Arrêt sur images - Portrait d`un ambassadeur

Arrêt sur images - Portrait d'un ambassadeur
01/04/08 11:11
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Mehdi A.
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CHEZ ALAIN
Alain Korkos a animé pendant plusieurs années le blog "La boîte à images". Sa manie irrépressible :
explorer les résonances, dans le fonds imaginaire que partagent beaucoup d'entre nous, des images
d'aujourd'hui.
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chronique Le 29/03/2008 Par Alain Korkos
PORTRAIT D'UN AMBASSADEUR
Rubrique : Coups de com' | Emotion
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La nouvelle campagne publicitaire de Vuitton commence cette semaine, avec cette photographie de Keith Richards signée
Annie Leibovitz :
élections Sarkozy Poutine
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AU MONDE, LE MATCH
DE L'INFORMATION ET
DU MARCHÉ
CARLA, NICOLAS ET
MOI.
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DES CHAINES
PUBLIQUES SANS PUB ?
CHICHE, MAIS...
La légende nous dit que :
« Certains voyages ne se racontent pas avec des mots. New York. 3 heures du matin. Blues en do majeur. »
KAHN DANS LA GUEULE
DU GRAND JOURNAL...
Les photos d'Annie Leibovitz sont toujours très classiques dans la forme, très inspirées de la peinture occidentale. L'image du
guitariste des Stones pour Vuitton ne fait pas exception à la règle et on va voir qu'au-delà de la commande consistant à vendre
des valises, Annie Leibovitz nous délivre ici un message tout personnel.
SARKOZY, NARCISSIQUE
COMPENSATOIRE ?
Allez hop, tentative de décryptage.
LUCET, BERN, ET LES
MYSTÉRIEUX "SIGNES
IMPORTANTS" DE
WINDSOR
Bien que son format en Cinémascope® soit plutôt moderne, cette photo est composée de manière traditionnelle grâce au
Nombre d'Or (1,618), que des générations de peintres et de photographes utilisèrent et continuent d'utiliser. Arg ! C'est quoi le
Nombre d'Or ? La largeur des blocs de pierre de la pyramide de Gizeh qui, multipliée par la vitesse du son au carré nous
donne la distance de la Terre à la Lune ? Que nenni.
Le Nombre d'Or est un rapport idéal, une divine proportion, disaient les Grecs, entre deux distances.
Petit exercice pratique. Prenez une feuille et un crayon, tracez une ligne de 10 cm puis coupez-la en deux aux environs des
deux tiers. Si la moyenne distance mesure 6,18 cm et la petite 3,82 cm, cela signifie 1. que vous avez triché ; 2. que la petite
et la moyenne distance ont un rapport égal à celui existant entre la moyenne et la grande, la distance totale. Vous êtes alors
dans un rapport de 1,618, la divine proportion.
LES CORDONS DE LA
BOURSE
Tous simplement excellent
! Finesse des
rapprochements, clin d'oeil
à la jolie Bettie Page, et
surtout démonstration ...
Par Many Airs
le 12/01/2008
LA CONDITION DE LA
FEMME
je suis une "femme
moderne", indépendante,
avec un travail assurant
les revenus de la famille.
Avec mon mari, nous
partageons...
Appliquons ce principe à notre photographie. Prenons sa
longueur, 317 pixels, et divisons-la par 1,618. Nous
obtenons 195. Si nous mesurons 195 pixels en partant de
la gauche, nous arrivons à ce point d'où part la ligne
verticale bleue. C'est l'endroit idéal pour positionner le sujet
important de l'image.
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=579
Par CLAUDINE BERNAL
le 08/01/2008
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Si, à l'inverse, on mesure 195 en partant de la droite, nous
arrivons à ce point d'où part la ligne verticale jaune. Endroit
stratégique là aussi, puisque ces deux verticales nous
montrent que les rideaux de la fenêtre occupent le centre
exact de la composition alors que le personnage est
décentré.
Il va de soi que la photographe n'a pas pris sa règle
graduée pour mesurer les distances dans son cadre, hein!
Ces mesures se font à l'instinct, grâce à la force de
l'habitude.
Oui mais bon c'est bien joli tout ça mais pourquoi décentrer un personnage ? Parce que si on le centrait, le décor à sa gauche
et à sa droite semblerait totalement superflu. Et par conséquent, on s'empresserait de couper l'excédent d'image pour ce
concentrer sur le sujet. En le décentrant, on confie de l'importance à l'arrière-plan. On lui donne un rôle à jouer, et nous allons
voir que dans ce cas il n'est pas mince.
Passons maintenant à l'éclairage de la scène. Un petit assombrissement des zones qui sont déjà dans l'ombre permet de
constater que la lumière est principalement concentrée sur :
- la table de chevet à gauche ;
- le visage de K. Richards censément éclairé par la
seconde lampe de chevet positionnée de l'autre côté du lit
(en vérité il s'agit d'un éclairage professionnel tenu par un
technicien, visible sur la vidéo du making off) ;
- la lampe posée sur la table à droite ;
- et en option la lumière provenant de la salle de bain à
droite.
