d'une bande de six ou sept installés autour d'un feu. « Ils quittent leurs familles pour nous. Vraiment, faut le faire. » Le type se lève et donne à Jésus une toile de tente qu'il avait en rab. « Pour ceux qui en ont besoin. Nous, on a ce qu'il faut. » L'hiver n'est pas fini. Sud-Ouest