WEB 27/05/2010 Libération.fr - Tchat Jean-Marc Philibert

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Jean-Marc Philibert: «Au final, Jean Sarkozy a plus d'épaisseur que son père»
Journaliste, l'auteur de «Jean Sarkozy, le fils doré» a enquêté sur le fils du Président, son enfance à
Neuilly, ses débuts fracassants en politique, l'épisode de l'Epad. Il a répondu à vos questions.
Jean Sarkozy,au conseil général des Hauts-de-Seine à Nanterre, le 23 octobre 2009. (Ho New / Reuters)
Marie-Pierre: Comment Jean Sarkozy a-t-il pris votre intention d'enquêter à son sujet? L'avez-vous
rencontré?
Jean-Marc Philibert: Oui, je l'ai rencontré au conseil général des Hauts de Seine, il l'a assez mal pris. Il n'a pas
souhaité me répondre et m'a opposé l'argument selon lequel c'était trop tôt pour lui. Je lui ai demandé si c'était
l'argument qu'il utilisait avec les électeurs!
Come: Votre bouquin c'est du sérieux, ou c'est juste pour être dans l'air du temps, et faire du buzz?
Grenouille: Tout ce tintouin autour du fils du Président, n'est-ce pas un peu démesuré? Après tout, ce
garçon n'a que 23 ans.
En fait, je n'ai pas écrit un livre seulement sur Jean Sarkozy. Vous avez raison, il n'a que 23 ans et on est tous
d'accord ce n'est pas Alexandre Le Grand. Mais parler de Jean Sarkozy, c'est surtout parler des coulisses du
pouvoir et d'une certaine façon de faire de la politique. C'est à cet aspect que je me suis surtout intéressé.
Adrien: Comment Jean Sarkozy a-t-il vécu les suites de la polémique de l'Epad?
Il l'a très mal vécu, dans un premier temps. Au début de l'affaire de l'Epad, il pensait que tout était possible, que
tout était permis et le retour de bâton a été d'autant plus fort. Il a accusé le coup pendant quelques jours, voire
quelques semaines. Aujourd'hui, il en a tiré des leçons, quelque part, il y a gagné en épaisseur politique, si l'on
considère que pour faire de la politique il faut avoir le cuir tanné, mais surtout il a changé sa stratégie politique.
Jusqu'à l'affaire de l'Epad, Jean Sarkozy a eu toutes les portes largement ouvertes. Il faut se rappeler qu'il est
passé de l'ombre à la lumière en à peine quatre mois. L'affaire de l'Epad lui a bien fait comprendre que les
choses ne seraient peut être pas aussi faciles qu'il ne l'imaginait.
Adrien: Quelles sont ses ambitions pour la suite? Et en a-t-il les moyens? Il communique bien mais ce
n'est pas pour autant qu'il a une vraie pensée politique.
Ses ambitions restent de prendre la tête du conseil général des Hauts de Seine en 2011, de s'emparer d'un siège
de député en 2012, et de finir de se constituer une base électorale en emportant une mairie en 2014. C'est cette
stratégie là qui est remise en cause par l'affaire de l'Epad.
Jean Sarkozy doit désormais faire le chemin politique à l'envers: d'habitude, on commence à faire ses preuves et
ensuite on obtient des mandats. Dans son cas c'est l'inverse. Prendre de l'épaisseur politique, c'est son principal
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défi. Il en a les moyens, c'est un véritable animal politique, mais encore faut-il qu'il puisse développer un projet et
qu'il soit capable de se faire un prénom, notamment dans les urnes. Et surtout, loin du fief paternel.
zebre233: A-t-il fini ses études de droit?
Non, il ne les a pas finies. Il triple sa deuxième année de licence de droit, il a déjà obtenu une dérogation
exceptionnelle et s'il ne valide pas son année, en juin ou en septembre, il ne pourra plus continuer dans cette
voie là.
Joe: Votre livre comporte pas mal d'informations sur les rapports de Jean Sarkozy avec la Corse, je
crois. Pouvez-vous nous en dire plus? Et qu'en est-il de ses relations avec Colonna?
La Corse tient une place prépondérante dans la vie de Jean Sarkozy. Sa mère est originaire du petit village de
Vico à quelques encablures de Cargèse. C'est dans cette région que Jean Sarkozy a passé une bonne partie de
son enfance et toutes ses vacances. Sur place, on le considère comme un Corse.
Il a effectivement rencontré Yvan Colonna qui organisait des tournois de foot sur la plage où les grands parents
de Jean Sarkozy possèdent une maison. Ils se sont fréquentés en voisins avant que Colonna prenne la fuite,
accusé du meurtre du préfet Erignac.
La Corse ne l'influence pas dans ses choix politiques mais dans son caractère, qui est complètement différent de
ce qu'on a souvent pu dire: d'un point de vue privé, Jean Sarkozy prend presque systématiquement le contre
pied de son père.
JL: Au début on l'a beaucoup comparé à son père, en disant que c'était un Nicolas Sarkozy, en jeune et
en blond. Qu'ont-ils vraiment en commun?