Cet éclairage n'est pas innocent, puisqu'il met en valeur les éléments importants de l'image.
À gauche : une lampe recouverte d'un foulard aux motifs
orange indistincts et un verre de boisson également
orange. Ce triangle de lumière se conjugue avec celui de
droite, tous deux servent à encadrer le visage éclairé du
personnage. Quant aux objets de gauche (lampe, foulard et
verre), ils sont le reflet de ceux qui figurent à droite.
Au centre gauche : une lumière diffuse éclaire une tasse,
un livre ouvert et une loupe posés sur la mallette
vuittonnée de la guitare.
Eux aussi sont les rappels de ce qui figure à droite.
Mallette et livre sont placés de manière à épouser la base
du triangle de lumière.
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=579
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Au centre : le blouson de l'ami Keith se dissout dans les
plis du rideau et c'est là que les choses commencent à se
corser pour lui.
Au centre droit : son visage, son buste et sa guitare. Keith Richards, soixante-quatre ans, fatigué par les excès de toutes
sortes. Un visage blanc aux yeux cernés de noir, nude make up avec smokey eye, comme disent les journalistes de Vogue.
Un visage sur lequel est braqué un violent éclairage, un visage semblant fait de cire, presque un masque mortuaire.
Yeux noirs et visage blanc ;
bandeaux noir et blanc dans les cheveux ;
chemise zébrée noir et blanc ;
cases noires et blanches sur le manche de la Gibson ES355.
La mort rôde…
Masque de Beethoven réalisé par J. Danhauser
le 28 mars 1827, deux jours après la mort du
compositeur.
À droite : un plateau posé sur un fauteuil avec une théière,
ce qui semble être une serviette et un verre d'eau.
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=579
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Plus loin sur la table basse, une lampe recouverte d'un
foulard orné de têtes de mort, des livres, une longue-vue et
un crâne.
Alors que la nature morte sur le fauteuil fait penser à celles de Chardin (1699-1779)…
Pichet et verre d'eau, vers 1760.
La Gouvernante attentive, détail, vers 1738.
… l'éclairage, les livres, la longue-vue et le crâne rappellent ces autres natures mortes qu'on appelle des vanités lorsqu'elles
sont assorties d'un crâne.
Le message est clair, il vient des premières lignes de l'Ecclésiaste : « Vanitas vanitatum, omnia vanitas » (Vanité des
vanités, tout est vanité). Et toute la connaissance du monde - ordinairement symbolisée par des livres, des instruments de
musique et des objets scientifiques (compas, globe terrestre, etc.) - ne nous empêchera pas de passer l'arme à gauche, ainsi
que nous le rappellent le crâne et la bougie éteinte. On interprète alors le sens du plateau et de la théière comme la
condamnation d'une autre vanité, celle des plaisirs.
Vanité par Simon Renard de Saint-André (1613-1677)
Vanité par Pieter Evertz van Steenwyck (vers 1615-1654)
Dans la photo, la bougie éteinte est remplacée par cette lampe recouverte d'un foulard à motifs crâniens. Et comme si ça
n'était pas suffisant, une nature morte avec tasse (vanité des plaisirs), loupe et livre (vanité de la connaissance) a été posée
sur la valise pour faire écho à ce qui se murmure à droite.
On comprend mieux, maintenant, le discours Annie Leibovitz : profitant de la commande publicitaire d'un fabricant de sacs, de
vanity-cases, elle nous livre une image piégée en forme de vanité qui n'est pas sans rappeler le double portrait des
Ambassadeurs de Hans Holbein (1533).
http://www.arretsurimages.net/contenu.php?id=579
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Car l'artiste allemand, chargé de représenter Jean de Dinteville (ambassadeur de France à la Cour d'Angleterre) et Georges
de Selve (ami du premier et ambassadeur auprès du Saint-Siège), peignit en vérité une vanité de la connaissance. Avec ses
livres, son instrument de musique, ses objets scientifiques, un crucifix dissimulé derrière une tenture aussi verte que les
rideaux d'Annie Leibovitz, et une anamorphose de tête de mort aux pieds des personnages.
Usé jusqu'à la corde dans son costume d'ambassadeur fatigué, Keith Richards joue un blues à trois heures du matin ;
cependant qu'au-delà de toute servitude commerciale, Annie Leibovitz nous invite à traverser les apparences et à ne pas
oublier que « Tu es poussière et tu redeviendras poussière. »
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CADEAU BONUS
Toujours pour Vuitton, Annie Leibovitz réalisa par le passé les portraits de Mikhaïl Gorbatchev, du couple Graff-Agassi et de
Catherine Deneuve :
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On n'arrête pas le progrès : la version télé de cette chronique est ici.
Par Alain Korkos le 29/03/2008
Mots-clés : Annie Leibovitz , Hans Holbein , Jean-Baptiste-Siméon Chardin, Keih Richards, Mikhaïl Gorbatchev , Vuitton
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