Ils ont d'abord en commun une ambition précoce et une vraie soif de pouvoir. Mais sur le plan personnel, Jean
Sarkozy est complètement à l'opposé de ce qu'est son père et c'est probablement en réaction à son enfance,
puisqu'il a été élevé par sa mère qui lui a inculqué des valeurs en matière de famille, de mariage, de religion.
Milou: Entretient-il du ressentiment envers son père? Ce qui pourrait expliquer pourquoi il se lance ainsi
à corps perdu dans la politique, si jeune...
Il est presque dans la position oedipienne du fils de divorcé. Il éprouve du ressentiment envers son père qui a
abandonné le domicile familial et, en même temps, veut lui prouver qu'il est, lui aussi, à la hauteur. Aujourd'hui,
ils se sont rapprochés.
A chaque fois que Jean Sarkozy a brigué un poste ou une élection, il l'a fait de son propre chef. Son père l'a
soutenu, sans être à l'origine de ses démarches. Lui cultive le complexe du père absent et est incapable de
refuser quoi que ce soit à son fils.
Votre pseudo: Jean-Christophe Fromantin [maire (divers droite) de Neuilly, ndlr] est-il, pour lui, un allié
ou un adversaire?
C'est clairement un adversaire. C'est même, pour lui, un usurpateur, mais qui est aujourd'hui trop bien implanté
pour être délogé.
JL: Est-ce que Jean sarkozy a lu le livre?
Je le lui ai envoyé la veille de la sortie, mais je n'ai pas eu de retour, et il ne l'a évidemment pas lu avant.
dodcoquelicot: Avez-vous essuyé des refus de la part de proches - ou pas - de Jean Sarkozy quant à
certaines questions?
J'ai essuyé des refus de la part des proches, pas sur certaines questions mais sur le principe même d'un livre
consacré à Jean Sarkozy. Dans un premier temps, tous ont a accepté de me recevoir avant de se rétracter. Jean
Sarkozy, à l'inverse de son père, verrouille strictement sa vie privée.
dodcoquelicot : Vous êtes-vous donné des limites à ne pas dépasser du point de vue de l'éthique et avezvous fait un tri entre vie publique et privée?
Oui, les limites s'imposent d'elles mêmes. Il s'agit d'abord d'un livre politique qui raconte une facette du pouvoir
et, à ce titre, la vie privée ne m'intéressait que dans la mesure où elle révélait une personnalité. Je cherchais des
clés de compréhension mais pas les scandales destinés à rameuter les lecteurs, et pourtant j'en ai entendus...
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dodcoquelicot: Au départ avez-vous voulu écrire un livre autobiographique ou bien satirique?
Au départ, j'ai fait ce livre parce qu'il me semblait que quelque chose, dans l'histoire de ce garçon, ne collait pas.
Il s'agissait d'une démarche de décryptage qui devait coller au plus près des faits, sans complaisance, mais aussi
sans agressivité pour essayer d'être le plus objectif possible.
Epad: Quand vous dites que la cas Jean Sarkozy est révélateur «d'une certaine façon de faire de la
politique», à quoi pensez-vous? Népotisme?
Je pense surtout à une façon de considérer le pouvoir de façon très personnelle, qu'on retrouve rarement dans
les démocraties électives. Il est clair qu'aujourd'hui, cette façon de faire de la politique évoque plutôt un genre de
monarchie républicaine.
Chloe: Comment les fils Sarkozy percoivent-ils Carla Bruni?
Ils l'adorent! Elle a réconcilié le clan Sarkozy après Cécilia, ils se sentent très proches d'elle. Pierre, le frère aîné
de Jean en particulier.
mimi : Est-il franc-maçon?
Non, on lui a proposé de rentrer dans une Loge, proposition qu'il dit avoir refusée.
dodcoquelicot: Craignez-vous un procès, voire une interdiction des ventes?
C'est toujours possible avec une biographie non autorisée. Il y a eu quelques pressions pendant l'enquête, rien
depuis la sortie. On verra les réactions.
MUNICH: Pourquoi le travail journalistique se retrouve de plus en plus dans les livres et de moins en
moins dans nos journaux nationaux?
Aujourd'hui,la plupart des grands titres appartiennent à des groupes industriels, dont les propriétaires sont
souvent proches du pouvoir. Ca limite l'indépendance des journalistes de ces titres, souvent malgré eux.
couscous: Revenez vous sur l'affaire du scooter dans votre livre?
Oui, j'ai retrouvé l'automobiliste avec lequel Jean Sarkozy a été procès. Il m'a confié quelques révélations sur les
dessous de l'affaire et notamment les menaces qu'il a reçues, lui et son témoin. Des menaces si précises qu'elles
laissent peu de doutes sur l'identité de leurs auteurs.
dodcoquelicot: Peut-on trouver Jean Sarkozy «émouvant»?
On peut le trouver sympathique, séducteur, ou beau garçon. Probablement émouvant, car c'est également un
très bon acteur. Les cours de théâtre qu'il a suivis au cour Cochet l'on remarquablement servi dans son parcours
politique. Mais au final, je pense qu'il a plus d'épaisseur que son père.